Y a-t-il un lien entre le naturalisme philosophique et l’âge de la terre ?

11 février 2020 Non Par Bible & Science Diffusion

Par Terry Mortenson*

Traduit de l’anglais par Christiane Pagot (décédée en 2016), traductrice de Francis Schaeffer

Alors que nos contemporains s’inquiétent à juste titre de l’impact négatif des thèses de l’évolution biologique, beaucoup de chrétiens ne prennent pas la mesure de l’emprise qu’exerce le naturalisme philosophique sur la géologie et l’astronomie. Ce naturalisme s’enracine dans l’histoire dès le XVIe siècle avec les travaux de Galilée et de Francis Bacon. Les thèses évolutionistes et naturalistes sur la création de la terre fondées sur l’actualisme et l’antiquité supposée de la terre sont apparues vers la fin du XVIIIe siècle. Au début du XIXe siècle, beaucoup de chrétiens ont cherché à harmoniser l’enseignement de la Bible avec certaines thèses géologiques de la terre âgée telles que celle des chaînons manquants et d’un déluge advenu à l’époque de Noé, mais sans bouleversement subséquent ou du moins très circonscrit. De nombreux évangéliques et représentants de la Haute Eglise (High Church ou Eglise d’Angleterre fidèle à la Tradition) restent attachés à l’interprétation littérale de Genèse 1-11. Au XVIIIe siècle, deux mouvements philosophiques – le déisme et l’athéisme – issus des Lumières, élevèrent la raison au rang d’autorité suprême et prirent position contre l’aspect surnaturel de la Bible, considérée comme un livre parmi d’autres. Défenseurs de la thèse de la terre âgée avec ses répercussions sur l’astronomie et la géologie, ils ont précédé Darwin et lui ont fourni les millions d’années nécessaires à sa théorie de l’origine du vivant. Cet héritage démontre à l’évidence que la géologie n’est pas une science impartiale, objective, et que les théories de la terre âgée, du naturalisme et de l’actualisme sont indissociables. L’argumentaire du Dessein Intelligent (DI) utilisé d’ordinaire pour combattre les thèses évolutionnistes ne parvient pas à expliciter la malédiction imposée par Dieu en Genèse 3, ce qui limite son efficacité. Les partisans du Dessein Intelligent devraient admettre l’antériorité du naturalisme par rapport à la représentation qu’en donne Darwin. Un retour aux Ecritures et à leur doctrine d’une terre jeune se présente dès lors comme la grande priorité de notre temps.

* * * * *

L’impact négatif de l’évolution sur le monde d’aujourd’hui suscite beaucoup d’inquiétude. Pour certains, elle aboutit à un chaos moral et spirituel dans la société et dans l’Église. D’autres constatent les dommages occasionnés par le lavage de cerveau qu’opère l’évolution dans la vie intellectuelle et culturelle.
Ils soutiennent très justement que le néodarwinisme (ou toute théorie apparentée à l’évolution biologique telle par exemple « la théorie de l’équilibre ponctué » n’est pas de la science pure, mais plus largement un naturalisme philosophique qui se pare des couleurs de la science. Bon nombre de ces critiques adhèrent au mouvement dit du « Dessein Intelligent » (ci-après DI). Mais beaucoup d’autres font partie du mouvement intitulé « Créationnisme de la Terre jeune » (ci-après CTJ).

J’adhère fortement aux thèses du DI, et j’apprécie une grande partie des écrits des chefs de file du mouvement non seulement eu égard aux problèmes scientifiques relatifs à toutes les théories de l’évolution biologique, mais également parce qu’ils sont conscients du carcan imposé par le naturalisme philosophique [1] (ci-après « naturalisme ») à la science.
Cependant, à en juger d’après les ouvrages, articles et conférences de certains de ces spécialistes, ils ne me semblent pas se rendre compte à quel point la science s’est inféodée au naturalisme. En témoignent les déclarations écrites ou orales de nombre d’entre eux dont par exemple celle-ci : « Nous n’aborderons pas la question de l’âge de la Terre car elle est secondaire et très controversée. Nous traiterons en revanche du problème majeur que constitue la mainmise du naturalisme sur la science » [2]. Ce genre de déclaration renvoie dos à dos les deux problèmes en question. Beaucoup de chrétiens n’ont même pas pris en considération les arguments favorables au créationisme de la Terre jeune car ils estiment que la vision du mouvement du DI est juste et sa manière d’aborder l’évolution plus correcte. Mais ce clivage entre le naturalisme et l’âge de la Terre défie la réalité, ce que j’espère pouvoir démontrer.
Au fil de mes lectures, il me semble que les participants au mouvement du DI n’ont pas appréhendé les origines historiques du contrôle de la science par la philosophie. Peut-être n’ont-ils pas poussé assez loin leurs recherches. Une analyse ponctuelle et plus approfondie de la notion historique de la Terre âgée démontre abondamment que les promoteurs de l’idée d’une Terre et d’un univers âgés interprétaient les données de la réalité physique en fonction de présupposés essentiellement naturalistes. De même, la manière de raisonner des géologues partisans de la Terre âgée et des cosmologistes spécialistes de l’univers ancien révèle que la géologie et l’astronomie sont toutes deux sous la coupe du naturalisme qui régente les sciences biologiques et pratiquement tout l’ensemble de l’université. Je prétends, par conséquent, que l’âge de la Terre se situe au cœur de la domination naturaliste des sciences et que lutter contre le naturalisme à partir des seules sciences biologiques revient à n’assumer qu’une partie du combat. Pire même, car de nombreuses personnalités présentes à la tête du mouvement DI (par exemple, Hugh Ross, Robert Newman, Walter Bradley), loin d’être neutres sur la question de l’âge de la Terre (comme le chef incontesté du mouvement, Phillip Johnson essaye de l’être) sont fortement et activement opposées à la notion de Terre jeune. Même si le mouvement du DI se confronte au naturalisme en biologie, il tolère en fait et va même jusqu’à promouvoir le naturalisme en géologie et dans la cosmologie, stratégie incohérente, car cela revient à saper son efficacité potentielle.

I. ORIGINES HISTORIQUES

Le concept d’une Terre âgée n’a réellement émergé que vers la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, c’est-à-dire avant la théorie controversée de Darwin. Auparavant, en Europe et en Amérique du Nord (où la science avait pris naissance et s’était developpée sous l’influence du christianisme et de présupposés très ancrés dans la Bible), la pensée dominante et à peu près consensuelle était que Dieu avait créé le monde en six jours, environ 6000 ans auparavant, puis l’avait jugé au travers d’une catastrophe, à savoir un Déluge universel. Comment, dès lors, le concept de Terre âgée est-il apparu ? Deux grandes figures du XVIe siècle ont beaucoup contribué au développement de cette idée à la fin du XVIIIe et au début du XIXe. Il s’agit de Galileo Galiléi et de Francis Bacon. Galilée (1564-1642) défendait la théorie copernicienne de la révolution de la Terre autour du soleil, théorie contraire à celle du géocentrisme. Dans un premier temps, la hiérarchie de l’Église Catholique romaine ne fit aucune opposition, mais dès 1633, pour des raisons à la fois culturelles, politiques et religieuses, le pape fit marche arrière et contraignit Galilée à désavouer sa croyance à l’héliocentrisme sous la menace d’une excommunication. Avec le temps cependant, cette vision nouvelle finit par l’emporter, et de nombreux chrétiens tirèrent deux enseignements de la prétendue « affaire Galilée ». Le premier leur venait de Galilée lui-même qui a écrit ceci : « L’intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment aller au ciel, et non la manière dont le ciel fonctionne» [3]. En d’autres termes, la Bible enseigne la théologie et la morale, mais non la cosmologie ni aucune autre science. Le deuxième qui lui est étroitement apparenté était que l’Église ferait beaucoup d’erreurs si elle essayait d’imposer aux scientifiques telles ou telles croyances quant à la configuration du monde [4].

Homme politique et philosophe, Francis Bacon (1561-1626), un savant anglais contemporain de Galilée, joua un rôle décisif dans le développement de la science moderne. Au plan de la théorie, il donna la primauté à l’observation et à l’expérimentation comme méthodes de connaissance effective du monde. Il mit aussi l’accent sur la nécessité d’élaborer la théorie à partir d’un riche corpus de données rassemblées avec grand soin. Mais tout en explicitant sa croyance en une création récente achevée en six jours [5], il préconisait comme Galilée de ne pas réduire à un seul objet d’étude ce qu’il appelait les deux livres de Dieu : la création et les Ecritures. Il déclarait :

« Certains parmi les modernes se sont cependant complus dans cette absurde démarche, avec une totale insouciance, jusqu’à tenter de fonder une philosophie naturelle sur le premier chapitre de la Genèse, le livre de Job et d’autres passages de la Sainte Ecriture – « cherchant (ainsi) les morts parmi les vivants ». Il faut d’autant plus empêcher et réfréner cette folie que le mélange malsain des choses divines et humaines provoque d’une part une philosophie hautement fantaisiste, et d’autre part une religion hérétique » [6].

La grande influence de Galilée et de Bacon provoqua une nette rupture entre l’interprétation de la création (désormais assignée aux scientifiques) et celle des Ecritures (réservée aux théologiens et pasteurs). A l’aube du XIXe siècle, les géologues partisans de la théorie de la Terre âgée, chrétiens et non-chrétiens confondus, se référaient souvent aux déclarations de Bacon et de Galilée pour réduire au silence les « géologues scripturaires », à savoir un groupe de responsables chrétiens et d’hommes de science qui, entre les années 1820 et 1850, présentèrent des argumentaires bibliques, géologiques et philosophiques qui invalidaient les théories de la Terre âgée et défendaient la vérité de la Genèse dans sa littéralité – soit une création en six jours sur une durée de 6000 ans, et un Déluge universel à l’époque de Noé, tous évènements qu’ils situaient à l’origine de la plupart des découvertes géologiques [7]. Le message des partisans de la Terre âgée eut un puissant impact sur l’opinion. Il stipulait que les défenseurs d’une interprétation littérale de la Genèse quant à la création, au Déluge et à l’âge de la Terre commettaient la même erreur que l’Église Catholique romaine à propos du système solaire, trois siècles auparavant. Et les défenseurs de la théorie dominante renchérissaient : « Voyez à quel point cette erreur a freiné les progrès de la science et exposé l’Église au ridicule! »

II. NOUVELLES THEORIES SUR L’HISTOIRE DE LA CREATION

En opposition avec la vision créationniste et longtemps prédominante d’une Terre jeune, divers récits à caractère évolutionniste et naturaliste virent le jour vers la fin du XVIIIe siècle. A cet égard, trois savants français ont exercé une grande influence. En 1778, Georges-Louis comte de Buffon (1708-1788) émit l’hypothèse d’une Terre issue d’une collision entre le soleil et une comète, un magma de lave fondue et lentement refroidie sur une période d’au moins 75 000 ans (chiffre évalué à partir de ses travaux sur le refroidissement des métaux) [8]. Buffon était probablement déiste ou peut-être athée en secret [9]. Pierre Laplace (1749-1827), un athée déclaré, publia sa thèse sur les nébuleuses en 1796 [10]. Il supposait que le système solaire s’était formé à partir de la condensation naturelle d’une masse gazeuse sur une très longue période de temps. Dans sa Philosophie Zoologique de 1809, Jean Lamarck (1744-1829), passé du déisme à l’athéisme [11], proposa une théorie de l’évolution biologique sur de très longues périodes, selon un mécanisme connu sous le nom d’héridité des caractères acquis.
De nouvelles théories géologiques ont également été défendues au tournant du XIXe siècle, à mesure que la géologie parvenait au stade de discipline scientifique.
Abraham Werner (1749-1817) était un minéralogiste allemand probablement déiste [12]. Malgré un très petit nombre de publications, il exerça une énorme influence sur la géologie au travers des nombreux et éminents spécialistes qui avaient été ses élèves.

Il postulait la formation des strates terrestres par des procédés chimiques et mécaniques à partir d’un océan originel unique qui se retirait lentement. Les écrits non publiés de Werner évaluaient l’âge de la terre à environ un million d’années [13]. Sa théorie océanique aussi simple qu’élégante fut très vite rejetée (en raison de son inadéquation aux faits), mais l’idée d’une Terre vieille fit son chemin dans l’esprit de ses élèves.

L’écossais James Hutton (1726-1797) avait une formation médicale, mais se consacra à l’agriculture pendant de nombreuses années, avant de devenir géologue. Selon sa théorie, publiée en 1795, les continents subissaient une érosion continuelle à l’intérieur des bassins océaniques. Les sédiments progressivement durcis se soulevaient par l’effet de la chaleur interne de la Terre pour former de nouveaux continents à leur tour soumis à l’érosion. Ce long processus cyclique ne permettait pas à Hutton d’apporter les preuves d’un commencement de la Terre, et sa thèse le fit très vite accuser d’athéisme par bon nombre de ses contemporains, alors même qu’il était très probablement déiste lui aussi [14].

Ni Werner ni Hutton ne prêtèrent attention aux roches fossilifères. Une autre personnalité allait jouer un rôle clé dans le développement des thèses géologiques d’une Terre âgée : l’anglais William Smith (1769-1839) était un ingénieur spécialiste du drainage ; la construction de canaux en Angleterre et au Pays de Galles lui permit de se familiariser avec les strates et les fossiles. Il doit son titre de « Père de la stratigraphie anglaise » à l’établissement des premières cartes géologiques de l’Angleterre et du Pays de Galles, ainsi qu’à une méthode consistant à utiliser des fossiles pour attribuer des âges relatifs aux strates [15]. Professant un théisme aux contours assez vagues [16], il croyait à une création surnaturelle et à des déluges produits sur des périodes de temps beaucoup plus longues que ne l’indiquait la Bible [17]. Le Français Georges Cuvier (1768-1832) était un célèbre paléontologue et expert en anatomie comparée. Bien que de confession luthérienne, des recherches récentes le placent au rang des déistes irrévérencieux [18]. Sa stature de savant valut à sa Théorie des Catastrophes, descriptive de l’histoire de la Terre, d’acquérir une grande popularité. L’étude des nombreux fossiles du Bassin parisien l’amena à penser qu’au moins quatre inondations catastrophiques à caractère local ou mondial s’étaient produites au cours des âges, la dernière ayant sans doute eu lieu 5000 ans auparavant [19]. Celle-ci a de toute évidence coïncidé avec les dates du Déluge de Noé, et certains de ceux qui ont soutenu la théorie de Cuvier ont établi une connexion entre ces phénomènes ; mais dans sa théorie officielle, Cuvier lui-même n’assimila jamais de façon explicite la dernière des quatre catastrophes au Déluge [20].

En dernier lieu, Charles Lyell (1797-1875), avocat de formation, devint géologue et sans doute aussi déiste (ou unitarien, ce qui est à peu près la même chose) [21]. En 1830, il commença la publication des Principes de la Géologie en trois volumes. Sur la base des idées actualistes de Hutton, Lyell insistait sur la possibilité, voire la nécessité d’expliquer les structures géologiques de la Terre par de lents processus tels l’érosion, la sédimentation, les secousses sismiques, les éruptions volcaniques, etc. se produisant à peu près au même rythme et avec la même force que ce que l’on observe aujourd’hui. Dans les années 1840, ses théories avaient force de loi et étaient devenues le modèle géologique dominant. En conséquence, à l’époque des géologues scripturaires (1820-1850), trois conceptions de l’histoire de la Terre étaient en compétition (voir la carte à la fin du chapitre pour une comparaison graphique). Notons cependant le rôle joué en Angleterre et dans le monde par deux géologues : William Buckland (1784-1856) et Adam Sedgwick (1785-1873) devenus tous deux titulaires d’une chaire de géologie, le premier à l’université d’Oxford en 1813, et l’autre à l’université de Cambridge en 1818. Ordonnés par le clergé anglican, tous deux ont tout d’abord défendu la théorie des catastrophes sur la Terre âgée. Mais sous l’influence de Lyell, tous deux se convertirent à l’actualisme alors que leurs théories du catastrophisme étaient publiquement désavouées au début des années 1830. Buckland est souvent perçu comme un défenseur du Déluge de Noé en raison de son ouvrage de 1823 Reliquiae Deluvianae. Mais cette position apparente en faveur du Déluge recouvrait en fait une critique subtile, d’ailleurs très bien perçue par les géologues scripturaires. Hommes d’influence de par leur position dans la communauté intellectuelle et dans l’Église, Buckland et Sedgwick furent ainsi en mesure d’amener de nombreux chrétiens à adopter dès les années 1820 les théories géologiques sur l’histoire de la Terre, avec pour corollaire l’abandon de leur croyance à l’interprétation littérale de la Genèse et à la signification unique et géologique du Déluge.

Mentionnons cependant un autre fait marquant pour la géologie de cette époque-là. La Société Géologique de Londres (SGL), fondée en 1807, est la première société du monde à s’être exclusivement consacrée à ce genre de recherches. Dès sa fondation, alors que les formations géologiques et les fossiles de la Terre étaient très peu connus, la SGL estima que l’histoire de la Terre était à la fois beaucoup plus ancienne et très différente de celle que présentait la Genèse. Certains de ses membres les plus influents appartenaient au clergé anglican. Mis à part le peu de connaissance des couches géologiques terrestres, notons aussi l’absence, à cette époque, de formation universitaire en géologie ou de géologues de profession. Ceux-ci n’apparurent que dans les années 1830 et 1840, soit bien longtemps après que la notion naturaliste d’une Terre vieille eut été inculquée aux directeurs des sociétés, des publications et des départements de géologie de l’université.

III. LES COMPROMIS DES CHRÉTIENS AVEC LES THÉORIES GÉOLOGIQUES D’UNE TERRE ÂGEE

Dans les premières années du XIXe siècle, les chrétiens firent plusieurs tentatives pour mettre les théories de la Terre âgée en accord avec la Bible. En 1804, Thomas Chalmers (1780-1847), un pasteur âgé alors de vingt-quatre ans, énonça sa théorie de l’intervalle (Gap Theory). Ayant adhéré au mouvement évangélique d’Ecosse après sa conversion en 1811, il en devint l’une des figures de proue [22]. Il importe de noter que la nouvelle théorie fut enseignée avant la formation de la première Société de Géologie (à Londres en 1807) et qu’elle précéda d’une part la Théorie des Catastrophes de Cuvier, publiée en français en 1812 et en anglais en 1813, et d’autre part la théorie de Lyell, publiée en 1830, soit deux décennies plus tard.
La puissante prédication de Chalmers jointe à ses talents d’écrivain rendit cette réinterprétation de la Genèse rapidement populaire auprès des chrétiens, et ce pendant environ un demi-siècle. Cependant, un ministre respecté de l’Église anglicane, George Stanley Faber (1773-1854), commença dès 1823 à promouvoir la thèse des jours bibliques représentés par de longues périodes de temps [23]. Celle-ci n’eut pas l’assentiment général des chrétiens ni singulièrement des géologues, en raison d’un désaccord évident entre l’ordre des évènements en Genèse 1 et l’ordre proposé par la théorie de la Terre âgée. La théorie des jours longs eut plus de succès après que Hugh Miller (1802-1856), éminent géologue écossais et ami de Chalmers, l’eut adoptée et défendue ; entre temps, il avait abandonné la théorie de l’intervalle [24].

Au cours des années 1820, le zoologue et évangélique écossais, le Révérend John Fleming (1785-1857), fit naître la controverse en faveur d’un déluge local [25] (thèse également défendue par Lyell sous l’influence de Fleming). A la fin des années 1830, le grand théologien congrégationnaliste John Pye Smith (1774-1851) émit l’hypothèse que Genèse 1-11 décrivait une création restreinte et un déluge local, et il situait ces évènements en Mésopotamie [26]. Puis, avec le développement de la théologie libérale allemande en Grande-Bretagne dans les années 1830, l’interprétation de la Genèse comme mythe porteur de vérités exclusivement théologiques et morales commença à gagner du terrain. Tout ceci montre clairement que dès 1830, date de la publication par Lyell de la théorie actualiste, la plupart des géologues et une grande partie de l’Église croyaient déjà à une Terre dépassant de loin les 6000 ans d’âge, et à un Déluge n’ayant eu aucune incidence sur l’ensemble des découvertes géologiques. Lyell est trop souvent crédité (ou accusé) de la perte de foi de l’Église en la Genèse. En réalité, la plus grande partie des dégâts causés en la matière est antérieure à Lyell, et imputable à des chrétiens au demeurant foncièrement bibliques ; ce compromis eut lieu en un temps où les géologues disposaient de très peu d’informations sur les roches et les fossiles terrestres. Malgré cela, de nombreux évangéliques et membres de la Haute Eglise n’en demeuraient pas moins attachés à la lecture littérale de la Genèse qui offrait un meilleur fondement à l’exégèse.

De fait, jusqu’en 1845 environ, la grande majorité des commentaires bibliques de la Genèse portait sur une création récente, achevée en six jours, et un déluge qualifié de catastrophe à caractère universel [27]. Il existait donc, au début du XIXe siècle, des théories géologiques concurrentes favorables à une Terre âgée comme aussi des interprétations concurrentes des premiers chapitres de la Genèse également favorables à une Terre âgée, et par ailleurs des « géologues scripturaires » qui s’appliquaient à les combattre toutes.

IV. DEVELOPPEMENTS PHILOSOPHIQUES

En prélude à cette controverse opposant la Genèse à la géologie, le XVIIIe siècle vit également se développer deux conceptions rivales du monde ayant cependant un grand nombre de points communs, à savoir le déisme et l’athéisme. Elles étaient toutes deux issues de la philosophie des Lumières qui éleva la raison au rang d’autorité suprême en matière de vérité ou d’erreur.

Cette intronisation de la raison humaine ébranla non seulement l’autorité de l’Église dans la société, mais donna lieu aussi à toutes sortes d’attaques contre l’aspect surnaturel de la Bible, sapant ainsi son autorité en tant que source de vérité historique, morale et théologique. Le déisme et l’athéisme s’opposaient à une interprétation surnaturelle de l’histoire selon des méthodes légèrement différentes.
Hormis la définition assez vague appliquée par les déistes à un Dieu Créateur et à un commencement surnaturel de la création, rien ne les distinguait des athées au niveau de la conception de l’Ecriture et de la réalité du monde. La Bible n’était qu’un livre d’inspiration humaine, contenant des erreurs, et non la Parole inspirée de Dieu ; l’histoire et le fonctionnement de l’univers s’expliquaient entièrement par les propriétés de la matière et les « lois inviolables de la nature » opérant sur de longues périodes de temps.
Déistes et athées masquaient souvent leurs idées, particulièrement en Angleterre où elles étaient inadmissibles dans l’environnement culturel de l’époque. Bon nombre d’entre eux accédèrent à des postes-clés dans les communautés scientifiques d’Europe et d’Amérique, où ils purent impulser ce qui porte aujourd’hui le nom de naturalisme. Brook commente la subtile influence du déisme diversement incarné dans le naturalisme lorsqu’il écrit :

« En l’absence de mises au point supplémentaires, l’historien (comme aussi les contemporains) pouvaient difficilement comprendre si les thèses qui inspiraient les différents projets étaient chétiennes ou déistes. L’ambivalence elle-même avait son utilité. Car la présentation de découvertes potentiellement subversives dans les termes de la théologie naturelle permettait aux scientifiques de paraître plus orthodoxes qu’ils ne l’étaient vraiment, sans l’inconfort de la duplicité, si d’aventure ils tendaient naturellement à s’aligner sur le déisme » [28].

Mais les effets de la philosophie déiste et athée sur l’étude de la Bible et la théologie chrétiennne se firent sentir sur le continent européen dès la fin du XVIIIe siècle puis en Amérique et en Grande-Bretagne dès le milieu du XIXe siècle. Et pour reprendre les termes de Revenlow dans la conclusion de son impressionnante étude :

« Nous ne pouvons surestimer l’impact de la pensée déiste et des principes de la vision humaniste, imposés comme critères à l’exégèse historico-critique du XIXe siècle ; leurs effets se font encore sentir de nos jours. A cette époque-là, une série de présupposés presque inébranlables fut orientée de façon unilatérale dans une direction entièrement différente » [29].

Dès lors, la vision biblique du monde, qui avait dominé les nations occidentales pendant des siècles, fit rapidement place à une conception naturaliste. C’est dans le cadre de ces révolutions conceptuelles, illustrées par cette réinterprétation des phénomènes naturels et de la Bible, que les géologues scripturaires exprimèrent leur opposition à la géologie de la Terre âgée, dans la première moitié du XIXe siècle. En bref, le déisme (une forme de naturalisme teintée de théologie) s’est brièvement épanoui au début du XVIIIe siècle avant de quitter l’arène publique pour investir, dès le XIXe siècle, la critique biblique libérale puis la science.
Au cours de ces mêmes périodes, l’athéisme (le naturalisme à l’état brut) gagna en popularité et en agressivité, surtout sur le continent européen. Le naturalisme affecta donc l’astronomie et la géologie longtemps avant de s’imposer à la biologie. En 1859, de nombreux géologues de la Terre âgée (tels Sedgwick) s’opposèrent avec vigueur à la théorie darwinienne. Ils ne prirent cependant pas conscience du fait que Darwin appliquait simplement à sa théorie de l’origine des espèces les mêmes présupposés naturalistes qui présidaient aux thèses sur l’origine de la Terre et sur les découvertes des strates fossilifères. Puis la géologie naturaliste a servi à son tour de fondement à la biologie naturaliste.

Il est certain que la théorie de Buffon – selon laquelle le magma terrestre serait apparu après une collision entre le soleil et une comète, puis se serait durci sur une période d’au moins 75000 ans – était une théorie naturaliste. Son déisme l’amena à tenter de séparer la science de la religion et de la métaphysique, comme aussi à rejeter le raisonnement téléologique et toute idée d’intervention surnaturelle ou divine dans la nature. Comment s’étonner alors qu’il ait fermement récusé le fait biblique du Déluge (et dans la foulée toute l’histoire d’une Terre jeune) [30] ! L’hypothèse de Laplace sur l’origine du système solaire auquel il donnait beaucoup plus que 75 000 ans (hypothèse d’où naîtrait plus tard la théorie du « Big Bang ») était d’inspiration athée et donc naturaliste. De même la théorie déiste du géologue Werner concernant la lente récession de l’océan qui serait à l’origine des dépôts fossilifères sur plus d’un million d’années. De même aussi les théories actualistes de Hutton et de Lyell, d’inspiration déiste. La théorie déiste des catastrophes soutenue par William Smith et Georges Cuvier relevait aussi du naturalisme, puisque tous deux faisaient litière des Ecritures et se limitaient aux causes naturelles en matière de découvertes géologiques (et ce en dépit de leur vision supranaturaliste de l’origine de la vie).

V. LA GÉOLOGIE EST-ELLE UNE SCIENCE OBJECTIVE ?

Contrairement à une opinion très répandue, ces défenseurs de la théorie de la Terre âgée étaient loin d’être des interprètes objectifs, impartiaux, du genre à laisser parler les faits. A propos de la géologie du début du XIXe siècle, un éminent historien des sciences a déclaré ceci :

« De façon très significative, les recherches récentes en anthropologie culturelle et en sociologie cognitive ont révélé que l’armature conceptuelle qui rend compréhensible le monde de la nature apparaît surtout dès qu’un scientifique établit une classification [des strates rocheuses]. L’expérience, la formation, les liens avec l’institution, les différents tempéraments et enfin la position théorique du savant jouent tous un rôle dans la définition des frontières particulières admises comme ‘naturelles’» [31].

Ce serait pourtant une erreur de penser que ces facteurs ont influencé tous les scientifiques au même degré. De plus, la vision religieuse du monde (athéisme et agnosticisme compris) joue un rôle déterminant dans la position scientifique d’un individu. La conception de l’univers a été beaucoup plus déterminante dans la formation du concept géologique de la Terre âgée qu’on ne l’a généralement perçu ou admis. Toute vision du monde affecte aussi bien l’observation des faits que leur interprétation. Un autre grand historien des sciences a commenté avec grande justesse l’attitude des scientifiques et des laïcs :

« [Les hommes] ont souvent la perception de ce qu’ils espèrent, tandis qu’ils tendent à ignorer ce qu’ils refusent de voir » [32].

Dans son enrichissante analyse de la controverse des années 1830 concernant la place de la Formation de Devon dans la structure géologique de la Grande-Bretagne, Rudwick écrivait :

« De plus, la plupart des champs d’observation inventoriés qui se rattachaient à la controverse de Devon se révélaient non seulement plus ou moins « imprégnés de théorie » selon l’unique orientation admise aujourd’hui comme allant de soi par la plupart des scientifiques, des historiens et des philosophes des sciences, mais aussi « imprégnés de controverse ». Les observations spécifiques et leur inventaire immédiat sur le terrain tendaient souvent de façon évidente vers la découverte de faits d’expérience non seulement pertinents eu égard à la controverse, mais aussi très persuasifs. Nombre des observations les plus innocemment « factuelles » démontrent à partir de leur contexte qu’elles ont été recherchées, sélectionnées et enregistrées de manière à conforter l’interprétation de l’observateur tout en ôtant tout caractère plausible à celle des adversaires » [33].

Dans sa promotion – opérée sous le manteau – des interprétations actualistes de Scrope sur la géologie du centre de la France, Lyell disait de même en 1827 :

« Il est presque superflu de rappeler au lecteur que les auteurs d’une théorie peuvent aisément ignorer les faits qui la contredisent et, inconscients de leur partialité, se concentrer exclusivement sur ce qui apporte de l’eau à leur moulin » [34].

Pourtant de nombreux géologues d’alors ou d’aujourd’hui diraient que Lyell lui-même était inconscient de ce fait en regard de ses propres interprétations. L’influence de la vision du monde sur l’observation, la sélection et l’interprétation des faits géologiques était donc d’un grand poids, surtout au vu des connaissances des individus et des sociétés au début du XIXe siècle, quand la géologie en était encore à ses balbutiements. Et comme le philosophe des sciences T. Kuhn l’a fort bien noté :

« Les philosophes des sciences ont sans cesse démontré qu’un corpus de données peut toujours supporter plus d’une construction théorique. L’histoire des sciences indique que, surtout pendant les étapes initiales d’un nouveau paradigme, il est même assez facile d’inventer ce genre d’alternatives » [35].

Tout comme le catastrophiste se sentait irrésistiblement poussé à croire, sur la base de preuves « évidentes », à de grands cataclysmes régionaux ou universels, l’actualiste « voyait », lui aussi, les preuves indéniables qu’ils n’avaient jamais existé. De la même manière, les géologues scripturaires tels le Révérend Henry Cole (qui avait très peu de connaissances en géologie) ou le Révérend G. Young (qui avait de grandes compétences en géologie) percevaient tous deux « l’aveuglement » des géologues du camp adverse face aux preuves simples qui suggéraient une création surnaturelle récente et un déluge unique et universel [36].

La partialité des promoteurs de la théorie de la Terre âgée était imputable à diverses influences. Ils se montraient en fait subtilement ou ouvertement hostiles à l’Ecriture Sainte. Les écrits de Charles Lyell nous donnent un bon aperçu des attitudes antiscripturaires de ces géologues. Dans une lettre en date du 11 août 1829 à R. Murchison (un collègue de la même mouvance), soit quelques mois avant la publication du premier volume des Principes actualistes de géologie (1830), Lyell disait :

« J’espère rendre populaire ma charte des progrès de la géologie. Le vieux [Révérend John] Fleming est terrifié et pense que notre époque ne supportera pas des conclusions qui sont en contradiction avec les Livres de Moïse ; le sujet sera sans doute impopulaire et une source d’embarras pour le clergé, mais je n’ai pas peur. Je publierai le tout, mais sous une forme aussi conciliante que possible » [37].

A peu près au même moment, dans sa correspondance avec son ami G. P. Scrope (autre géologue de la Terre âgée et membre du Parlement britannique), Lyell écrivait :

« Si jamais la géologie mosaïque pouvait être abandonnée sans offenser personne, ce serait au travers d’une ébauche historique» [38].

Quelle raison avait Lyell de vouloir débarrasser la géologie du récit historiquement exact (et inspiré) du Déluge ? En tant qu’actualiste, il était en révolte contre son Créateur, Jésus-Christ, et voulait que la géologie fonctionne sur des présupposés naturalistes, à l’instar de son aïeul, James Hutton, qui écrivait :

« L’histoire du passé de notre globe doit être expliquée sur la base de ce qui s’observe de nos jours… Aucune force ne peut être employée qui ne serait pas naturelle au monde, ni aucun développement accepté à part ceux dont les principes nous sont connus » [39].

Alors, contrairement à ce que semblent penser les partisans du DI et les nombreux chrétiens influencés par ce mouvement, le naturalisme (avec son opposition à la Bible et surtout à la Genèse) a noyauté la géologie et l’astronomie à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Cette imprégnation nocive de la science se produisit en même temps que se développait l’approche naturaliste de la Genèse dans la culture biblique. En d’autres termes, selon toute logique, Moïse n’avait pas écrit la Genèse sous l’inspiration de Dieu. La Genèse est plutôt un livre d’inspiration humaine comme tant d’autres, avec des erreurs ; il a été produit – de façon purement naturelle – par de nombreux auteurs et rédacteurs ayant travaillé plusieurs siècles après Moïse.

Mais même si certains partisans du catastrophisme et certains actualistes croyaient en un Créateur et se disaient quelquefois même chrétiens, les théories de la Terre âgée fructifièrent sur le terreau de croyances naturalistes appliquées aux données de la géologie et de l’astronomie. Sans même être tous des adeptes purs et durs du naturalisme, tous s’appuyaient consciemment ou non sur des présupposés qui, pour l’essentiel, étaient naturalistes. Autrement dit, ils reconstruisaient l’histoire de la Terre et du système solaire en se référant exclusivement aux lois et aux processus naturels observables de nos jours, assortis des facteurs « temps » et « hasard » (autrement dit, à l’exclusion des interventions surnaturelles de Dieu dans la Chute de l’homme et le Déluge, car ces derniers contrariaient ou du moins altéraient certaines lois et processus naturels). Ce naturalisme antibiblique allait, cinquante ans plus tard, permettre à Darwin de promouvoir sa théorie biologique de type actualiste pour expliquer l’incroyable projet de développement du vivant. Les thèses géologique et cosmologique d’une vieille Terre et d’un vieil univers ne sont que les produits d’une philosophie naturaliste (autrement dit, une vraie religion) promue sous le couvert de faits scientifiques et également génératrice des théories de l’évolution biologique du néodarwinisme et de l’évolution saltatoire.

VI. NATURALISME ET ACTUALISME

Ce sujet demande à être beaucoup plus approfondi. La réflexion s’est parfois révélée superficielle et incorrecte, comme aussi les écrits des créationnistes de la Terre jeune et de leurs critiques chrétiens ou non-chrétiens, tous défenseurs de la théorie de la Terre âgée. John Reed a rédigé deux articles très utiles [40]. Je désire cependant préciser que les prises de position naturalistes n’impliquent pas nécessairement une conclusion scientifique erronée. Par exemple, celui qui fonde ses observations sur une conception naturaliste du monde pourrait néanmoins en déduire le principe d’inertie. Dans le domaine de l’actualité, Francis Crick, un athée, a participé à la découverte de la molécule de l’ADN. Mais ces exemples illustrent ce que j’appelle la science opérationnelle. Cette recherche se fonde sur la prétendue « méthode scientifique » d’observation, consistant à observer des expérimentations reproductibles dans un environnement sous contrôle, afin de déterminer les méthodes d’opération de la création actuelle ou de telle entité à l’intérieur de cette création. Par exemple, la recherche médicale, la recherche technologique et une grande partie de la recherche en biologie, en chimie et en physique tombent dans la catégorie de la science opérationnelle. C’est le genre de science qui envoie un homme sur la lune, met un réfrigérateur dans chaque cuisine ou découvre des remèdes aux maladies. Cette science n’a toutefois aucun impact significatif sur les doctrines de l’Ecriture et n’est que rarement affectée par les convictions religieuses d’un scientifique. Cependant, la question de l’origine du principe d’inertie, voire de la molécule d’ADN ou encore du commencement, de l’âge et de l’histoire de la Terre et de l’univers (avec tous leurs constituants) est entièrement distincte des précédentes. Cette dernière relève de ce qui est fréquemment appelé « la science des origines ». Ce genre de recherche n’emploie pas la « méthode scientifique » de l’expérimentation (sauf pour suggérer quelquefois des causes possibles aux évènements passés). Il s’agit plutôt pour les spécialistes de déterminer la cause réelle d’un effet actuel, apparu dans un passé impossible à observer (tel que, par exemple, un fossile ou le Grand Canyon), au moyen de la méthode historico-légale d’observation des preuves visibles, méthode relayée par une enquête minutieuse des preuves existantes et circonstanciées du phénomène ancien. La catégorie que constitue la science des origines englobe, par exemple, l’archéologie, la paléontologie et la géologie historique. La science des origines ressemble à l’iconoclaste John K. Reed, qui « démystifie l’histoire actualiste ».

L’étude des informations actuelles est une tentative des chercheurs pour « découvrir le passé ». Les scientifiques des origines ne font alors que reconstruire l’histoire de l’univers, ce qui influe de façon directe et grave sur d’importantes doctrines de l’Ecriture. Car les thèses naturalistes et actualistes pèsent lourdement sur l’observation, la sélection et l’interprétation des données, ce qui peut amener à des conclusions tout à fait erronées. Dans le cas présent, les avertissements de Jésus à propos des mauvais arbres qui ne peuvent produire de bons fruits (Matthieu 7:18), ceux de Paul à propos de la philosophie trompeuse (Colossiens 2:8) et des « disputes de la fausse science » (1 Timothée 6:20) sont tous d’une grande pertinence.

Les théories géologiques de la Terre âgée portaient sur l’histoire. Comme elles sont ancrées dans des présupposés antibibliques, leurs conclusions quant au caractère fallacieux de l’histoire biblique n’ont rien d’étonnant. Le raisonnement naturaliste et même actualiste ne doit pas être entièrement évacué de la pensée chrétienne. Depuis environ la fin de l’ère postdiluvienne, c’est-à-dire de l’ère glaciaire (de 500 à 700 ans environ après le Déluge) [41] à nos jours, les phénomènes physiques (comme, par exemple, les volcans, les séismes, les érosions par l’eau ou le vent, les sédimentations, les chutes de météorites, etc.) sont apparus pour l’essentiel de la même manière qu’aujourd’hui, et avec la même fréquence et la même intensité qu’aujourd’hui. De plus, même si des conditions différentes ont prévalu au départ des processus et des lois naturelles entre la semaine de la création et le Déluge, ces phénomènes connaissaient cependant une certaine uniformité à cette époque-là aussi. Certaines lois naturelles ont pris effet pendant la semaine de création, après la création de tels ou tels éléments (par exemple, les lois de la croissance et de la reproduction des plantes ne se sont pas appliquées avant l’apparition surnaturelle, au Jour 3, des premières espèces végétales ; les lois relatives aux mouvements des corps célestes ont pris effet au moment de leur création, au Jour 4 ; les lois affectant la vie animale n’ont pris effet qu’au Jour 5, quand Dieu créa les oiseaux et les animaux marins). Toutes les lois de la nature étaient certainement opérationnelles au moment où Dieu créa Adam.

Il y eut vraisemblablement une certaine altération de ces lois naturelles du fait de la malédiction divine sur toute la création en Genèse 3, ce qui aboutit à la « servitude de la corruption » dont Paul parle en Romains 8:19-23. Le monde d’aujourd’hui est à la fois semblable et très différent du monde parfait de la création originelle faite en 6 jours. La création dans son état actuel, ce cadre de vie offert à la réflexion des scientifiques, est détériorée par le péché de l’homme et le jugement divin. Aujourd’hui tous les géologues et cosmologistes partisans de la Terre âgée (chrétiens professants ou non) nient l’impact de la Chute, à l’instar de leurs prédécesseurs du début du XIXe siècle. Ce déni présuppose à l’évidence une vision non-chrétienne du monde. Nombre de chrétiens partisans de la Terre âgée refusent ouvertement l’impact cosmique de la Chute. D’autres le rejettent inconsciemment, mais de par leur adhésion à la vision évolutionniste de l’histoire (et malgré leur refus de l’explication darwinienne sur l’origine des diverses formes de vie), ils présupposent sans le vouloir que la malédiction de Genèse 3 n’a eu aucun impact visible sur le reste de la création, humanité exceptée.

Qui plus est, malgré l’action continue de certaines lois pendant le Déluge (par exemple, l’eau continuait à dévaler les pentes à une vitesse suffisante pour éroder et charier les alluvions, le sable, les roches, et les blocs de pierre, mais déposait et triait son contenu à vitesse réduite comme c’est encore le cas aujourd’hui), il se produisit une grande rupture, induite par Dieu dans le cours « normal » de la nature pendant cet évènement qui dura un an, en raison de plusieurs interventions divines (par exemple, le Déluge commença exactement sept jours après que Dieu l’eur annoncé ; Il amena les animaux vers Noé dans l’arche, les écluses des cieux et les sources du grand abîme s’ouvrirent simultanément, à l’échelle du globe, etc.)

A la lumière de ces considérations, les étudiants de la création divine connaissant la Bible devraient ne faire appel à des explications surnaturelles que si la Bible indique clairement une intervention surnaturelle de Dieu (par exemple, la Semaine de Création, la Chute, le Déluge et la Tour de Babel.) Sinon, les chrétiens devraient chercher à expliquer le spectacle de la création au moyen des lois et des processus naturels. Ceux-ci n’imposent aucune obligation à Dieu, mais décrivent les actes ordinaires de sa providence, destinés à entretenir sa création. Rien ne l’oblige à obéir aux lois de la nature. C’est l’inverse qui est vrai. En d’autres termes, les lois naturelles reflètent les usages divins dans la création, alors que les miracles sont simplement des interventions exceptionnelles avec des finalités particulières. Ce que tous les CTJ (les géologues scripturaires du XIXe siècle et les CTJ des cinquante dernières années) ont toujours soutenu, c’est le caractère inspiré et inerrant de Genèse 1-11, soit un récit historique donné aux hommes par le Créateur. Personne ne peut interpréter correctement les preuves concrètes des actes créateurs de Dieu (usage divin du « naturel » ou intervention exceptionnelle du « surnaturel ») s’il ignore la révélation écrite de ces actes. Plus problèmatique encore est le recours aux interprétations naturalistes des preuves concrètes actuelles dans le but avoué de réinterpréter le sens simple et direct de la Parole de Dieu. C’est cependant ce que le mouvement du DI et la plupart des érudits et des chefs de file chrétiens ont fait et prôné à des degrés divers (consciemment ou non, ouvertement ou non) au cours des deux cents dernières années, en esayant d’introduire des millions d’années (et parfois l’évolution darwinienne) dans leur interprétation de l’Ecriture.

VII. LES ARGUMENTS RELATIFS AU « DESSEIN INTELLIGENT » D’UNE EPOQUE PLUS ANCIENNE

Une autre observation s’impose en ce qui concerne le début du XIXe siècle. Avec le développement de l’athéisme à la fin du XVIIIe siècle, les chrétiens et d’autres ont consacré beaucoup d’efforts pour défendre l’existence d’un Dieu créateur. Ils ont développé leurs arguments à partir d’un dessein, d’un projet mis en œuvre en particulier dans les créatures vivantes. Le plus célèbre projet était à l’époque celui de William Paley (1743-1806), qui est au centre de sa Natural Theology et s’intitule Evidence of the Existence and Attributes of the Divinity Collected from The Appearances of Nature [Preuves de l’existence et des attributs de la divinité rassemblées à partir des manifestations de la nature] (1802). Un texte très populaire, réédité une vingtaine de fois jusqu’en 1820, et utilisé comme manuel à l’université de Cambridge jusqu’au début du XXe siècle. Le livre était bien connu de Darwin et de tous ses mentors, partisans de la Terre âgée. D’autres ouvrages semblables circulaient, dont un rédigé par l’un des géologues scripturaires et l’un de ses collègues, homme d’église anglican, le Révérend Thomas Gisborne (1758-1846) qui, en 1818, publia son Testimony of Natural Theology to Chistianity (Témoignage de la théologie naturelle en faveur du christianisme).
Gisborne reconnaisait la valeur du travail de Paley, mais en dénonçait la faiblesse due selon lui à des omissions. L’argument de Paley se bornait à défendre les attributs prétendument positifs de Dieu, telles sa bonté, sa sagesse, son éternité, sa toute-puissance. Mais il ne mettait pas en lumière sa sainteté, ni sa justice, ni sa miséricorde auxquelles la nature rendait témoignage. Autrement dit, Paley avait ignoré l’impact cosmique du péché et du jugement de Dieu sur sa création qui, à l’origine, était parfaite. Gisborne chercha à corriger ce défaut en illuminant le témoignage de la nature à l’égard de ces attributs divins négligés.
Dans les années 1830, les huit célèbres séries des Bridgewater Treatises furent publiées. Les arguments liés au dessein intelligent se fondaient sur : (1) la nature morale et intellectuelle de l’homme, (2) la nature physique de l’homme, (3) la cosmologie et la physique, (4) la physiologie animale et végétale, (5) la main de l’homme, (6) la chimie, la météorologie et la digestion, (7) la géologie (œuvre d’un géologue favorable à la Terre âgée, William Buckland), (8) l’histoire, les habitudes et les instincts des animaux (seul ouvrage rédigé par un créationniste partisan de la Terre jeune). Robson a correctement identifié deux importants points faibles dans ces tentatives pour défendre l’existence de Dieu. D’abord, elles se dissociaient, pour une large part, de la révélation divine (la Bible) au profit d’une théologie naturelle incapable de traiter l’un des plus grands problèmes théologiques, savoir l’existence du mal [42]. Pour le dire simplement, en posant l’existence d’un Concepteur, abstraction faite de la Chute, ils butaient sur la question de savoir quel genre de Concepteur voudrait créer certains des traits pathologiques présents dans notre monde. En second lieu, Robinson discernait dans leurs arguments une tendance (absente chez les auteurs des Bridegwater Treatises) au déisme et même au panthéisme [43]. Quant à l’impact de la Chute, il importe d’abord de considérer les critiques suivantes, portant sur l’argument du dessein intelligent. Le célèbre athée Bertrand Russell a donné les raisons de son athéisme :

« L’une d’elle est qu’en étudiant de près l’argument du dessein intelligent, je m’étonne beaucoup de ce que les gens puissent croire que ce monde, avec tout qu’il contient, avec tous ses défauts, soit le meilleur que l’Omniscient et l’Omnipotent ait été capable de produire en plusieurs millions d’années. Il m’est vraiment impossible de le croire » [44].

Plus récemment, le philosophe évolutionniste David Hull raisonnait de la même manière dans sa critique de l’ouvrage de Philippe Johnson Darwin’s Trial (Intervarsity Press, 1991) qui a, pour l’essentiel, lancé le mouvement du dessein intelligent. Il disait par exemple :

« Le problème posé aux biologistes naturalistes par l’évolution biologique concerne le même genre de dieu que celui que présuppose la version darwinienne (sic) de l’évolution… Le processus regorge d’évènements fortuits, de contingences, de gaspillages incroyables, de mort, de douleur et d’horreur… Quel que soit le dieu que présupposent la théorie de l’évolution et les données de l’histoire naturelle, il n’est pas le Dieu protestant du « pas de gaspillage, pas de manque ». Et pas davantage un Dieu aimant qui se préoccupe de ses œuvres. Il n’est pas même le Dieu terrifiant présenté dans le livre de Job. Le dieu des Galapagos est insouciant, gaspilleur, insensible, presque diabolique. Certainement pas le genre de Dieu que nous serions enclins à prier » [45].

Ce type d’idées s’appliquent même dans le cas où au rejet de l’évolution néodarwinienne succède la croyance en un Dieu qui a créé, de façon surnaturelle, de nouvelles formes de vie au cours de millions d’années de mort, de massacres et d’extinction.

Lors même qu’au XIXe siècle les arguments favorables au DI suscitaient l’enthousiasme des « convertis » de l’époque, ils ne pouvaient endiguer la marée montante de l’athéisme ni d’autres formes de scepticisme antibiblique (et donc d’hostilité envers Dieu).

L’histoire démontre en réalité que les déclarations naturalistes servant de substrat à la thèse de la Terre âgée, du genre « l’âge de la Terre est sans importance » et propres aux défenseurs du dessein intelligent, ont ouvert la voie à la théorie darwinienne. Celle-ci allait, en effet, neutraliser ces affirmations dans l’esprit de la plupart des gens.

VIII. COMPROMIS MODERNE AVEC LE NATURALISME DE LA TERRE ÂGEE

Philippe Johnson et les partisans de l’idée de Terre âgée dans le mouvement du DI ne sont pas remontés assez loin dans leur analyse historique. Johnson semble penser que le naturalisme n’a pris le contrôle de la science qu’après Darwin, ou peut-être même au moment du 100e anniversaire de son livre. Dans le compte rendu d’une célébration internationale ayant réuni 2000 scientifiques à Chicago en 1959, Johnson dit ceci :

« L’évènement majeur de cette triomphale célébration de 1959 fut l’adoption par la science d’un dogme religieux appelé naturalisme ou matérialisme. La communauté scientifique déclarait que rien n’existe en dehors de la nature, et que la matière a tout créé. Elle trouvait un intérêt commun dans ce credo, car il affirmait que rien en principe ne pouvait échapper à la compréhension et au contrôle de la science. »

En réalité, le clivage avait eu lieu à la suite du triomphe de Darwin, car l’autorité de la science se retrouvait prise au piège d’une idéologie ; dès lors, les évolutionnistes crurent ce qu’ils voulaient croire en lieu et place de ce que leur montraient les fossiles, les données génétiques, embryologiques, ou moléculaires [46]. Nancy Pearcey semble également avoir une vision très limitée de l’histoire. Au cours de son excellente intervention à propos de la victoire darwinienne, elle parle de chrétiens ayant essayé de faire la paix avec la théorie de l’évolution :

« Ceux qui ont reformulé la théorie pour la mettre en accord avec le DI espéraient empêcher la mainmise du naturalisme philosophique sur l’idée d’évolution. Ils cherchaient à extraire la théorie scientifique de la philosophie dans laquelle elle s’enracinait » [47].

Mais ces chrétiens et de nombreux autres avant eux autorisaient et même soutenaient (à leur insu) depuis plus de cinquante ans l’assujetissement de la géologie et de la cosmologie au naturalisme, allant jusqu’à défendre la théorie des jours longs ou la théorie de l’intervalle et celle d’un déluge régional pour sauver la théorie de la Terre âgée.
J’ai assisté à la Convention du mouvement en 1996, et donc à la présentation de cet article par Nancey Pearcey. Au cours du débat qui suivit, j’ai attiré l’attention sur la mainmise du naturalisme sur la science au cours des décennies antérieures à Darwin, et ce par le biais de la géologie de la Terre âgée, en me référant à mon doctorat sur ce sujet ; mais je n’ai eu aucune réponse, ni en public, ni en privé. Il semblait que les partisans de la Terre âgée ne voulaient rien savoir du rôle du naturalisme dans la structuration d’une histoire biblique portant sur des millions et des milliards d’années.

La convention en question était parrainée par le ministère chrétien de Campus Crusade (CLM) lequel travaille auprès des responsables universitaires et soutient activement le DI et les protagonistes de la théorie de la Terre âgée, tels Hugh Ross et Walter Bradley.
Grâce à ses liens avec le site Web Origins, CLM cherche à mobiliser « les scientifiques et philosophes de premier plan sur les questions du DI et du théisme » [48]. Ce site déclare avec confiance :

« Pour les chrétiens, la date de la création n’est pas une question de foi importante et ne devrait pas être considérée comme telle, car la Bible n’indique aucune date précise. Ce fait est aisément vérifiable à partir de sources telles que la Bible d’étude New International Version (NIV), la Nouvelle Edition de Genève et les commentaires des évangéliques… Nous pensons donc que les chrétiens sont libres d’entériner les preuves scientifiques dégagées des hypothèses philosophiques hostiles, comme celles du naturalisme » [49].

Pour ceux qui commencent tout juste à aborder le sujet, il doit être dit que l’opinion de la plupart des intellectuels chrétiens sur cette question ne garantit pas une interprétation correcte des Ecritures, car la vox populi universitaire n’est pas ce qui détermine la vérité. Si c’était le cas, la Réforme était dans l’erreur (il n’en est rien), puisque les Réformateurs ont été en minorité pendans plusieurs décennies. A noter cependant le caractère péremptoire de la déclaration imprimée en italique. Ces tenants de la terre âgée ne comprennent pas que les « preuves scientifiques » favorables à des milliards d’années fournissent en réalité une interprétation naturaliste des données géologiques et cosmologiques.
Retirer « les hypothèses philosophiques hostiles » (c’est-à-dire le naturalisme) de la géologie et de l’astronomie revient à retirer les preuves scientifiques de millions et de milliards d’année.

Le livre de Hugh Ross et Fazale Rana, Origins of life (2004), donne un autre exemple du discours qui prétend combattre cette mortelle emprise du naturalisme sur la science tout en soutenant activement les théories « scientifiques » de type naturaliste dans l’Église. Voici ce que dit la publicité de cet ouvrage sur le site Internet de l’organisation Reasons to Believe :

« Les thèses naturalistes ont, des années durant, été monopolisées par l’Université comme étant la seule explication scientifique possible de l’origine de la vie… Rana et Ross font voler en éclats le mythe selon lequel les preuves scientifiques avalisent les théories naturalistes… » [50].

L’origine de la vie est de façon habile et implicite considérée comme l’unique fief du naturalisme. Or il règne aussi dans les théories géologiques et cosmologiques qui statuent sur des milliards d’années, théories que Ross et Rana ont réellement persuadé les laïcs, pasteurs et érudits chrétiens d’accepter et d’appliquer à leurs interprétations de la Bible. Ross et Rana se trompent eux-mêmes ainsi que d’autres chrétiens car ils s’opposent au naturalisme dans la sphère de l’origine de la vie tout en accréditant les théories du Big Bang et des milliards d’années.

Certains créationnistes de la Terre jeune ne semblent pas non plus prendre la mesure exacte du problème. Nelson et Reynolds déclarent aux partisans de la Terre âgée qui débattent avec eux :

« Nous préconisons en conséquence de reporter les questions de chronologie et d’histoire biblique à une période plus sereine. Les chrétiens devraient s’unir pour déraciner cet accaparement stérile et lassant de l’enseignement par le naturalisme méthodologique ou autre » [51].

Mais il n’y aura jamais de période plus sereine, car le péché continuera d’obscurcir l’esprit de ceux qui ne veulent pas se soumettre à leur Créateur et à sa Parole. L’erreur de Nelson et de Reynolds apparaît dans le propos suivant :

« L’essentiel est de s’opposer à toute tentative visant à mettre en conformité le théisme et le naturalisme » [52].

Non, l’essentiel est de s’opposer à la mise en conformité de la révélation biblique avec les lectures naturalistes de la Création, car celles-ci remodèlent la Genèse dans la perspective d’une Terre âgée. Plutôt que d’une alliance mal définie entre théisme et naturalisme, il s’agit d’une union adultère entre la doctrine biblique et le naturalisme. Dès lors, un combat limité à la biologie ne mènera à rien. L’ignorance délibérée de la Bible – surtout de la Genèse – qui illustre l’impact cosmique du péché, des jugements divins de la Chute, du Déluge, et de la Tour de Babel, fût-ce même en défendant le DI à propos du vivant (y compris l’activité divine orientée vers une finalité), cette ignorance donc ne conduira pas les gens au Dieu vivant et vrai, mais les éloignera plutôt de Lui et de sa Parole. Combattre le naturalisme uniquement en biologie, tout en manifestant une tolérance envers le naturalisme, voire en l’encourageant dans les domaines de la géologie et de l’astronomie, ne pourra pas non plus briser l’étau du naturalisme en science. Le « coin » (wedge) du mouvement du DI ne permet pas du tout de progresser dans la vérité. C’est tout au plus un clou qui ne pourra fendre la bûche en deux. Les autorités scientifiques n’adopteront pas pour autant la vision biblique de la Création, et les gens ne seront pas amenés au Dieu de vérité, au Créateur qui a parlé dans un seul et unique livre : la Bible.

***

Dans son ouvrage traitant de « la stratégie du coin », Johnson explique les approches que les chrétiens devraient choisir dans ce qu’il estime être le futur dialogue entre religion et science (un dialogue en fait antérieur de plusieurs années à la naissance du mouvement du DI suite aux efforts des créationnistes de la Terre jeune et d’autres chercheurs). Il déclare ceci :

« Le point de départ doit être le passage biblique qui répond le mieux à la controverse évolutionniste. Il ne se trouve pas dans la Genèse mais plutôt au commencement de l’Evangile de Jean» [53].

Il cite et discute ensuite Jean 1:1-3 puis Romains 1:18-20. Ces passages assurément pertinents ne concernent cependant pas aussi directement que la Genèse le débat entre Création et évolution ou celui de l’âge de la Terre. De plus, les apôtres Jean et Paul croient visiblement au caractère historique et littéral de la Genèse, sur lequel leur enseignement s’appuie, tout comme celui de Jésus. Dans une interview accordée en 2001, Johnson déclarait aussi :

« Je pense que l’une des questions secondaires [du débat Création/évolution] traite des détails chronologiques de la Genèse… Pour ce qui est de l’importance de la Bible, nous devrions déplacer le débat vers le fait le plus important de la Création, c’est-à-dire Jean 1:1… Il importe de ne pas s’arrêter à des questions de détails bibliques qui cous confrontent à d’innombrables incertitudes » [54].

Quels sont les arguments de Johnson pour décider que Jean 1:1 est le fait le plus important de la Création ? Il n’a jamais fourni aucune justification théologique ni biblique à l’appui. Il est très difficile de ne pas penser que ses commentaires tiennent en très piètre considération (allant jusqu’à l’indifférence) le texte inerrant inspiré de Genèse 1-11. Je gage que l’incapacité de Johnson de percevoir (ou d’expliquer à ses lecteurs s’il la perçoit) que la notion de milliards d’années d’histoire géologique et cosmique n’est rien d’autre que du naturalisme philosophique paradant sous couleur de fait scientifique est ce qui l’amène à éviter le texte de la Genèse.

Cet aveuglement vis-à-vis de l’influence du naturalisme de la part d’une personne qui avertit de ses dangers se trouve par ailleurs illustré dans un article de l’un des plus grands philosophes évangéliques, Norman Geisler. En 1998 Geisler, en tant que président de la Société de Théologie Evangélique (Evangelical Theological Society), a prononcé le discours d’usage à la convention annuelle de la STE [55]. Il signalait un certain nombre de philosophies dangereuses qui attaquent l’Église et exercent une influence considérable. Il reconnaît même l’application de l’antisurnaturalisme de David Hume à la géologie, ce qui inaugure ainsi presque deux siècles de naturalisme dans les sciences » [56].

Ce qu’il y a de terriblement ironique et de très décevant est que Geisler a confirmé les positions de Hugh Ross qui, d’une façon agressive, mais subtile (en conscience ou non), encourage la pénétration des théories et de la pensée naturalistes dans l’Église, en persuadant les chrétiens d’accepter les millions d’années et le « Big Bang » comme des faits de science. D’autre part, Geisler déclare, dans son Encyclopedia of Christian Apologetics publiée l’année qui suivit son discours à la STE, que « la plupart des preuves scientifiques donnent à la Terre des milliards d’années » [57]. Mais comme je l’ai montré, ces milliards d’années ne correspondent pas à l’âge de la Terre, mais à l’interprétation naturaliste de ces preuves. La confusion entre preuves et lecture des preuves conduit Geisler à rejeter les jours solaires de Genèse 1 et à croire que les généalogies de Genèse 5 et 11 révèlent des lacunes de milliers d’années, tout en affirmant qu’à première vue, les preuves de la Genèse soutiennent l’idée de jours solaires et non de lacunes généalogiques [58]. Après avoir exposé les diverses réinterprétations de la Genèse allant dans le sens d’une vieille Terre (avec dans tous les cas une lecture naturaliste des preuves scientifiques, qui a été réfutée par les chrétiens partisans de la Terre jeune (CTJ) et présente de graves problèmes d’exégèse), Geisler conclut à tort par ces mots :

« Il n’existe aucun conflit inévitable entre la Genèse et la croyance à un univers de millions, voire de milliards d’années » [59].

Mais Geisler n’est pas le seul philosophe évangélique dont le niveau de formation lui permet de détecter le naturalisme philosophique sans lui permettre d’y parvenir dans la question de l’âge de la Terre. Je ne connais en réalité aucun philosophe évangélique de renom qui soit un CTJ convaincu. Si les philosophes qui ont foi dans la Bible et la défendent ne discernent pas l’influence dominante de la pensée naturaliste sur la géologie et la cosmologie, qu’en sera-t-il du reste de l’Église ? Or c’est justement en cela que se révèle l’influence magique de la pensée de la Terre âgée. Car nous avons tous (à tous les niveaux de compétence) subi un lavage de cerveau. « Lavage de cerveau » est un terme très fort qui demande une explication. Comme nous l’avons vu, c’est à la suite de la publication des Principes de Géologie (Principles of Geology) de Lyell (1830-1833) que la géologie est passée sous le contrôle d’un actualisme dogmatique avec dans le même temps la disparition presque totale de la théorie catastrophiste. Cette situation se reflète dans une définition du « catastrophisme » donnée en 1972 (par deux éminents spécialistes) dans un dictionnaire des sciences :

« Catastrophisme : hypothèse, aujourd’hui à peu près totalement écartée, selon laquelle les changements survenus sur la Terre sont le résultat de grandes catastrophes isolées, de courte durée, en opposition avec l’idée, implicite dans l’actualisme, que des changements mineurs apparaissent en continu » [60].

Cependant, un évènement très inattendu s’est produit à peu près à la même époque en géologie – à savoir la naissance du « néocatastrophisme ». Tous ses partisans étaient des évolutionnistes qui évaluaient l’âge de la Terre en milliards d’années. Dans le sillage des spécialistes du début du XIXe siècle, ils croyaient à une formation rapide du paysage géologique par une suite de catastrophes. L’un des chefs de file du mouvement était Derek Ager, un géologue britannique qui avait mené des recherches dans à peu près cinquante pays du monde. L’un de ses livres étudiait le développement des thèses en présence au XIXe siècle et il a fait ce commentaire révélateur :

« Mon prétexte pour ce long détour (d’amateur) par l’histoire est d’avoir voulu montrer comment la géologie est à mon avis tombée aux mains des théoriciens [c’est-à-dire les actualistes, selon Ager] davantage influencés par l’histoire sociale et politique de leur temps que par leurs observations sur le terrain… En d’autres termes, nous nous sommes laissés conditionner de manière à éviter toute interprétation du passé qui prend en compte des processus extrêmes pouvant être désignés sous le nom de processus ‘catastrophiques’ » [61].

Ager admettait avoir subi ce lavage de cerveau et l’attribuait à sa formation de géologue et à ses premières années de recherche qui l’avaient empêché d’accorder aux faits valeur de preuves quant à l’existence de catastrophes. Malgré la réalité qui lui sautait aux yeux, son esprit était aveuglé par toute une série de suppositions. Mais il n’avait pas conscience du fait que, mis à part le lavage de cerveau imposé par la philosophie socio-politique du XIXe siècle, son aveuglement était dû aussi à tout un appareil philosophico-religieux du nom de naturalisme (il n’en était pas moins une victime consentante, car ses ouvrages indiquent assez clairement son état de pécheur en révolte contre Dieu). En conséquence, et pour peu que je sache, cet aveuglement s’est maintenu jusqu’à sa mort, survenue voici quelques années, eu égard aux fossiles et aux roches qui démontraient abondamment la réalité du Déluge à l’époque de Noé. Si ce conditionnement s’étendait même aux géologues (c’est encore le cas pour la plupart, y compris les géologues chrétiens), pensez à d’autres chrétiens (y compris les plus brillants philosophes évangéliques et les spécialistes de l’Ancien Testament) qui, au travers de leur formation, des musées, des circuits de visite dans les parcs nationaux, des programmes scientifiques de la télévision, etc., ont été amenés à croire que les géologues ont démontré la vieillesse de la Terre (âgée de milliards d’années) et que la catastrophe du Déluge universel (d’une durée d’un an) ne s’est jamais produite.

IX. CONCLUSION

Le contrôle du naturalisme sur la science remonte bien au-delà de Darwin : il a pour origine les théories de la Terre âgée et du vieil univers, à l’aube des XVIIIe et XIXe siècles, voire même les écrits de Galilée et de Francis Bacon (dont les diktats à propos de l’Ecriture et de la science servaient souvent de références aux géologues du début du XIXe siècle). Ce sont eux qui ont enfoncé le premier coin entre l’Ecriture et la science.

L’âge de la Terre a une énorme importance pour qui veut combattre le naturalisme scientifique avec efficacité et rester fidèle à la Parole inspirée et inerrante du Créateur du ciel et de la terre ; Il était présent au commencement, au moment du Déluge, et Il nous a fidèlement et clairement informés des évènements. Le mouvement du DI offre un tel mélange d’agnostiques et de théistes, une telle palette de positions théologiques qu’il ne peut jamais se préoccuper d’être fidèle au vrai Dieu et à sa Parole. Comme noté précédemment, il n’y a réellement aucun « coin » dans la stratégie de Johnson. C’est plutôt un clou qui ne pourra pas fendre la bûche. Une approche conçue sans l’Ecriture ne peut guère atteindre qu’à une définition vague d’un concepteur intelligent (et pas même nécessairement divin). Après avoir délibérément ignoré la doctrine biblique donnée par le Créateur – en particulier dans la Genèse – les arguments du DI ne sauraient constituer une ouverture vers le vrai Dieu.

Si Johnson et les autres tenants du DI veulent en définitive introduire la Genèse dans le débat des origines, je prédis alors que :
– ils seront rétrospectivement accusés de tromperie (accusation déjà formulée par de nombreux évolutionnistes) pour s’être longtemps distancés des CTJ en ignorant la Genèse, et
– ils feront fuir la plupart de leurs collègues partisans de la Terre âgée à l’intérieur du mouvement du DI, qui, pour diverses raisons, refusent de se soumettre à l’autorité de la Parole de Dieu.
Le manque de fidélité à l’Ecriture dans le mouvement du DI devrait inquiéter tout chrétien qui croit à la Bible. Les chrétiens ne sont d’aucune aide au monde évolutionniste et encore moins à Dieu en ignorant sa Sainte Parole.

J’appelle ici mes frères chrétiens engagés dans le mouvement du DI à retourner à la Parole de Dieu et surtout à la Genèse, afin de prendre conscience de la contrainte naturaliste imposée à la géologie, à la cosmologie, et qui conduit les gens à penser à tort que la science a démontré le très grand âge de la Terre. Je les supplie d’employer leurs grandes capacités intellectuelles, leurs talents d’orateurs et d’écrivains à dénoncer le mensonge des lectures naturalistes concernant l’antiquité de la Terre et de l’univers, et de défendre la vérité évidente de la Genèse, à la fois dans l’Église et dans le monde.

Les témoignages abondent et sont clairs. L’ennemi a envahi la sainte citadelle. Les modes de pensée naturalistes (athées) ont progressivement contaminé l’Église depuis ces deux cents dernières années, au moyen des « théories scientifiques » de la Terre âgée et de la théologie libérale. Qui saisira l’épée de l’Esprit (Éphésiens 6:1-7) – surtout Genèse 1-11 – pour aider à expulser l’ennemi, le naturalisme ? La seule alternative est d’ignorer cette invasion, cette pollution, et de les encourager davantage encore par le biais d’un compromis avec la croyance évolutionniste dans les millions d’années.

Visions de l’histoire terrestre au XIXe siècle

Vision biblique (géologues scripturaires)

CS—D—————P———-FS
(Des origines à nos jours : environ 6000 ans).

Le monde est une création surnaturelle (CS) de Dieu en six jours solaires ; il en fut de même des « formes » de vie dans le même espace de temps. Puis Dieu jugea le monde au moyen d’un Déluge universel (D) à l’époque de Noé, ce qui fut à l’origine de la plupart des strates fossilifères découvertes par les géologues ; tous les processus actuels (P) sont pour l’essentiel caractérisés par la continuité depuis le Déluge. Ils resteront invariables jusqu’à la fin du monde que Dieu amènera de façon surnaturelle (FS).

Vision catastrophiste (Cuvier, Smith)

DS———-C———-C———-C———-C————————————P——-C ?—FN ? (FS ?)
(temps écoulé jusqu’à aujourd’hui : « âges non définis »)

Au cours de la longue histoire de la Terre (au moins des millions d’années) depuis la création surnaturelle d’une Terre primitive (DS : Début Surnaturel) par Dieu, il y a eu de nombreuses inondations catastrophiques, locales ou universelles qui ont produit la plupart des dépôts fossilifères/géologiques et la configuration terrestre existante. Après chaque catastrophe (C), Dieu a créé de nouvelles formes de vie de façon surnaturelle. Les catastrophes du passé étant des évènements naturels, il pourrait y en avoir une autre sur la Terre à l’avenir, qui pourrait aussi se terminer de façon naturelle (FN) ou surnaturelle (FS).

Vision actualiste (Hutton, Lyell)

DS ?——————————————————————————————–P————-FN ?
(temps écoulé jusqu’à aujourd’hui : « âges non définis »)

Tous les processus géologiques de la Terre ont (peut-être) eu un commencement (DS : Début Surnaturel) il y a des millions d’années sur une Terre primitive. Ces processus (P) d’érosion, de sédimentation, et impliquant des volcans et des séismes se sont produits jusqu’à aujourd’hui et se produiront à l’avenir dans les mêmes proportions et avec la même intensité qu’aujourd’hui.
Personne ne sait si ces processus naturels ordinaires auront ou non une fin (FN : Fin Naturelle).

Notes

[1] Selon cette philosophie ou vision du monde, active sous différentes étiquettes (matérialisme philosophique, athéisme ou humanisme séculier), la nature (ou matière) est la seule réalité et tout doit et peut s’expliquer par l’action conjointe du facteur temps, du hasard et des lois naturelles sur la matière. Cette philosophie rend compte non seulement du fonctionnement de l’univers mais aussi des conditions de son apparition. Les matérialistes croient au caractère éternel de la matière (dont les formes évoluent) ou attribuent l’apparition de la matière primitive au hasard.

[2] Citons, par exemple, les propos de Philippe Johnson : « Afin d’éviter la confusion et des digressions sans fin, et de fixer notre attention sur ce qui importe vraiment, j’ai résolument écarté toutes les questions d’interprétation biblique et d’autorité religieuse, ce qui me permettra de concentrer toute mon attention sur un seul thème de recherche. Ce thème, formulé dans les termes empruntés à Fr. Seraphim, le voici : « L’évolution n’est pas du tout un fait scientifique, mais une philosophie. » Cette philosophie, c’est le naturalisme.” (Introduction à Fr. Seraphim Rose, Genesis, Creation and Early Man. Platina, Calif. : St. Herman of Alaska Brotherhood, 2000:50).

[3] Galilée, Letter to the Grand Duchess Christina (Lettre à la Grande Duchesse Christina) (1615), traduit et réédité dans Stillman Drake, Discoveries and Opinions of Galileo (New York : Doubleday, 1957) 186, réédité dans D. C. Goodman, éd., Science and Religious Belief 1600-1900: A Selection of Primary Sources (Milton Keynes, U.K.: The Open University Press, 1973) 34.

[4] L’affaire complexe de Galileo Galilei a fait couler beaucoup d’encre. On trouvera une intéressante analyse de la question sous la plume de Thomas Schirrmacher, “The Galileo Affair: history or heroic hagiography?”, Creation Ex Nihilo Technical Journal 14/1 (2000):91–100.
Voir aussi : [accédé le 30 janvier 2004]), et : William R. Shea, “Galileo and the Church”, dans God and Nature, éditeurs. David C. Lindberg and Ronald L. Numbers (Berkeley, Calif. : University of California Press, 1986) 114–35.

[5] Francis Bacon, The Works of Francis Bacon (Londres : n.p., 1819) 2:480–88.

[6] Francis Bacon, traduit par Andrew Johnson à partir de l’édition originale de 1620 de Novum Organum (Londres, n.p., 1859) 43 (Livre I, partie lxv). Voir aussi : Francis Bacon, Advancement of Learning (Oxford, 1906) 46 (Livre I, partie VI.16).

[7] Une analyse extensivement documentée des géologues scripturaux et de leur opposition à la géologie de la Terre âgée peut être trouvée dans ma thèse de doctorat : T. J. Mortenson, “British Scriptural Geologists in the first half of the Nineteenth Century” [Géologues scripturaires britanniques dans la première moitié du XIXe siècle] (Coventry University, Coventry, U.K., 1996). Elle est disponible au Service des Thèses de la Bibliothèque Britannique (www.bl.uk/services/document/brittheses.html) [accédé le 30 janvier 2004] soit sur microfilm pour prêt, soit sur papier pour achat. La maison d’édition New Leaf Press espère pouvoir publier une version révisée au printemps 2004 sous le titre : The Great Turning Point: The Church’s Mistake with Geology—Before Darwin. (NDT : ce livre a, en effet, été édité par Master Books qui est une filiale de New Leaf Press, en février 2004.)

[8] Georges Comte de Buffon, Les époques de la nature (Paris: n.p., 1778). D’après le manuscrit non publié de Buffon, ce dernier croyait en réalité que les roches sédimentaires avaient probablement nécessité au moins trois millions d’années pour se former. Mais sa crainte des réactions de ses contemporains vis-à-vis de cette date reculée le conduisit à mettre la date de 75000 ans dans la version publiée de son livre. Voir Georges-Louis LeClerc, Comte de”, dans Charles C. Gillispie, éd., Dictionary of Scientific Biography [ci-après DSB], 16 vols. (New York : Scribner’s, 1970, 1990) 579.

[9] “Buffon, Georges-Louis LeClerc, Comte de,” DSB 577–78.

[10] Pierre Laplace, Exposition du système du monde, 2 volumes (Paris : Cercle Social, 1796).

[11] John H. Brooke, Science and Religion (Cambridge : Cambridge University Press, 1991) 243.

[12] Leroy E. Page, “Diluvialism and Its Critics in Great Britain in the Early Nineteenth Century”, dans Toward a History of Geology, éd. Cecil J. Schneer (Cambridge, Mass. : MIT, 1969) 257.

[13] Alexander Ospovat, “Werner, Abraham Gottlob”, DSB 260.

[14] Dennis R. Dean, “James Hutton on Religion and Geology: the Unpublished Preface to His Theory of the Earth (1788)”, Annals of Science 32 (1975) :187–93.

[15] William Smith, Strata Identified by Organized Fossils (Londres : n.p., 1816); et Stratigraphical System of Organized Fossils (Londres : n.p., 1817).

[16] Les propres écrits de Smith suggèrent cela, comme également les commentaires du géologue John Phillips, le neveu de Smith et son étudiant en géologie. Voir : John Phillips, Memoirs of William Smith (Londres : [n.p.], 1844) 25.

[17] William Smith, Deductions from Established Facts in Geology (Scarborough : n.p., 1835).

[18] Brooke, Science and Religion 247–48.

[19] Theory of the Earth (Edimbourg : Blackwood, 1913) fut la première traduction en anglais du « Discours préliminaire », titre originel de l’ouvrage de Cuvier dans Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes (Paris, 1812).

[20] C’est l’éditeur écossais des éditions anglaises de Cuvier, Robert Jameson, qui établit un lien entre la dernière catastrophe et le Déluge de Noé, sans doute dans le but de mettre le phénomène en accord avec l’opinion britannique de l’époque. William Buckland, le géologue d’Oxford, rendit cette théorie encore plus populaire. Voir : Martin Rudwick, The Meaning of Fossils (Chicago : University of Chicago Press, 1985) 133–35.

[21] Colin A. Russell, Cross-currents: Interactions Between Science & Faith (Leicester : InterVarsity, 1985) 136.

[22] William Hanna, Memoirs of the Life and Writings of Thomas Chalmers Edimbourg : n.p., 184952) 1.80–81 ; Thomas Chalmers, “Remarks on Curvier’s Theory of the Earth,” dans The Christian Instructor (1814), réédité dans The Works of Thomas Chalmers (Glasgow : n.p., 1836–42) 12:347–72.

[23] George S. Faber, Treatise on the Genius and Object of the Patriarchal, the Levitical, and the Christian Dispensations (Londres : n.p., 1823) 1:chap. 3.

[24] Hugh Miller, The Two Records: Mosaic and the Geological (Londres : n.p., 1854) ; et : Testimony of the Rocks (réimpression de l’édition de 1957 ; Edimbourg : W. P. Nimmo, Hay & Mitchell, 1897) 107–74.

[25] John Fleming, “The Geological Deluge as Interpreted by Baron Cuvier and Buckland Inconsistent with Moses and Nature,” Edimbourg Philosophical Journal 14 (1826):205–39.

[26] John Pye Smith, Relation between the Holy Scriptures and some parts of Geological Science (Londres : Jackson & Walford, 1839).

[27] Voir les analyses et commentaires détaillés avant et durant cette période dans ma thèse (note de bas de page 7) 53-67, également :
(accédé le 3 février 2004).

[28] Brooke, Science and Religion 194.

[29] Henning G. Reventlow, The Authority of the Bible and the Rise of the Modern World, trad. John Bowden (Londres : SCM, 1984) 412.

[30] Article sur Buffon dans DSB 577–78.

[31] James A. Secord, Controversy in Victorian Geology: The Cambrian-Silurian Dispute (Princeton, N. J. : Princeton Univ. Press, 1986) 6.

[32] Colin A. Russell, “The Conflict Metaphor and Its Social Origins”, Science and Christian Belief 1/1 (1989) :25.

[33] Martin J. S. Rudwick, The Great Devonian Controversy: The Shaping of Scientific Knowledge among Gentlemanly Specialists (Chicago : University of Chicago Press, 1985) 431–32.

[34] Charles Lyell, “Review of Scrope’s Memoir on the Geology of Central France”, Quarterly Review 36/72 (1827) :480.

[35] Thomas S. Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions (Chicago : University of Chicago Press, 1970) 76.

[36] Henry Cole, Popular Geology (Londres : J. Hatchard, 1834) 31; George Young, Scriptural Geology (Londres : Simpkin, Marshall and Co., 1838) 74.

[37] Cité dans : John H. Brooke, “The Natural Theology of the Geologists: Some Theological Strata”, Images of the Earth, édité par L. J. Jordanova et Roy S. Porter (British Society for the History of Science, Monographe 1, 1979) 45.

[38] Cité dans Roy Porter, “Charles Lyell and the Principles of the History of Geology”, The British Journal for the History of Science 9/2/32 (juillet 1976):93.

[39] James Hutton, “Theory of the Earth”, Transactions of the Royal Society of Edinburgh, 1785, cité dans A. Holmes, Principles of Physical Geology (Royaume-Uni : Thomas Nelson and Sons Ltd., 1965) 43-44.

[40] John K. Reed, “Demythologizing Uniformitarian History”, Creation Research Society Quarterly (CRSQ) 35/3 (décembre 1998):156-65, et : “Historiography and Natural History,” CRSQ 37/3 (décembre 2000):160-75).

[41] Les créationnistes à la pointe de la recherche dans ce domaine pensent qu’il existe sans équivoque possible des preuves d’une seule ère glaciaire et qu’elle aurait été provoquée par des facteurs climatiques, atmosphériques, géologiques et océaniques présents à la fin du Déluge de 371 jours, à l’époque de Noé. Voir par exemple : Michael Oard, An Ice Age Caused by the Genesis Flood (El Cajon, Calif. : Institute for Creation Research, 1990) ; et : Larry Vardiman, Ice Cores and the Age of the Earth (El Cajon, Calif. : Institute for Creation Research, 1996). Pour une étude moins technique, voir : Don Batten, éd., The Answers Book (Green Forest, Ark. : Master Books, 1990) 199–210.

[42] Pour une comparaison académique récente de la manière dont les partisans du XIXe siècle de la Terre âgée et de la Terre jeune abordaient le problème du mal dans la création, voir : Thane Hutcherson Ury, “The Evolving Face of God as Creator: Earth Nineteenth-Century Traditionalist and Accommodationist Theodical Responses in British Religious Thought to Paleonatural Evil in the Fossil Record” (mémoire de thèse de doctorat, Andrews University, 2001).

[43] John M. Robson, “The Fiat and Finger of God: The Bridgewater Treatises” dans Victorian Faith in Crisis, éd. Richard J. Helmstadter et Bernard Lightman (Basingston, Royaume-Uni : MacMillan, 1990) 111–13.

[44] Bertrand Russell, “Why I Am Not A Christian” (6 mars 1927, conférence donnée à la Société Séculière Nationale, Branche de Londres Sud, Battersea Town Hall), (accédé le 3 février 2004) 4.

[45] David Hull, “The God of the Galápagos”, Nature 352 (8 août 1991) :485–86.

[46] Phillip Johnson, “Afterword: How to Sink a Battleship,” dans Mere Creation: Science, Faith and Intelligent Design, éd. William Dembski (Downers Grove, Ill. : InterVarsity, 1998) 448–49.

[47] Nancy Pearcey, “You Guys Lost”, ibid., 84.

[48] (accédé le 3 février 2004).

[49] (accédé le 3 février 2004) [souligné dans l’original].

[50] (téléchargé le 11 janvier 2004).

[51] Paul Nelson et Mark John Reynolds, “Young-Earth Creationism: Conclusion,” dans : Three Views of Creation and Evolution, éditeurs J. P. Moreland et John Mark Reynolds (Grand Rapids : Zondervan, 1999) 100.

[52] Ibid.

[53] Voir Phillip Johnson, The Wedge of Truth: Splitting the Foundations of Naturalism (DownersGrove, Ill. : InterVarsity, 2000) 151.

[54] Hastie, “Designer genes: Phillip E. Johnson talks to Peter Hastie”, Australian Presbyterian 531 (octobre 2001):4–8; , voir la réponse de Johanson à la question : “A votre avis, quelles sont les problématiques secondaires dans le débat creation-évolution? » (accédé le 3 février 2004).

[55] Norman Geisler, “Beware of Philosophy: A Warning to Biblical Scholars”, JETS 42/1 (mars 1999):3–19.

[56] Ibid., 5.

[57] Norman L. Geisler, Encyclopedia of Christian Apologetics (Grand Rapids : Baker, 1999) 272.

[58] Ibid., 270 (sur les jours) et 267 (sur les généalogies).

[59] Ibid., 272.

[60] D. G. A. Whitten et J. R. V. Brooks, The Penguin Dictionary of Geology (Londres : Penguin Books, 1972) 74. Comme exemple classique de l’incohérence évolutionniste, la definition donnée pour l’actualisme dans ce même dictionnaire contredit ce qu’il dit à propos de l’actualisme dans la définition du catastrophisme !

[62] Derek Ager, The Nature of the Stratigraphical Record (Londres : Macmillan, 1981) 46–47.


A propos de l’auteur

Terry Mortenson

* Terry Mortenson a obtenu son doctorat en histoire de la géologie de l’Université de Coventry en Angleterre, et travaille actuellement comme orateur, écrivain et chercheur avec Answer in Genesis. Avant de rejoindre le personnel d’AiG, il a travaillé comme missionnaire en Europe de l’Est pendant vingt-six ans.