Votre cerveau décide-t-il avant vous ?
Au cours de ces derniers mois, nous avons reçu plusieurs demandes de renseignements concernant la recherche en neurosciences qui saperait le concept du libre arbitre. Les expériences en question mettaient en œuvre des scintigraphies du cerveau qui pouvaient prédire les choix conscients des personnes avant qu’elles ne soient conscientes de leurs choix. Sur la base de ces études, certains ont prétendu que c’est le cerveau qui choisit pour nous, et que ce que nous percevons comme étant nos décisions libres fait simplement partie, en réalité, d’une chaîne d’événements déterministes initiée par des causes purement physiques. Les commentaires d’aujourd’hui abordent ce problème.
Caleb L., des États-Unis, a écrit la chose suivante :
Quelles sont les positions de CMI sur les travaux de recherche menés par Benjamin Libet et John Haynes ? Par exemple : [Lien supprimé en accord avec les règles sur les commentaires.] De toute évidence, nous devons croire au libre arbitre parce que nous sommes chrétiens. Les implications de leurs recherches me font peur, mais je suis sûr que vous avez une explication. Personnellement, ce qui me fait douter de ces dernières, c’est que ces expériences ont été réalisées dans un environnement contrôlé et que les personnes qui ont été l’objet de ces expérimentations savaient qu’elles devaient prendre une décision, préparant de fait leur subconscient à anticiper. Quelles sont les réflexions de CMI sur ces expériences qui ont été réalisées ? Les implications de ces travaux de recherche entreraient en conflit avec le libre choix d’Adam et Ève et donc la création à moins qu’ils ne soient réfutés.
Voici la réponse de Keaton Halley de CMI-USA :
Bonjour Caleb,
Merci de m’avoir donné l’occasion de répondre à cette question, car d’autres ont également exprimé cette même préoccupation. De plus, vous pouvez trouver des articles à ce sujet partout sur Internet et sur des blogs athées.
Je pense qu’il est important d’affirmer que les humains ont été créés par Dieu en tant qu’agents qui font de vrais choix et qui ont de véritables objectifs. Nous ne sommes pas des rouages passifs dans une machine dont les décisions sont déterminées uniquement par des processus physiques. La Bible indique que nous sommes composés d’un corps et d’une âme, et que nos âmes ont une influence sur le monde physique (voir Does the soul violate physics?) En outre, la rationalité et la responsabilité morale semblent requérir la notion, conforme au bon sens, du libre arbitre à un certain niveau.
Mais il n’y a vraiment rien à craindre de ces expériences. Vous avez suggéré que nous pourrions avoir besoin de les « réfuter », mais je soutiendrai qu’il n’est pas nécessaire de remettre en question la recherche en soi, mais seulement les interprétations qui en sont données.
Tout d’abord, voici un récapitulatif de ces études. Plusieurs expériences, menées par Libet, Haynes et d’autres, avaient pour objectif de surveiller l’activité cérébrale de volontaires alors qu’ils effectuaient une simple tâche de prise de décision. La tâche consistait à noter soigneusement l’heure à laquelle ils croyaient avoir pris la décision d’appuyer sur un bouton, puis à appuyer sur le bouton. Les chercheurs ont constaté qu’ils pouvaient correctement prédire les décisions et les actions en observant l’activité cérébrale qui s’est produite à l’avance. Selon les études les plus récentes, les prédictions ont été faites sur la base de l’activité cérébrale qui s’est produite jusqu’à 7-10 secondes avant la décision autodéclarée. La séquence des événements était donc:
A. Activité cérébrale qui pouvait prédire le résultat
B. Laps de temps de 7-10 secondes
C. Décision déclarée
D. Laps de temps de moins de 1 seconde
E. Appui sur le bouton
Les articles de presse fondés sur ces travaux de recherche mettaient en avant des déclarations telles que: « Vous pensez peut-être que vous avez décidé de lire cette histoire – mais en fait, votre cerveau a pris la décision longtemps avant que vous ne le sachiez [1]. » Et dans le lien que vous avez indiqué, Haynes lui-même est cité : « Cela laisse peu de place au fonctionnement du libre arbitre [2]. »
Mais les faits expérimentaux ne conduisent pas à de telles conclusions. Voici sept raisons pour lesquelles ces résultats expérimentaux ne minent pas la liberté humaine.
⦁ Il est possible qu’il y ait un laps de temps entre la prise de décision et le moment de la prise de conscience de cette décision.
La décision signalée à l’étape C indique une prise de conscience d’une décision, mais la prise de conscience n’est pas la même chose que la décision elle-même. Les événements respectifs de décision et de prise de conscience peuvent très bien être séparés dans le temps. Cela signifie qu’une décision aurait pu être prise à un moment donné avant l’étape C, de sorte qu’une partie de l’activité cérébrale pourrait se situer en aval de cette décision. Cela ne veut pas dire que je pense que le temps de latence entre une véritable détermination à agir et la prise de conscience soit probablement de sept secondes ou plus. Pour d’autres raisons que je vais aborder, cette latence pourrait être beaucoup plus courte.
⦁ La prise de décision pourrait ne pas avoir lieu en un instant, mais impliquer tout un processus.
Il se pourrait certainement que les gens délibèrent ou même se préparent à prendre une décision au niveau subconscient avant le moment où ils finissent par agir par la suite. Les philosophes distinguent entre vouloir agir, décider d’agir et exercer un pouvoir actif [3]. Ces étapes peuvent prendre du temps, ce qui suggère que l’activité cérébrale pourrait être corrélée avec les premières parties du processus. Une activité cérébrale précoce pourrait en effet indiquer clairement ce que nous ferons, même si le « point de non-retour » dans le processus de prise de décision n’a pas nécessairement été atteint.
⦁ L’activité cérébrale n’est pas la même chose que la causalité cérébrale.
Le titre de l’article que vous avez mentionné commence par cette phrase : « Le cerveau prend des décisions… » Mais pourquoi penser que le cerveau physique est responsable de la décision? Cette conclusion n’est pas seulement due aux résultats expérimentaux, mais à l’hypothèse (naturaliste) selon laquelle seules les choses physiques ont un pouvoir causal, de sorte que toutes nos décisions doivent finalement être attribuées à une cause physique.
Mais la Bible indique que les humains ont une composante immatérielle qui interagit avec le monde physique. Si les esprits immatériels des volontaires ont utilisé leurs cerveaux pour contrôler leurs doigts pour qu’ils appuient sur des boutons, alors il n’est pas vrai que le cerveau a initié une série d’événements déterministes. Les personnes l’ont fait librement.
⦁ Le succès prédictif fondé sur les scintigraphies du cerveau n’était pas de 100 %.
Les chercheurs ont admis que les prédictions ne se réalisaient pas toujours. Certaines études ont indiqué que c’était ce qui se produisait dans environ 60 % des cas, et même les études les plus précises ont seulement affirmé qu’elles étaient précises à 80-90 %. Cela prouve définitivement qu’une « décision » définitive et irréversible n’a pas encore été prise à l’étape A. Il se peut qu’une décision préliminaire ait été prise à ce moment-là, mais l’esprit délibérait ou conservait encore le pouvoir de changer cette décision, ce qui sape la conclusion déterministe.
⦁ Dans une étude réalisée en 2007 par Brass et Haggard, il a été constaté que même après une « décision » autodéclarée, les sujets avaient encore le pouvoir de changer d’avis avant d’accomplir l’acte [4]
Cela montre que même la « décision » signalée par le sujet (étape C) n’était pas la vraie décision finale. Certains ont appelé avec humour le pouvoir d’opposer son veto à sa propre intention « le libre refus » (free won’t). Ainsi, même si toute la prise de décision supposée avait été déterministe jusqu’à ce point, le pouvoir du « libre refus » au cours de l’étape D laisse une marge de manœuvre pour la volonté d’un agent, et le déterminisme n’a donc pas été démontré. Brass et Haggard ont identifié certaines activités cérébrales associées au processus de veto mais, encore une fois, l’activité cérébrale n’est pas équivalente à la causalité cérébrale.
⦁ L’absence de liberté dans un domaine ne prouverait pas une absence totale de liberté.
Même si ces expériences prouvaient que seules les causes physiques étaient responsables des résultats observés, le contexte est quelque peu artificiel et limité, comme vous l’avez mentionné. Dans des décisions plus complexes de la vie réelle, nous pourrions avoir la liberté même si, dans ces circonstances expérimentales, ce n’est pas le cas. Des athées comme Daniel Dennett ont soulevé ce point précis [5].
⦁ L’argument contre le libre arbitre s’autoréfute.
Pour ceux qui nient le libre arbitre, comment sont-ils arrivés à cette conclusion ? Par délibération mentale sur les implications de ces expériences ? Eh bien, s’il n’y a pas de libre arbitre, alors toutes leurs délibérations mentales étaient en réalité une conséquence de processus physiques non rationnels. Sans liberté, ils n’ont pas raisonné ; ils ont juste réagi – de la même manière que leurs atomes le feraient toujours dans ces mêmes conditions. Mais si seules des forces non rationnelles sont responsables de toutes nos pensées, cela mettrait en péril le fondement permettant de faire confiance à nos propres conclusions. Ainsi, nous ne pouvons argumenter contre le libre arbitre sans le présupposer. Pour plus d’informations, consultez la section articles sur le même sujet ci-dessous.
J’espère vous avoir aidé. Merci de m’avoir contacté.
Articles sur le même sujet
Lecture supplémentaire
Références et notes
- Keim, B., Brain scanners can see your decisions before you make them, 13 avril 2008.
- Smith, K., Brain makes decisions before you even know it, Nature news online, 11 avril 2008.
- Moreland, J.P. and Craign, W.L., Philosophical Foundations for a Christian Worldview, 2nd edition, InterVarsity Press, Downers Grove, IL, 2017, p. 313.
- Brass, M., and Haggard, P., To Do or Not to Do: The neural signature of self-control, Journal of Neuroscience 27(34):9141–9145, 22 août 2007.
- Hendricks, S., Free Will or Free Won’t? Neuroscience on the choices we can (and can’t) make.
Traduit avec l’aimable permission de Creation Ministries International (CMI). L’article original en anglais, « Does your brain make your decisions before you do? » a été publié par CMI le 20 janvier 2018.
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