Le droit et la politique publique : pas des questions liées à l’Évangile ?
Par Jeffery Ventrella
22 octobre 2020
Dans le cycle des actualités de 24 heures d’aujourd’hui, les plaisanteries politiques sont pratiquement inévitables et une grande partie de ce que nous entendons est déplaisante. Prenons quelques exemples récents :
- Robert De Niro fait preuve de grossièreté envers le Président des États-Unis aux Tony Awards[1].
- Un ecclésiastique souvent engagé politiquement lance des provocations raciales et prétend qu’il est seulement «anti-termite» et non antisémite[2].
- Des comédiens de télévision populaires se moquent de l’apparence d’un ancien combattant défiguré de la Marine briguant un mandat au Congrès[3].
- L’ensemble du processus de nomination à la Cour Suprême des États-Unis où le rôle de « conseil et consentement » du Sénat est devenu celui de « rechercher et détruire » le caractère du candidat du « mauvais parti » [4]
Le discours politique semble de plus en plus laid, déplaisant, impoli, vulgaire, immature et contre-productif. . .
La perception populaire est que l’engagement politique au mieux produit une victoire à la Pyrrhus, et au pire est disqualifié de manière fatale par l’accusation qui lui est portée de détourner de l’Évangile, de saper l’Évangile ou de lui ériger des barrières, et de décentrer de l’Évangile.
Et, étant donné ces facteurs [perçus], il n’est pas étonnant que le non-engagement de certains chrétiens bien intentionnés soit de plus en plus justifié qui affirment que la politique « n’a rien à voir avec l’Évangile ; évitons simplement la politique et la recherche du pouvoir pour le bien de l’Évangile ».
Dans de tels contextes culturels, les chrétiens peuvent être tentés de conclure que la politique est sale et qu’aucun chrétien ne devrait être impliqué dans le droit et la politique publique.
Pourtant, et si la politique, au lieu d’être sordide, était plutôt une bonne œuvre ? Et si l’Évangile n’avait pas seulement des implications politiques, mais était en quelque sorte intrinsèquement politique ? Bref, que se passerait-il si la politique[5] relevait de l’Évangile?
Alors que les croyants d’aujourd’hui semblent avoir une multitude d’opinions sur de tels sujets, l’apôtre Paul aborde ces choses avec une clarté rafraîchissante :
Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli, et propre à toute bonne œuvre[6].
2 Timothée 3:16, 17.
Ayons une réflexion sanctifiée : la place publique et le bien commun, qui incluent la politique, sont-ils des domaines qui pourraient bénéficier de l’enseignement biblique ? Y a-t-il quelque chose à apprendre ici ? Y a-t-il des préoccupations liées à la politique qui doivent être corrigées ? Ceux qui travaillent dans ces arènes tireraient-ils bénéfice d’une «instruction dans la justice» ? La politique est-elle une bonne œuvre convenable qui mériterait que les disciples de Jésus s’y engagent ? Ces choses sont-elles des préoccupations qui reviennent à l’Église institutionnelle et à ses porte-paroles ordonnés ?[7]
Si l’Évangile est dans un certain sens politique et si la politique est en partie une bonne œuvre, il s’ensuit que l’Écriture aura un impact sur notre approche de cette bonne œuvre comme découlant d’une démarche issue de l’Évangile. Est-ce que l’Évangile est donc politique ?
Le contexte culturel de l’Évangile : un climat politique
Une foi privatisée tronquée était inconnue des premiers chrétiens, bien qu’ils fussent pieux. Au contraire, leur foi avait une influence publique précisément parce qu’elle était vécue publiquement, ce qui incluait le fait d’être clair sur l’autorité ultime sur le ciel et la terre, ce qui est une notion intrinsèquement politique.
Par conséquent, nous voyons de l’audace attachée aux premières expressions publiques et applications de la théologie, même à de grands risques personnels (et politiques !) Considérez la proclamation de Pierre :
Et il n’y a de salut en personne d’autre, ca il n’y a pas d’autre nom qui ait été donné sous le ciel donné parmi les homme par lequel nous devions être sauvés[8] . . .
Actes 4:12.
C’est une chose d’exprimer une préférence religieuse – c’était certainement courant dans la culture polythéiste de Rome[9]. Cependant, c’en était une autre que de proclamer et de promouvoir un exclusivisme de ses convictions religieuses. C’est cela qui sous-tend l’affirmation de Pierre.
Cet exclusivisme a suscité une réponse provenant de la sphère juridique et politique, dans ce qui pourrait être les premiers «codes du discours». Notez comment les autorités publiques ont répondu :
Après qu’ils les eurent amenés en présence du sanhédrin, le souverain sacrificateur les interrogea en ces termes : Ne vous avons-nous pas défendu expressément d’enseigner en ce nom-là ? Et voici, vous avez rempli Jérusalem de votre enseignement, et vous voulez faire retomber sur nous le sang de cet homme ! Pierre et les apôtres répondirent : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. (…) Furieux de ces paroles, ils voulaient les faire mourir[10].
Actes 5: 27-33.
Certes, ce récit reflète des «implications liées à l’Évangile». Et pourtant, à bien y regarder, il existe des implications politiques compte tenu du contexte culturel. L’opposition romaine et juive n’était pas simplement personnelle ni subjective ; elle était institutionnelle et découlait d’engagements politiques objectifs officiels. Ces engagements se heurtaient à l’engagement politique qui sous-tend l’Évangile : la Seigneurie de Christ.
Pierre a sans aucun doute choisi ses mots pour avoir un impact maximal sur ses auditeurs. Ces mots, en particulier Actes 4:12, sont chargés politiquement de façon latente parce qu’ils imitent et confrontent ainsi directement les mots prononcés par l’homme politique le plus puissant du monde à l’époque : César Auguste, qui avait proclamé quelques années plus tôt :
«Le salut ne se trouve en aucun autre qu’Auguste, et il n’y a pas d’autre nom donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés»[11].
Ethelbert Stauffer, Christ and the Caesars, pp. 81-89.
Comme l’a expliqué un érudit, cela a formé le prédicat d’un inévitable affrontement culturel et politique que nous voyons se manifester à peine quelques années plus tard :
Comme le souligne Ethelbert Stauffer, dans Christ and the Caesars, Auguste se considérait comme «le sauveur du monde à venir». Quand, en l’an 17 av. J.-C., «une étrange étoile brillait dans les cieux, il vit que l’heure cosmique était venue et inaugura une célébration de l’Avent sur douze jours, qui était une simple proclamation du message de joie de Virgile : ‘le tournant des siècles est arrivé. » L’ordre politique incarnait et manifestait la divinité inhérente à l’être, et le salut était donc dans et à travers ce point culminant du pouvoir, César. «Le salut ne se trouve en aucun autre qu’Auguste, et il n’y a pas d’autre nom donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés. Le conflit entre le Christ et César était donc inévitable[12].
Rousas John Rushdoony, The Foundations of Social Order, 64.
La venue du Christ dans ce contexte culturel a précipité un affrontement politique clair, public et manifeste. . .
Et Pierre, succinctement et infailliblement, par l’Esprit, la met dans la bonne perspective, faisant écho et faisant référence – mais sur un ton presque moqueur – à la proclamation et à l’inscription de César. Dans cette «claque» politique et culturelle, il ne peut y avoir qu’une seule autorité ultime. Pierre nous dit que c’est Jésus, et non César et ce point est une affirmation radicale, subversive et inéluctablement politique.
La politique et l’influence politique sont réelles et la politique est nécessaire, et la politique est inévitable, MAIS la politique et le pouvoir politique sont pénultièmes, et non pas ultimes – c’est là le message et le contexte culturels de l’Évangile.
Néanmoins, ce n’est pas parce que l’Évangile est ultime et que la politique est pénultième que l’Évangile est apolitique ou que les disciples de Jésus peuvent être indifférents à la politique. Le contexte culturel dicte – et dictera toujours – le contraire. Jérusalem sera toujours en conflit avec Athènes, comme l’a fait remarquer Tertullien. Et une partie de ce choc est intrinsèquement politique.
Le contexte créationnel de l’Évangile : un climat politique
Le christianisme en tant que vision du monde EST politique dans un sens réel et donc s’engager dans le droit et la politique publique est un appel légitime et de premier ordre. En tant que tel, travailler dans cette arène est tout aussi légitime sur le plan spirituel que le prétendu «ministère à plein temps centré sur l’Évangile». Cela est vrai non seulement étant donné le contexte culturel de l’Évangile, mais aussi à cause de son contexte créationnel.
En s’adressant à ceux qui vivent au cœur du royaume de César (Rome), Paul expose d’abord une cosmologie – la structure de la réalité réelle et le contexte créationnel de l’Évangile[13]. Il le fait avant d’aborder des thèmes théologiques techniques tels que la justification, la sanctification, l’élection, la persévérance, etc. C’est ce contexte cosmologique qui fournit des éléments fondamentaux permettant d’évaluer et de comprendre correctement le droit et la politique. Et cela démontre le caractère politique inhérent à l’Évangile. Ou en d’autres termes, l’on ne peut pas désavouer la politique et prétendre simultanément être «centré sur l’Évangile», si l’on prend la cosmologie de Paul au sérieux.
La cosmologie de Paul, c’est-à-dire le système d’une réalité constituée de deux entités ontologiquement distinctes[14], enseigne deux choses : (1) la réalité et, par conséquent, la loi ont une structure inhérente ; et (2) il ne peut y avoir de neutralité par rapport à cette structure. Tel est le contexte créationnel de l’Évangile et il est aussi incontestablement politique.
PREMIÈREMENT : Paul propose une cosmologie à deux options – quelle est la réalité réelle – et cela a un impact sur ce que comprend la Loi (Romains 1:18-32) :
SOIT la réalité est DEUX, composée du Créateur et de tout le reste (la création) ; SOIT la réalité est UNE : le monisme, une métaphysique unique, exprimée d’une myriade de façons.
Paul avance un argument supplémentaire : la cosmologie de tout un chacun – sa compréhension de la «réalité» – se rapporte au comportement et a donc un impact sur le droit, la jurisprudence et la politique. La vision du monde est en corrélation avec l’éthique.
Voici pourquoi : la réalité dans le système à deux essences distinctes est que Dieu est saint, c’est-à-dire totalement différent de la création. Il existe une distinction Créateur-Créature. Seul le Créateur est indépendant, comme l’affirme Paul lors de son allocution sur la place publique païenne[15]. Il commence et enracine son argument dans la création / cosmologie :
Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite point dans des temples faits de main d’homme ; il n’est point servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses. Il a fait que tous les hommes, sortis d’un seul sang, habitassent sur toute la surface de la terre, ayant déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure[16].
Actes 17:24-26.
Ceci établit une autre affirmation exclusive : seul Dieu est transcendant et par conséquent, SEULE sa loi est vraiment transcendante.
Par conséquent, dans cette cosmologie, dans cette vision de la structure de la réalité, la création, y compris son droit positif et sa politique, est donc nécessairement dépendante et découle de ce Dieu transcendant et indépendant,
car
« En lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être » ; c’est ce qu’ont dit aussi quelques-uns de vos poètes : étant de la race de Dieu[17]. »
Actes 17:24-26.
Par conséquent, parce que le Créateur seul est transcendant (saint et indépendant), sa Loi sera nécessairement et proprement transcendante, c’est la «Loi AU-DESSUS de la Loi» qui est quelquefois appelée loi naturelle. Cette structure engendre des implications qui permettent de comprendre et d’ordonner correctement le droit et la politique.
Comme l’explique Oliver O’Donovan :
«L’État existe pour rendre un jugement», soutient O’Donovan, «mais sous l’autorité du règne du Christ, il rend le jugement selon la loi, jamais comme étant sa propre loi» (DN, 233). La révélation de Dieu en Christ a un effet relativisant sur les pouvoirs en place : «L’activité législative des princes n’était donc pas un commencement en soi ; c’était une réponse à la loi antérieure de Dieu en Christ, en vertu de laquelle elle doit être jugée. La chrétienté a en effet refusé le lieu commun classique selon lequel le dirigeant était «la loi vivante», son autorité personnelle ne pouvant être distinguée de l’autorité de la loi qu’il a donnée » (DN, 234).
James K. A. Smith, Awaiting the King: Reforming Public Theology.
Il conclut alors comme suit :
Et ainsi à partir de la matrice de la chrétienté, «nous assistons à la naissance du droit constitutionnel» : «La loi ne procède pas seulement du souverain ; elle le précède. Sa propre légitimation doit être une question de recours à la loi » (DN 236)[18].
James K. A. Smith, Awaiting the King: Reforming Public Theology.
L’autorité politique terrestre n’est politique que par délégation parce qu’elle découle d’une autorité politique ultime : Christ le Seigneur. En conséquence, toute autorité terrestre, y compris l’autorité politique, bien que généralement légitime[19], doit provenir «d’en haut» comme Jésus l’a dit au politicien Pilate (Jean 19:11) – elle n’est NI autonome NI indépendante – et elle s’aligne et est cohérente avec la loi supérieure, ou non[20].
Écrivant en 1981, un commentateur l’a formulé de cette façon, en utilisant à nouveau une terminologie totalement biblique – et inéluctablement politique :
Jésus-Christ est Seigneur. C’est l’affirmation première et finale que font les chrétiens sur toute la réalité, y compris la politique. Les croyants affirment maintenant par la foi ce qui un jour se manifestera à la vue de tous : toute souveraineté terrestre [états, nations, etc.] est subordonnée à la souveraineté de Jésus-Christ[21].
D. A. Carson, Christ and Culture Revisited.
La politique en soi ne peut pas être «sale» parce que le Christ lui-même détient une fonction politique dont toute autorité terrestre dérive : il est Seigneur[22].
Un autre érudit l’a exprimé ainsi :
La foi chrétienne soit touche à la vie entière, soit ne concerne aucun de ses domaines : soit les revendications de Dieu sont totales, soit Il n’est pas Dieu. Demander au christianisme de rester sur son propre territoire, c’est de lui demander de rester dans toutes les sphères de la vie[23].
R. J. Rushdoony, Thy Kingdom Come, 178.
— Y compris cultiver une présence fidèle sur la place publique pour le droit, la politique, les programmes politiques et le bien commun.
Quel est le but ou telos de cette présence fidèle, si elle est correctement ordonnée ? Quelle devrait être la trajectoire d’un pouvoir politique correctement ordonné ? Dans quelle direction thématique les chrétiens devraient-ils proposer des voies et chercher à influencer la politique ?
Daniel Driesbach décrit le vecteur et le motif d’une présence fidèle selon Dieu (et selon l’Évangile !) dans le domaine politique et juridique :
La cause de la liberté est la cause de Dieu ; Dieu favorise et approuve la cause de la liberté, et la tyrannie et l’arbitraire lui sont offensants. En effet, un état de tyrannie, d’esclavage ou de péché représente un désordre de la structure morale divine d’un univers créé avec un but. L’esclavage, en particulier, était souvent décrit comme une condition pire que la mort. La liberté, en bref, est la possession la plus chère d’un peuple libre et civilisé. Le discours sur la liberté a souligné que la liberté doit être distinguée de la licence[24].
Daniel L. Dreisbach, Reading the Bible with the Founding Fathers, 203.
COMMENT devrions-nous alors agir politiquement, compte tenu de ce contexte créationnel normatif ? Douglas Farrow cristallise cela en notant l’impossibilité de la neutralité politique et identifie ensuite la mission politique des chrétiens à la lumière de cette réalité :
Premièrement, nous devons offrir une critique puissante et implacable de l’évasion habituelle de la vérité par notre société. Ce que nous devons signaler à nos concitoyens, . . . c’est que l’homme n’est pas et ne peut pas être philosophiquement ni théologiquement neutre. La politique ne le peut pas non plus, si la politique signifie être humain. Il n’y a pas de sphère politique sans présuppositions, pas de sphère qui n’ait pas d’implications directes sur la nature de Dieu ou de l’homme. Il n’y a pas de polis qui n’ait pas d’amours déterminés, qui n’adopte aucun credo, qui ne rende aucun jugement ferme du bien et du mal, qui n’ait aucun Dieu ni dieu[25].
C’est là l’implication politique incontournable de la foi chrétienne. C’est la laïcité chrétienne. L’État ne s’adresse pas à l’Église ni au citoyen chrétien avec une autorité indépendante capable de passer outre la loi de Dieu, que ce soit comme loi naturelle ou comme loi du Christ. L’État n’est pas doté d’une telle autorité, en effet, pour s’adresser à un citoyen. L’État rend un service limité (à la fois à Dieu et à la société civile) et ne peut se prévaloir que d’une juridiction limitée et dérivée. Lorsqu’il va au-delà, ou présume détenir son autorité sans être sous l’autorité de Dieu, il le fait sans aucune garantie morale et ses lois ne sont pas moralement contraignantes, comme le [Pape] Léon le déclare dans son encyclique Sur la nature de la liberté humaine[26].
Douglas Farrow, Desiring a Better Country: Forays in Political Theology, 57-58, 95-96.
Il conclut comme suit :
Est-ce que nous devons vraiment supposer que l’État fonctionne le mieux lorsqu’il se préoccupe le moins possible de ce qui est réellement bien ou mal, bon ou mauvais, propice au bonheur ou au malheur ?[27]
Douglas Farrow, Desiring a Better Country: Forays in Political Theology, 90.
En d’autres termes, les chrétiens ne peuvent pas approuver publiquement ce que Dieu condamne dans les Écritures si «le bien» et le «mal» doivent conserver une quelconque signification fonctionnelle[28] .
John Murray reprend ces points et décrit le rôle de l’Église institutionnelle, vous savez, cette institution chargée de veiller sur l’Évangile, qui est censée ne pas être politique. Il enseignait que c’était en fait le rôle de l’Église de parler dans de telles circonstances, y compris en utilisant des catégories politiques et juridiques parce que ces catégories expriment la façon dont les convictions morales sont exprimées, proposées et appliquées dans la sphère publique :
Lorsque les lois sont proposées ou adoptées qui sont contraires à la Parole de Dieu, il est du devoir de l’Eglise dans sa proclamation et ses déclarations officielles de s’y opposer et de les condamner … Cela vient d’une idée fausse de ce que contient la proclamation de tout le conseil de Dieu que de supposer ou de plaider que l’Église ne doit aucunement se préoccuper de la sphère politique. L’Église est concernée par toutes les sphères et a l’obligation de proclamer et d’inculquer la volonté révélée de Dieu telle qu’elle s’applique à chaque sphère de la vie[29].
Cité dans D. James Kennedy, What If Jesus Had Never Been Born?
Considérez cette expérience de pensée à la lumière de ces exhortations : comprenant la nature politique inhérente de l’Évangile et la préoccupation que Dieu a pour la liberté et la sphère publique, vous promouvez le bien public commun et accomplissez en fait ce qui suit :
- les malades sont guéris ;
- les morts sont ressuscités ;
- les lépreux sont purifiés ;
- les démons sont chassés.
Quelle contribution incontestable au bien commun ! Et c’est exactement ce qui est arrivé aux premiers disciples qui ont eux aussi amené cet Evangile intrinsèquement politique sur la place publique – avec une réponse totalement imprévue [mais profondément politique] :
Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes. Mettez-vous en garde contre les hommes ; car ils vous livreront aux tribunaux, et ils vous battront de verges dans leurs synagogues ; vous serez menés, à cause de moi, devant des gouverneurs et devant des rois, pour servir de témoignage à eux et aux païens. (…) Vous serez haïs de tous, à cause de mon nom ; mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé.
Matthieu 10:16-18, 22.
REMARQUE : La première chose que l’on DOIT comprendre à propos de l’engagement fidèle des chrétiens sur la place publique est la suivante : il existe une offense irréductible à l’Évangile, quand il est VÉCU et SUIVI DANS LES ACTES. . . Et cette offense se manifeste souvent politiquement.
Les chrétiens fidèles doivent se débarrasser du mythe selon lequel «si SEULEMENT nous vivions le christianisme de la bonne manière, personne ne serait offensé ». La réalité est la suivante : l’on peut catalyser, faciliter et contribuer au BIEN COMMUN et ENCORE rencontrer de l’opposition, des conflits et des luttes, en particulier de la part des représentants politiques de la société : les tribunaux, les gouverneurs et les rois[30].
Et pourtant, ce genre d’engagement fait partie intégrante du vécu d’une vie chrétienne qui grandit en maturité. Et, cette foi mature rencontrera des conflits dans le domaine politique, comme le note John Frame :
La maturité chrétienne est mise à l’épreuve par sa volonté d’aller à contre-courant, d’aller à l’encontre des modes intellectuelles et pratiques au service du Roi. Il est assez facile d’être chrétien lorsque cela exige simplement que nous soyons des gens gentils. Mais l’amour pour Jésus, motivé par son grand sacrifice, exige bien plus. Il nous demande de renoncer à ce que les Écritures appellent la «sagesse du monde», les idées et pratiques à la mode de notre société, et de les considérer comme de la boue pour Christ. Nous honorons des personnes telles que Noé, qui a construit une arche, en dépit des moqueries du monde ; Abraham, qui a mis de côté le témoignage de ses sens et le rire de sa propre femme pour croire que Dieu lui donnerait miraculeusement un fils ; Moïse, qui s’est levé devant Pharaon et lui a annoncé la Parole de Dieu ; Daniel, qui fit face aux lions plutôt que d’adorer un roi terrestre ; Pierre et Jean, qui ont dit aux autorités que «nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes» (Actes 5:29)[31].
John M. Frame, The doctrine of the Christian Life, 728-729.
L’affrontement qui se produit se manifeste souvent – à mesure que nous grandissons en maturité – dans un conflit public avec des entités politiques et leurs représentants. Rappelez-vous que les chrétiens sont considérés comme des ambassadeurs[32] – un terme profondément politique – qui représentent une entité politique rivalisant avec le monde, le Royaume de Dieu et son Souverain, le Seigneur. Et ce Royaume est le telos de la consommation de l’Évangile. Cette réalité vérifie le caractère politique inhérent à l’Évangile.
Le contexte lié à la consommation de l’Évangile : un climat politique
Le contexte de l’Évangile n’est pas seulement créationnel et cosmologique. Ce contexte n’est pas non plus uniquement culturel. Il touche aussi à la consommation. L’histoire n’est pas souveraine comme le postulait Hegel ; Dieu est plutôt le Seigneur de l’histoire parce que le Seigneur de la création est le Seigneur de l’histoire et le but de l’histoire : la consommation.
Pour apprécier cet aspect contextuel de l’Évangile, il faut se demander : qu’est-ce qui est inévitable ? Cela peut être une enquête délicate parce que les réponses peuvent être guidées non pas par des «faits», mais par des récits ou des structures de plausibilité, la «fenêtre d’Overton» qui est désormais en vogue.
Par exemple, pendant la Guerre froide, pratiquement personne ne pensait que le bloc soviétique tomberait ; pratiquement tout le monde pensait que l’oppression soviétique était inévitablement permanente. Comme l’a décrit Anne Applebaum :
Jusqu’à ce que cela se produise, peu d’analystes – même des analystes farouchement antisoviétiques – avaient cru que la révolution était possible au sein du bloc soviétique. Les communistes et les anticommunistes, à quelques exceptions près, avaient supposé que les méthodes soviétiques d’endoctrinement étaient invincibles ; que la plupart des gens croyaient à la propagande sans aucune remise en cause ; que le système éducatif totalitaire éliminerait vraiment la dissidence ; que les institutions civiles, une fois détruites, ne pouvaient pas être reconstruites ; cette histoire, une fois réécrite, serait oubliée[33].
Anne Applebaum, Iron Curtain: The Crushing of Eastern Europe 1944-1956, p. 460.
Le règne du totalitarisme soviétique sur l’Europe n’était cependant PAS inévitable, même s’il semblait être le SEUL scénario plausible. . . Pourquoi ?
Réponse : Ceux qui luttaient contre la domination soviétique opéraient selon un récit de plausibilité différent ; la domination soviétique n’était PAS ultime selon ce récit alternatif et, par conséquent, elle n’était PAS inévitable.
Et il en va de même dans nos cultures, car le Royaume de Dieu, restaurateur et rénovateur, vient dans une certaine mesure, propulsé en partie par la fidélité de Dieu en réponse à ces requêtes de prière : « Que ton royaume vienne, que ta volonté soit faite sur la terre ». . . couplé avec « délivre-nous du mal »[34]. Par conséquent,
- une culture de la mort n’est PAS inévitable ;
- une culture de la sexualité détruite et du mariage redéfini n’est PAS inévitable ;
- une culture de la religion censurée et stigmatisée – dans ses croyances autant que son exercice – n’est PAS inévitable.
Pourquoi ? Parce qu’il nous a été dit à nous chrétiens ce qui EST réellement inévitable, par exemple :
«Malheur à celui qui bâtit une ville avec du sang, qui fonde une ville sur l’iniquité ! Voici, quand l’Éternel des armées l’a résolu, les peuples travaillent pour le feu, les nations se fatiguent en vain. Car la terre sera remplie de la connaissance de la gloire du Seigneur comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent[35]. »
Habacuc 2:12-14.
Il est crucial de comprendre la vision chrétienne – et non hégélienne – de l’histoire qui découle d’une vision chrétienne du monde et conduit à la consommation, comme le résume Christopher Dawson :
Il est essentiel avant tout de retrouver la conception chrétienne traditionnelle de l’histoire : premièrement, la doctrine de la transformation et de la recréation de l’humanité dans l’Incarnation ; deuxièmement, la théorie chrétienne traditionnelle des âges du monde successifs comme étapes progressives de la révélation ; troisièmement, l’idéal de l’expansion du Royaume de Dieu par l’incorporation des nations dans le Royaume et l’enrichissement de la tradition chrétienne par les diverses contributions des différentes cultures et traditions nationales ; quatrièmement, par rapport à cela, l’idée d’une préparation providentielle à travers laquelle tous les éléments positifs du monde préchrétien et non chrétien trouvent leur accomplissement dans le Royaume de Dieu.
Ainsi, au vu de ces choses, comment penser l’avenir culturel, politique et juridique ? Où en sommes-nous culturellement ? N’avons-nous pas ci-dessous une description appropriée, reflétant avec exactitude la nébuleuse habituelle de gros titres, de tweets et de blogues ?
«Une armée de maux assiège la vie de la famille : l’infidélité du mari, l’obstination de la femme, la désobéissance des enfants ; à la fois le culte et le dénigrement de la femme, la tyrannie ainsi que l’esclavage, la déduction et la haine des hommes, l’idolâtrie et le meurtre des enfants ; l’immoralité sexuelle, la traite des êtres humains, le concubinage, la bigamie, la polygamie, la polyandrie, l’adultère, le divorce, l’inceste ; des péchés contre nature où des hommes commettent des actes scandaleux avec des hommes, des femmes avec des femmes, des hommes avec des garçons, des femmes avec des filles, des hommes et des femmes et des enfants entre eux, des personnes avec des animaux ; la stimulation de la luxure par des pensées impures, les mots, les images, les pièces de théâtre, la littérature, l’art et les vêtements[36].
Herman Bavinck, The Christian Family, 22.
Cela ressemble certainement aux gros titres d’aujourd’hui et aux tweets de Culture War – cependant, cela a été écrit il y a plus d’un siècle. Il y a une leçon cruciale à retenir ici : nous sommes trop souvent pris dans le moment historique ou culturel présent et perdons ainsi de vue le contexte plus large. Nous devons, en particulier lorsque nous envisageons de nous engager sur la place publique avec ses accoutrements politiques, tenir compte non seulement de «ce qui est [actuellement]», c’est-à-dire la crise actuelle, mais de ce qui est en fait inévitable : le contexte de la consommation de l’Évangile.
Dieu crée, Dieu rachète et Dieu restaure, et tout cela parvient finalement à la consommation. C’est cela l’histoire, l’histoire de Dieu en relation avec sa création. Quel est le leitmotiv narratif de cette histoire ? Est-ce que nous «obtenons» cette histoire via Internet, des blogues ou des tweets ? Non, nous l’obtenons de Dieu lui-même. Ainsi donc, encore une fois, quel est le leitmotiv narratif de Dieu ?
En bref, l’Écriture nous enseigne que Dieu est le Victorieux et que sa victoire par la rédemption :
- se produit de manière antithétique, c’est-à-dire dans le sens de l’antithèse que Dieu lui-même place dans l’histoire. Les conflits, ordonnés par Dieu, servent la rédemption :
Je mettrai inimitié entre toi et la femme, et entre ta postérité et sa postérité ; elle écrasera ta tête, et tu lui blesseras le talon[37].
Genèse 3:15.
- se produit progressivement, c’est-à-dire de manière incrémentale par la régénération et la loi, et non par la révolution et la rébellion :
Car pour nous un enfant est né, un fils nous est donné ; et la domination sera sur son épaule, et il sera appelé Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, prince de la paix. Donner à l’empire de l’accroissement, et une paix sans fin au trône de David et à son royaume, l’affermir et le soutenir par le droit et par la justice, dès maintenant et à toujours : voilà ce que fera le zèle de l’Éternel des armées[38].
Ésaïe 9:6, 7.
- Cette rédemption produit dans une certaine mesure une culture chrétienne :
Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte ; car la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent[39].
Ésaïe 11:9.
Ainsi, alors que Dieu agit dans l’histoire en apportant la rédemption à tout le cosmos déchu, un aspect sera nécessairement la transformation culturelle. Et une partie de la transformation culturelle se manifestera nécessairement politiquement et socialement, c’est-à-dire pas simplement ni uniquement dans le cœur des croyants[40] .
Le témoignage de l’Écriture anticipe à la fois cette transformation et décrit son inauguration comme un aspect de la venue et du règne du Christ, le Messie, via Son Royaume.
Par exemple, avant le Christ, la rédemption à venir est décrite comme connaissant une glorieuse expansion lorsqu’il est annoncé à Abraham qui n’a pas d’enfants qu’il serait le père de nombreuses nations [41]. Les Psaumes réconfortent ceux qui souffrent et sont en proie aux luttes en leur donnant la promesse sûre qu’un jour les efforts politiques pour s’opposer au règne d’amour de l’Oint seront réduits à néant[42], et que les dirigeants et même des nations entières se soumettront à Lui[43]. La dimension politique de la rédemption est explicite, non exclusive, mais explicite.
Daniel parle de royaumes successifs qui se succèdent – là encore nous avons des collectifs politiques et juridiques. Et notez le royaume final et qui n’aura pas de fin que «le Dieu du ciel établira» et qui ne sera donc un royaume «construit». . . par aucune main humaine[44]. C’est le Royaume du Messie. Et ce royaume non seulement supplante, mais s’étend[45].
Le Nouveau Testament revêt de chair le squelette de l’Ancien Testament qui sert de préfiguration. Considérez le témoignage de Matthieu. Après que Jésus explique que compte tenu de certains signes, l’on peut correctement conclure que le Royaume s’est manifesté dans son œuvre et sa personne[46], Il explique ensuite la nature et le caractère de ce Royaume maintenant présent.
Ce Royaume se développera quantitativement[47]. Il aura également un impact qualitatif ce faisant[48]. En se développant, nous informe Jésus, le Royaume connaîtra une expansion globale : il sera comme un champ de blé (pas un champ de tare) et ce champ est le monde entier[49].
Et à mesure que l’histoire avance vers la consommation, la victoire promise de ce Royaume se manifeste historiquement dans une certaine mesure avant le glorieux Second Avènement. Paul enseigne que dans son règne, Christ soumet ses ennemis :
Car Il doit régner [à la droite du Père] jusqu’à ce qu’Il ait mis tous les ennemis sous ses pieds[50].
1 Corinthiens 15:25.
L’auteur des Hébreux nous offre un réconfort similaire :
Lui, après avoir offert un seul sacrifice pour les péchés, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu, attendant désormais que ses ennemis soient devenus son marchepied[51].
Hébreux 10:12,13.
En conséquence, Paul peut assurer avec confiance aux croyants du Ier siècle que Satan, l’Adversaire, est écrasé – dans l’histoire PAR ces mêmes croyants, comme le prédit Genèse 3 :
Le Dieu de paix écrasera bientôt Satan sous vos pieds. La grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous[52].
Romains 16:20.
Ceci est une application de l’Évangile vivant dans la perspective de la consommation. Comme le note Joe Boot en développant la métaphore de Jean selon laquelle Jésus est la Lumière :
La lumière expose l’antithèse spirituelle à l’œuvre dans le monde et il nous est promis que les ténèbres ne peuvent pas vaincre sa présence éclairante [Jean 1:5]. Les œuvres que nous sommes appelés à faire sont aussi des œuvres de lumière, qui sont des œuvres du royaume fondées sur la vérité et la droiture, ou la justice. Rien dans l’Écriture ne limite ces œuvres de lumière aux activités ecclésiastiques ; en effet, ces œuvres sont la totalité de notre vie, car «nous sommes son ouvrage»[53].
Joseph Boot, cité dans Brian G. Mattson, Cultural Amnesia, vii, viii.
Jean nous informe que cela constitue la raison même pour laquelle le Fils de Dieu est venu : les œuvres démoniaques du diable étaient particulièrement ciblées :
Celui qui pèche est du diable, car le diable pèche dès le commencement. Le Fils de Dieu a paru afin de détruire les œuvres du diable[54].
1 Jean 3:8.
Et qu’est-ce qui dans l’histoire remplace ces œuvres démoniaques détruites ? Les bonnes œuvres, œuvres que Dieu a préparées pour ceux qui vivent fidèlement la vie chrétienne dans l’histoire :
Car par grâce vous avez été sauvés par la foi. Et ce n’est pas votre propre action ; c’est le don de Dieu, non le résultat des œuvres, afin que personne ne puisse se vanter. Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions[55].
« … en attendant la bienheureuse espérance, et la manifestation de la gloire du grand Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, qui s’est donné lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité, et de se faire un peuple qui lui appartienne, purifié par lui et zélé pour les bonnes œuvres[56].
Ephésiens 2:8-10 et Tite 2:13–14.
Et pour Paul, atténuer l’anarchie et l’iniquité ne se limite pas à guérir des âmes, des familles ni des congrégations. Dans sa vision de la culture, de la création et de la consommation, le droit et la politique devraient également avoir un impact sur la place publique[57].
Cette histoire de la mission chrétienne transformant la société, tout en semblant peut-être «triomphaliste» aux oreilles des chrétiens du XXIe siècle prétendument «centrés sur l’Évangile» , est en réalité la norme au moins depuis Paul ; c’est «l’histoire ordinaire », reliant la création, la culture et la consommation.
En conclusion, considérons une tradition de Noël : chanter l’«Alléluia» du Messie de Haendel. Comme le note l’évêque N. T. Wright, le livret invoque Apocalypse 11:15[58], mais l’endroit et la manière dont il l’utilise ne sont souvent pas appréciés à leur juste valeur :
La mission chrétienne signifie mettre en œuvre la victoire que Jésus a remportée sur la croix. Tout le reste en découle.
Le fait est que cette victoire – la victoire sur toutes les puissances, et finalement sur la mort elle-même – a été remportée par la mort représentative et substitutive de Jésus, en tant que Messie d’Israël, qui est mort pour que les péchés puissent être pardonnés.
Lorsque Georg Friedrich Haendel a mis en musique des passages des Écritures dans son oratorio Le Messie, ce texte [Apocalypse 11:15] de l’Apocalypse a été utilisé dans son «Alléluia», comme une puissante célébration du royaume de Dieu établi sur la terre comme au ciel.
Mais l’objet de ma remarque ne porte pas seulement sur ce chœur lui-même. Ce qui compte encore plus, c’est la place du chœur dans l’œuvre dans son ensemble. La sélection et la disposition des textes n’étaient pas aléatoires. L’oratorio se divise en trois parties : premièrement, l’espérance dans un Messie, sa naissance et sa carrière publique ; deuxièmement, sa mort et sa résurrection et la prédication mondiale de l’Évangile ; troisièmement, la résurrection des morts et la joie de la nouvelle création. Le chœur « Alléluia » célèbre le fait que le vrai Dieu règne maintenant sur le monde entier, de sorte que leurs royaumes sont devenus les siens ; et il est placé non pas à la fin de la troisième et dernière partie, mais à la fin de la deuxième partie.
Cela reflète étroitement le point de vue de la mission adopté par beaucoup aux XVIIe et XVIIIe siècles (la première représentation du Messie remonte à 1742). D’abord viendrait le royaume mondial, à travers la prédication de l’Évangile ; puis, et alors seulement, la résurrection finale. Le but de la «mission» était donc de soumettre les nations à Dieu le Créateur et à son Fils, Jésus le Messie. C’est, après tout, ce que le Psaume 2 avait indiqué comme étant le dessein divin. Et le Psaume 2, parlant de la victoire divine spectaculaire sur tous les ennemis, était le texte placé juste avant l’«Alléluia». La perspective mise en avant de la «mission» était tout à fait claire[59].
N. T. Wright, The Day the Revolution Began, 358.
Cette mission, si magnifiquement dépeinte par Haendel, est résolument politique : (1) elle repose sur un fondement politique, c’est-à-dire sur Dieu qui est le Souverain Créateur ; (2) elle confronte et soumet les cultures politiques qui, à tort et avec arrogance, présument leur propre autorité ultime ; et, (3) elle se dirige vers une consommation aboutissant à la manifestation complète d’une entité politique, le Royaume de Dieu [60] .
L’Évangile est donc, et ne peut pas ne pas être, une question politique – prétendre le contraire, c’est tronquer la Bonne Nouvelle et nier ce que Dieu lui-même promet : nous équiper pour toute bonne œuvre, y compris les œuvres appartenant au cadre juridique et politique qui sont donc inévitablement des « questions liées à l’Évangile». Et c’est une nouvelle infailliblement bonne et pleine d’espérance, malgré le flux d’informations quotidiennes moroses qui se déchaînent sur des fils Twitter acrimonieux.
Notes
[1] https://www.usatoday.com/story/life/…/robert-de-niro…f…tony-awards/689607002/
[2] https://www.newsweek.com/louis-farrakhan-nation-islam-jews-anti-semite-termite-kan…
[3] https://www.cnn.com/videos/politics/2018/11/04/snl-pete-davidson-dan-crenshaw-sot-nr-vpx.cnn.
[4] https://www.usatoday.com/story/news/politics/kavanaugh-allegations…/1889770002.
[5] Pour être clair, les questions explorées ici ne sont pas des invitations à alimenter l’inimitié partisane et aucun parti politique actuel ne devrait être baptisé totalement ou sans critique comme étant pleinement «chrétien». Pourtant, il est également vrai que si un parti politique partisan embrasse et promeut des vues éthiques qui sont fondamentalement opposées à la morale chrétienne, comme la promotion du «droit» de supprimer une vie innocente ou de saper la norme créationnelle du mariage, les chrétiens ne devraient pas soutenir ce parti ni ces candidats qui s’alignent sur ces maux éthiques. En bref, toute initiative ou tout candidat qui loue ou tolère publiquement dans sa politique ce que Dieu condamne dans les Écritures est à juste titre suspect.
[6] 2 Timothée 3:16, 17 (Louis Segond).
[7] Pour une analyse de cette dernière enquête, voir Jeffery J. Ventrella, Politics and the Pulpit: What Does God Require? (Coulterville, Californie : Lulu, 2015).
[8] Actes 4:12 (Louis Segond).
[9] Steven D. Smith, Pagans and Christians in the City: Culture Wars from the Tiber to the Potomac, Grand Rapids, MI : William B. Eerdmans Publishing Company, 2018, en particulier le chapitre 3.
[10] Actes 5:27-33 (Louis Segond).
[11] Citation d’Ethelbert Stauffer, Christ and the Caesars, pp. 81-89. Philadelphie : Westminister Press 1955.
Rousas John Rushdoony, The Foundations of Social Order (Fairfax, VA : Thoburn Press, 1978), 64. Notez également que Luc associe et met en contraste César Auguste avec «bonne nouvelle» – Luc 2: 1, 10.
[12] Citation d’Ethelbert Stauffer, Christ and the Caesars, pp. 81-89. Philadelphie : Westminister Press 1955.
Rousas John Rushdoony, The Foundations of Social Order (Fairfax, VA : Thoburn Press, 1978), 64.
[13] Romains, en particulier 1:18-32.
[14] Voir d’une manière générale Peter Jones, One or Two — Seeing a World of Difference (Escondido, CA : Main Entry Editions, 2010).
[15] Voir la rencontre de Paul avec l‘intelligentsia grecque à l’Aréopage rapportée dans Actes 17.
[16] Actes 17:24-26 (Louis Segond).
[17] Actes 17:28 (Louis Segond).
[18] James K. A. Smith, Awaiting the King: Reforming Public Theology (Grand Rapids, MI : Baker Academic, 2017), 100, 101.
[19] Voir Romains 13.
[20] Pour une exploration jurisprudentielle plus approfondie des implications de ce point, voir Jeffery J. Ventrella, «Christ, Caesar, and Self: A Pauline Proposal for Understanding the Paradoxical Call for Statist Coercion and Unettered Autonomy», dans Bradley C. S. Watson, éditeur, Diversity, Conformity, and Conscience in Contemporary America (Lanham, Maryland : Lexington Books, 2019), 55-
[21] D. A. Carson, Christ and Culture Revisited, (Grand Rapids, MI : William B. Eerdmanns Publishing Company, 2008), 203 citant Richard John Neuhaus.
[22] Et Il ne se présente PAS à la réélection !
[23] R. J. Rushdoony, Thy Kingdom Come, (Vallecito, Californie : Thoburn Press, 1970), p. 178.
[24] Daniel L. Dreisbach, Reading the Bible with the Founding Fathers (New York, NY : Oxford University Press, 2017), 203.
[25] Douglas Farrow, Desiring a Better Country: Forays in Political Theology, (Londres, Canada : McGill-Queen’s University Press, 2015), 57-58.
[26] Douglas Farrow, Desiring a Better Country: Forays in Political Theology, (Londres, Canada : McGill-Queen’s University Press, 2015), 95-96.
[27] Douglas Farrow, Desiring a Better Country: Forays in Political Theology, (Londres, Canada : McGill-Queen’s University Press, 2015), 90.
[28] Voir aussi note 5.
[29] Cité dans D. James Kennedy, What If Jesus Had Never Been Born? (Nashville : Thomas Nelson, 1994), 240.
[30] Et l’avertissement de Jésus n’est manifestement ni idiomatique ni «ponctuel» comme le montre la rencontre ultérieure d’Actes 5.
[31] John M. Frame, The doctrine of the Christian Life, (Phillipsburg, NJ : P&R 2008), 728 729.
[32] 2 Corinthiens 5:20 (Louis Segond).
[33] Anne Applebaum, Iron Curtain: The Crushing of Eastern Europe 1944-1956 (New York : Anchor Books, 2012), 460.
[34] Matthieu 6:10, 13 (Louis Segond).
[35] Habacuc 2:12-14 (Louis Segond) et de nombreux passages similaires.
[36] Herman Bavinck, The Christian Family (Grand Rapids, MI : Christian Library Press, 2012), 22.
[37] Genèse 3:15 (Louis Segond).
[38] Ésaïe 9: 6, 7 (Louis Segond) ; Cf. Esaïe 65.
[39] Ésaïe 11:9 (Louis Segond).
[40] Bien que partant d’une bonne intention, l’enseignement qui restreint le règne de Christ au cœur du croyant est un mouvement gnostique, et non un mouvement chrétien.
[41] Voir Genèse 12 et suivants.
[42] Psaumes 2 : les rois et les dirigeants – les responsables politiques – cherchent à s’opposer à la loi de l’oint en «brisant leurs liens [de Dieu et de son oint]». Dieu se rit de leurs efforts. Puis David conseille à ces dirigeants de reconnaître que la sagesse consiste à servir ce roi à venir – et non à s’y opposer.
[43] Le Psaume 72 décrit les fruits croissants de cette réalité en réponse à la prière jusqu’à ce que «toute la terre soit remplie de sa gloire !» (v. 19).
[44] Daniel 2: 44,45 (Louis Segond).
[45] Comparez l’image d’Ezéchiel d’un fleuve sacré se répandant et augmentant en profondeur à partir du Temple, (Chapitre 47).
[46] Matthieu 12:28 (Louis Segond).
[47] Matthieu 13:31, 32, comme une graine de moutarde (Louis Segond).
[48] Matthieu 12:33, comme un morceau de levain (Louis Segond).
[49] Matthieu 13:38 (Louis Segond).
[50] 1 Corinthiens 15:25 (Louis Segond).
[51] Hébreux 10:12,13 (Louis Segond).
[52] Romains 16:20 (Louis Segond).
[53] Brian G. Mattson, Cultural Amnesia, (Billings, MT : Swinging Bridge Press, 2018), citant Joseph Boot, vii, viii.
[54] 1 Jean 3:8 (Louis Segond).
[55] Éphésiens 2:8-10 (Louis Segond).
[56] Tite 2:13–14 (Louis Segond).
[57] Voir, par exemple, 1 Timothée 1:8-10 (Louis Segond).
[58] «Le royaume [ou« royaumes », KJV ou NKJV] du monde est devenu le royaume de notre Seigneur et de son Christ, et il régnera pour toujours et à jamais.»
[59] N. T. Wright, The Day the Revolution Began (New York, NY : HarperCollins Publishers, 2016), 358.
[60] Et cette compréhension n’est pas seulement réformatrice : «Les expressions positives sont omniprésentes et remarquables, si nous sommes enclins à les remarquer. Nous voyons donc la religion chrétienne s’engager dans la consécration des rois et des empereurs. . . La reconnaissance du christianisme en tant qu’autorité est une évidence dans la rhétorique politique de la période médiévale au cours de laquelle, alors même que les rois combattent l’Église, ils s’en remettent aux Écritures et au christianisme et les enrôlent dans leur propre cause. » Steven D.Smith, Pagans and Christians in the City: Culture Wars from the Tiber to the Potomac, (Grand Rapids, MI : William B.Eerdmans Publishing Company, 2018), 213.
Source : https://truthxchange.com/2020/09/law-public-policy-not-a-gospel-issue/
Article original publié le 4 octobre 2020.
A propos de l’auteur
Jeffery J. Ventrella est conseiller principal et vice-président principal en charge de la formation pour l’Alliance Defending Freedom. À ce titre, il supervise la réalisation et la mise en œuvre de l’ADF Blackstone Legal Fellowship, un programme de stage juridique réputé destiné aux étudiants en droit les plus brillants, et de l’ADF Areté Academy, un programme équivalent destiné aux étudiants de deuxième cycle et aux jeunes diplômés en voie d’accéder à des postes de direction dans le domaine du droit et de la politique publique. Ventrella est un universitaire et un commentateur. En tant que conférencier agréé de la Société fédéraliste, il est membre du comité exécutif de la Société et œuvre comme conseiller de son groupe de pratique des libertés religieuses. Il est notamment chercheur et membre d’un comité de thèses ad hoc de troisième cycle pour le département de philosophie et de droit constitutionnel de l’université de l’État libre, en Afrique du Sud. Il est également un éminent chercheur en droit et en culture du Center for Cultural Leadership et chercheur de l’Institut Ezra pour le christianisme contemporain. Son livre The Cathedral Builder: Pursuing Cultural Beauty (2007) fait partie du projet Blackstone Core Curriculum de l’ADF, qu’il édite également. En outre, il est contributeur ou éditeur de neuf livres. Avant de rejoindre l’ADF en 2000, Ventrella a plaidé pendant près de 15 ans, se concentrant sur des litiges complexes et sur la défense en appel. Le Dr Ventrella a obtenu un doctorat en études ecclésiastiques et étatiques au Whitefield Theological Seminary et a obtenu son Juris Doctor à l’université de Californie Hastings College of the Law. Il est admis au barreau de l’état de l’Idaho, à la Cour suprême des États-Unis et à plusieurs cours fédérales de district et d’appel.