Autour du livre « L’ENTROPIE GENETIQUE ET LE MYSTÈRE DU GÉNOME » de John C. Sanford : une recension par David Espesset

Autour du livre « L’ENTROPIE GENETIQUE ET LE MYSTÈRE DU GÉNOME » de John C. Sanford : une recension par David Espesset

B&SD : Nous sommes heureux de présenter ci-dessous une revue critique approfondie du livre L’entropie génétique de John Sanford par David L. ESPESSET, chercheur indépendant, qui n’est pas chrétien, mais se définit comme sans confession religieuse, ce qui rend sa recension d’autant plus intéressante et pénétrante. C’est avec la marque d’une profonde reconnaissance que nous saluons et recommandons son nouveau travail d’analyse qui vient après sa recension du livre d’Arthur Demongeot, Le darwinisme tient-il debout ? et qui est remarquable en tous points de vue. Remarquable d’abord par l’esprit qui le sous-tend : la recherche de la vérité et le désir de dialogue et de débat qui ont amené l’auteur à se pencher, avec une rare ouverture d’esprit, une grande honnêteté intellectuelle et avec objectivité, sur des thèses non darwiniennes et mises au rebut par l’établissement scientifique sous l’appellation de “créationnisme”, mot agité comme un épouvantail pour étiqueter comme non scientifique toute explication de l’origine et de la complexité du vivant faisant intervenir une création intelligente et intentionnelle au lieu du couple darwinien mutations aléatoires / sélection naturelle. En France tout particulièrement, extrêmement rares sont les scientifiques qui font preuve d’un tel esprit bienveillant, ouvert à la discussion et non dogmatique, et savent prendre un recul critique vis-à-vis des dogmes établis, alors qu’une telle disposition devrait caractériser l’entreprise scientifique tout entière et les scientifiques eux-mêmes. En conséquence, l’hypothèse même de la création a été mise à l’index, et ses défenseurs persécutés dans le monde scientifique, médiatique et politique, brûlés vifs sur le bûcher de l’orthodoxie du jour. David ESPESSET, en acceptant d’examiner l’hypothèse de la création divine et, par conséquent, les failles du darwinisme et les limites de la science, montre qu’il existe encore des hommes à la fois courageux, vertueux et ayant une raison droite qui ne veulent pas se laisser brider ni intimider par les pressions idéologiques et socioculturelles en place qui écrasent le sujet sous une omerta suffocante. Sa volonté de dialogue ouvre la voie à un échange fructueux entre scientifiques animés de convictions différentes, et à une discussion ouverte, publique, utile et hautement nécessaire sur l’évolution et la création.

Ce travail de recension est remarquable ensuite parce qu’il témoigne d’une prise de recul, elle aussi très rare, face à l’approche trop monolithique et monopolistique de la science telle qu’elle est pratiquée par la communauté scientifique et présentée au public non initié. Ce recul permet à l’auteur d’inclure dans sa réflexion des références inhabituelles comme Rupert Sheldrake, et de présenter une synthèse passionnante des diverses voies disponibles.

Enfin, cette recension est remarquable et exceptionnelle par sa densité, sa longueur, son extension, sa richesse et sa fécondité en termes d’horizons, propositions et hypothèses scientifiques avancés. D’aucuns pourront en juger : la recension s’étale sur 63 pages A4 et est émaillée de plus de 400 notes et références, ce qui pourrait s’apparenter à un véritable mémoire de Master et démontre la passion de l’auteur pour le sujet de l’évolution. Rares sont les scientifiques qui, hors de tout cadre contractuel ou académique, mû par le seul amour de la science, consacreraient un semestre entier à analyser en profondeur les thèses présentées dans un ouvrage aux vues non orthodoxes. La quasi majorité des scientifiques sa rabattent plutôt sur une attitude de conformisme intellectuel confortable, clamant qu’ils n’ont guère le temps (ni le désir) de même prendre connaissance de thèses qui vont à l’encontre du « consensus » scientifique du jour, thèses à classer définitivement dans la catégorie de la Terre plate. Telle n’est pas l’attitude de l’auteur qui déploie des efforts diligents et phénoménaux pour tenter d’évaluer la solidité, la pertinence et la véracité d’idées nouvelles qu’il juge déroutantes, mais toujours stimulantes. Cette densité intellectuelle se retrouve dans la présente recension. L’auteur y présente une synthèse des idées sur l’évolution qui croisent divers courants et disciplines scientifiques, et discute de concepts polymorphes induits par sa réflexion personnelle sur l’entropie génétique : complexité, sentience du vivant, convergence évolutive, homéostasie, information, finalisme, téléologie, etc., et les interroge en offrant au lecteur un bouquet de thèmes passionnants organisés suivant une progression logique qui dévoile les différents recoins de sa réflexion.

Certes, nous ne partageons pas sa conviction selon laquelle il existe une « logistique fonctionnelle » autonome du vivant, détachée de la pensée d’un Créateur, logique sous-tendant un Univers conscient, ressemblant à l’Univers panthéiste de Spinoza, mais pour l’heure nous voulons nous attacher davantage à l’apport considérable de l’auteur  dans sa mise en lumière du scientisme et des failles énormes du darwinisme, choses qui sont encore inconnues du public. Nous espérons qu’un tel travail approfondi servira de modèle aux scientifiques, en les poussant dans leurs retranchements, en les délogeant de leur paresse intellectuelle et en les appelant à sonder les faits avec une détermination sans faille dans la recherche de la vérité. Qu’il ouvre de nouvelles avenues de discussions argumentées, qu’il inspire l’esprit critique ! C’est par un travail comme celui-ci que la science peut véritablement s’épanouir.

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Une discussion critique, scientifique et philosophique, des controverses soulevées par le concept d’entropie génétique, suivie de propositions de solutions pour expliquer la robustesse et la résilience du vivant.

Par David L. Espesset1

SOMMAIRE

1. AVERTISSEMENT – THE FULL MIND IS ALONE THE CLEAR

2. RESUME DE L’OUVRAGE – ARGUMENTAIRE GENERAL

2.1. Le rejet du darwinisme

2.2. L’entropie génétique et le mystère du génome

3. INTRODUCTION – INSUFFISANCE ET CRITIQUE DE LA SCIENCE CONVENTIONNELLE

3.1. Une critique de l’orthodoxie

3.2. Science conventionnelle, science hétérodoxe

3.3. Critiquer la science en revient-il à « faire de l’anti-science » ? – « Qui aime bien, châtie bien »

3.4. Le darwinisme

3.5. Nécessité, inévitabilité, irréfutabilité et anti-scientificité des mutations spontanées bénéfiques et héritables

3.6. La prétendue puissance de la sélection naturelle cumulative

4. LA CONTROVERSE DE L’ENTROPIE GENETIQUE : ARGUMENTS ET OBJECTIONS

4.1. Un argumentaire riche, étonnant et questionnant

4.1.1. La complexité biologique et l’ADN polycontraint

4.1.2. Le niveau de « visibilité » de la sélection naturelle

4.2. Les objections

4.2.1. Objections anti-créationnistes générales

4.2.2. Analyse de quelques objections contre la notion d’entropie génétique

4.2.2.1. L’« Axiome Primaire » n’en serait pas un.

4.2.2.2. Les expériences d’accumulation de mutations

5. QUESTIONS SCIENTIFIQUES ET PHILOSOPHIQUES SOULEVÉES PAR L’ENTROPIE GENETIQUE

5.1. Le rôle de l’entropie dans l’origine de la vie et l’évolution biologique

5.1.1. Thermodynamique, entropie et organismes vivants

5.1.2. Origine thermodynamique de la vie

5.1.3. Entropie et évolution

5.1.4. Relations entre l’entropie thermodynamique, l’entropie biologique et l’entropie génétique

5.2. Qu’est-ce que la réalité ?

5.2.1. Logique, connaissance et vérité

5.2.2. Réalité, sciences humaines et physique quantique

5.2.3. Réalité et falsifiabilité

5.2.4. La réalité scientifique est une construction abstraite

5.3. Le problème des modèles et des simulations

5.4. La mise en évidence d’un paradoxe

6. DES SOLUTIONS POUR EXPLIQUER L’ORIGINE ET LE MAINTIEN DU GÉNOME

6.1. L’intervention d’une intelligence : un Créateur

6.2. Des alternatives au créationnisme

6.2.1. Le structuralisme

6.2.2. La biologie au-delà du génome et la redondance – L’ingénierie génétique naturelle et la réécriture du génome – La sentience du vivant

6.2.3. Convergence et inévitabilités évolutives – Prévisibilité de l’évolution

6.2.4. L’écologie évolutive

6.2.5. L’homéostasie comme mécanisme de l’évolution

6.2.6. La complexité du vivant

6.2.6.1. Indivisibilité, redondance et protection contre les erreurs

6.2.6.2. Complexité et entropie

6.2.7. Dialectique évolutive et évolution dialectique

6.2.8. La téléologie

6.2.8.1. Finalisme vs. entropie

6.2.8.2. Auto-organisation, auto-détermination, causalité circulaire, autonomie et clôture organisationnelle téléologique du vivant

6.2.9. Lois et prévisibilité de l’évolution – Importance de l’information

6.2.9.1. Prévisibilité de l’évolution génétique

6.2.9.2. Lois de l’évolution génomique

6.2.9.3. L’Univers information : « It from bit »

6.2.9.4. Moteurs mathématiques et mécanique quantique

6.2.9.5. Entropie, information initiale, information finale et histoire de l’Univers

6.2.9.6. Énergie, information, complexité

7. CONCLUSION

8. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES


1. AVERTISSEMENT – THE FULL MIND IS ALONE THE CLEAR.

« Cent hommes étaient enfermés dans une immense pièce sombre et chacun d’eux avec une lampe éteinte. […] [C]haque homme alluma sa lampe et la lumière des cent lampes était la vérité […]. Mais chacun […] crut que le mérite des belles choses qu’il voyait, revenait […] à sa propre lampe capable de faire surgir des ténèbres du néant, ces belles choses. […] [I]l est nécessaire que les cent lampes se réunissent à nouveau pour nous faire retrouver la lumière de la vérité. Les hommes aujourd’hui errent, découragés, à la faible lumière de leur propre lampe […] ; ne pouvant éclairer l’ensemble ils s’accrochent au menu détail, tiré de l’ombre par leur pâle lumière. […] [I]l n’existe qu’une seule […] vérité qui est l’ensemble de mille et mille parties. Mais les hommes ne peuvent plus la voir. […] [I]l est nécessaire que chacun fasse un pas en arrière et se retrouve avec les autres au centre de l’immense pièce. »

Giovanni Guareschi, Don Camillo et ses ouailles2

En me basant sur mes connaissances et lectures scientifiques et philosophiques, j’ai élaboré un programme de recherche qui vise à développer une vision nouvelle, originale et audacieuse de l’Univers en général et, surtout, du monde vivant, qui va largement au-delà de la vision matérialiste, physicaliste et mécaniciste de la science (qui apporte des connaissances certes nécessaires, mais pas du tout suffisantes), loin de la conception traditionnelle, conventionnelle et conformiste de la théorie darwinienne de l’évolution (qui ne saurait expliquer qu’une partie limitée de la complexité du vivant et du processus évolutif).

Par pure curiosité, j’ai été amené à découvrir les thèses créationnistes, grâce au livre d’Arthur Demongeot Le darwinisme tient-il debout ?3 Ces doctrines, trop souvent considérées comme irrationnelles4, voire absurdes et n’ayant aucun sens, m’ont paru intéressantes non en elles-mêmes (certains aspects me paraissant difficilement défendables), mais par la vision alternative du monde qu’elles proposent, radicalement différente, par de nombreux points, de la vision strictement « scientifique » du monde – laquelle, par certains aspects au moins, semble de plus en plus dépassée.

Aussi, au lieu de rejeter péremptoirement les idées créationnistes, je préfère les confronter aux résultats scientifiques « académiques », afin de tenter d’en tirer une « théorie » plus personnelle. D’aucuns critiqueront mon approche comme étant inacceptable car non scientifique ; qu’importe : la recherche de la « vérité » passe parfois, j’en suis convaincu, par des chemins insoupçonnés.

C’est ce que j’ai souhaité réaliser dans cet essai. J’ai donc pris le temps de lire L’entropie génétique dans son intégralité : c’est un ouvrage toujours passionnant, souvent déconcertant, parfois perturbant ; mais il faut certaines fois savoir sortir de sa zone de confort5. Ainsi, au lieu de rejeter les arguments apportés par John Sanford, comme l’ont par ailleurs fait certains auteurs6 (ce qui représente une approche stérile, puisqu’ils se contentent de présenter leurs objections « scientifiques » que, précisément, Sanford prétend démonter), j’ai préféré – exercice des plus stimulants ! – essayer d’en tirer quelques hypothèses hardies, qui paraîtront peut-être quelque peu impétueuses, périlleuses, voire provocantes à certains lecteurs. 

Références de l’ouvrage :
Éditions La Lumière, Collection Réforme (2019) ; ISBN 978-2-9538885-4-6 ;
Traduction de l’anglais (États-Unis) par Évelyne Pankar, Eric Lemaître, Emmanuel Nowak et Gérald Pech.

Édition originale (d’où sont extraites toutes les citations en anglais) :
Titre : GENETIC ENTROPY ;
FMS Publications (première édition 2005 ; quatrième édition 2014) ;
ISBN 978-0-9816316-0-8.

2. RESUME DE L’OUVRAGE – ARGUMENTAIRE GENERAL

2.1. Le rejet du darwinisme

Au-delà de l’immense complexité de l’organisation et du fonctionnement cellulaires, se trouve le monde de la complexité encore plus gigantesque des organismes pluricellulaires, constitués de billions de cellules qui montrent une coordination étonnante7. Pour expliquer l’origine et l’évolution de cette complexité, la science conventionnelle utilise la Théorie synthétique de l’évolution, en particulier l’ « Axiome primaire » (the Primary Axiom), qui consiste en l’occurrence de mutations aléatoires filtrées par la sélection naturelle. Au-delà du fait que les hypothèses fondamentales de cet Axiome ne font l’objet d’aucune critique sérieuse ni dans les cours universitaires, ni dans les manuels d’études supérieures, ni même dans la littérature spécialisée8, un certain nombre de ces hypothèses, par leur manque évident de réalisme9, se révèlent injustifiables par l’observation10 du monde vivant. De plus, si on applique des hypothèses réalistes, l’Axiome Primaire est caduque11. Citons en particulier quelques problèmes soulevés par Sanford :

  • Le transfert de « […] l’unité de sélection de l’organisme entier à l’unité génétique (c’est-à-dire au gène ou au nucléotide) », en redéfinissant « […] une population comme n’étant rien de plus qu’un « réservoir de gènes »12 » , ce qui n’est rien d’autre qu’une « […] redéfinition très artificielle de la vie […]13 » ;
  • L’existence de « […] blocs de liaison […] transmis comme une unité simple et [qui] ne se disloquent presque jamais », ce qui s’oppose à l’affirmation « […] selon laquelle chaque nucléotide peut être regardé comme une unité sélectionnable individuellement14» ;
  • Le « bruit » biologique15, plus précisément le bruit génétique16, dont l’importance et le nombre de sources sont grandement sous-estimés, « tous les différents types de bruits venant de tous les différents aspects de l’individu et de son environnement17 » : il en résulte que « […] l’effet d’un seul nucléotide moyen sera toujours perdu dans un océan de bruit18 » , car « [l]e bruit est toujours présent, et à des niveaux beaucoup plus élevés […] » que généralement reconnu19 ; de plus ; « [l]e bruit demeure toujours une contrainte sévère pour la sélection naturelle20 » ;
  • « Le coût de la sélection21 » , en termes de « pertes » d’ « […] une partie de la population reproductrice22 » , ce qui ajoute encore des contraintes sur la sélection naturelle.

2.2. L’entropie génétique et le mystère du génome

Dans ce livre, le problème de la dégénérescence génomique est étudié. Il est constaté que les mutations délétères apparaissent à un rythme très élevé, et que la sélection naturelle darwinienne ne peut éliminer que les plus mauvaises d’entre elles pendant que les autres continuent à s’accumuler23. Il s’avère également que les mutations bénéfiques sont beaucoup trop rares et bien trop subtiles pour subsister alors même que le génome subit une érosion implacable et systématique de l’information qu’il contient24, car, s’il est soumis aux forces naturelles, le génome ne peut qu’irrévocablement dégénérer au fil du temps25. De plus, s’il est très facile de détruire de l’information, il est en revanche très difficile d’en créer26. En outre, par la dimension polyfonctionnelle de nombreux nucléotides et la nature non linéaire de l’information génétique (par la présence de multiples informations chevauchantes, d’où une compression des données)27, il s’avère que le génome encode beaucoup plus d’information qu’on le pensait28. D’où est-ce que toute cette information est venue, et comment peut-il être possible qu’elle subsiste ? C’est là le mystère du génome29.

3. INTRODUCTION – INSUFFISANCE ET CRITIQUE DE LA SCIENCE CONVENTIONNELLE

3.1. Une critique de l’orthodoxie

Tout mouvement de pensée est basé sur une forme normale d’orthodoxie, qui exprime la conformité des idées vis-à-vis, en religion, des croyances et, en sciences, d’un paradigme ou d’une théorie « en vogue ». Fondamentalement, adhérer à une démarche orthodoxe ne pose pas de problème particulier, l’orthodoxie n’ayant a priori aucune raison d’être moins proche de la « vérité » que l’hétérodoxie. Toutefois, toute orthodoxie mène inévitablement à un certain conformisme qui, s’il est susceptible de procurer une sensation de confort et de sécurité, risque d’aboutir à un enfermement qui peut confiner à un aveuglement empêchant toute réflexion critique. D’autre part, le modèle dominant étant partagé par le plus grand nombre, on tombe souvent dans les travers de l’argument d’autorité, voire du dogmatisme. Ainsi, toute idée un tant soit peu différente est au mieux considérée comme étrange, et au pire rejetée comme inacceptable, excentrique, presque hérétique. C’est exactement ce que certains auteurs reprochent en premier lieu aux tenants du darwinisme – théorie qui jouit d’une véritable « immunité intellectuelle ».

3.2. Science conventionnelle, science hétérodoxe

Il existe un certain nombre de publications qui dérangent, car elles sortent délibérément du cadre orthodoxe des paradigmes en vigueur. Il est remarquablement facile, et extrêmement tentant, de rejeter péremptoirement ces textes, sous le prétexte, selon moi hautement fallacieux, qu’ils ne respecteraient pas les règles de base du « cahier des charges » de l’investigation scientifique (qui n’existe d’ailleurs pas, si ce n’est de façon fortement virtuelle, et qu’on invoque uniquement lorsqu’un manuscrit semble poser quelque problème épistémologique). Un tel rejet ressemblant beaucoup trop à une forme de sectarisme, je m’empresserai de l’éviter pour tenter de comprendre pourquoi tel ou tel auteur, souvent qualifié de « créationniste » (parfois à raison d’ailleurs, mais le terme est bien plus employé comme une sorte d’insulte rédhibitoire que comme un simple adjectif30), prend le risque d’exposer des thèses nouvelles, différentes, originales, voire excentriques ou même franchement hérétiques (le mot n’est pas exagéré, surtout dans la mesure où certains chercheurs n’hésitent pas à s’ériger en parangons de la « défense » d’une sacro-sainte science bien-pensante, dans la mise en œuvre d’une véritable censure inquisitrice visant véritablement à excommunier toute personne ne respectant pas, ou pas suffisamment, le « cahier des charges » sus-cité)31.


L’expression « entropie génétique » peut sembler bizarre au premier abord – dérangeante. La lecture du livre de John Sanford fut pour moi non seulement passionnante, mais surtout fascinante de bout en bout. Toutefois, et je tiens à insister, cela ne signifie nullement que je sois d’accord avec tous les arguments de Sanford, ni, de façon plus générale, que je défende d’une façon ou d’une autre les thèses créationnistes. Il n’en demeure pas moins que ce genre d’ouvrage me paraît salutaire, ne serait-ce que par la vision différente, décalée, mise en perspective par une analyse spéciale de résultats précédemment publiés dans des « revues internationales à comité de lecture » (étape considérée comme indispensable pour la validation du savoir par des spécialistes sélectionnés pour leurs domaines d’expertise).

Au lieu de rechercher les (prétendues ?) erreurs commises par Sanford (que d’autres auront relevées bien mieux que je ne saurais le faire32), je préfère m’intéresser à ses arguments pour tenter de les replacer au sein d’une explication plus générale de l’évolution biologique.

3.3. Critiquer la science revient-il à « faire de l’antiscience » ? – « Qui aime bien, châtie bien. »

Il existe une objection fréquente face aux critiques, même constructives, faites à la science : cette prise de position serait antiscientifique33. Les choses sont en fait bien plus subtiles. Au moins en ce qui me concerne, critiquer la science permet d’en dévoiler les limites, les contradictions, les failles34, non pour éradiquer l’investigation scientifique, mais, tout au contraire, pour lui permettre de s’affranchir de ces problématiques et, en fin de compte, de s’en trouver grandie35. Certes, d’aucuns rétorqueront que la science n’a pas besoin d’être améliorée car elle fonctionne déjà très bien – ce qui est une forme fondamentale de scientisme. Toutefois, en suivant une logique plus ouverte et constructive, selon laquelle tout système est susceptible de pouvoir être perfectionné, je pense qu’une critique saine et approfondie d’un mode de pensée ne peut qu’être, en fin de compte, bénéfique.

3.4. Le darwinisme

On peut résumer le darwinisme (Synthèse moderne) comme suit : les populations présentent une variabilité génétique qui a pour origine des mutations au hasard ainsi que des événements de recombinaison aléatoires ; ces populations évoluent par des changements de la fréquence des gènes qui surviennent par dérive génétique, flux génique et tout spécialement par sélection naturelle ; la plupart des variants génétiques adaptatifs mènent à des effets phénotypiques faibles, ce qui produit des changements phénotypiques graduels (bien que certains allèles dont les effets sont discrets puissent être avantageux) ; la diversification se fait par spéciation, qui normalement entraîne un isolement reproductif graduel entre populations ; et l’ensemble de ces processus, envisagés sur des périodes de temps suffisamment longues, mènent à des changements tels que de nouveaux grands groupes taxonomiques peuvent être définis (genres, familles, etc.)

Plusieurs de ces préceptes sont remis en question comme étant imprécis ou incomplets. Notamment, le fait que le fonctionnalisme darwinien semble suffisant pour expliquer l’histoire de la vie ne signifie absolument pas que le darwinisme fournisse effectivement une théorie complète sur l’origine et l’évolution du vivant.

3.5. Nécessité, inévitabilité, irréfutabilité et antiscientificité des mutations spontanées bénéfiques et héritables

L’une des bases de l’évolution darwinienne est la variabilité biologique : grâce à des mutations considérées comme aléatoires, les populations et les espèces présentent un certain polymorphisme36. Pour que la sélection naturelle puisse agir, l’occurrence de mutations bénéfiques, à l’origine d’un tri « positif », est une nécessité théorique de la logique darwinienne.

En effet, Richard Milton affirme que la notion de « mutation génétique bénéfique spontanée n’est rien de plus qu’une nécessité hypothétique de la théorie néodarwinienne37» , car « jamais personne n’a observé qu’une quelconque mutation génétique spontanée héritable puisse provoquer la modification d’une caractéristique physique – à part, bien entendu, les cas, peu nombreux et bien connus, des défauts génétiques qui sont la plupart du temps non viables38». Pourtant, « comme il est établi que des mutations délétères peuvent effectivement se produire, les darwinistes ont recours à la loi des grands nombres : si des mutations délétères peuvent arriver, alors, avec suffisamment de temps, des mutations bénéfiques pourront aussi se manifester. Cette affirmation n’est soutenue par aucune preuve ; mais elle est irréfutable39 ». Infalsifiable au sens de Karl Popper40, comme toutes les inférences inductives, ou statistiques, de ce genre41.

Gérard Nissim Amzallag va même plus loin, en affirmant que « […] les mutations émergeant au hasard deviennent des événements foncièrement exclus de toute causalité. Il en découle un nouveau paradoxe : en tant qu’imprévisible accident, la mutation est l’événement antiscientifique par excellence […]42 » – ce qui rejoint l’idée que, selon Jean-François Moreel, « […] les théories darwiniennes ne sont pas des théories scientifiques ou recevables comme telles43 ».

Cette « inévitabilité » des mutations bénéfiques est en relation avec ce que j’appelle la logique des Shadoks : plus on perd, plus on a de chances de gagner. A ce sujet, une petite digression est ici nécessaire.

Les Shadoks sont les personnages d’une série télévisée française diffusée entre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix. Voulant voyager dans l’espace, ils entreprirent de construire une fusée ; malheureusement, leur technologie étant des plus rudimentaires, à chaque essai de lancement, leur fusée retombait et finissait en morceaux. Toutefois, ils avaient réussi à calculer que leur engin avait une chance sur un million de fonctionner correctement et de pouvoir gagner l’espace intersidéral : alors, loin de se décourager, ils enchaînaient les essais de lancement, se dépêchant de rater les neuf cent quatre-vingt dix-neuf mille neuf cent quatre-vingt dix-neuf premiers essais, étant certains que le millionième ne pourrait que réussir.

Le raisonnement des Shadoks repose sur une logique simpliste : en essayant continuellement, on doit forcément finir par réussir. Donc, plus on rate, plus on a de chances de réussir. Cette façon de penser est malencontreusement partagée par de nombreuses personnes : par exemple, les habitués des jeux de hasard croient qu’ayant toujours perdu cela augmente leurs chances de gagner. Mais les choses ne fonctionnent pas du tout de cette façon, pour au moins deux raisons :

  • Si un événement a une probabilité d’une chance sur un million, en essayant un million de fois, on obtient une probabilité de réussite de seulement 63 % ; pour passer à 90 %, il faut tenter sa chance 2 300 000 fois ;
  • Comme le dit Daniel Dennett, « le hasard n’a pas de mémoire44 » et « ne pas comprendre ce fait est connu sous le nom de Sophisme du Joueur45, qui est étonnamment répandu46 » .

La vision darwinienne de l’évolution repose, elle aussi, sur un système d’essais et d’erreurs : chaque mutation introduite correspond à un essai, et, comme la plupart des mutations s’avèrent inutiles, on peut dire que ces essais mènent à des erreurs – d’autant plus que certaines mutations sont nettement délétères. Toutefois, comme il arrive, de temps en temps, qu’un essai soit « concluant » (correspondant à une mutation bénéfique), il n’y a pas que des erreurs.

Et, tout comme les Shadoks enchaînent essai sur essai en étant persuadés qu’ils finiront par réussir, le darwinisme semble dire la même chose : malgré les nombreuses mutations inutiles, tôt ou tard, une « bonne » mutation finira bien par se manifester et le mécanisme de l’évolution pourra se mettre en marche. Donc, tout comme pour les Shadoks, plus il y a de mutations délétères, plus il y a de chances que l’on observe une mutation bénéfique, qui fera évoluer l’espèce concernée. Ainsi, on se retrouve bien dans la logique des Shadoks : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche – ce qui, de plus, contredit l’idée que le hasard n’a pas de mémoire. Dans cette perspective, les mutations bénéfiques deviennent inévitables. Il n’en demeure pas moins que « pour rendre compte de l’évolution darwinienne par mutations aléatoires, il faut accorder à des événements extrêmement improbables, sur de très longues périodes de temps, un pouvoir qui relève de la foi religieuse47 » .

En outre, comme le précise Richard Milton, « le taux de mutation est artificiellement exagéré simplement en utilisant une définition tellement vague selon laquelle n’importe quel changement héréditaire peut être considéré comme une « mutation »48» .

On voit ainsi que baser la quasi-intégralité d’une théorie scientifique sur de telles mutations aléatoires pose, d’emblée, un certain nombre de problèmes – complètement ignorés par la majorité des chercheurs.

3.6. La prétendue puissance de la sélection naturelle cumulative

Dans L’Horloger aveugle, Richard Dawkins met en place une longue démonstration concernant la façon dont la sélection naturelle cumulative expliquerait non seulement la complexité de la biosphère, mais aussi son origine et son évolution. Faisant appel au « monisme de processus »49 radical du darwinisme (le fait de vouloir tout expliquer dans le monde vivant par un seul et unique mécanisme, ce qui représente une forme poussée de réductionnisme), Dawkins construit un raisonnement certes élégant, cohérent et apparemment infaillible, mais qui présente un défaut rédhibitoire : il ne semble absolument pas correspondre à la moindre réalité biologique, pour plusieurs raisons :

  • Il serait très étonnant qu’un seul mécanisme soit à l’œuvre dans la nature pour expliquer l’extrême complexité du vivant (même si elle est réductible50) ;
  • Les organismes vivants y sont réduits, de façon extrême, tout d’abord à une « collection » ou « mosaïque » de caractères, ou attributs, indépendants ; puis, de façon encore plus extrémiste, à un ensemble de gènes « égoïstes », eux aussi indépendants51;
  • La sélection naturelle est supposée agir au niveau de ces gènes individuels, alors que, par définition (et au-delà des considérations tautologiques), il s’agit d’une survie et d’une reproduction différentielles, qui ne peuvent se manifester qu’à l’échelle des organismes : comme le précise Momme von Sydow, « la sélection ne « voit » que le phénotype, indépendamment du génotype52» , donc « seul le phénotype peut être directement vu par la sélection naturelle53» (de façon plus générale, la vision de l’évolution imposée par le darwinisme nie totalement la dimension organismique du vivant, chaque espèce vivante ne pouvant évoluer qu’à l’échelle de populations – mode de pensée populationnel54) ;
  • De plus, comme le précise Richard Milton, « les darwinistes semblent croire, de façon extrêmement optimiste, que, si une innovation majeure apparaît lors d’une étape précoce du processus évolutif, cela augmenterait la probabilité de succès de l’évolution par sélection naturelle cumulative. Parmi l’immense quantité de toutes les caractéristiques qui peuvent être encodées par l’ADN, une erreur de réplication peut très bien n’avoir aucun rapport avec cette innovation de départ, ou ne pas être celle qui permet l’introduction d’une amélioration de cette innovation55» . Ainsi, selon Milton, l’évolution par sélection naturelle cumulative semble extrêmement improbable car « plus le nombre d’étapes impliquées dans le parcours évolutif nécessaire pour en arriver au résultat final augmente, plus la probabilité que ces étapes surviennent dans le bon ordre diminue56» . En fin de compte, « le fait qu’une mutation génétique aboutissant à l’apparition d’une innovation bénéfique au niveau de la forme ne présente qu’une infime probabilité de survenir devrait être un point critique central du darwinisme57» .

De l’ensemble de ces réflexions, on peut tirer au moins la conclusion suivante : l’évolution par sélection naturelle cumulative pose un certain nombre de problèmes qui, malgré les contre-objections des darwinistes, semblent incommensurables (voir plus loin d’autres problèmes de la sélection naturelle cumulative).

4. LA CONTROVERSE DE L’ENTROPIE GENETIQUE : ARGUMENTS ET OBJECTIONS

4.1. Un argumentaire riche, étonnant et questionnant

Au-delà de l’argumentaire général présenté plus haut, j’insisterai sur les quelques points suivants, qui me paraissent fondamentalement importants et largement sous-estimés.

4.1.1. La complexité biologique et l’ADN polycontraint

Sanford aborde, en p. 16, le problème, très controversé, de la complexité biologique (sujet que j’ai moi-même étudié dans une revue synthétique58). A partir du constat de l’existence « de multiples codes linéaires qui se chevauchent59 » et d’une « compression de[s] données » (data compression), il en arrive à l’idée, fascinante, de « l’ADN polycontraint » (poly-constrained DNA), selon laquelle « la plupart des séquences codantes humaines codent deux ARN différents qui se lisent dans des directions opposées60 » et que « certaines séquences remplissent des fonctions multiples simultanément61» , ce qui mène à « supposer qu’il y a encore des niveaux plus élevés d’organisation et d’information cryptés dans le génome62» et que « probablement toutes les séquences d’ADN dans le génome cryptent des codes multiples (jusqu’à 12)63» . Il en conclut que « la nature polycontrainte de l’ADN est une preuve solide du fait que les génomes supérieurs64 ne peuvent pas évoluer par le biais du mécanisme mutations/sélection, sinon à un niveau insignifiant65 » (une mutation ponctuelle interviendrait dans la signification de plusieurs messages à la fois, situation qui semble effectivement ingérable pour la sélection naturelle ; en revanche, nous verrons que la conclusion de l’intervention d’une « conception intelligente66 » n’est pas la seule possible).

4.1.2. Le niveau de « visibilité » de la sélection naturelle

La définition de base de la sélection naturelle repose sur l’idée d’une survie et d’une reproduction différentielles. Cela semble absolument évident : dans toute population, et en fonction d’un certain nombre de facteurs écologiques, certains individus vivent plus longtemps que d’autres, donc certains d’entre eux se reproduisent plus que les autres. Les organismes qui, favorisés, vivent longtemps, peuvent se reproduire un certain nombre de fois ; ceux qui, moins favorisés, vivent moins longtemps, se reproduisent moins ; quant à ceux, défavorisés, qui sont stériles ou qui meurent prématurément, ils ne se reproduisent pas du tout. Ainsi, selon Darwin lui-même, « j’ai donné le nom de sélection naturelle ou de persistance du plus apte à cette conservation des différences et des variations individuelles favorables et à cette élimination des variations nuisibles67» .

D’après cette définition, il semble clair que ce que la sélection naturelle peut « voir », ce sont des organismes dans leur intégralité : comme le dit à juste titre Sanford, « […] la sélection ne peut opérer qu’au niveau de l’organisme entier68». Or, de façon extrêmement curieuse, s’est développée l’idée que la sélection naturelle pourrait intervenir directement au niveau des gènes individuels – d’où, en portant cette notion à l’extrême, la fameuse théorie dite du « gène égoïste » popularisée par Richard Dawkins69. Au-delà du fait que cette vision n’a plus rien à voir avec la définition donnée plus haut, le débat se poursuit : « La sélection agit-elle principalement au niveau des gènes ?70 » est la question que posent Francisco Ayala et Robert Arp71, pour laisser ensuite s’exprimer les deux points de vue contradictoires :

  • Pour Carmen Sapienza, « la sélection opère prioritairement sur les gènes72» ; « défendant le gène comme unité de sélection73 » , elle présente les arguments suivants (titres de certains paragraphes) :
    • « La sélection naturelle opère au niveau du génome sans qu’il soit tenu compte de la dimension phénotypique74 » ;
    • « La sélection naturelle peut effectivement agir sur le produit de gènes individuels75 » ;
    • « La sélection naturelle peut agir directement sur les gènes eux-mêmes76. »
  • Au contraire, pour Richard Burian, « la sélection n’opère pas prioritairement sur les gènes77» . Il base son argumentation notamment sur le fait que « la sélection agit en même temps à de nombreux niveaux78 » , et que « les conditions environnementales, ainsi que les cycles naturels, doivent présenter une stabilité suffisante pour que la sélection puisse être efficace et cumulative, c’est-à-dire qu’elle permette de conserver ou de transformer les attributs des organismes sur un grand nombre de générations79» (considération qui échappe complètement à Richard Dawkins dans L’Horloger aveugle) : il précise que « pour que la sélection naturelle soit efficace, des conditions appropriées doivent être réunies autorisant une sélection cumulative. Par exemple, les cycles environnementaux doivent être suffisamment courts pour être « visibles » par la sélection, sinon celle-ci ne pourra pas en tenir compte80» . Ainsi, « il est donc indispensable d’analyser les conditions requises pour la mise en place d’une sélection cumulative, en attachant une grande importance aux cycles longs qui peuvent avoir une incidence sur les tendances de l’histoire de la vie81» . D’autre part, Burian insiste sur le fait « qu’il n’existe pas de réponse simple à la question de savoir exactement ce qui doit être considéré comme un gène82 » . En outre, et de façon particulièrement subtile, il affirme que, « à chaque génération, les organismes sont reconstruits par un processus d’interaction avec l’environnement, et non par un mécanisme de copie83» (ce qui semble en contradiction avec la vision darwinienne de l’évolution84). De plus, il précise non seulement que « l’écologie exerce une influence sur l’incidence plus ou moins importante des gènes85» , mais que, de plus, « ce sont des combinaisons d’allèles qui déterminent les caractéristiques phénotypiques ayant une influence significative sur les conditions de survie, non les allèles eux-mêmes ou leur fréquence dans la population86» .

En conclusion, Burian en arrive à l’idée que « généralement, la sélection « agit » non pas comme une force exclusive sur un gène ou un trait isolé, mais plutôt comme un facteur de pondération intervenant dans des situations affectant de nombreux traits, au cours de différentes phases dispersées sur de longues périodes de temps87» . De la sorte, « la sélection agit prioritairement au niveau des caractéristiques des organismes impliquées dans les exigences liées à leur survie, en relation avec les nombreuses contraintes environnementales (biotiques et abiotiques) – c’est-à-dire, fondamentalement, sur le phénotype88» .

On rejoint ici le point de vue de Sanford, ainsi que l’idée que, la sélection naturelle ne pouvant « voir » les mutations ponctuelles individuelles, elle ne saurait éliminer efficacement la plupart des mutations délétères (seul un organisme chargé d’un « fardeau génétique » – qui représente une sorte de « moyenne » de toutes ses mutations – trop lourd verra son espérance de vie considérablement raccourcie). En ce qui concerne la « visibilité » de la sélection naturelle, un autre question se pose : qu’est-ce que la sélection naturelle peut distinguer et qui fera l’objet d’un tri (acceptation ou rejet) ? En d’autres termes, entre deux individus d’une même espèce et vivant dans le même environnement, jusqu’où la sélection naturelle est-elle capable de discerner des différences permettant la survie de l’un et la disparition de l’autre ?

Pour étudier ce problème, j’utiliserai le même exemple que Richard Dawkins dans L’Horloger aveugle : l’évolution de l’œil chez les Vertébrés. Dawkins insiste, à plusieurs reprises : il vaut mieux, pour un animal, être doté d’un œil « partiel », incomplet, rudimentaire, capable d’assurer seulement 5 % des capacités visuelles d’un œil « complet », comme un œil sans cristallin, que ne posséder aucun œil89. Toutefois, à partir de cette évidence absolue, Dawkins construit un raisonnement purement théorique, voire rhétorique, en réduisant le passage d’une version de X à la suivante à une différence tellement tenue qu’on peut légitimement se demander si ce passage est vraiment possible : c’est-à-dire, la sélection naturelle peut-elle vraiment voir une différence aussi petite ? Pourtant, Dawkins insiste : « Si, chez un animal quelconque, réel et bien vivant, on observe un organe X, trop complexe pour être apparu par hasard en une seule étape, alors, selon la théorie de l’évolution par sélection naturelle, on peut affirmer qu’une fraction de ce X vaut mieux que pas de X du tout ; que deux fractions de X valent mieux que seulement une fraction de ce X ; et que la totalité de X vaut mieux que les neuf dixièmes de ce X90» .

Sur la base d’un raisonnement qui me semble analogue, Dan Nilsson et Suzanne Pelger ont démontré, à l’aide de calculs mathématiques, qu’au maximum 363 992 générations étaient nécessaires pour permettre l’évolution d’un œil complexe de type « appareil photographique » (notamment doté d’une lentille convergente, le cristallin, et d’un récepteur photosensible, la rétine) uniquement par sélection naturelle cumulative, à partir d’une tache sensible à la lumière91. En considérant une année par génération, durée qui paraît réaliste pour de nombreux animaux aquatiques de taille moyenne, ils en arrivent à l’idée que l’œil des Vertébrés se serait complètement développé en seulement 364 000 ans92. Analysons ce résultat en termes de sélection naturelle cumulative.

Pour des raisons pratiques dont l’utilité apparaîtra rapidement, j’arrondirai la valeur précédente à 400 000 (arrondir à 300 000 ne changerait rien). Ainsi, l’évolution de l’œil type « appareil photo » tel qu’il existe chez tous les Vertébrés aurait nécessité 400 000 étapes successives, ce qui justifie les deux remarques suivantes :

  • Chacune des 400 000 étapes a été constituée par au moins un organisme qui a vécu suffisamment longtemps pour se reproduire au moins une fois et transmettre ses gènes : que ce processus de filiation soit interrompu ne serait-ce qu’une fois et il faut recommencer depuis le début ;
  • Chacune des 400 000 étapes a forcément mené à un avantage adaptatif suffisant pour être positivement sélectionné par rapport à d’autres moins bénéfiques.

Ces remarques impliquent les corollaires suivants :

  • Comme l’évolution par sélection naturelle se fait sous l’emprise des conditions environnementales, il est indispensable que ces dernières aient été stables au cours de la période de 400 000 ans – ce qui paraît bien peu probable, d’autant plus que l’un des piliers du darwinisme consiste à affirmer la contingence et la variabilité de ces conditions ;
  • Plus important pour ce qui nous intéresse ici, à chaque étape, la sélection naturelle a dû être capable de détecter un changement aussi tenu qu’une fraction d’une valeur de 1/400 000 (valeur moyenne en considérant les étapes comme approximativement équivalentes qualitativement) :
    • Si on ramène ces 400 000 étapes à une « note » sur 1000, chaque étape correspond à l’ajout de 0,0025 point : autrement dit, si on en est à l’étape où l’œil a une note de 139,4575/1000, la sélection naturelle doit être capable de détecter un œil dont la note serait de 139,46 pour que l’évolution se poursuive ;
    • Si on ramène ces 400 000 étapes à une « note » sur 20, chaque étape correspond à l’ajout de 0,00005 point : autrement dit, si on en est à l’étape où l’œil a une note de 8,12565/20, la sélection naturelle doit être capable de détecter un œil dont la note serait de 8,1257/20 pour que l’évolution se poursuive.

Cette représentation simple de l’évolution met en évidence l’impossibilité quasiment absolue d’un tel mécanisme – à moins d’accepter l’idée que la sélection naturelle soit dotée de pouvoirs pour le moins extraordinaires. En effet, que la sélection naturelle soit capable de « voir » des différences invisibles à nos yeux humains est une chose ; envisager qu’un tel degré de détectabilité existe dans la nature semble relever de la « pensée magique » – selon l’expression d’Arthur Demongeot93.

Cela n’empêche nullement Nilsson et Pelger d’affirmer que « la sélection naturelle devrait agir simultanément sur tous les facteurs qui ont un effet positif sur la performance de l’ensemble94» . D’autre part, ils insistent sur le fait que, selon eux, « l’ensemble de la séquence ne comprend pas d’étapes spécialement peu performantes, pour lesquelles de nombreux changements doivent intervenir sans vraiment améliorer la fonction95» – phrase qui m’apparaît critiquable par plusieurs aspects : elle est particulièrement vague et confuse, en particulier parce qu’elle n’indique nullement comment savoir que toutes les étapes sont suffisamment performantes et qu’elle semble contradictoire avec l’idée que l’évolution de l’œil serait, finalement, plutôt rapide (voire en faveur d’une évolution saltatoire).

4.2. Les objections

4.2.1. Objections anticréationnistes générales

« Comment faire pour discréditer une idée ?
Il suffit de la caricaturer, d’en donner une image grossière et inconsistante, de l’entourer de la plus extrême confusion, pour ensuite la démolir à l’aide de toutes sortes d’arguments qui en montrent le caractère simpliste, incohérent et ridicule96. »

Andréas Sniadecki

C’est l’attitude choisie par la plupart des scientifiques pour tenter de contrer le créationnisme97. Un exemple frappant est présenté dans Le Guide critique de l’Évolution, dans lequel les idées suivantes sont indiquées :

– Les créationnistes feraient « […] preuve d’un scientisme extrême puisqu’ils font outrepasser ses droits à la science en la faisant statuer sur un terrain expérimental inaccessible98» : une étrange vision du scientisme (notion par ailleurs extrêmement floue et malléable), surtout quand certains auteurs critiquent précisément le darwinisme de scientisme ;

– Le créationnisme ferait preuve d’essentialisme, notamment en attribuant « […] une essence humaine à un embryon de quelques cellules99» : pourtant, la présence de l’intégralité du patrimoine génétique dans les cellules de cet embryon, voire dans la cellule-œuf dont il est issu, leur donne, assurément, une dimension humaine (tout comme un embryon de fourmi contient le génome de l’espèce correspondante – rien de spécifiquement humain ici) ; d’autre part, comme mentionné plus loin, il ne faut pas confondre essentialisme typologique et essentialisme explicatif100;

– Le créationnisme appellerait la science « […] à changer de l’intérieur […] », dans un « […] changement complet de nature de l’activité scientifique […] », lequel serait, notamment, opposé au « […] principe de parcimonie qui exclut toute hypothèse surnuméraire ad hoc, c’est-à-dire non testable101» : au-delà de la vision simpliste du principe de parcimonie102 (utilisé ici uniquement comme « garde-fou » anticréationniste), c’est justement à une telle redéfinition du champ d’investigation de la science que certains auteurs aspirent, tel Rupert Sheldrake, pour Réenchanter la Science103 ;

– Le créationnisme constituerait « une entorse au scepticisme initial [… car] la foi imprime une idée préconçue du résultat qui devra sortir104» : si on peut se demander sur quelle base repose ce « scepticisme initial sur les faits105 » (p. 23), autre notion très vague car toute personne qui engage des recherches peut être qualifiée de sceptique par définition, il semble en outre évident que tout scientifique qui engage une expérimentation a, forcément, une idée du résultat qu’il devrait obtenir – sans quoi il ne s’agit pas de recherches mais plutôt d’investigations aléatoires ; en outre, c’est oublier qu’un certain nombre d’aspects fondamentaux de la recherche scientifique relèvent, eux aussi, de la foi (comme le monisme matérialiste, par exemple) ;

– « Des entorses au matérialisme méthodologique sont à l’œuvre dans tous les créationnismes [… :] le résultat est suivi d’évocations incongrues d’entités immatérielles ou de mise en perspective des résultats dans le cadre du dogme […]106 » : ce prétendu matérialisme méthodologique n’est qu’un cache-misère des choix philosophiques des scientifiques ; quant à des interprétations « incongrues » vis- à-vis d’un « dogme », c’est exactement ce qui se lit trop souvent dans la partie Discussion d’articles scientifiques (partie fréquemment dédiée à la transformation d’hypothèses plausibles en certitudes absolues, reprises ensuite et pérennisées dans les média qui ne font que perpétuer la confusion) ;

– « La croyance au sens de « foi » […] ne peut être remise en cause […]. La foi n’éprouve pas le besoin de se justifier. […] La « croyance » scientifique, elle, tire sa légitimité de l’ouverture laissée à sa propre déstabilisation. […] En raison de ces différences fondamentales, il n’est pas souhaitable de parler de « croyance » lorsque l’on fait allusion au degré de confiance que les scientifiques accordent à leurs résultats […]107 » : ces « différences fondamentales » sont, une fois encore, des cache-misère pour tenter de passer sous silence le fait qu’un certain nombre de postulats scientifiques, voire des théories entières, jouissent d’une authentique immunité intellectuelle contre toute critique, même justifiée, car ces points auraient été largement démontrés ; c’est, exemple célèbre, le cas de la théorie darwinienne de l’évolution (qualifiée de dogme par certains auteurs108 ) ;

– « […] [L]a foi […] est corruptrice puisque cette « certitude » ne tolère le test de l’expérience scientifique que s’il la conforte : il n’y a plus de scepticisme initial109 » : il est possible de formuler le même type de critique à l’encontre du darwinisme : la certitude que tous les aspects des organismes vivants sont des adaptations façonnées par la sélection naturelle (vision âprement défendue par Dennett110 et Dawkins111) ;

– « […] un procédé courant est le tri conscient ou inconscient dans la collecte des « faits » ou des données112 » : étant donné qu’il est impossible de traiter exhaustivement toutes les données (à moins qu’elles soient en nombre très réduit), une sélection d’informations jugées pertinentes et suffisantes est incontournable : dès lors, en en ignorant certaines (souvent la plupart), non seulement on introduit un biais dans le raisonnement, mais on est obligé de faire appel à des inférences inductives qui ne sont que des généralisations bien souvent abusives (position défendue par Karl Popper113) ;

– « Il manque à la spiritualité et à la foi trois propriétés essentielles pour prétendre être source ou outil de science : structuration, universalité de contenu, source de la légitimité. L’universalité de la science, elle, tient à l’universalité des réalités matérielles de ce monde et à l’universalité des règles de la logique114 » : le manque de structuration, d’universalité et de légitimité de la foi, d’une part, et l’universalité des réalités matérielles et de la logique, d’autre part, restent, me semble-t-il, à démontrer : cette phrase, purement théorique, ressemble plus à une affirmation péremptoire qu’à une réalité indubitable ;

– « Le spiritualisme « scientifique » est par définition aux antipodes de la science car il nie la nécessité d’un recours exclusif aux réalités matérielles de ce monde pour établir des vérités. Or le recours aux expériences et aux observations sur le monde matériel est la seule garantie de leur reproductibilité, critère fondamental du statut de connaissance objective, et donc de scientificité. Introduire la spiritualité comme élément de construction d’une quelconque affirmation sur le monde réel rend donc cette affirmation non testable scientifiquement115 » : au-delà du fait selon lequel la science n’établit pas de vérités116 ; que la reproductibilité des expérimentations est bien souvent relative, virtuelle et théorique117 ; de la confusion volontaire et idéologique entre matériel et réel (ce qui n’est pas matériel ne serait pas réel) ; que l’objectivité de la connaissance est une illusion118 basée sur un concept discutable119 ; on peut s’interroger sur la testabilité de toutes les hypothèses scientifiques (si, pour une raison technique ou logistique, une proposition n’est pas testable, sera-t-elle rejetée comme non scientifique?).

Comme on le voit, ces nombreuses objections sont elles-mêmes amplement critiquables : d’une part, le vocabulaire employé est contestable (« évocations incongrues« , « foi corruptrice« ) parce qu’arrogant et prônant la supériorité hégémonique de la science ; d’autre part, parce que, même d’un strict point de vue épistémologique, les « piliers du contrat entre science et connaissance120 » ne sont pas aussi solides qu’il pourrait sembler en première analyse.

4. 2. 2. Analyse de quelques objections contre la notion d’entropie génétique

« J’ai été troublé en découvrant un certain nombre d’exemples de déformation de la réalité dans l’Entropie génétique. Toutefois, je ne pense pas qu’il s’agisse là d’une tentative délibérée de tromperie. Il est de notoriété publique que toute personne sous l’emprise du créationnisme terre jeune puisse se retrouver passablement déconnectée de la réalité. De toute évidence, John Sanford est quelqu’un de sincère et de bonne volonté, un membre respecté au sein de la recherche en génétique qui ne recule pas devant le ridicule pour défendre ses propres opinions121. »

Scott Buchanan, Assessing Limits to Evolution and to Natural Selection: Reviews of Michael Behe’s “Edge of Evolution” and
John Sanford’s “Genetic Entropy”.

Voilà qui en dit long sur l’état d’esprit ouvert et prétendument objectif, neutre et indépendant qui devrait être à l’œuvre au sein de la communauté scientifique. Parce qu’il propose une interprétation radicalement différente du monde vivant, hors des sentiers battus de la science conventionnelle, Sanford est stigmatisé de façon pour le moins partiale, fondamentalement subjective et finalement abjecte. Être en désaccord avec quelqu’un est une chose ; dénigrer cette personne en est une autre, qui relève d’un manque de respect et d’un amalgame intellectuel profond122.

4.2.2.1. L’« Axiome Primaire » n’en serait pas un.

L’un des piliers de l’argumentation de Sanford est de considérer le mécanisme de base du darwinisme comme un axiome, c’est-à-dire un « énoncé répondant à trois critères fondamentaux : être évident, non démontrable, universel123 » . Le principe de la sélection naturelle est certes trop souvent considéré comme évident (car il n’y en aurait pas d’autres124) et universel (ce qui constitue un cas extrême d’inférence inductive, qualifié parfois de véritable « saut de la foi ») : « évident » face au créationnisme (l’une des origines idéologiques du darwinisme vient, selon Bertrand Louart, de la volonté de détruire la notion de « création spéciale125 » ), universel car on le retrouverait à tous les niveaux d’organisation du vivant, les molécules aux écosystèmes, mais également pour expliquer l’évolution des systèmes culturels humains et la création artistique126.

Aussi, le principe de sélection naturelle est-il, ou non, démontrable ? Bien sûr, pour les darwinistes convaincus, le principe de la sélection naturelle est non seulement démontrable, mais amplement démontré : des ouvrages comme L’Horloger aveugle ou Darwin est-il dangereux ?, parmi tant d’autres productions, décortiquent dans le détail les prétendues forces de la pensée darwinienne.

Mais s’agit-il de véritables démonstrations ? La sélection naturelle n’est-elle pas plutôt considérée comme tellement indéniable et incontestable que de simples « vérifications », se résumant à des raisonnements orientés, soient nécessaires ? En effet, le darwinisme a souvent été critiqué comme étant un édifice figé, dans lequel n’importe quel phénomène biologique doit absolument entrer, coûte que coûte, pour « ne pas sortir du cadre127« .

D’autre part, de simples changements populationnels (population shifts) sont considérés, par définition, comme de l’évolution. Par exemple, lorsque les proportions de « pinsons de Darwin » à gros bec ou à bec fin varient d’une année sur l’autre (en fonction de la disponibilité en grosses graines ou en petites graines), on parle classiquement d’évolution. Mais ces événements micro-évolutifs (le terme nano-évolutifs me semblerait plus approprié, tant ces variations mineures s’avèrent très souvent non seulement temporaires, mais aussi réversibles) sont-ils vraiment représentatifs d’une évolution significative ? Je pense qu’on peut objectivement se poser la question.

4.2.2.2. Les expériences d’accumulation de mutations

Les expériences d’accumulation de mutations (EAM) sont la plupart du temps présentées dans la littérature scientifique comme représentant des preuves tangibles de l’existence de l’évolution darwinienne. En effet, de simples changements populationnels (population shifts) étant considérés comme de l’évolution par définition, l’apparition de quelques mutations isolées, réparties sur des dizaines de milliers de générations, semble bien être à la base de l’évolution des populations de bactéries. Est-ce vraiment le cas ? On peut interpréter les résultats de ces expériences d’une toute autre façon.

Comme le précise tout d’abord Sanford, alors que ces expériences sont considérées comme représentatives d’une évolution sur de longues périodes de temps, elles ne dépassent pas quelques décennies128 : ce qui est très long d’un point de vue expérimental est en fait très court par rapport aux temps géologiques (il y a confusion ici entre le temps absolu et le nombre de générations, ce qui n’est pas du tout équivalent).

Mais, surtout, peut-on vraiment parler d’évolution ? Il me semble qu’on puisse considérer ces résultats selon deux angles. Selon le point de vue darwiniste, il s’agit bien d’une évolution, puisque ce changement est basé sur le couple variation-sélection : la variation se manifeste ici, justement, par l’apparition de ces quelques mutations (quant à savoir si la sélection naturelle est intervenue, c’est un autre problème), qui seraient à la base de ce mécanisme évolutif (et, dans un certain sens, cette conclusion était donc connue à l’avance). Toutefois, comme le dit Sanford, on peut très bien considérer qu’il ne s’agit là que d’un « réglage fin » (fine-tuning)129, sans qu’il s’agisse véritablement d’une évolution (pas même d’une micro-évolution). Quel arguments pourraient aller dans le sens de cette interprétation ?

Le premier, c’est que certains auteurs considèrent que le darwinisme est basé sur une immense extrapolation130 : à partir de l’hypothèse, raisonnable et réaliste, de l’intervention de la sélection naturelle dans le processus évolutif131, les darwinistes ont fait de la sélection naturelle l’unique mécanisme évolutif, non seulement capable de tout expliquer, du plus petit changement populationnel local jusqu’aux transitions macro-évolutives majeures, mais, en outre, auquel tous les autres mécanismes possibles peuvent être ramenés. C’est ce que Momme von Sydow appelle le « monisme de processus132 » dont nous avons déjà parlé, en lien avec une forme d’exagération extrême du sélectionnisme (pan-sélectionnisme133) et de l’adaptationnisme (pan-adaptationnisme134) : le « darwinisme radical135 » . Ainsi, d’un point de vue très général, que le mécanisme à l’œuvre dans les EAM représente véritablement une évolution, darwinienne qui plus est, reste, de fait, une question ouverte.

D’autre part, il n’est pas du tout évident que l’introduction de toute mutation soit à l’origine d’un processus évolutif. Comme le précise justement Sanford, il semble indéniable que de nombreuses mutations restent invisibles pour la sélection naturelle, et ce pour de nombreuses raisons (mutations neutres ou quasi-neutres, importance du bruit génétique, notamment). Ainsi, le fait de détecter certaines mutations au sein de populations bactériennes, même sur des périodes de temps longues, peut très bien être considéré comme insignifiant : il en faudra sans doute beaucoup plus pour qu’une véritable variabilité apparaisse, susceptible, éventuellement, de produire un authentique mécanisme évolutif, possiblement darwinien136.

Enfin, il est intéressant de considérer que l’adaptation potentielle qui peut résulter de l’occurrence de ces mutations ne soit que le résultat d’une perte : « perte de fonction », « perte de régulation », « perte d’information137 » – ce qui en revient à se demander, finalement, ce que l’organisme en question a véritablement « gagné », donc s’il a véritablement évolué. Quant à savoir si cette perte peut-être mise en perspective vis-à-vis d’une dégénérescence générale liée à l’entropie génétique, cela me semble une conclusion possible, mais pas obligatoire.

En conclusion, je pense que les EAM ne sont pas significatives pour expliquer le mécanisme évolutif, quel qu’il soit (darwinien ou non) – à moins, comme c’est la plupart du temps le cas, de mettre en place un raisonnement dans lequel la conclusion, évidente et inévitable, est connue à l’avance (ce qui est très souvent le cas pour « démontrer » la réalité du darwinisme.)

5. QUESTIONS SCIENTIFIQUES ET PHILOSOPHIQUES SOULEVÉES PAR L’ENTROPIE GENETIQUE

5.1. Le rôle de l’entropie dans l’origine de la vie et l’évolution biologique

« […] [L]’entropie […,] c’est la mesure du désordre présent dans un système […].
C’est l’antinomie de la vie et de toute notion de « conception »138. »

Leonard Mlodinow, Qui détient la clé de l’Univers ?

Il semble impossible d’étudier la notion d’entropie génétique sans, au préalable, s’intéresser à celle, plus générale, d’entropie thermodynamique, et de ses relations avec la vie. Malgré la citation très négative ci-dessus, plusieurs auteurs se sont intéressés à la dimension thermodynamique du vivant et de l’évolution biologique, aspects par ailleurs totalement ignorés par le darwinisme à cause de son incapacité à étudier le vivant au niveau individuel, organismique.

5. 1. 1. Thermodynamique, entropie et organismes vivants

La thermodynamique est la science physique qui étudie tous les processus dans lesquels interviennent les notions d’énergie (comme la température et l’entropie) et de travail, notamment les transformations impliquant des transferts d’énergie (comme les échanges thermiques) entre un système et l’extérieur : par exemple, la thermodynamique traite des changements d’état de la matière, des transformations entre les différentes formes de l’énergie, ainsi que de l’influence de la température sur les propriétés physiques des corps.

En thermodynamique, un système désigne un ensemble, parfois ramené à une région de l’espace, constitué de matière, délimité par une frontière, et capable d’échanger de la chaleur et du travail avec son environnement extérieur. Tout système thermodynamique peut être défini sur la base de cinq grandeurs physiques : température, volume, pression, énergie interne et entropie. L’entropie d’un système est la grandeur thermodynamique qui caractérise la capacité d’un système thermodynamique à fournir un travail ; comme l’entropie désigne également le degré de désordre, de désorganisation (ou d’imprédictibilité) du contenu en information d’un tel système, c’est plutôt son incapacité à fournir un travail qui est prise en considération : en effet, plus l’entropie est élevée, plus l’énergie est dégradée, dispersée, donc inutilisable par le système pour produire un effet quelconque. C’est l’entropie qui est à l’origine de la dégradation des objets et de la mort des êtres vivants139.

Les organismes vivants, en tant qu’entités capables de produire et de consommer de l’énergie et de fournir un travail, sont des systèmes thermodynamiques : ils sont donc directement concernés par la thermodynamique et, plus précisément, par l’entropie. En effet, les êtres vivants se caractériseraient par la capacité à créer de l’ordre à partir du désordre, ce qui semble contredire le second principe de la thermodynamique, selon lequel l’entropie d’un système ne peut qu’augmenter. A cet égard, la vie ferait figure d’exception, d’où la vision des organismes comme « points d’entropie négative » (ou « néguentropie ») ou « systèmes dissipatifs d’entropie » : ainsi, les êtres vivants seraient capables, à partir d’énergie puisée dans leur environnement (l’énergie solaire ou l’énergie chimique potentielle140 des nutriments), d’organiser et d’ordonner leur propre matière. En fait, le second principe est respecté, car les êtres vivants ne peuvent maintenir leur ordre interne qu’au prix d’échanges permanents d’énergie avec leur milieu extérieur : par conséquent, et en fin de compte, l’entropie totale du système global « organisme + reste de l’Univers » augmente bien. D’un point de vue thermodynamique, la vie peut donc être envisagée comme une résistance, une victoire, certes localisée et éphémère, face aux lois qui gouvernent l’Univers : les organismes représenteraient donc des zones d’entropie négative, extrêmement localisées dans le temps et dans l’espace. Et, à la mort de chaque organisme, c’est le désordre qui finit par reprendre le dessus141.

5.1.2. Origine thermodynamique de la vie142

Karo Michaelian indique que le fait de « comprendre comment le vivant fonctionne sur le plan thermodynamique pourrait donner des indications sur l’origine de la vie143 » , car « la production d’entropie constitue une mesure de la propension de la nature à exploiter les différents micro-états accessibles144 » . Ces observations le mènent à « formuler l’hypothèse selon laquelle c’est en vertu de son rôle de catalyseur de l’absorption et de la dissipation de l’énergie des rayons solaires, à la surface des mers lors de la période archéenne, que la vie serait apparue et aurait perduré jusqu’à aujourd’hui145 » . Ainsi, « dans cette perspective, l’origine et l’évolution de la vie peuvent être envisagées comme procédant d’un impératif thermodynamique naturel : l’augmentation de l’entropie de la Terre en interaction avec son environnement solaire146 » .

A l’appui de cette hypothèse, Michaelian suggère que, « de façon générale, la complexité des organismes vivants, des premières cellules jusqu’à la biosphère tout entière, a augmenté au cours du temps ; par conséquent, leur production totale d’entropie, ainsi que la production nette d’entropie par unité de biomasse ont, elles aussi, augmenté147 » . Il insiste sur le fait que « l’origine de la dimension tautologique de la théorie darwinienne de l’évolution par sélection naturelle148 vient, en fait, de l’absence de prise en compte de la production d’entropie comme fonction des organismes vivants. C’est une idée que Boltzmann avait proposée il y a 150 ans : la dynamique fondamentale du vivant résulte de la production d’entropie149 » . Au contraire, « selon la théorie proposée, l’origine de la vie et du mécanisme évolutif présenterait la caractéristique d’un cycle autocatalytique faisant intervenir un important couplage entre processus biotiques et abiotiques ; ce cycle serait mis en place sous l’influence d’un mécanisme d’augmentation de la production d’entropie terrestre, dans le cadre de l’interaction de la planète avec son environnement solaire – mécanisme tout à la fois universel et orienté vers un but150. Ce vaste cycle autocatalytique, faisant non seulement intervenir le vivant, mais aussi des processus abiotiques de production d’entropie, est toujours d’actualité et semble même avoir évolué vers encore plus d’efficacité à produire de l’entropie151 » .

Dans cette perspective, l’augmentation d’entropie aurait donc joué un rôle prépondérant dans l’apparition de la vie et la mise en œuvre du processus évolutif. Cette proposition semble donc en faveur d’un rôle positif de l’entropie au sein du fonctionnement du vivant. Toutefois, l’entropie peut prendre plusieurs formes différentes, susceptibles d’exercer des actions différentes sur les organismes.

5.1.3. Entropie et évolution

Selon John Collier, dans le cadre d’une « théorie systémique en cours d’élaboration, l’environnement et les organismes vivants, ainsi que leurs nombreuses interactions, sont considérés comme reposant sur des principes communs152 » . En relation avec les informations précédentes concernant l’origine thermodynamique de la vie, on peut considérer que « [l]’évolution est sous l’emprise de processus hors équilibre qui sont à l’origine d’une augmentation de l’entropie et du contenu en information de l’ensemble des espèces vivantes153 » . Plus précisément, « des augmentations de l’entropie et de l’information des organismes, considérés comme des systèmes se reproduisant de façon imparfaite, seraient à l’origine de la dynamique de l’évolution. La sélection naturelle ne ferait que jouer le rôle d’un facteur externe limitant, influençant le rythme de l’évolution154 » .

De plus, il s’avère que les systèmes biologiques présentent deux types d’entropie :

  • « L’entropie de l’information est une mesure de la capacité d’un système à résister aux fluctuations aléatoires, c’est-à-dire une mesure de sa stabilité155 » ;
  • « L’entropie de cohésion d’une espèce vivante est une mesure de son désordre dû aux difficultés qu’ont les individus qui la composent, considérés séparément, à échanger leur matériel génétique156 » .

Ainsi, en définitive, « l’évolution résulterait de l’effet cumulé de l’augmentation de l’entropie de l’information et de l’entropie de cohésion157 ».

1.4. Relations entre l’entropie thermodynamique, l’entropie biologique et l’entropie génétique

De l’ensemble des données précédentes, on peut tirer les réflexions suivantes :

  • Bien que l’entropie thermodynamique ne puisse qu’augmenter, l’entropie biologique, elle, diminue localement et temporairement chez les organismes individuels ;
  • L’entropie biologique globale de la biosphère comprise dans son intégralité spatio-temporelle (zone superficielle de la Terre – entre environ 11.000 mètres de profondeur et 9000 mètres d’altitude – depuis au moins 3,5 milliards d’années158) a augmenté, en relation avec l’augmentation générale de la disparité, de la diversité159 et de la complexité160, donc du contenu en information, des organismes ;
  • De façon ultime et générale, l’entropie serait intimement liée à la nature du vivant, à son origine et à son évolution.

Ces informations semblent donc incompatibles avec l’idée que l’entropie puisse être vue comme un facteur négatif au sein du fonctionnement du vivant et de son évolution – apparemment, ce serait plutôt le contraire.

(Voir également plus loin les relations entre entropie et complexité biologique.)

5.2. Qu’est-ce que la réalité ?

« […] [I]l n’est pas facile de faire un problème de quelque chose que nous croyons bien connaître, qui semble aller de soi, comme la réalité161. »

Hervé Boillot, 25 mots clés de la philosophie.

« La réalité, de toute façon, n’est jamais venue d’elle-même : elle se crée, […] une fiction à laquelle on finit toujours par croire, […] une réalité qu’on a inventée162. »

Jean-Paul Belmondo, Mille vies valent mieux qu’une.

« C’est faire preuve d’étroitesse d’esprit que de croire que l’image du monde que nous nous faisons est la seule163. »

Leonard Mlodinow, Qui détient la clé de l’Univers ?

La question philosophique fondamentale concernant la réalité semble faire débat depuis des temps immémoriaux. J’essaierai d’y apporter quelques possibles éléments de réponse.

Hervé Boillot présente l’idée que « [l]a réalité est ce qui semble aller de soi, ce que nous croyons toujours bien connaître. Elle alimente les certitudes les plus tenaces de la conscience164 ». Le CNRTL indique qu’en philosophie la réalité correspond à « [c]e qui existe indépendamment du sujet, ce qui n’est pas le produit de la pensée » ; le réel, notion synonyme, est défini comme ce « [q]ui existe d’une manière autonome, qui n’est pas un produit de la pensée ». Ces définitions sont à relier à la notion de réalisme : le Guide critique de l’Évolution précise que « [l]e réalisme postule que le monde naturel existe indépendamment de la perception et de l’idée qu’en a celui qui l’observe165 » , ce qui signifie que « […] le monde des idées n’a pas la priorité sur le monde physique166 » . Nous verrons que ces idées sont discutables.

En effet, Boillot fait référence à Nietzsche, selon qui « […] le philosophe a pour fonction de sonder, de mesurer l’épaisseur et la solidité des choses […] » (fonction qui de nos jours ne semble plus revenir qu’aux scientifiques). Ainsi, il n’existe « [p]as un philosophe qui, d’une manière ou d’une autre, ne s’attaque à la réalité, […] pour l’interroger, […] chose que ne fait jamais la croyance naïve en la réalité167 » .

Certes, on pourra rétorquer que les scientifiques ne tombent pas non plus dans cette « croyance naïve ». Pourtant, les philosophes, tels Platon ou Descartes, posent la question : « Existe-t-il seulement quelque chose de réel indépendamment de l’esprit qui le connaît ? », et conteste ainsi « […] l’idée même qu’il existe une réalité en soi, indépendamment de la conscience […]168 » . On en arrive, chez Bachelard, à la notion que la réalité n’est pas « […] quelque chose de donné mais de construit […]169 » . En effet, « [p]récisément, au moment où nous concevons la réalité comme donnée des sens, sommes-nous sûrs que nous n’avons pas affaire à de simples représentations ?170 »

En fait, il s’avère que « […] toute croyance à la réalité est […] illusoire171 » – toutefois « […] le philosophe [Descartes, en l’occurrence] doute moins de la réalité elle-même que de la croyance en la réalité172 » . En fin de compte, « […] il apparaît que la réalité ainsi conçue devient inconsistante et relative […]173 » , d’où « […] la nécessité de poser une réalité comme référence stable pour l’esprit humain174 » , selon Platon – mais cette réalité ne présenterait-elle alors pas une forte composante subjective et arbitraire ?

5.2.1. Logique, connaissance et vérité175

Kant est à la recherche de « […] l’universel et sûr critère de la vérité de toute connaissance176 » . Il précise que la « définition nominale » de la vérité « […] fait l’accord de la connaissance avec son objet […]177 » , pour en déduire qu’ « […] une marque suffisante et en même temps universelle de la vérité ne peut être donnée178 » . Par contre, il insiste sur le fait « […] qu’une logique, en tant qu’elle traite des règles générales et nécessaires de l’entendement, doit exposer, dans ces règles mêmes, les critères de la vérité. […] Mais ces critères ne concernent que la forme de la vérité […] et, s’ils sont […] très justes, ils sont pourtant insuffisants. Car une connaissance peut fort bien être complètement conforme à la forme logique, c’est-à-dire ne pas se contredire elle-même, et cependant être en contradiction avec son objet179 » . Il en arrive à parler d’une « logique de l’apparence180 » , « […] art sophistique de donner à son ignorance, et même aussi à ses illusions […], l’apparence de la vérité, en imitant la méthode de profondeur que prescrit la logique en général en se servant de la topique de cette science pour colorer les plus vaines allégations. Or, on peut remarquer […] que la logique générale […] est toujours une logique de l’apparence, […] étant donné qu’elle ne nous apprend rien sur le contenu de la connaissance […] ». Charles Serrus indique « […] que la vérité ne pouvait être séparée des conditions de sa découverte181 » , concluant qu’ « […] on peut se demander si la notion de vérité garde alors un sens182 » .

Ces considérations font immanquablement penser à la délicate et sans doute impossible distinction entre science et pseudo-science ; car, en effet, ce sont les scientifiques eux-mêmes qui définissent, péremptoirement, les disciplines et méthodes prises pour scientifiques, et celles qui ne le seront pas183. D’autre part, en ce qui concerne un corpus de connaissances cohérentes entre elles, mais ne correspondant pas à leur objet d’étude, c’est exactement ce que certains auteurs reprochent au darwinisme (la dimension biologique des organismes vivants étant ignorée, si ce n’est niée, car ces derniers y sont réduits à des « mosaïques de caractères » ou à des « conduits passifs pour transmettre leurs gènes égoïstes ») : dès lors, on peut légitimement se demander si la théorie darwinienne est « vraie184 » , c’est-à-dire si elle explique vraiment la réalité de l’évolution du vivant – ou plutôt une représentation abstraite n’ayant que peu de liens avec la réalité du monde naturel. De ces réflexions émerge la conclusion inévitable suivante : la notion de vérité – donc de réalité – reste subjective, arbitraire et relative.

5. 2. 2. Réalité, sciences humaines et physique quantique

Mathilde Fontez et Hervé Poirier185 citent Amos Tversky et Daniel Kahneman, qui ont « […] montré qu’il existe une multitude de cas où, au lieu de calculer les probabilités de manière rationnelle pour faire un choix ou émettre un jugement, l’esprit humain viole les lois de la logique186 » . Par exemple, « […] nous jugeons les événements proches plus désirables que les événements lointains. Ou […] nous sous-estimons ce que nous ignorons… Autant de traits psychologiques universels qui fonctionnent comme des biais de raisonnement, déviant les trajectoires de nos décisions de la route tracée par la logique probabiliste187 » . Fontez et Poirier citent alors Jerome Busemeyer, selon qui l’être humain aurait « […] la possibilité de répondre à un nombre illimité de questions… mais avec une rationalité limitée […]188 » .

Michel Bitbol189 rappelle que les sciences classiques de la nature « […] expliquent le comportement d’objets complètement séparés de ceux qui les étudient […]190 » . « Dans les sciences humaines, au contraire, l’objet d’étude est indissociable de celui qui l’étudie : l’homme s’étudie lui-même. Mais cet écart majeur entre les sciences de la nature et les sciences de l’homme disparaît presque entièrement avec la physique quantique, où on ne peut plus établir de séparation nette entre les propriétés des objets et l’effet que produit l’instrument servant à la mesurer191 » . Ainsi, « […] on ne peut pas désentrelacer les phénomènes microscopiques de leurs contextes expérimentaux192 » . Bitbol précise que « […] la théorie quantique […] renonce à la prétention d’expliquer la « nature » des choses, et se concentre plutôt sur les phénomènes qui résultent de leurs relations avec nos instruments193 » , et en arrive à la conclusion troublante selon laquelle il faudrait « […] repenser un grand présupposé de notre connaissance : la différence entre la réalité et les apparences194 » .

5.2.3. Réalité et falsifiabilité

« A partir du moment où un énoncé scientifique parle de réalité, il doit être falsifiable ; si cet énoncé n’est pas falsifiable, cela signifie qu’il ne parle pas de la réalité195. »

Karl Popper, The logic of scientific discovery.

Karl Popper est célèbre pour avoir proposé le critère de falsifiabilité, « selon lequel les énoncés, ou systèmes d’énoncés, sont porteurs d’information sur le monde empirique uniquement si on peut les confronter avec l’expérience, plus précisément si on peut systématiquement les tester, de façon à pouvoir les soumettre à des tests qui pourraient avoir pour résultat leur réfutation196 » . Popper précise que « ce critère de falsifiabilité permet de faire la distinction, avec suffisamment de précision, entre les systèmes théoriques issus des sciences empiriques et les systèmes métaphysiques197» . Ainsi, on peut considérer que falsifiabilité et réalité seraient, en quelque sorte, équivalentes (toutefois, Popper indique que, « d’un point de vue historique, la métaphysique peut être considérée comme à l’origine des théories des sciences empiriques198 » ).

Sans vouloir remettre en cause ce critère de falsifiabilité, il me semble cependant qu’on peut poser un certain nombre de questions :

  • Si, pour une raison quelconque (pratique, logistique, etc.), un énoncé ne peut être testé, sera-t-il considéré comme ne décrivant pas la réalité ?
  • Le critère de falsifiabilité ne confond-il pas « monde empirique » et « réalité » ? (J’avais identifié le même problème en étudiant les objections anti-créationnistes) ;
  • Ce critère ne sous-tend-il pas également une prétendue supériorité des « systèmes empiriques » (considérés comme scientifiques) par rapport aux « systèmes métaphysiques » (considérés comme non scientifiques) ?
  • Enfin, cette « démarcation » entre les deux types de systèmes me semble faire totalement abstraction de la composante métaphysique indispensable des théories scientifiques199.

5.2.4. La réalité scientifique est une construction abstraite.

Les scientifiques, sous couvert de la prétendue « pleine indépendance200 » de la science, se considèrent trop souvent comme indépendants de toute philosophie, notamment parce que « […] la science a le pouvoir d’exercer une fonction critique sur les productions de la philosophie […] », rendant ainsi la science « […] contraignante pour la philosophie201 » – ce qui sous entend l’idée que la philosophie ne pourrait pas, quant à elle, exercer la moindre critique sur le fonctionnement de l’investigation scientifique. Ainsi, selon Boillot, « […] la science positiviste croit simplement tenir la science à l’écart de toute considération philosophique, au moment même où elle postule, fut-ce pour la récuser, une réalité existant en soi […]202 » .

D’autre part, Boillot qualifie le réalisme de naïf, insistant sur le fait que « […] la philosophie nous convainc bien vite que la croyance naïve en la réalité est une illusion […]203 » . J’ajoute que c’est le réalisme scientifique qui me paraît tout particulièrement naïf.

Boillot précise également, suivant ainsi Kant, que « [l]a seule réalité qui soit accessible est la réalité phénoménale, et non la réalité en soi […]204 » . Il cite Bachelard, pour qui « […] la réalité n’est pas quelque chose de donné, mais une construction […]205 » . « Bref, contrairement à ce que l’on pense, le réel n’est pas le concret immédiat […]. Le concret réel est celui que construisent les sciences […], en ayant recours à l’abstraction […]206 » . Pour finir, on peut conclure, en suivant à nouveau Kant, qu’ « [i]l faut entendre par réalité objective non pas la réalité brute et chaotique des événements et des choses, mais la réalité constituée et construite en objet connu par la pensée humaine207 » . Comme le dit également Mlodinow, qui se réfère également à Kant, « […] la réalité que nous vivons a été construite puis façonnée par nos esprits et […] elle est limitée par nos croyances, nos ressentis, notre vécu et nos désirs208 » . Aussi, pour conclure, « [l]a question est : sommes-nous en train de lire le grand livre de l’Univers ou sommes-nous en train d’en écrire un ?209 »

Dès lors, que peut bien signifier « être déconnecté de la réalité » ? S’il s’agit de la réalité abstraite construite par les scientifiques, rien ne peut obliger personne à croire que cette « réalité » soit la seule valable. S’il est clair que certaines connaissances scientifiques se retrouvent parfois dans de spectaculaires applications technologiques ou médicales qui, par rapport à la notion de réalité, peuvent être considérés comme autant de preuves tangibles (par exemple le numérique), en revanche, la majorité du savoir scientifique n’ayant que peu ou pas de telles applications, il est extrêmement difficile, voire impossible, d’être certain d’avoir réellement accès à la réalité ultime. Certes, il est toujours possible d’affirmer péremptoirement qu’une découverte donnée démontre clairement l’exactitude de telle ou telle théorie (ce que les darwinistes passent leur temps à faire, car la théorie darwinienne joue le rôle d’authentique « acide universel210« ) ; toutefois, la même découverte, ou d’autres, restent disponibles pour différents cadres interprétatifs « alternatifs », scientifiques ou autres211.

5.3. Le problème des modèles et des simulations

Les modèles et simulations, qu’elles soient analogiques ou numériques, représentent immanquablement des simplifications, parfois outrancières, de la réalité. Prenons un exemple tiré de l’enseignement de la géologie au collège : la modélisation d’une éruption volcanique.

Le volcan est représenté par un tube « en U », la lave par du shampooing ou du ketchup (volcan effusif) ou de la purée épaisse (volcan explosif). Le « moteur » de l’éruption (gaz dissous dans le magma) est simulé par la mise en dissolution d’un cachet effervescent.
Les limites de cette modélisation sont aussi évidentes qu’accablantes (à tel point que cette expérimentation simpliste devrait être abandonnée, car pouvant mener à de graves confusions212) :

  • Les différences d’échelle (d’un facteur d’au moins cinq ordres de magnitude) sont beaucoup trop importantes ;
  • Dans un volcan « naturel », la cheminée volcanique est plus ou moins rectiligne et verticale, et non courbée ;
  • Le magma et la lave qui en découle sont constituées de roche en fusion (et non de substances – alimentaires, cosmétiques ou autres – produites par des activités humaines) ;
  • Les gaz dissous dans le magma y sont présents dès sa formation dans le manteau terrestre : ils ne sont pas ajoutés de façon ad hoc pour mettre en évidence un mécanisme (opposition entre un mécanisme totalement sous la dépendance des lois physico- chimiques et une entreprise humaine reposant sur un projet).

Les problèmes me semblent encore plus écrasants avec les simulations informatiques213, tant le monde réel et l’univers des ordinateurs semblent incompatibles et irréconciliables214.

Sanford, avec une certaine lucidité, critique les programmes informatiques développés par Richard Dawkins pour modéliser l’évolution darwinienne215 (p. 22). Au-delà des points que soulève l’auteur, j’insisterai sur d’autres problèmes, au moins aussi prégnants :

  • Les simulations informatiques ne sont que des « exercices de style » ne démontrant rien du tout, car elles sont justement conçues, non pour démontrer une proposition (déjà considérée comme démontrée), mais pour tenter de la confirmer : si l’on y parvient, alors on conclut que l’hypothèse est corroborée par l’informatique ; si l’on y parvient pas, on se contente d’oublier cet échec considéré comme non significatif. Dans ce genre de « démonstration », c’est l’ensemble du raisonnement qui est biaisé par cette « condition » de départ : valider à tout prix l’hypothèse à tester en particulier pour respecter le cadre établi, le paradigme dominant ;
  • Dawkins parle du processus de tamisage (sieving process) par lequel le produit d’une étape de la sélection cumulative devient lui-même l’objet d’un tamisage par une nouvelle étape de sélection. Le premier problème, dans ce mécanisme, est que la sélection naturelle est envisagée comme agissant toujours dans la même direction d’une étape à la suivante ; c’est bien peu probable, d’autant que – et Dawkins semble complètement l’oublier – cette sélection se fait sur la base de conditions environnementales considérées comme aléatoires et imprévisibles, ce qui se manifeste par le fait que ce qui est adapté aujourd’hui peut ne plus l’être demain. Bref, dans la réalité concrète, la « direction » prise par la sélection naturelle ne cesse de changer. Le deuxième problème, souligné par Dawkins lui-même (mais qui ne lui apporte aucune véritable solution) et critiqué par Sanford, c’est que, dans son programme visant à obtenir la phrase « Methinks it is like a weasel », l’ordinateur sélectionne la phrase qui, même de très peu, ressemble le plus à la phrase-cible: le but à obtenir est donc clairement identifié dès le départ (ce qui n’est pas du tout le cas dans la nature, selon la vision standard de la théorie darwinienne de l’évolution). Plus loin, Dawkins revient sur ce problème, insistant sur le peu de générations nécessaires « si l’on ne change jamais de direction216 » , c’est-à-dire, « si l’on connaît précisément vers quelle formule génétique se diriger, et comment l’atteindre217» . Il précise alors qu’un tel processus n’existe pas dans le cas réel de l’évolution, sans pour autant voir un quelconque problème à l’introduction d’un tel biais dans son programme. Dawkins se contente de s’émerveiller du peu de temps qu’il aura fallu à la machine pour arriver à la phrase recherchée – évidemment, puisque tout a été mis en place, dans le programme, pour en arriver à ce résultat !
  • Et c’est bien là un problème fondamental : dans son programme, Dawkins ne cesse d’introduire, en toute connaissance de cause, tout un ensemble de contraintes, de simplifications, de conventions arbitraires, afin, précisément d’obtenir ce qu’il cherche ; ensuite, il s’étonne d’y être parvenu ! En fait, quoi de plus normal ? Quoi de plus prévisible ? Il préfère jouer les étonnés en remarquant que les formes qu’il obtient ressemblent à s’y méprendre à des insectes, attitude subjective à l’extrême (répétée à l’envi avec la Figure 5, p. 61, où il « reconnaît » certaines formes, pourtant très bizarres, avec un aplomb inébranlable). Malgré cela, il reconnaît que c’est son propre œil, son propre cerveau, qui ont opéré le tri, la sélection218 : dans ce cas, le résultat, même totalement « imprévisible » (mais l’était-il vraiment?), n’a absolument rien d’étonnant. C’est l’ensemble de la procédure qui est complètement engluée dans une circularité vide de sens. Cela ressemble à l’étonnement que pourrait manifester un maçon entreprenant de construire une maison… d’avoir réussi à construire une maison !

Sanford a lui-même utilisé des simulations informatiques pour tester un certain nombre de points en lien avec l’entropie génétique, notamment une meilleure prise en compte du bruit biologique (biological noise ; p. 104). Même s’il semble sûr de lui quant au bien fondé des résultats qu’il a obtenus, je reste personnellement très sceptique de façon générale en ce qui concerne l’emploi de tels modèles. Je le répète : comment être certain de représenter le monde naturel de façon réaliste en utilisant une machine numérique, dont le langage se réduit à de gigantesques séries de 0 et de 1 219 ?

5.4. La mise en évidence d’un paradoxe

Les arguments de Sanford en faveur de l’entropie génétique sont impressionnants et ne peuvent, selon moi, être simplement ignorés. De la même façon que l’entropie de l’Univers ne cesse d’augmenter (le menant sans doute vers sa « mort thermodynamique »), l’entropie du génome croît régulièrement. D’après Sanford, ce serait cette augmentation de l’entropie génétique qui expliquerait, en particulier, la disparition des espèces vivantes, par dégénérescence (p. 53).

Cette représentation des choses pose pourtant un certain nombre de problèmes :

  • Lors des événements de spéciation, de nouvelles espèces apparaissent, dérivant directement d’espèces antérieures : si le génome de ces dernières était dégénéré au point de les rendre non viables, comment expliquer la survie et la propagation des nouvelles espèces ?
  • Certaines espèces, appelées maladroitement « fossiles vivants » (expression oxymorique, puisqu’une espèce n’est qualifiée de fossile que si elle a disparu), semblent exister depuis des dizaines, parfois des centaines de millions d’années (certaines blattes et requins, le cœlacanthe, par exemple) : comment l’expliquer dans le cadre de l’entropie génétique, qui semble agir sur des périodes beaucoup plus courtes ?

Face au grand nombre d’espèces qui constituent les biosphères actuelle et passées, un paradoxe semble apparaître pour prendre en compte l’entropie génétique : on devrait observer bien moins d’êtres vivants sur la Terre, que ce soient des espèces vivantes ou fossiles. Une seule explication est alors possible : il doit nécessairement exister au moins un processus permettant de compenser les ravages de l’entropie génétique. De nombreuses possibilités se présentent, comme nous allons maintenant le voir.

6. DES SOLUTIONS POUR EXPLIQUER L’ORIGINE ET LE MAINTIEN DU GÉNOME

6.1. L’intervention d’une intelligence : un Créateur

« Le fait que les espèces aient réussi à survivre aussi longtemps est la preuve du génie du Créateur, qui a conçu les êtres vivants en leur conférant une robustesse et une résistance aux dommages qui sont stupéfiantes220. »

Price, Carter & Sanford.

Selon Sanford et les Créationnistes, les êtres vivants auraient été l’objet d’une Création, processus intelligent menant à l’apparition d’organismes parfaits (car créés à l’image du Créateur, considéré comme parfait). Cette perfection se manifeste alors, notamment, par l’absence de consanguinité lors de croisements entre individus apparentés. Puis, au cours du temps, et sous l’action de l’entropie, les organismes commencent à dégénérer, jusqu’à ne plus être viables et à disparaître. Seule une nouvelle intervention du Créateur permettrait l’apparition de nouvelles espèces parfaites, et ce processus « cyclique » pourrait se répéter indéfiniment.

Cette explication ne me déplaît pas foncièrement, mais elle me semble étayée par bien peu de preuves tangibles. En dehors de la croyance en un tel Créateur, il est difficile d’envisager une explication de ce genre. En revanche, la dimension « intelligente » de la conception du vivant est extrêmement stimulante – les organismes pouvant être vus dans l’optique d’une intelligence intrinsèque, capacité à trouver des solutions à toute une série de problèmes.

6.2. Des alternatives au créationnisme

« Il n’existe pas de représentation neutre de l’évolution, l’image utilisée permet toujours d’insister davantage sur un aspect plutôt que sur un autre […], ce qui véhicule nécessairement une certain vision du monde […] et donc une idéologie scientifique, ou encore […] une prise de position dans le débat épistémologique221. »

Guillaume Suing et Damien Aubert. Evolution : vers une approche dialectique.

La plupart des publications sur la pensée évolutionniste ne font référence, de façon résumée, qu’à la théorie darwinienne et, parfois, à la théorie lamarckienne (résumée de façon extrême dans l’expression « hérédité des caractères acquis »). Il en existe bien d’autres, considérées au mieux comme marginales, au pire comme obsolètes, pseudo-scientifiques, voire anti-scientifiques. Je les passerai en revue, puis montrerai comment ces modèles explicatifs pourraient constituer autant de solutions possibles au problème de l’entropie génétique.

6. 2. 1. Le structuralisme

Le structuralisme est une théorie scientifique fondée par Richard Owen (1804-1892) et défendue aujourd’hui notamment par Michael Denton222. Elle explique l’essentiel de la constitution, du fonctionnement et de l’évolution des organismes par des considérations inhérentes à la structure de la matière vivante. A l’opposé du fonctionnalisme, du sélectionnisme et de l’adaptationnisme darwiniens, le structuralisme envisage le vivant comme l’expression d’un ordre inhérent à la matière qui, s’organisant graduellement dans des constructions de plus en plus complexes, en arrive à former des cellules vivantes et des organismes pluricellulaires. Dans ce cadre, non seulement la vie, mais l’évolution du vivant sont vues comme nécessaires, voire inévitables, car sous l’emprise de lois physico-chimiques fortement déterministes. Cette conception du vivant est aujourd’hui considérée comme obsolète car détrônée au profit du darwinisme.

Le structuralisme repose sur les notions suivantes :

  • Un certain nombre d’aspects présents chez les êtres vivants ne présentent aucune dimension adaptative ;
  • De nombreuses innovations évolutives, qui permettent de définir les grands groupes phylogénétiques (taxa), font penser à des « schémas primordiaux » (primal patterns) sans aucune dimension adaptative ;
  • La forme et la structure des organismes vivants sont la conséquence de propriétés physico-chimiques fondamentales de la matière vivante, n’ayant aucun rapport premier avec le modèle d’évolution darwinienne (seules les adaptations ultérieures de ces formes et structures seraient dues à la sélection naturelle, menant à des « masques adaptatifs223 » trompeurs quant à l’origine ultime des formes et structures originelles) ;
  • Ainsi, la vie peut être considérée comme un système présentant un état particulier d’organisation physico-chimique ; – Contrairement à une idée reçue, le structuralisme n’est pas une forme de créationnisme, ni même une théorie anti-évolutionniste ; cette théorie postule que le fonctionnalisme darwinien, par lui-même, n’est pas suffisant pour expliquer intégralement l’origine et l’évolution du vivant ;
  • Dans cette perspective, les formes fondamentales présentes chez les organismes vivants, appelés « Types » , sont considérés comme immanents et déterminés par un ensemble de lois biologiques naturelles spécifiques, dites « lois de forme » (laws of form).

Michael Denton précise que « selon le paradigme structuraliste, une partie importante de l’organisation générale du vivant, et de chaque organisme en particulier, est le résultat de contraintes internes fondamentales dues à des causes qui dérivent de propriétés physiques premières des systèmes biologiques et de la matière vivante. Ces contraintes internes, appelées “lois de la forme biologique”, limiteraient les possibilités d’organisation des êtres vivants. Cette façon de voir a pour conséquence qu’un grand nombre de formes biologiques de base apparaissent de la même façon que d’autres formes naturelles – de façon ultime, grâce à l’auto-organisation de la matière – et doivent être considérées comme d’authentiques universaux225 » . Denton affirme que « l’état fortement ordonné des organismes vivants résulte de complexes mécanismes d’auto-organisation qui échappent à toute spécification génétique226 » . Ces processus « dépendent de lois naturelles de portée générale qui déterminent les propriétés fondamentales de la matière227 » .

L’objection selon laquelle il n’existerait aucune preuve de la validité du structuralisme repose d’une part sur une forme d’aveuglement intellectuel (seul le darwinisme serait capable d’expliquer l’évolution du vivant) et, d’autre part, sur le fait que le structuralisme n’ayant jamais rencontré la faveur des scientifiques, très peu d’études y ont été rattachées.

Dans la perspective structuraliste, la matière contient forcément, en elle-même, les propriétés permettant la survie et le maintien des espèces vivantes. Les organismes étant parfois considérés comme s’opposant à l’action de l’entropie (ils représentent au contraire des formes particulièrement ordonnées de la matière), on peut envisager qu’ils auraient, dès leur origine, l’aptitude à s’opposer à l’action de l’entropie – en particulier l’entropie génétique. Ainsi, luttant constamment contre le désordre (lutte dont le coût énergétique est très élevé), ils seraient capables de maintenir un ordre suffisant, notamment dans leur génome, pour pouvoir survivre et fournir de nouvelles espèces par spéciation.

6. 2. 2. La biologie au-delà du génome et la redondance – L’ingénierie génétique naturelle et la réécriture du génome – La sentience du vivant

L’idée maîtresse de Denis Noble, c’est que « […] les fonctions des systèmes biologiques reposent […] sur d’importantes propriétés de la matière qui ne sont pas déterminées par les gènes228 » . En effet, en se basant sur l’idée qu’il n’existe pas de « programme génétique » – notamment parce « […] qu’il n’y a aucun niveau de causalité privilégié dans les systèmes biologiques229 » –, Noble pense qu’il faut « […] redéfinir le génome comme une base de données pour la transmission des organismes ayant « réussi » au sens de l’évolution […]230» . De façon audacieuse, pour ne pas dire révolutionnaire, Noble affirme que « […] l’ADN ne fait rien d’autre qu’être là : la cellule s’en sert à l’occasion pour lire la séquence dont elle a besoin, afin d’obtenir la production d’une protéine ». Comme « […] des protéines sont nécessaires au dispositif de lecture du code fabriquant les protéines », il s’avère que, de façon paradoxale, « [l]’ADN ne peut rien faire hors de la présence de ces systèmes protéiques cellulaires […] » : ainsi, « […] le cœur du problème, c’est autant le processus de lecture que l’objet lu231» – ce qui dépasse largement la vision conventionnelle des mécanismes de transcription et de traduction.

Noble en arrive à l’idée « […] qu’il y a diverses manières de lire un génome » car « [l]a lecture du génome […] est non seulement variable, mais aussi combinatoire », grâce à une forte fragmentation du génome (notion qui me paraît pouvoir être reliée avec celle de l’ingénierie génétique naturelle défendue par Shapiro). Selon Noble, « [i]l faut inclure dans cette variabilité les nombreux processus de « retour en arrière ». Ces processus permettent la correction des erreurs ou des dysfonctionnements au niveau du génome », de façon à ce que « […] l’organisme soit tout de même en mesure de passer outre232 » . Dans cette perspective novatrice, « [l]a logique qui rend compte du succès d’un gène ne se situe donc pas au niveau de son ADN, elle réside dans l’interprétation de ce code et dans l’adéquation du résultat de cette interprétation avec la logique du vivant233» . En fin de compte, « [l]e génome doit être lu à partir du phénotype, et non l’inverse234 » .

L’ingénierie génétique naturelle est une solution qui pourrait compléter la vision structuraliste de l’évolution, d’une part, et la position défendue par Denis Noble, d’autre part. James Shapiro propose en effet une vision du vivant et de l’évolution qui semble présenter des points communs avec l’approche de Noble, car le terme « ingénierie » décrit « des processus intégrés d’auto-modification235 » : à ce sujet, Shapiro mentionne qu’il a été montré que les cellules vivantes étaient dotées de la capacité à mettre en œuvre des processus actifs de réécriture partielle ou totale de leur génome. Dans cette optique, le génome serait « un système de mémoire de type lecture-écriture soumis à des changements non aléatoires sous le contrôle de fonctions cellulaires spécifiques236» permettant « un grand nombre de moyens pour les cellules d’introduire de l’information dans leur génome237» : ainsi, « ces différents types d’insertions constituent une forme d’écriture ayant la capacité de modifier la mémoire génomique des cellules238» . En fin de compte, « l’ingénierie génétique naturelle représente la capacité des cellules vivantes à manipuler et à restructurer les molécules d’ADN qui constituent leur génome239» . Ces « processus de réorganisation peuvent concerner le génome dans son intégralité240 » .

Cette vision du vivant et de son évolution est centrée sur la notion d’information. Il s’agit de comprendre comment les organismes « acquièrent, traitent et transmettent de l’information de façon à permettre la mise en place et le fonctionnement de systèmes vitaux complexes241 » . Dans cette perspective, « le processus évolutif est manifestement basé sur l’obtention d’innovations par une logique combinatoire242 » dont « les chances de succès sont bien plus importantes qu’un mécanisme de modification génomique un nucléotide à la fois243 » . « L’évolution se fait [alors] par amplification et réorganisation de segments génomiques244 » , ce qui présente l’avantage de « générer de la redondance, aspect fondamental du processus évolutif245 » .

De la sorte, « en considérant le génome dans une perspective informationnelle, ce type d’ingénierie génétique systémique est une meilleure métaphore évolutive que celle, plus conventionnelle, d’une marche au hasard orientée par la sélection naturelle246» : au lieu de voir les changements génomiques comme résultant d’événements aléatoires et accidentels, l’ingénierie génétique naturelle conçoit ces « changements comme prenant leur origine dans une myriade de fonctions cellulaires régulées247» , d’où « l’apparition d’innovations évolutives, à partir de la production de nouvelles structures cellulaires et pluricellulaires, par la mise en jeu de fonctions cellulaires d’auto-modification248 » , au cours « d’épisodes de changements rapides249 » – en accord avec les « équilibres ponctués » d’Eldredge et Gould250.

Shapiro en arrive à la notion d’une « cognition » des cellules. Très loin du déterminisme génétique, notion fondamentale du « Dogme Central de la Biologie Moléculaire », cette cognition permet aux cellules de « collecter et de transférer de l’information, dans le cadre de processus de prise de décision251» considérés comme actifs252. En conclusion, il apparaît que les cellules, loin de se comporter en aveugle253, sont capables de « fonctionner téléologiquement, leurs buts étant leur survie, leur croissance et leur reproduction254 » – « conception entièrement nouvelle mais rigoureusement scientifique d’envisager la cognition, la prise de décision et les fonctions orientées vers un but255» .

Dans une perspective apparentée, Dennis Bray, dans son livre A Computer in Every Living Cell256, développe les notions de cognition et de sentience chez les organismes vivants. Dans le premier chapitre, intitulé Clever cells257, il insiste sur le fait que « même de simples cellules individuelles sont conscientes du monde qui les entoure. Elles sont en effet capables de détecter des saveurs et arômes de nature chimique, des vibrations d’origine mécanique, des stimuli visuels, des champs électriques, et même la gravité. Elles y répondent de façon sélective et judicieuse par des déplacements ou des changements de forme ou des modifications de leur milieu intérieur258» , concluant que « la plupart des micro-organismes font montre de ce que l’on appelle vigilance chez les animaux supérieurs259» . Bray en arrive à l’idée que « la connaissance du monde représente une caractéristique tellement primordiale de la vie260 » qu’« une conscience primitive de l’environnement a dû constituer l’un des éléments indispensables pour que la vie apparaisse : cette conscience s’est maintenue et s’est répandue, en prenant des formes de plus en plus complexes et productives, au sein de la foule d’organismes vivants qui sont apparus au cours de l’histoire de l’évolution. Cette aptitude inhérente au vivant s’est renforcée et s’est diversifiée selon une multitude de modalités différentes261 » . Dans une vision des choses que je qualifierais de révolutionnaire, Bray conclut que « le monde n’est pas fait d’objets mais plutôt d’événements et de relations ; les organismes vivants ne sont pas faits d’atomes ni de molécules mais plutôt de cycles de relations de causalité. La vie naît de la mise en place d’une clôture catalytique au sein d’un ensemble de molécules diverses : une fois que cette clôture est réalisée, on peut considérer que le système de toutes les molécules considérées collectivement est vivant262 » .

Mais Gray va encore plus loin, suggérant que « les cellules présentent deux caractéristiques potentiellement déterminantes : la première est la perception du temps, de la causalité – une connaissance de la façon dont les choses du monde réel s’enchaînent dans un certain ordre ; la seconde est la faculté d’intégrité, qui rend les cellules capables de faire la différence entre ce qui leur appartient en propre et ce qui fait partie du milieu extérieur263 » . Dans cette perspective, « au fur et à mesure que les cellules se nourrissent, grandissent, réagissent et entrent en action, leur composition chimique, au départ statique, s’en trouve améliorée et modifiée. Comme ces modifications sont réversibles, les cellules acquièrent une certaine réceptivité et une capacité de réactivité. Ces remaniements sont le reflet de ce que les cellules ont vécu dans leur passé immédiat264 » . De la sorte, « les cellules seraient capables d’exploiter leur expérience passée pour prévoir le futur – ne serait-ce qu’à partir du plus infime aperçu de ce qui va suivre – tout juste de quoi leur permettre d’anticiper ce qui va arriver265» – vision des choses qui, selon moi, est compatible avec la dimension téléologique du vivant.

Ces visions particulières et originales du processus évolutif permettent d’envisager une solution possible au problème de l’entropie génétique. En effet, le mécanisme combinatoire proposé par Noble permet de « contourner » l’effet délétère d’une mutation : « [s]i le plan A ne marche pas, le plan B est activé, la cellule est capable de synthétiser des protéines qui fonctionnent en lieu et place de celles pour lesquelles le gène défectueux codait originellement266» . Comme le génome doit être lu à partir du phénotype, c’est-à-dire à partir de l’état dans lequel l’organisme vivant se trouve à chaque instant, une manière de réinterprétation de l’information génétique semble être réalisée en fonction du contexte, permettant une forme de « relecture » capable d’amoindrir, voire d’effacer, au moins temporairement (et peut-être de façon beaucoup plus durable), l’effet délétère de certaines mutations. Chaque organisme serait ainsi doté d’un certain nombre de mécanismes de secours qui entreraient en jeu dès que les conditions « normales » seraient perturbées. La forte redondance impliquée par de tels mécanismes permettrait d’expliquer une grande partie de la robustesse et de la résilience des êtres vivants face, notamment, à la dégradation du génome.

De plus, et de façon complémentaire et peut-être encore bien plus efficace, la cognition des cellules envisagée par Shapiro pourrait leur permettre de connaître l’état de leur matériel génétique et de mettre en œuvre des mécanismes efficaces permettant de contrer les effets de l’entropie génétique, par exemple en reconnaissant certaines régions du matériel génétique ayant accumulé un grand nombre de mutations délétères indétectables, pour une raison ou une autre, par la sélection naturelle. Ainsi, par la mise en jeu d’un mécanisme de réécriture active, les cellules vivantes pourraient éliminer une quantité significative de ces mutations et, au final, alléger de façon importante leur fardeau génétique – moyen a priori efficace de lutter contre l’entropie génétique.

En outre, la capacité des cellules vivantes, dotées d’une conscience, même rudimentaire, du monde extérieur, de modifier et d’améliorer leur structure et leur fonctionnement interne par la mise en œuvre d’une clôture catalytique, leur conférant une forme d’aptitude à entrevoir l’avenir à très court terme, pourrait représenter, associée à la redondance et à la faculté de réécriture active de leur génome, une solution extrêmement efficace au problème de l’entropie génétique. En effet, on peut envisager que les cellules auraient acquis le moyen de détecter la dégénérescence de leur propre génome (possibilité d’ailleurs peut-être non adaptative et constitutive dès les premières protocellules, comme condition sine qua non à l’émergence de la vie) et d’y remédier par la mise en jeu de toute une panoplie de mécanismes se complétant les uns les autres. Bien évidemment, par leur nature physique, et puisque les molécules à la base de ces mécanismes sont elles-mêmes encodées dans le génome, ces derniers ne sont pas infaillibles et sont susceptibles de voir leur efficacité diminuer dans certaines lignées évolutives, ou dans certaines espèces précises – raison possible de leur dégénérescence menant à leur extinction collective ou individuelle. Cependant, l’hypothèse de l’universalité de ces processus « anti-entropie » reste à mon sens extrêmement vraisemblable.

6. 2. 3. Convergence et inévitabilités évolutives – Contraintes évolutives – Prévisibilité de l’évolution

Terry Ord et Thomas Summer267 définissent la convergence comme étant l’apparition indépendante, au cours de l’évolution, de phénotypes semblables, au sens strict à partir d’informations génétiques différentes (ce qui différencie la convergence de l’évolution parallèle, basée sur des informations génétiques similaires – si toutefois l’origine génétique de ces processus a pu être déterminée). Il faut également distinguer la convergence de la redondance fonctionnelle, ce qui peut s’avérer délicat268. Convergence, évolution parallèle et redondance fonctionnelle sont toutes trois regroupées sous l’appellation d’ »évolution répétitive » (repeated evolution269).

La convergence évolutive se manifeste par la réapparition, chez des espèces vivantes parfois très éloignées d’un point de vue phylogénétique, d’innovations évolutives semblables, presque identiques. La convergence peut concerner des attributs physiques mais aussi des comportements. L’interprétation classique ce telles occurrences est purement darwinienne : soumis aux mêmes contraintes environnementales, des organismes différents pourront développer des solutions analogues (qui se ressemblent sans toutefois présenter d’origine évolutive commune).

Il existe toutefois une autre interprétation de la convergence, défendue, notamment, par Simon Conway Morris, selon qui « où que l’on porte son regard [dans le monde biologique], l’évolution est bridée par la convergence270» : ainsi, la réitération d’occurrences évolutives semble plus être la règle que l’exception. Conway Morris insiste : « Qu’on s’intéresse à la fonctionnalité des solutions mises en place par les organismes ou aux voies évolutives empruntées par ces derniers, les choix possibles s’avèrent limités, si ce n’est inévitables271» . Il remarque que « quel que soit le niveau biologique considéré, on trouvera des foyers présentant une stabilité biologique prolongée et qui agiront comme des attracteurs irrépressibles272 » . Il fait appel à la notion d’« écomorphe », défini comme « une configuration anatomique récurrente en adéquation avec des impératifs écologiques particuliers273» . Dans le cadre d’une vision déterministe du processus évolutif, qui explore les différentes régions accessibles de « l’hyper-espace biologique » (biological hyperspace), chaque solution, correspondant à un écomorphe particulier, présente alors une forte probabilité d’apparaître un certain nombre de fois au cours des temps géologiques274. Ainsi semble se dessiner « un schéma prévisible » (a predictive framework275) de l’histoire évolutive. En fin de compte, « les voies suivies par l’évolution s’avèrent étroites et inévitables276 » .

Parmi les nombreux facteurs qui, activement ou passivement, ont la potentialité d’orienter le processus évolutif, on trouve les nombreuses contraintes auxquelles les organismes sont soumis, de tous ordres : contraintes absolues ou universelles, contraintes fonctionnelles, contraintes génétiques, contraintes développementales, contraintes phylogénétiques277. A leur sujet, on peut parler de « […] barrières agissant comme des guides de l’évolution […,] qui déterminent la direction de l’évolution278 » , en insistant sur l’idée que « la notion de contraintes traduit le fait que toutes les issues évolutives ne sont pas équiprobables et que la part de l’espace théorique des phénotypes réellement occupé par une lignée peut être limitée279 » . Toutefois, certaines contraintes, comme la canalisation (agissant sur le développement embryonnaire en limitant l’expression de la variation génétique, d’où la conservation du phénotype malgré les changements environnementaux), joueraient « […] un rôle significatif sur l’augmentation du potentiel adaptatif des organismes280 » . Douglas Erwin281 fait aussi appel à la notion de contraintes, mentionnant « une quantité limitée de solutions face à un problème particulier282» , d’où « des restrictions imposées à l’histoire évolutive des différents taxons283 » , résultant dans la convergence. Il précise que « les contraintes présentent de nombreuses formes, allant de celles qui limitent la gamme de variation sur laquelle la sélection naturelle peut agir, jusqu’aux forces physiques induites par la dynamique des fluides et la gravité, entre autres284» . Il cite Kurt Schwenk, qui présenta deux classes de contraintes, la première limitant la production de nouveaux variants285, la seconde menant au contraire à une grande variabilité sur laquelle la sélection naturelle peut agir de façon drastique286. Aussi peut-on envisager que ces contraintes pourraient intervenir dans le processus évolutif en rendant certains phénotypes obligatoires, inévitables.

Dans un article consacré à la prévisibilité de l’évolution287, Simon Conway Morris insiste sur le fait que « l’évolution est bien plus prévisible qu’on le pense généralement288» et sur la possibilité « d’identifier une certaine prévisibilité dans le processus évolutif ainsi que dans ses résultats289» . Il rajoute que « les destinations évolutives sont très loin d’être accidentelles290» et « qu’en réalité, plutôt qu’un processus totalement ouvert, l’évolution est extrêmement contrainte291» . Faisant référence à « l’étrange capacité des organismes à se diriger vers des solutions particulières292 » , Conway Morris en arrive à l’idée qu’il « est peut-être temps d’aborder le problème des propriétés biologiques en elles-mêmes si l’on veut apporter quelque ordre à l’évolution plutôt que répéter pour la énième fois la formulation darwinienne de façon stérile293.» Aussi conclut-il que « la biologie va aller bien au-delà de [cette] formulation294» , notamment avec l’idée que « l’évolution présente une forme inévitable295» .

Dans un article qui s’intéresse à la convergence évolutive en relation avec le « film de la vie » (the tape of life296), Russell Powell et Carlos Mariscal297 affirment que « l’évolution convergente peut faire l’objet d’expériences grandeur nature valables pour soutenir des inférences au sujet de la stabilité profondément contradictoire des innovations macro-évolutives298» . Ils parlent d’« innovations évolutives répétées qui sont probablement répandues au sein d’histoires évolutives différentes et pourraient faire l’objet de généralisations semblables à des lois299» . Ils affirment que « certains problèmes de conception sont omniprésents au cours de l’histoire de la vie » et que « l’ensemble des solutions évolutives à ces problèmes est extrêmement limité300» . Ils vont même jusqu’à se demander : « Pourquoi les contraintes biomécaniques universelles qui agissent sur l’évolution de la forme ne devraient-elles pas être aussi intéressantes pour les biologistes que les résultats finaux de l’évolution, bizarres et circonstanciés ?301»

Erwin302 précise que les preuves apportées par la convergence devraient mener à une nouvelle théorie de l’évolution303, sous la forme d’« une extension qui prendra davantage en considération la génétique du développement telle qu’envisagée par l’évo-dévo, une meilleure compréhension de la façon dont la production de la variation est biaisée et aussi une vision plus hiérarchisée de l’évolution304» .

Dans cette vision d’une évolution inévitable, centrée sur de nombreuses contraintes et sur la convergence, l’éventuel rôle néfaste de l’entropie génétique semble, une fois encore, cantonné à l’arrière-plan. En effet, les êtres vivants, semblant en quelque sorte « guidés » vers la mise en place puis la réutilisation des solutions les plus efficaces (que ce soit en termes d’adaptation locale micro-évolutive ou de robustesse temporelle macro-évolutive), n’ont pu que développer les moyens de gérer les problèmes liés aux processus de dégénérescence, en particulier génétique. La résilience du vivant d’une part, sa diversité d’autre part, ainsi que la réitération généralisée des innovations évolutives, témoignent en faveur de l’existence d’une propriété fondamentale des organismes : la capacité à trouver des solutions pérennes pour assurer leur survie individuelle et collective, forme de « volonté » farouche et déterminée à durer encore et toujours face à l’adversité. Cette perspective, qu’on pourra rapprocher de la dimension téléologique du vivant développée plus loin, permet d’envisager la vie comme centralement et nécessairement « équipée » pour résister, subsister et se perpétuer indéfiniment, grâce à cette faculté particulière et spécifique inhérente dès les premières protocellules et transmise, au cours des temps géologiques, à des milliards d’espèces. Ainsi, vivre, ce n’est pas seulement se nourrir et se reproduire ; c’est, d’abord et avant tout, exercer ce pouvoir de maintenir le désordre en-deçà d’un certain seuil, dans un équilibre certes précaire mais toujours maintenu au niveau global de la biosphère.

6. 2. 4. L’écologie évolutive

Conventionnellement, c’est la génétique qui est considérée comme l’aspect fondamental de l’évolution (darwinienne), l’écologie étant vue comme secondaire. Thierry Lodé propose, au contraire, de se focaliser sur la dimension écologique du processus évolutif, en insistant sur l’importance de la dynamique structurante des interactions.

Lodé commence par remarquer que « […] des dizaines d’événements non-darwiniens ont été découverts, les endosymbioses, la dérive génétique, les transferts horizontaux de gènes, l’épigénétique, les catastrophes, et même la spéciation sympatrique, le déplacement de caractères et la construction des niches. Mais il n’existe pas de consensus sur ces épisodes et beaucoup ont été réintégrés à la théorie moderne après des réinterprétations en minorant les effets305 » . Il note aussi que « le gène n’a rien d’un organisateur, il est juste un livre de cuisine. Le gène ne peut rien faire sans que la cellule ne l’exprime. De même, on peut considérer que le vivant s’est formé, non pas le long d’une série continue, mais par morceaux […]306» , selon le principe des poupées russes : ainsi, les tissus se sont formés par interactions entre cellules, puis les organes se sont formés par interactions entre tissus. Et de conclure : « La simple force structurante des interactions a engendré des corps vivants au cours d’une longue histoire évolutive. À chaque étape de ces poupées russes, les communautés vivantes se sont liées […]307 » .

Dans cette perspective originale, « [l]’évolution est une écologie libertaire, où chaque élément, chaque être vivant cherche et trouve sa place dans la communauté écologique des espèces où chacun dépend des autres et les autres de chacun ». Ainsi, « l’espèce serait un groupe d’individus qui possèdent en commun un système de reconnaissance spécifique» : « [l]’individu appartient à une espèce parce qu’il reconnaît un individu sans le connaître ». « Cette espèce forme l’un des emboîtements irrévocables de la série des emboîtements du vivant dans les autres éléments, des poupées russes depuis l’organisation cellulaire jusqu’à l’individu et l’inscription dans les écosystèmes ». « Le succès [évolutif308] des espèces est donc contraint par l’ensemble des interactions écologiques qui dessinent l’espace-temps de l’espèce. À partir de ces milliers de liaisons et de coopérations, se sont formées les communautés écologiques de notre histoire évolutive ». « On peut par conséquent regarder l’évolution comme l’effet des interactions d’un ensemble de communautés dynamiques, théorie libertaire que je nomme l’écologie évolutive. Ces communautés libres dirigées par elles-mêmes forment ensemble sur notre planète une écologie qui évolue. […] [L]’écologie évolutive est le résultat des milliards d’interactions qui, depuis la nuit des temps, associent les molécules entre elles, les cellules, les organes et les corps309» .

L’évolution étant considérée comme mue par des interactions incessantes à tous les niveaux d’organisation et de structuration du vivant (molécules, organites, cellules, tissus, organes, appareils et systèmes, individus, groupes, populations, espèces, écosystèmes et, pourquoi pas, la biosphère dans son ensemble), le rôle de la dimension génétique du processus évolutif pourrait être relégué au second plan – à l’opposé, donc, de l’évolution darwinienne – : ce ne sont plus les gènes qui « décident » mais ces interactions particulières qui se mettent en place le long de l’histoire évolutive, au cours d’étapes à l’origine de la structuration d’innovations qui pourraient apparaître brusquement, orientant l’évolution de façon cruciale mais relativement indépendamment des gènes. De la sorte, on peut envisager que l’effet de certaines mutations s’en retrouverait amoindri, estompé, flouté – y compris celui de mutations bénéfiques, d’ailleurs. Ainsi, en considérant les interactions écologiques comme primordiales dans le processus évolutif, l’entropie génétique se retrouve confinée en une dimension si retreinte qu’elle en devient secondaire. Une fois encore, c’est la Vie qui gagne.

6. 2. 5. L’homéostasie comme mécanisme de l’évolution310

En page 64, Sanford fait appel au processus d’homéostasie, « […] phénomène naturel où toutes les choses vivantes s’autorégulent quand les circonstances changent311 » . Il affirme que « [c]e genre d’homéostasie neutralise l’effet de la plupart des mutations, rendant ainsi encore plus de mutations invisibles à la sélection312» , car « l’homéostasie fonctionne à chaque niveau de l’organisation biologique313» .

Il me semble qu’il faut bien faire la différence ici entre l’homéostasie « générale » et l’homéostasie « génétique », cette dernière pouvant être vue de deux façons : « positive », « la capacité d’une population à maintenir l’équilibre de sa structure génétique et à résister à des variations rapides314 » , ou « négative », « la limite de la variabilité génétique d’une espèce315 » due au fait que « toute amélioration importante dû à la sélection naturelle doit de façon évidente mener à une forte diminution de la variabilité génétique316» . Cette démarcation a pour but de distinguer la neutralisation de l’effet d’une mutation (bien présente) du fait de l’empêcher de se manifester dès le départ (et donc absente). Notons que si Sanford voit l’homéostasie « générale » comme jouant en faveur de l’entropie génétique, « en réduisant efficacement au silence la plupart des effets des nucléotides317» , il me semble, au contraire, qu’elle s’y oppose, tout comme l’homéostasie génétique, qui, elle, paraît s’opposer au processus évolutif « classique » (voir ci-après ; les deux peuvent donc être vues comme des mécanismes anti-darwiniens).

John Torday s’est intéressé aux relations entre homéostasie et évolution. Il précise qu’ « on définit l’homéostasie comme la propriété que présente un système dont certaines variables sont régulées de façon à ce que les conditions internes restent stables et relativement constantes. Il s’agit d’un processus qui permet de conserver la stabilité de l’environnement interne d’un organisme face aux fluctuations des conditions externes. Pour ce faire, l’homéostasie fait intervenir un capteur capable de détecter les changements de la grandeur à réguler, un mécanisme effecteur qui peut faire varier cette grandeur, et une boucle de rétroaction négative entre les deux. De tels processus homéostatiques existent aux niveaux des cellules, des tissus et des organes, ainsi qu’à celui des organismes en tant que touts (et qu’on appelle l’allostasie)318» . Les systèmes de correction de l’ADN319, intervenant suite à la réplication, peuvent être considérés à la fois comme le capteur (la matrice d’ADN originale), l’effecteur (qui corrige les erreurs sur le nouveau brin d’ADN) et la boucle de rétroaction permettant de vérifier que l’erreur a été corrigée et éviter les « excès de zèle » du système.

Qu’en est-il du rôle possible de l’homéostasie dans le processus évolutif ? Torday insiste sur le fait que « l’homéostasie est un mécanisme robuste, dynamique, transgénérationnel et diachronique (permanent), qui permet le maintien, la pérennisation et la modification des structures et des fonctions des systèmes physiologiques320 » , que « l’homéostasie représente le principe mécaniste fondamental de la biologie321» , et en arrive à « l’universalité illimitée du concept d’homéostasie322» . En fin de compte, « l’homéostasie pourrait faire office à la fois d’agent de stabilisation et de facteur de détermination du changement évolutif323» .

En effet, « il semblerait qu’une entropie réduite soit à la base de la dynamique évolutive, et qu’un contrôle au niveau de l’homéostasie soit impliqué pour que cette propriété du vivant puisse être préservée et pérennisée. Le fait de ramener l’évolution au niveau de l’homéostasie donne accès aux bases mécanistes premières permettant d’expliquer l’origine et la causalité de ce processus. Il n’est plus question de mutations aléatoires ni de sélection naturelle, mais d’adaptation de l’environnement interne des organismes à l’environnement externe représenté par le monde physique, au service de l’homéostasie324 » .

Dans cette perspective, l’homéostasie, par sa dimension stabilisatrice, pourrait être envisagée comme s’opposant à (et non favorisant) l’entropie génétique :

  • L’homéostasie génétique, en permettant d’éviter l’apparition de certaines mutations, limite l’augmentation du fardeau génétique, donc le nombre de mutations susceptibles d’être indétectables par la sélection naturelle ;
  • Lorsqu’une mutation se retrouve fixée, l’homéostasie « générale », en contrebalançant son éventuel effet délétère, interviendrait comme un mécanisme compensateur : certes la mutation devient de la sorte « invisible » pour la sélection naturelle (et donc pourrait participer à l’augmentation du fardeau génétique), mais elle ne peut non plus jouer aucun rôle dans le modèle d’évolution darwinienne : l’individu porteur n’en sera pas défavorisé, ni sa descendance, puisque l’action de l’homéostasie est, nous l’avons vu, « transgénérationnelle et diachronique » – en définitive, tout se passe comme si cette mutation, bien que présente au niveau nucléotidique, n’existait pas, que ce soit au niveau du phénotype de l’individu concerné ou au niveau de l’espèce à laquelle cet individu appartient325. Résultat : aucune modification effective de l’information, pas d’augmentation du bruit ni de l’entropie326.

6.2.6. La complexité du vivant

6.2.6.1. Indivisibilité, redondance et protection contre les erreurs

Michael Denton s’intéresse à diverses caractéristiques liées à la complexité du vivant et d’habitude trop peu prises en considération. Il constate, par exemple, que « […] le développement de tout organe ou de toute partie du corps [est] étroitement relié au développement de pratiquement tous les autres organes ou toutes les autres parties de l’organisme », c’est-à-dire qu’il existe, chez les Métazoaires, « […] un degré extraordinairement élevé d’interdépendance entre les composantes de leur organisme et que leur programme de développement ne [fait] appel à aucun principe de modularité». Il en conclut que ces idées « […] illustre[nt] à merveille la notion d’indivisibilité d’un système complexe327 » : la modification de la structure d’une composante s’accompagne nécessairement de celle de la quasi-totalité de l’organisme. Finalement, le « […] développement des organismes supérieurs328 impose certainement des contraintes supplémentaires qui interdisent toute possibilité de changement évolutif non dirigé procédant élément par élément : l’existence d’une redondance partielle ou totale entre les composantes de l’organisme, phénomène qui minimise beaucoup l’impact des mutations aléatoires329» .

La redondance est une autre caractéristique en relation avec la complexité du vivant. Denton l’explique comme suit : « Pour garantir l’atteinte d’un objectif donné, un stratagème classique consiste à mettre en œuvre différents moyens tous capables individuellement d’y réussir : même si l’un des mécanismes tombe en panne, la mission sera remplie330» . Selon lui, « [i]l semble qu’il y ait là un principe universel : pour atteindre un but déterminé en toute sécurité, il faut mettre en œuvre un certain degré de redondance, dans toutes les circonstances où la réalisation de l’objectif en question dépend de l’interaction d’un grand nombre de composantes devant toutes fonctionner à la perfection […]. L’emploi de la redondance est également nécessaire lorsque la réalisation de l’objectif dépend d’un assez grand nombre de décisions cruciales prises successivement […]. On voit mal comment les organismes pourraient échapper à la même nécessité […]331. » « Et il apparaît de plus en plus que […] la redondance est omniprésente dans le développement des organismes supérieurs, du niveau des gènes jusqu’aux processus de développement les plus complexes332» .

Le plus intéressant, vis-à-vis de la problématique liée à l’entropie génétique, est que ce « […] type de redondance [soit] utilisé comme système de protection contre les erreurs au plus haut niveau333» . « Il est de plus en plus vraisemblable que beaucoup d’aspects cruciaux du développement des organismes supérieurs se révéleront mettre en œuvre le principe de redondance, et toujours pour disposer d’un système de protection contre les erreurs qui garantisse334 la réalisation d’objectifs donnés avec un risque d’échec pratiquement nul. Ce très haut degré de redondance n’est certainement pas dû au hasard : il découle au contraire d’une absolue nécessité335 » .

Or, observe Denton, « […] plus le degré de redondance est élevé, plus il est nécessaire que se réalisent des mutations simultanées si l’on veut que s’accomplisse le changement évolutif ». Il insiste alors sur le fait que « [l]a redondance est profondément paradoxale au regard de la théorie darwinienne. Car la raison d’être de la redondance consiste précisément à éliminer ou à minimiser l’effet des mutations aléatoires sur le fonctionnement de l’organisme […]336. »

Ainsi, on voit comment les notions d’indivisibilité et de redondance peuvent être interprétées comme s’opposant à l’entropie génétique, par leur action contrecarrant celle des mutations. On voit ainsi que, dans sa structure aussi bien que dans son fonctionnement, le vivant apparaît, plus que jamais, dans toute la mesure de son immuabilité qui confine à l’immortalité : ce ne sont plus les gènes « égoïstes » de Dawkins qui sont immortels, mais la Vie dans la dimension globale de la biosphère. Dans l’histoire du vivant, l’entropie génétique semble ne jouer qu’un rôle très secondaire – ou, au contraire, être vue comme une opportunité, comme nous allons le voir maintenant.

6.2.6.2. Complexité et entropie

Koonin développe une théorie de l’évolution génomique non-adaptative, dans laquelle l’évolution du génome n’est pas une adaptation, mais s’expliquerait grâce à une augmentation de l’entropie suite à une sélection purifiante faible (weak purifying selection337) et à une dérive génétique forte, en relation avec « des goulots d’étranglement de population » (population bottlenecks338). Cette augmentation de l’entropie serait une « maladaptation » initialement impossible à surmonter339 – si ce n’est par l’adaptation fonctionnelle ultérieure de séquences à l’origine neutres, permettant aux organismes vivants de survivre à l’expansion de leur propre génome340, d’où une diminution de l’entropie, variable selon les lignées341.

Koonin propose ensuite une quantification de la complexité faisant également intervenir l’entropie. Il affirme que « l’entropie évolutive est parfaitement logique en termes biologiques : les sites à faible entropie sont les plus conservés et, par inférence, les plus importants fonctionnellement342» ; au contraire, les sites à forte entropie sont faiblement conservés, donc relativement peu importants. Il apparaît ainsi que « les organismes qui sont habituellement considérés comme les plus complexes (par exemple, les humains) se révèlent posséder des génomes « entropiques », présentant une densité d’information faible, voire extrêmement faible, tandis que les organismes que nous pensons traditionnellement comme primitifs, telles les bactéries, possèdent des génomes « informationnels », dans lesquels l’information est plus compacte et la densité d’information élevée343» .

Dans cette perspective, une hypothèse originale, voire audacieuse, serait que les organismes vivants pourraient s’avérer capables de tirer profit de l’entropie, non de façon adaptative (donc en dehors de toute intervention de la sélection naturelle), mais en quelque sorte « par défaut », étant d’une certaine façon « obligés » de composer avec cette dimension particulière de l’Univers : l’augmentation du désordre. Ainsi, les êtres vivants se caractériseraient, notamment, non à rester passifs face à l’entropie, mais, par cette aptitude à en tirer parti, à l’exploiter, par exemple dans l’organisation de leur génome. Dès lors, l’entropie génétique ne constituerait pas forcément, pas uniquement, un handicap rédhibitoire, mais, au contraire, une sorte d’opportunité très particulière, car, « détournée » de certains de ses effets délétères, elle pourrait être « réutilisée » à des fins sensiblement plus fructueuses, à savoir comme une « force » à l’origine d’une partie de l’organisation génomique du vivant.

6.2.7. Dialectique évolutive et évolution dialectique

Partant de l’observation selon laquelle « […] les mécanismes et la dynamique de l’évolution sont encore largement débattus» , Guillaume Suing et Damien Aubert développent l’idée que « […] les systèmes vivants […] peuvent être compris de manière naturelle par une approche dialectique344 » (dans laquelle « […] le mécanisme darwinien […] apparaît comme l’exception […] » et qui « […] permet de lever un des principaux hiatus philosophiques de l’évolutionnisme : la transformation de la quantité en qualité (et réciproquement) »). En effet, « [s]uivant le principe dialectique de l’accumulation quantitative induisant un bond qualitatif, on évite l’idée d’un processus graduel et abstrait […] ».

Les auteurs précisent que « […] la dialectique est une philosophie du devenir qui s’oppose fondamentalement à une philosophie de l’être » et repose sur trois thèses :

  • « la thèse des contradictions dialectiques, comme lutte et unité des contraires, [qui] donne à la matière une définition incluant et impliquant par nature son propre mouvement sous l’effet de forces endogènes antagoniques » ; en d’autres termes, il s’agit d’une « contradiction dialectique entre mécanismes moléculaires conservateurs et tendance à la désorganisation interne et environnementale […]345» ;
  • « la thèse de la transformation de la quantité en qualité[…]346» , « par un saut qualitatif circonscrivant objectivement […] les espèces » ;
  • « La thèse de la négation de la négation fait […] d’une complexité dérivant du simple […] une donnée fondamentale pour comprendre les phénomènes, puisque la question du mouvement et celle de la matière ne font plus qu’une par définition […]347» , dans un « […] processus qui « émancipe » jusqu’à un certain point les espèces de leurs contraintes environnementales […]» .

            Ainsi, dans la perspective de dialectiques impliquant variation et sélection ou génotype et phénotype, et d’une évolution « […] intimement liée à la définition de la vie elle-même », « […] le mouvement autoconservateur de la vie a pour conséquence, de par sa lutte contre les fluctuations du milieu348, d’aboutir à une transformation du vivant, c’est-à-dire à sa non-conservation tel qu’il était. […] La contradiction dynamique fondamentale du vivant déterminerait donc celle du moteur de son évolution […]» . Suing et Aubert précisent que « [c]ette évolution s’est elle-même complexifiée / perfectionnée suivant une tendance à l’émancipation progressive des contraintes environnementales » (grâce au développement de formes pluricellulaires coloniales, de la reproduction sexuée et des sociétés organisées, par exemple). « On a donc affaire à des systèmes ayant des propriétés autoconservatrices de plus en plus efficaces, mais qui paradoxalement, du fait de cette efficacité, semblent mettre en péril la conservation du système sur le long terme ». En particulier, « [u]n système autoconservateur lutte ici objectivement contre les mutations ponctuelles que le néodarwinisme tenait pour centrales dans le processus évolutif, mais il a lui-même évolué dans le sens de variations à la fois plus larges et plus opportunes que le seul hasard ne laissait imaginer » – les auteurs vont jusqu’à faire référence à « […] des mécanismes génétiques très élaborés [qui] tentent de « dompter » de façon dialectique le couple darwinien hasard – sélection ».

            Dans cette perspective, « […] nous apprenons que des mécanismes hautement élaborés se sont superposés au cours de l’histoire du vivant, en suivant une tendance autoconservatrice fondamentale, dont la seule finalité est de faire conserver/compliquer349 la propriété autoréplicative/autoconservatrice de ses origines moléculaires. En somme, non seulement le vivant ne se conserve relativement que parce qu’il évolue, mais il évolue parce que des tendances conservatrices ont mis en œuvre des stratégies de plus en plus efficaces et opportunes, « domptant » ou détournant les tendances à la désorganisation naturelle (mutations, vieillissement, hybridation, extinction de clones, etc.) ». Toutefois, Suing et Aubert constatent que « [m]alheureusement, cette dynamique […] est souvent complètement absente de nos diagrammes phylogénétiques, mais aussi de nos classifications ». En conclusion, il apparaît que « [l]es fameux principes de la dialectique sont […] de plus en plus évidents en biologie pour peu qu’on identifie la « conservation » du vivant […] comme un contre-mouvement perpétuel aux fluctuations incessantes du milieu […] ».           

Cette perception dialectique du vivant et de son évolution peuvent apparaître comme une solution supplémentaire au problème de l’entropie génétique. En effet, cette contradiction dynamique inhérente au vivant, à l’origine de son mouvement auto-conservateur, peut être envisagée comme permettant d’intégrer, une fois de plus, entropie et origine du vivant d’une part, entropie et évolution biologique d’autre part. Cette capacité dialectique des organismes à gérer des tendances contradictoires leur conférerait, de la sorte, la possibilité non seulement d’incorporer les « dangers » liés à l’entropie, mais aussi, en fin de compte, d’en tirer profit pour leur fonctionnement et leur évolution. Cette faculté serait non seulement originelle, mais pourrait avoir constitué une condition inséparable de l’apparition des toutes premières protocellules.

6.2.8. La téléologie

Wikipédia donne de la téléologie les éléments de définition suivants : « étude ou doctrine des causes finales, de la finalité350» . Elle sous-tend l’idée que, dans l’Univers, toute entité a une fin, un objectif, un but. La téléologie naturelle soutient que les organismes vivants présentent, eux aussi, des objectifs intrinsèques. Le CNRTL voit dans la téléologie une vision du « monde comme un système de relations, de rapports entre des moyens et des fins ». Dans cette optique, on peut considérer que le but d’une chose est en même temps la cause et l’effet de la chose dont il est le but.

Selon Rupert Sheldrake, « l’idée de finalité est liée aux fins, aux intentions et aux objectifs, conscients ou inconscients. Elle relie les organismes à leurs futurs potentiels. […] Les buts existent dans un monde virtuel, pas dans la réalité concrète. Ils relient les organismes à des accomplissements qui ne sont pas encore atteints, ce sont […] des « attracteurs ». […] Les buts ou les motivations sont des causes, mais ce sont des causes qui « tirent » vers un futur possible au lieu de « pousser » depuis le passé351» .

Toute explication téléologique s’oppose en première analyse aux explications mécanistes conventionnelles des phénomènes naturels. En effet, Alister McGrath précise que toute explication téléologique implique que « le système considéré est organisé dans une direction » donnée352. « Plus essentiel encore, les explications téléologiques impliquent que le résultat final est la raison explicative de l’existence de l’objet ou du processus qui y conduit353.» Toutefois, Anda Danciu rappelle que « […] Kant avait postulé […] la nécessité d’un programme téléomécaniste des recherches en biologie qui implique une compréhension mécaniste et un principe téléologique354» . En fin de compte, il n’existe donc pas d’incompatibilité entre les explications mécanistes et téléologiques, les organismes étant, toujours selon Kant, compris comme des « finalités naturelles355 » .

6.2.8.1. Finalisme vs. Entropie

Leonard Mlodinow explique que « […] l’entropie […] est la mesure du désordre présent dans un système : plus il est désordonné, plus l’entropie augmente. C’est l’antinomie de la vie et de toute notion de « conception »356» . Il poursuit en remarquant « […] qu’avec le temps les choses ont tendance à se désorganiser – c’est-à-dire que l’entropie augmente. Dans un sens, on peut interpréter ce fait comme le manque de but ou de guide dans les lois physiques357» . Ces affirmations amènent plusieurs remarques.

Affirmer que l’entropie est « l’antinomie de la vie » est un non-sens, car si l’entropie de l’Univers ne cesse d’augmenter, c’est ce même Univers qui a précisément été le berceau de la vie. Si entropie et vie étaient incompatibles, la vie n’aurait pu apparaître. En outre, Erwin Schrödinger a démontré que les organismes vivants avaient spécifiquement cette capacité à réduire localement l’entropie en maintenant une structure interne ordonnée (en même temps que l’entropie globale de l’Univers augmentait).

De plus, interpréter l’augmentation globale de l’entropie comme « le manque de but ou de guide dans les lois physiques» relève d’un choix arbitraire : on peut, au contraire, voir cette augmentation comme une tendance générale de l’Univers qui, dans cette perspective, se dirige, lentement mais sûrement, vers une « mort thermique » inéluctable. Associer « augmentation du désordre » et « manque de but ou de guide » relève d’un amalgame intellectuel. Pour conclure sur une note volontairement provocatrice, un guide peut très bien être désordonné.

Ces quelques considérations démontrent clairement, si besoin était, à quel point les relations entre entropie et organismes vivants peuvent être vus sous deux angles opposés : l’entropie opposée à la vie, ou l’entropie semblant favoriser la vie. Cette controverse m’apparaît au cœur de la polémique concernant l’entropie génétique. De plus, tout ceci met également en évidence un certain nombre de difficultés liées à la vision finaliste des organismes vivants, donc de leur dimension téléologique.

6.2.8.2. Auto-organisation, auto-détermination, causalité circulaire, autonomie et clôture organisationnelle téléologique du vivant

Matteo Mossio et Leonardo Bich considèrent que l’organisation biologique peut-être conçue comme un régime de causalité téléologique358. Ils insistent sur une caractérisation de la téléologie qui s’applique spécifiquement au domaine biologique, mettant ainsi en évidence un aspect très distinctif de l’organisation du vivant359. Leur argumentation est basée sur le concept d’auto-détermination, qui permet d’établir un lien entre organisation et téléologie, dans le sens où l’organisation biologique se détermine elle-même, car ce sont les effets de sa propre activité qui déterminent les conditions mêmes de son existence360. En effet, ces conditions d’existence, sur lesquelles l’organisation exerce une influence causale, peuvent être considérées comme le but de cette organisation biologique361. Ainsi, chez les systèmes vivants, leurs buts et leurs conditions d’existence ne sont qu’une seule et même chose362, d’où une vision, au moins en partie, interne de la téléologie. Cette auto-détermination fait intervenir un réseau de contraintes constitutives mutuellement dépendantes dans le cadre d’une causalité circulaire formant une clôture organisationnelle363. C’est précisément cette circularité de la clôture organisationnelle qui permet de réhabiliter la notion de cause finale et établit la base de la téléologie364. « C’est parce qu’ils sont capables d’auto-détermination […] que les organismes biologiques […] réalisent une organisation téléologique […]365» . Les êtres vivants sont ainsi vus comme des entités téléologiquement organisées dont les parties se produisent et se maintiennent les unes les autres, permettant de la sorte la production et le maintien de l’organisme en tant que tout366. On peut dire que l’organisation globale d’une certaine manière s’ »auto-contraint », et donc s’autodétermine367, cette clôture des contraintes constituant le régime de causalité spécifique des systèmes biologiques368. Dans cette perspective, les symbioses, associations du vivant, et les écosystèmes, étant également capables de réaliser une telle clôture, sont également de nature téléologique369.

Les fonctions biologiques peuvent être définies sur la base de cette causalité circulaire des contraintes370, et donc être considérées comme téléologiques. Étienne Roux insiste sur le fait que les fonctions physiologiques semblent bien « dirigées vers un but » (goal-directed), aspect qui peut être généralisé aux systèmes organiques371. Cet auteur mentionne les limites de l’explication adaptationniste et la faiblesse fondamentale des théories sélectionnistes, qui définissent les fonctions présentes sur la base d’une sélection opérée dans le passé372, faisant exclusivement référence à une causalité externe (le processus de sélection lui-même), sans aucun égard par rapport à une causalité interne (faisant intervenir des propriétés liées à l’organisation du vivant)373. Concluant quant à la pauvreté du fonctionnalisme en tant que doctrine explicative374, il en arrive à l’idée qu’il n’existe pas de conflit entre la dimension téléologique d’un système et une explication mécaniste de son fonctionnement375, notion scientifiquement acceptable et féconde376.

Selon Mossio et Bich, une telle approche fondée sur l’organisation, à l’inverse de l’approche évolutive, met bien plus l’accent sur la dimension interne, physiologique, des systèmes vivants, plutôt que sur les influences externes environnementales377. En effet, en se focalisant sur les aspects temporels et populationnels, le darwinisme passe complètement à côté de la vraie nature des organismes individuels378. Bernd Rosslenbroich, quant à lui, relie la notion de clôture opérationnelle à celle, plus générale, d’autonomie du vivant, dans le cadre d’une théorie permettant d’expliquer l’augmentation de cette autonomie au cours de l’évolution en lien avec l’apparition des innovations macro-évolutives379.

En quoi la dimension téléologique du vivant pourrait-elle représenter une solution face au problème de l’entropie génétique ? La notion de clôture organisationnelle me semble être liée à une forme de protection indirecte des organismes contre l’entropie génétique. En effet, on retrouve ici, une fois encore, l’idée que les êtres vivants possèdent une sorte de sentience qui leur donne la faculté de connaître subjectivement non seulement leur environnement extérieur, mais aussi l’état de leur milieu intérieur. De la sorte, toute atteinte portée à leur intégrité structurale, donc fonctionnelle, leur est plus ou moins immédiatement connue : ils peuvent ainsi, par des mécanismes régulateurs, intervenir directement pour corriger le problème et maintenir, autant que faire se peut, leur intégrité. Grâce à leur autonomie et à leur auto-détermination, dans lesquelles causes et effets se recoupent, s’interchangent et se complémentent, les organismes semblent s’être dotés, dès le départ, de cette incroyable capacité de robustesse et de résilience qui ne cesse de se manifester. Ainsi, vivre ne concerne pas que la faculté de survivre au présent ; c’est aussi, et surtout, cette faculté d’anticipation dirigée vers un futur plus ou moins lointain mais sans doute moins indéterminé qu’il y paraît. Dans cette perspective, le cycle de la Vie semble pouvoir se répéter indéfiniment.

6.2.9. Lois et prévisibilité de l’évolution – Importance de l’information

6.2.9.1. Prévisibilité de l’évolution génétique

David Stern et Virginie Orgogozo observent « une répartition non aléatoire des mutations significatives pour l’évolution380» , car « les mutations importantes se concentrent généralement au sein de gènes particuliers, et dans des sites déterminés de ces gènes381 » , et « la contribution d’une mutation particulière à l’évolution du phénotype d’un organisme dépend donc tout à la fois de la fonction, de la structure et du rôle des gènes et de leurs produits au sein des réseaux génétiques382 » , ce qui signifie que « tous les gènes ne sont pas égaux dans le cadre du processus évolutif383 » . Ils en concluent que « l’évolution génétique est soumise à des contraintes liées à la fonction des gènes, à la configuration des systèmes génétiques et à la biologie des populations384» , et que « les fondements génétiques de l’évolution phénotypique semblent donc être en partie prévisibles385» .

6.2.9.2. Lois de l’évolution génomique

Eugene Koonin fait référence à « la découverte de plusieurs normes universelles reliant entre elles des caractéristiques du génotype et du phénotype au niveau moléculaire386 » . De façon tout-à-fait caractéristique, « ces normes universelles ne semblent pas avoir été déterminées par la sélection naturelle, mais constitueraient plutôt des propriétés émergentes de combinaisons de gènes387 » . En effet, « l’origine non adaptative des caractéristiques structurales générales des réseaux a été solidement prouvée388» . D’autre part, « malgré des différences hautement significatives entre les organismes, la constance de ces normes continue de se vérifier, souvent avec une forte précision389» . Ainsi, « ces principes universaux pourraient être conçus comme des « lois de l’évolution génomique »390 » . En fin de compte, « on pourrait en arriver à la définition de « lois de l’évolution biologique », dont l’importance serait comparable à celle des lois de la physique391» .

Régularité et prévisibilité semblent donc régner sur l’évolution génomique, des notions liées à l’ordre, et non au désordre de l’entropie génétique. Il semble donc que la nature ait, depuis longtemps, mis en place des mécanismes fondamentaux capables de compenser les problèmes, en particulier ceux liés à l’entropie génétique. La généralité de cette possibilité pourrait même être considérée comme une loi biologique, tant elle s’observe chez tous les organismes, quels qu’ils soient.

6.2.9.3. L’Univers information : « It from bit392 ».

Selon Igor et Grichka Bogdanov, il pourrait exister « […] une information primordiale à l’origine de l’Univers393 » , « [u]ne information de nature mathématique qui « oriente » peut-être l’évolution de l’Univers394 » . Ainsi, « […] le cosmos tout entier ne serait qu’un immense nuage d’informations dont l’évolution semble réglée par une sorte de « programme » […]395» . Plus précisément, « […] chaque élément du monde physique, au niveau le plus profond, a une source et une explication immatérielles », ce qui rejoint l’idée « […] qu’une « information platonicienne » existe quelque part, enfouie dans les profondeurs de l’espace-temps […]396» . Finalement, « […] l’Univers était déjà (dès l’origine) un fantastique système d’informations entrelacées, tressées les unes aux autres au sein de notre réalité397» .

6.2.9.4. Moteurs mathématiques et mécanique quantique

Igor et Grichka Bogdanov citent le célèbre Erwin Schrödinger, qui a suggéré « […] que les lois de la mécanique quantique pourraient déterminer jusqu’à la stabilité de l’information génétique398» . Ils citent également George Gamow, qui « […] a apporté à la biologie l’une des clefs qui a permis de déchiffrer le code génétique », car il fut « […] le premier à proposer que les quatre bases de l’ADN soient regroupées trois par trois pour former les vingt acides aminés intervenant dans la synthèse de toutes les protéines d’un organisme », « […] pour des raisons purement mathématiques : parce que 3 est le plus petit nombre entier n tel que 4n soit supérieur à 20 […] ». Et, point sur lequel les Bogdanov insistent, « […] ce qui est ici frappant, c’est la découverte d’un « moteur mathématique », un ordre à l’œuvre dans les processus que l’on croyait jusque-là dominés par le hasard […]399 » .

6.2.9.5. Entropie, information initiale, information finale et histoire de l’Univers

Les frères Bogdanov rappellent alors que « […] le second principe de la thermodynamique s’applique à l’Univers entier », ce qui « […] veut dire que l’entropie – c’est-à-dire le désordre – de l’Univers augmente à mesure que le temps passe. Et, puisque l’information est l’inverse de l’entropie, la flèche du temps implique que l’information globale de l’Univers diminue à mesure que le temps s’écoule. […] Mais alors, comment concilier cette « diminution de l’information » avec l’augmentation locale de l’ordre – par exemple, la formation des planètes, l’apparition de l’évolution de la vie, etc. – à mesure que le temps progresse ? […] Tout simplement en introduisant la distinction entre deux types d’information situés, d’une certaine manière, « aux deux bouts de l’Univers » : l’une est à l’origine, l’autre à la fin. La première, c’est l’information initiale. Virtuellement infinie à l’instant zéro, cette information initiale […] « code » l’Univers avant le Big Bang. Pour prendre une image commode, on pourrait la comparer à l’information génétique qui « code » un organisme vivant avant sa naissance. Or, « à l’autre bout » […], il y a […] l’information finale. Elle correspond à […] la complexité. Elle est naturellement très faible au moment du Big Bang […] et ne cesse d’augmenter avec le temps […]. Dès lors, toute l’histoire de l’Univers peut se comprendre ainsi : une transformation de l’information initiale en information finale. […] [T]out se passe comme si l’Univers entier était en train d’acquérir, au fil des milliards d’années, de plus en plus d’information : lancé dans l’aventure de sa complexité croissante, le cosmos semble contraint de recomposer, au cours d’une histoire immensément longue, l’information initiale d’avant le Big Bang400» .

Les Bogdanov posent alors les questions : « Est-il raisonnable […] de considérer que l’Univers est né d’un prodigieux flot d’information qui aurait trouvé sa source dans le zéro ?401» ; « […] [Q]uelle est, au niveau le plus profond des phénomènes, l’essence même de la réalité ? » ; « […] [E]xiste-t-il des règles, un code sous-jacent à la réalité ? » Il citent John Wheeler, selon qui « […] l’Univers pourrait être comparé à un système de traitement d’information […]402 » .

6.2.9.6. Énergie, information, complexité

Ainsi, au moment du Big Bang, « […] à cet instant fantastique [l’Univers] n’était encore que de l’énergie […], une énergie colossale, inimaginable, qui n’a atteint un tel sommet qu’une seule fois dans toute l’histoire du cosmos. […] [Ensuite,] en même temps que l’Univers commençait son expansion, cette énergie allait commencer à se transformer, donnant naissance, au fil du temps, à des structures organisées, à un ordre global, repérable de l’atome à l’étoile. Et, aujourd’hui, 13,7 milliards d’années après le début, il est possible d’observer […] qu’une partie de l’énergie primordiale a engendré un complexité incroyable, un état d’ordre bien plus élevé qu’à l’origine : l’énergie du début des temps a été progressivement convertie en information […:] le cosmos semble reconstituer une information qui n’attendra sa forme définitive qu’au tout dernier instant : à l’instant où il aura réalisé l’information finale403» . Dès lors, il faut considérer « […] que l’information puise représenter, au plus profond du réel, un état fondamental de l’Univers » : « […] il semble qu’il existe […] un lien mystérieux entre l’énergie d’un système et l’information qui le caractérise ». Toutefois, « […] les échanges entre énergie et information pourraient avoir lieu dans un monde totalement inaccessible, un univers qui se situe bien au-delà de la réalité qui nous entoure et que nous ne verrons jamais404» . Ainsi, comprendre la réalité en revient à avoir accès à l’information qu’elle contient.

En fin de compte, « [à] l’origine de l’origine, avant même le commencement du monde, il y avait donc, peut-être, une information […] dont la nature profonde demeurera, sans doute à jamais, bien au-delà de notre entendement […,] plongée […] au cœur d’une éternité sans durée […]405» . « Tel semble être le cycle – et le destin – de l’Univers : une information primordiale [… qui] se transforme[] en énergie avant de se reconvertir […] en information finale406» .

Comment intégrer cette vision de l’Univers avec la notion d’entropie génétique ? En insistant sur la notion d’ordre et sur la complexité. Le génome contient de l’information, ce qui en revient à une forme d’ordre. Selon les frères Bogdanov, l’information initiale se transformerait en information finale, ce qui se traduirait par l’augmentation de la complexité globale de l’Univers, qui se manifeste, notamment, chez les organismes vivants, par leur organisation, leur structure, leur fonctionnement – et leur génome. Dans cette perspective, le maintien du génome de la majorité des êtres vivants pourrait être assuré par un « mécanisme de conversion » permettant d’aboutir à une sorte d’équilibre dynamique entre les processus de dégénérescence (accumulation de mutations quasi-neutres non sélectionnables) et ceux d’une manière de régénération : sans aucun rapport avec la sélection naturelle darwinienne (mais sans complètement l’exclure, certaines mutations pouvant être sélectionnables), ce mécanisme, basé sur des considérations de nature informationnelle, permettrait, chez une majorité d’organismes, de maintenir, ou de rétablir, la globalité de l’intégrité du génome grâce à la tendance générale de la complexité du vivant à augmenter, en relation avec l’introduction d’information pertinente407.

Dans cette perspective informationnelle, où tout, de façon ultime, est ramené à de l’information, on peut envisager un Univers qui a du sens, un Univers « gros de la vie », un Univers conscient408, un Univers dont l’évolution, contrainte et guidée, aboutirait forcément à des organismes suffisamment viables pour permettre à la biosphère de perdurer pendant des milliards d’années. Ainsi, la partie de l’information perdue pour cause d’entropie serait minime car largement compensée par des processus universels permettant non seulement le maintien, mais encore l’augmentation de l’information, le surenchérissement de la diversité et de la complexité du vivant.

7. CONCLUSION

Si l’entropie génétique pose effectivement au départ un problème majeur, clairement mis en évidence par Sanford – et qui ne saurait être ignoré –, il semble, en revanche, qu’on puisse affirmer que les organismes vivants ont trouvé plusieurs moyens de le gérer de façon extrêmement efficace. S’il est clair que la pertinence de ces « mécanismes de compensation » reste à démontrer (il ne s’agit, à ce stade, que d’hypothèses que je considère comme réalistes), les biodiversités actuelle et passées représentent des arguments majeurs en faveur d’une logistique fonctionnelle (et sans doute aussi structurale) du vivant axée précisément sur cette gestion générale de l’entropie (et, en particulier, de l’entropie génétique). A partir des nombreux arguments apportés avec force par Sanford, la conclusion qui me semble s’imposer, au-delà de l’intervention d’un Créateur, donc d’un point de vue strictement scientifique (au sens conventionnel du terme), est que, depuis son apparition, le vivant « joue » avec l’entropie, qu’il aurait en quelque sorte réussi à détourner à son avantage. Il pourrait même s’avérer, de façon ultime, que cette dualité entre organismes et entropie soit d’une part à l’origine même du vivant, expliquant, de la sorte, son inévitabilité et, d’autre part qu’elle soit devenue une composante fondamentale de la logique du vivant, expliquant son autonomie, sa robustesse et sa résilience.

8. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.

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Notes

  1. Adresse personnelle : 72, chemin des Baumillons, 13015 Marseille ; adresse courriel : david_espesset@yahoo.fr.
  2. Giovanni Guareschi, Don Camillo et ses ouailles (pp. 6-7).
  3. Voir ma revue critique, disponible sur le site Bible & Science Diffusion.
  4. Les notions de rationalité et d’irrationalité sont à l’origine d’un certain nombre d’amalgames et de confusions. Par exemple, on oppose les deux concepts de façon dichotomique, alors qu’on peut développer l’idée d’une « non rationalité » pas forcément irrationnelle ; en outre, la rationalité est très souvent associée exclusivement au mode de pensée scientifique : ce qui n’est pas scientifique n’est donc pas rationnel, donc irrationnel.
  5. J’ai remarqué que ce sont bien souvent les personnes qui prônent cette attitude intellectuelle salutaire qui se révèlent en fait les plus prisonnières d’un mode de pensée conventionnel et les plus dogmatiques.
  6. Comme Scott Buchanan.
  7. P. 7 (« Above and beyond this cellular complexity is the equally complex realm of the organism, with trillions of cells  working in astonishing coordination […] » ; p. i).
  8. P. 8 (« […] the Axiom’s foundational assumptions are not critiqued in any serious way, either in graduate classes, or ingraduate level textbooks, or even in the professional literature » ; p. ii).
  9. P. 8 (« […] the obvious lack of realism of many of the most crucial assumptions […] » ; p. iii).
  10. P. 8 (« […] observationally unjustifiable, assumptions » ; p. iii).
  11. P. 9 (« […] when realistic assumptions are applied, population genetics actually repudiates the Axiom » ; p. iii).
  12. P. 65 (en italique dans la traduction française ; « […] they very cleverly transferred the unit of selection from the whole organism to the genetic unit (i. e., the gene or nucleotide). To do this they had to redefine a population as being nothing  more than a « pool of genes » ; p. 58 ; en italique dans le texte original).
  13. P. 66 (« the very unnatural redefinition of life as « pools of genes » »). Cette vision artificielle du vivant constitue l’une des principales critiques qu’on peut formuler à l’encontre du darwinisme : le manque de connexion avec la réalité du monde vivant (notamment la conception des organismes comme des machines vivantes).
  14. P. 67 (« These linkage blocks are inherited as a single unit and almost never break apart. This falsifies one of the most fundamental assumptions of the theorists, that each nucleotide can be viewed as an individually selectable unit » ; p. 61).
  15. P. 67 (biological « noise » ; p. 62)
  16. P. 103 (genetic noise ; p. 103).
  17. P. 96 (en italique dans la traduction française ; « […] all the different types of noise from all the different aspects of the individual and the environment » ; p. 95 ; en italique dans le texte original).
  18. P. 99 (en italique dans la traduction française ; « […] the effect of an average single nucleotide will consistently be lost in an ocean of noise […] » ; p. 98 ; en italique dans le texte original).
  19. P. 102 (en italique dans la traduction française ; « Noise is always present, and at much higher levels than is normally acknowledged by population geneticists » ; en italique dans le texte original).
  20. P. 102 (en italique dans la traduction française ; « Noise always remains a severe constraint to natural selection » ; enitalique dans le texte original).
  21. P. 68 (selection cost ; p. 63).
  22. P. 68 (« All selection involves a biological cost – meaning that selection must remove (« spend ») part of the breeding            population ») ; p. 63 ; en italique dans le texte original).
  23. P. 129 (« […] deleterious mutations occur at a very high rate. Natural selection can only eliminate the worst of these, while all the rest accumulate […] » ; p. 131).
  24. P. 129 (« […] beneficial mutations are much too rare, and are much too subtle to keep up with such relentless and                systematic erosion of information » ; p. 131).
  25. P. 13 (« When subjected only to natural forces, the human genome must degenerate over time » ; p. viii).
  26. P. 129 (« It is very easy to systematically destroy information, but […] it is very hard […] to create information » ; p. 131).
  27. P. 16 (« [The genome] actually embodies multiple linear codes that overlap and constitute an exceedingly sophisticated information system embodying what is called data compression » ; p. 3 ; en italique dans le texte original).
  28. P. 13 (« […] the nonlinear nature of the genome, the poly-functional nature of many of the nucleotides that make up the      higher genomes, the fact that the genome encodes much more information than was even recently thought possible […] » ; p. viii).
  29. P. 18 (« Where did all this information come from, and how can it possibly be maintained ? This is the mystery of the genome » ; p. 4).
  30. Voir L’évolution vue par un botaniste, de Jean-Marie Pelt (p. 22).
  31. Il est intéressant de remarquer que, malgré ces oppositions, Bertrand Louart considère, de façon subtile, que darwinistes et créationnistes sont des « frères ennemis » (voir Bertrand Louart, Frères ennemis, 2007). De
  32. Par exemple, Assessing Limits to Evolution and to Natural Selection:  Reviews of Michael Behe’s “Edge of Evolution” and John Sanford’s “Genetic Entropy”, par Scott Buchanan.
  33. Voir par exemple l’article Les multiples chemins de l’anti-science, sur le site Les pieds dans le plat – Les deux pieds dans le plat des croyances, superstitions et dérives médiatiques (lespiedsdansleplat.me/les-multiples-chemins-de-lantiscience/).
  34. Bien évidemment, on pourrait faire la même chose avec le créationnisme !
  35. Voir, par exemple, l’édifiant Réenchanter la Science, de Rupert Sheldrake.
  36. Notons ici la circularité du raisonnement darwinien : pour expliquer la biodiversité due à l’action de la sélection naturelle, il faut que les populations présentent au départ une certaine… biodiversité.
  37. « […] the beneficial spontaneous genetic mutation remains no more than a hypothetical necessity to the neo-Darwinian theory » (Shattering the Myths of Darwinism, p. 157 ; toutes les traductions et adaptations de textes en anglais sont personnelles, sauf dans les cas où j’ai eu accès à la traduction « officielle », ce qui est mentionné).
  38. « No one has ever observed a spontaneous inheritable genetic mutation that resulted in a changed physical characteristic, aside, that is, from a small group of well-known and usually fatal genetic defects » (ibid.).
  39. « Because deleterious mutations are known to occur, Darwinists appeal to the statistics of large numbers. If deleterious mutations can occur, then given enough time beneficial mutations can occur. There is no evidence for this claim. But it isirrefutable » (ibid.).
  40. The Logic of Scientific Discovery (en particulier le Chapitre 4).
  41. Ce genre de « prévision » est inattaquable : si elle est vérifiée, on se vantera de l’avoir prévue ; si elle n’est pas vérifiée, onfera appel à son incertitude inhérente. Difficile, dans ces conditions, de qualifier de scientifiques de telles affirmations.
  42. Cité par Andréas Sniadecki dans Jean-Jacques Kupiec, l’ignorance au cœur de la cellule (p. 37).
  43. Le darwinisme, envers d’une théorie (p. 9).
  44. « Chance has no memory » (Darwin’s Dangerous Idea, p. 54).
  45. On parle aussi de l’ »erreur du parieur ».
  46. « Failing to appreciate the fact that chance has no memory is known as the Gambler’s Fallacy; it is surprisingly popular  […] » (Darwin’s Dangerous Idea, op. cit., p. 54).
  47. « […] in order to account for synthetic evolution by random mutation, one has to have an almost religious faith in the       power of extremely unlikely events and very long time scales » (Shattering the myths of Darwinism, op. cit., p. 159).
  48. « […] the rate of mutation has been inflated by the simple device of making the definition of the term « mutation » so elastic that it can include any and every inheritable change […] » (ibid., p. 158).
  49. Notion développée par Momme von Sydow dans From Darwinian Metaphysics towards Understanding the Evolution of Evolutionary Mechanisms ; par exemple, von Sydow écrit que « le darwinisme génétique se caractérise par une forme      radicale de réductionnisme de processus, appelé monisme de processus darwinien, selon lequel le processus de      mutation/sélection représente l’unique véritable mécanisme de l’évolution » (« […] gene-Darwinism is characterised by a radical form of process reductionism, i. e. Darwinian process-monism, according to which the process of mutation and elimination is the only real evolutionary mechanism » ; p. 244) ; il précise que « les darwinistes centrés sur le gène, comme Dawkins, ont adopté le monisme de processus néo-darwinien comme étant le véritable pivot conceptuel du paradigme évolutif » (« […] gene-Darwinians such as Dawkins have adopted […] [the] neo-Darwinian […] process-monism as the true paradigmatic core […] » ; p. 11).
  50. Les darwinistes voient la complexité biologique comme réductible ; les créationnistes, eux, la voient comme irréductible.
  51. Momme von Sydow parle de « gènes conçus comme indépendants et séparés, réunis à l’intérieur d’un ensemble commun et non structuré » (« the perspective of separate independent genes in a common unstructured gene pool » ; p. 140).
  52. « Selection only ‘sees’ the phenotype irrespectively of the genotype » (p. 318)
  53. « […] only the phenotype could be directly seen by natural selection » (p. 319).
  54. « Dans le raisonnement évolutionniste, l’individu s’efface devant la population » (Guide critique de l’Évolution, p. 15).  Outre la confusion entre évolution et darwinisme, cette position est évidemment critiquable.
  55. « Modern Darwinists seem to have a profoundly optimistic belief that the occurrence at an early stage in evolution of […]     a fundamental innovation […] makes cumulative selection […] somewhat less improbable. […] Of the vast range of            characteristics spelled out by DNA, the next copying error is more likely to be about something else entirely […] or it may be the wrong step […] » (Shattering the myths of Darwinism, op. cit., p. 162). La contre-objection classique des darwinistes est que la sélection naturelle jouerait le rôle d’un filtre justement capable de ne retenir que les mutations appropriées.
  56. « […] the greater the number of steps into which we break up to the overall leap, the more improbable it becomes that they will take place in the right order » (ibid.).
  57. « […] the improbability of spontaneous genetic mutation leading to beneficial novelties in form ought to be a major source of concern » (ibid., p. 164).
  58. La notion de complexité en biologie évolutive : une revue synthétique.
  59. « […] multiple linear codes that overlap […] » (p. 3).
  60. P. 137 (« […] most human coding sequences encode for two different RNAs that read in opposite directions […] » ; p. 141).
  61. P. 137 (« Some sequences serve multiple functions simultaneously […] » ; p. 141).
  62. P. 137 (« […] there are even higher levels of organization and information encrypted within the genome » ; p. 141).
  63. P. 137 (« […] probably all DNA sequences in the genome encrypt multiple codes (up to 12) » ; p. 142).
  64. Le mot « complexe » conviendrait mieux ici, pour éviter tout jugement de valeur (il n’existe pas d’organismes « inférieurs » ; ils sont simplement moins complexes).
  65. P. 138 (« The poly-constrained nature of DNA serves as strong evidence that higher genomes cannot evolve via      mutation/selection except on a trivial level » ; p. 142).
  66. Le terme design est employé ici par Sanford (p. 142). Il faut savoir, d’une façon qui me paraît curieuse car pouvant être à l’origine de confusions graves, que certains darwinistes anglophones (comme Richard Dawkins et Daniel Dennett) utilisent également ce mot pour décrire la façon dont les êtres vivants seraient « modelés » par la sélection naturelle (et je me demande jusqu’à quel point il ne s’agit pas là d’une provocation anti-créationniste). Ainsi, le mot design apparaît, au total, 153 fois dans The Blind Watchmaker, dont 16 dans l’expression Good design (titre du chapitre 2) ; 678 fois dans Darwin’s dangerous idea, dont une fois dans l’expression good Design empruntée à Paley, et 98 fois dans l’expression Design Space (objet notamment du Chapitre 6, Threads of actuality in design space).De l’origine des espèces (1859, ch. IV).
  67. De l’origine des espèces (1859, ch. IV).
  68. P. 19 (« […] selection can only be carried out on the level of the whole organism » ; p. 7).
  69. The selfish gene (1976).
  70. « Does selection operate primarily on genes? »
  71. Contemporary Debates in Philosophy of Biology (Part IV).
  72. « Sélection does operate primarily on genes » (ibid., p. 127).
  73. « In defense of the gene as the unit of selection » (ibid.).
  74. « Natural selection operates within genomes without regard for phenotypic effect » (ibid., p. 128 ; en italique dans le texte original).
  75. « Natural selection can, and does, act on the products of individual genes » (ibid., p. 130).
  76. « Natural selection can act directly on genes themselves » (ibid., p. 130).
  77. « Sélection does not operate primarily on genes » (ibid., p. 140).
  78. « […] selection acts on many levels at once […] » (ibid., p. 141).
  79. « […] with sufficient regularity of (environmental) conditions to allow cumulative selection to maintain or alter the traits of the organisms […] over a long series of generations » (ibid., p. 142 ; parenthèses dans le texte original).
  80. « […] there must be suitable conditions permitting cumulative selection for natural selection to be effective. For example, the timing of environmental cycles must be short enough to be ‘visible’ to selection, or selection cannot act to take them into account » (ibid., p. 150).
  81. « […] it is necessary to analyze the conditions for cumulative selection with great attention to long cycles affecting life history patterns » (ibid., p. 151).
  82. « […] there is no single answer as to what, exactly, should count as a gene […] » (ibid., p. 144).
  83. « […] organisms are built anew in each generation by an interactive process with the environment, not by a copying mechanism » (ibid., p. 146).
  84. Voir, par exemple, Darwin’s Dangerous Idea, de Daniel C. Dennett.
  85. « […] which genes have disproportionate influence changes with the ecology » (Contemporary Debates in Philosophy of Biology, op. cit., pp. 158-159).
  86. « […] the conditions causally relevant to the phenotypic states that influence survival are combinations of alleles, not the alleles themselves or their frequencies in the population » (ibid., p. 149).
  87. « […] selection normally « acts » not as a single force on an isolated gene or trait, but as a balancing device in response to situations affecting multiple traits in scattered episodes over extended periods of time » (ibid., p. 151).
  88. « […] selection acts primarily on properties relevant to the demands of organismal survival imposed by the ecology and by competitors [… :] it acts, in the first instance, on heritable phenotypes » (ibid., p. 153).
  89. Par exemple : « […] part of an eye is better than no eye at all » (p. 85) ; « […] a lensless eye is better than no eye at all » (p. 86) ; « Five per cent vision is better than no vision at all » (p. 90).
  90. « Wherever we have an X in a real live animal, where X is some organ too complex to have arisen by chance in a single step, then according to the theory of evolution by natural selection it must be the case that a fraction of an X is better than no X at all; and two fractions of an X must be better than one; and a whole X must be better than nine-tenths of an X » (The Blind Watchmaker, ibid., p. 91).
  91. « […] n = 363 992 generations would be sufficient for a lens eye to evolve by natural selection » (A pessimistic estimate of the time required for an eye to evolve).
  92. « […] it would take less than 364000 years for a camera eye to evolve from a light-sensitive patch » (ibid.). Les auteurs insistent sur le fait que leurs résultats « surestiment largement le nombre nécessaire de générations » (« […] the complete calculation substantially overestimates the number of generations required » ; ibid.). Dans cet article, un certain nombre de « conditions de départ » sont mises en place pour en arriver au résultat escompté : que « l’apparition de l’œil n’a jamais présenté de problème pour la théorie darwinienne de l’évolution » (« […] the eye was never a real threat to Darwin’s theory of evolution » ; ibid.). Notamment, l’évolution de l’œil, à partir d’une tache photosensible, y est présentée sur la base d’un certain nombre d’hypothèses certes réalistes d’un point de vue anatomique mais totalement invérifiables (ce que les auteurs, d’une certaine façon, reconnaissent ; voir le paragraphe « 2. A MODEL OF EYE EVOLUTION »). De plus, l’ensemble de l’étude présentée repose sur une forme de circularité, puisque, dès le départ, les auteurs définissent une séquence évolutive en permanence compatible avec la sélection naturelle (« The first and most crucial task is to work out an evolutionary sequence which would be continuously driven by selection » ; ibid.). Enfin, notons une contradiction inhérente à cette démonstration : d’une part, l’évolution darwinienne est considérée comme lente et graduelle, nécessitant des milliards d’années ; et, d’autre part, un organe complexe peut apparaître en quelques centaines de milliers d’années (soit une durée dix mille fois plus courte).
  93. Le darwinisme tient-il debout ? (p. 228).
  94. « Natural selection would act simultaneously on all characters that positively affect the performance » (A pessimistic estimate of the time required for an eye to evolve ; op. cit.).
  95. « There are thus no particularly inefficient parts of the sequence, where much change has to be made for little improvement of function » (ibid.).
  96. Andréas Sniadecki (Stephen Jay Gould, l’évolution sans histoire ; p. 3).
  97. Il me semble que, si les scientifiques avaient vraiment l’esprit tranquille et étaient absolument certains de leur position, il ne prendraient même pas le temps ni de formuler de objections anti-créationnistes, ni même de répondre aux attaques créationnistes.
  98. Guide critique de l’évolution (op. cit., p. 137).
  99. Ibid. (p. 148).
  100. Voir Explications mécanistes et téléologiques de l’évolution de la forme, par Anda Danciu (p. 88).
  101. Guide critique de l’évolution (op. cit., p. 152 ; en italique dans le texte original).
  102. Voir mon article De l’utilisation parcimonieuse du principe de… parcimonie.
  103. Titre de l’ouvrage de référence.
  104. Guide critique de l’évolution (op. cit., p. 155).
  105. Ibid. (p. 23). Il est étrange que ce scepticisme initial disparaisse totalement quand il s’agit de dégager des conclusions : ne serait-il pas au contraire plus juste de douter de la validité du raisonnement mis en œuvre, plutôt que trop souvent présenter ces conclusions comme des certitudes définitives ?
  106. Guide critique de l’évolution (op. cit., p. 156).
  107. Ibid., p. 156.
  108. Comme Jean-François Moreel dans Le darwinisme, envers d’une théorie (pp. 241, 254, 269).
  109. Guide critique de l’évolution (op. cit., p. 157).
  110. Darwin’s dangerous idea.
  111. The blind watchmaker.
  112. Guide critique de l’évolution (op. cit., p. 157).
  113. The logic of scientific discovery (The problem of induction, pp. 3-7).
  114. Guide critique de l’évolution (op. cit., p. 157).
  115. Ibid., p. 159.
  116. « Nous ne devons pas considérer la science comme un « corpus de connaissances », mais plutôt comme un faisceau d’hypothèses, c’est-à-dire un ensemble de conjectures et de prédictions, lesquelles en principe ne peuvent être vérifiées, mais qui nous servent de base de travail tant qu’elles résistent aux tests, et au sujet desquelles il n’est jamais légitime d’affirmer que nous savons qu’elles sont « vraies » ou « plus ou moins sûres » ou même « probables » » (« […] we must not look at science as a ‘body of knowledge’, but rather as a system of hypotheses; that is to say, as a system of guesses or anticipations which in principle cannot be justified, but with which we work as long as they stand up to tests, and of which we are never justified in saying that we know that they are ‘true’ or ‘more or less certain’ or even ‘probable’ » ; Karl Popper, The logic of scientific discovery, op. cit., p. 318).
  117. « The loss of control is indeed disturbing, and might even call into question the criterion of reproducibility as a condition for acceptance of a phenomenon as being worthy of scientific enquiry […] » (Joel Bernstein, cité par Rupert Sheldrake, The Science Delusion, op. cit., p. 64 ; « La perte de contrôle est assurément troublante, elle remet même en question le critère de reproductibilité comme condition pour qu’un phénomène soit considéré comme susceptible de faire l’objet d’une enquête scientifique », Réenchanter la Science, op. cit., p. 124).
  118. Illusions of Objectivity (The Science Delusion, ibid., ch. 11 ; L’illusion de l’objectivité, Réenchanter la Science, ibid., ch. 11).
  119. Voir par exemple L’objectivité dans la recherche scientifique, et L’objectivité de la recherche scientifique, par Vincent Devictor.
  120. Guide Critique de l’Évolution (op. cit., p. 23).
  121. « It has been troubling to discover various instances of misrepresentation in Genetic Entropy. However, I do not believe this to be any deliberate attempt to deceive. It has been widely observed that someone who is in the grip of young earth creationism can get somewhat disconnected with reality. By all accounts, John Sanford is a sincere and godly man, a respected figure in genetics research who has accepted the price of ridicule to promote what he believes » (Scott Buchanan, op. cit.).
  122. Daniel C. Dennett se caractérise tout particulièrement par cette tendance à tourner en ridicule les auteurs dont il ne partage pas les idées (voir Darwin’s Dangerous Idea, op. cit.).
  123. Première définition donnée par le CNRTL.
  124. Voir le Chapitre 11 de L’Horloger Aveugle, intitulé en anglais Doomed rivals (traduction possible : Des concurrents voués à l’échec).
  125. Voir Aux origines idéologiques du darwinisme (p. 23).
  126. Voir, par exemple Création artistique et darwinisme mental (dans Du vrai, du Beau, du Bien, pp. 142-147).
  127. Cette critique est également employée par les scientifiques conventionnels pour stigmatiser l’aspect dogmatique du créationnisme.
  128. Plusieurs décennies représentent un temps très court, même s’il s’y produit plus de cinquante mille cycles de division cellulaires » (p. 172 ; « Several decades is a very short time – even though more than 50 thousand cell division cycles have occured » ; p. 180).
  129. P. 172 et p. 180, respectivement.
  130. Voir par exemple Momme von Sydow (From Darwinian Metaphysics towards Understanding the Evolution of Evolutionary Mechanisms, p. 209).
  131. L’existence de la sélection naturelle est une évidence absolue : comme les populations d’organismes présentent toutes une certaine forme de variabilité (polymorphisme, biodiversité, etc.), ces organismes seront forcément l’objet d’un tri en fonction de leur aptitude à la survie et à la reproduction, notamment en relation avec les conditions environnementales auxquelles ils sont soumis.
  132. Process monism (ibid., notamment le Ch. 9). Von Sydow parle également de « métaphysique darwinienne à mécanisme unique » (Darwinian mono-mechanistic metaphysic ; ibid., p. 336).
  133. Pan-selectionism (ibid., Ch. 9).
  134. Pan-adaptationism (ibid., Ch. 4 & Ch. 9).
  135. Radical Darwinism (ibid., notamment le Ch. 9).
  136. De la même façon, quand Peter & Rosemary Grant ont démontré le lien entre les conditions environnementales, la survie des « Pinsons de Darwin » et les changements de certains caractères (taille du corps, taille du bec, forme du bec) par sélection naturelle et hybridation, on peut se demander s’ils ont vraiment observé ces oiseaux en train d’évoluer, même si leurs études ont été prolongées sur trois décennies. En effet, premièrement, le lien entre sélection naturelle et hybridation, d’une part, et évolution, d’autre part, semble pris pour évident dès le départ (d’où une forme de circularité, puisque ces mécanismes sont considérés d’emblée comme évolutifs) ; deuxièmement, les changements observés, vus sous l’angle d’adaptations à des conditions environnementales locales variables, peuvent très bien, ici aussi, être interprétés comme du « réglage fin ».
  137. P. 173 (« […] loss-of-function or loss-of-regulation mutations (and hence loss of information) » ; p. 181).
  138. Leonard Mlodinow, Qui détient la clé de l’Univers ?, p. 137 (« Loosely speaking, entropy is a measure of the disorder in a system. The more disordered, usually, the higher the entropy. Entropy is the enemy of life, and of any concept of “design.” » ; War of the Worldviews, p. 121).
  139. Ces essais de définitions sont, notamment, basés sur des éléments présentés sur Wikipédia et le CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).
  140. Leonard Mlodinow, Qui détient la clé de l’Univers ?, p. 137 (« Loosely speaking, entropy is a measure of the disorder in a system. The more disordered, usually, the higher the entropy. Entropy is the enemy of life, and of any concept of “design.” » ; War of the Worldviews, p. 121).
  141. Ces essais de définitions sont, notamment, basés sur des éléments présentés sur Wikipédia et le CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).
  142. Potentielle car nécessitant des mécanismes particuliers pour en assurer la libération contrôlée et progressive.
  143. Adapté d’un article par Anne Debroise paru dans le magazine Science & Vie.
  144. Thermodynamic origin of life (titre de l’article de référence par Karo Michaelian).
  145. « Understanding the thermodynamic function of life may shed light on its origin » (ibid.).
  146. « Entropy production is a measure of the rate of the tendency of Nature to explore available microstates » (ibid.).
  147. « Here we hypothesize that life began, and persists today, as a catalyst for the absorption and dissipation of sunlight on the surface of Archean seas » (ibid.).
  148. « From this perspective, the origin and evolution of life […] can be understood as resulting from the natural thermodynamic imperative of increasing the entropy production of the Earth in its interaction with its solar environment » (ibid.).
  149. Phrase originale complète : « Empirical evidence from the fossil record of the evolutionary history of Earth indeed suggests that living systems, from cells to the biosphere, have generally increased in complexity over time, and correspondingly, there has been an increase in their total entropy production, as well as in the net entropy production per unit biomass » (ibid.).
  150. Momme von Sydow résume particulièrement bien cet aspect tautologique du darwinisme : « Les organismes qui survivent sont en général ceux qui sont mieux adaptés, puisqu’ils survivent. On définit le plus souvent la capacité d’adaptation par la survie. Il en résulte que l’affirmation darwinienne de la persistance des plus aptes équivaut à l’affirmation tautologique de la survie des survivants » (« Those entities which survive are generally more adapted, since they survive. Fitness becomes defined – as has actually often been done – by survival. Thereby the Darwinian claim of the survival of the fittest results in the tautological claim of the survival of the survivor » ; From Darwinian Metaphysics towards Understanding the Evolution of Evolutionary Mechanisms, p. 341).
  151. « Ignoring the entropy producing function of life is, in fact, the basis of the tautology in Darwin’s theory of evolution through natural selection. As Boltzmann hinted 150 years ago, the vital force of life and evolution is derived from photon dissipation, i.e. through entropy production » (Thermodynamic origin of life, op. cit.).
  152. Voir plus loin le paragraphe sur la téléologie..
  153. « The origin of life and beginnings of evolution, as depicted by this theory has the general feature of an auto-catalytic cycle involving a strong coupling between biotic and abiotic processes, driven by the goal oriented and universal process of increasing the entropy production of Earth in its interaction with its solar environment. This great auto-catalytic cycle       involving life and abiotic entropy producing processes remains to this day, and appears to be evolving towards still greater efficiency at producing entropy » (Thermodynamic origin of life, op. cit.).
  154. « […] a yet to be completed systems theory which treats environment, biological entities, and their interactions using       common principles […] » (Entropy in Evolution, par John Collier, 1986).
  155. « Evolution is driven by non-equilibrium processes which increase the entropy and information content of species                together » (ibid.).
  156. « […] the dynamics of evolution derive from […] increases in the information and entropy of a system of imperfectly reproducing organisms. Natural selection is merely rate-determining, and is best viewed as an extrinsic factor affecting evolutionary dynamics » (ibid.).
  157. « […] the entropy of information is a measure of the indifference of the system to random fluctuation, or of its ability to withstand random fluctuations, i.e., its stability » (ibid.).
  158. « The entropy of cohesion is a measure of the disorder of the biological entity resulting from the segregation of its parts. In the case of species, this is due to difficulties in sharing genetic material between diverse members » (ibid.).
  159. « Evolution, then, results from the joint effect of increases in the entropy of information and the entropy of cohesion »  (ibid.)
  160. Selon les chiffres officiels ; toutefois, certains auteurs, extrêmement controversés, remettent en cause ces valeurs, qui seraient basées sur un consensus subjectif et arbitraire (voir, par exemple, Shattering the Myths of Darwinism, op. cit., Chapitre 5).
  161. Stephen Jay Gould introduit, dans La Vie est Belle (Chapitre 3), la distinction subtile entre diversité et disparité : la diversité fait référence au nombre d’espèces différentes, tandis que la disparité se base sur l’ensemble des plans          d’organisation : au Cambrien, la disparité fut maximale, malgré une diversité apparemment limitée ; au cours de l’histoire ultérieure du vivant, la tendance s’est complètement inversée.
  162. Au sujet des problèmes controversés liés à la notion de complexité biologique, voir mon article.
  163. Hervé Boillot, 25 mots clés de la philosophie (p. 33).
  164. Jean-Paul Belmondo, Mille vies valent mieux qu’une (p. 54).
  165. Leonard Mlodinow, Qui détient la clé de l’Univers ?, p. 312 (« It would be narrow-minded for us to believe that our                picture of the world is the definitive one » ; War of the worldviews, p. 280).
  166. 25 mots clés de la philosophie (op. cit.,p. 22).
  167. Guide Critique de l’Évolution (p. 24).
  168. Ibid. (p. 25).
  169. 25 mots clés de la philosophie (op. cit., p. 22).
  170. Ibid. (pp. 22-23).
  171. Ibid. (p. 22 ; en italique dans le texte original).
  172. Ibid. (p. 25 ; en italique dans le texte original).
  173. Ibid. (p. 24).
  174. Ibid. (p. 24 ; en italique dans le texte original).
  175. Ibid. (p. 25).
  176. Ibid. (p. 26).
  177. Je ne m’étendrai pas ici sur la distinction entre vérité et réalité.
  178. Critique de la raison pure (p. 80).
  179. Ibid. (p. 80).
  180. Ibid. (p. 81).
  181. Ibid. (p. 81).
  182. Ibid. (p.82 ; en italique dans la traduction française).
  183. Ibid. (Préface, p. XXX).
  184. Ibid. (Préface, p. XXX).
  185. De façon plus générale, ce sont les chercheurs eux-mêmes qui édictent les règles fondamentales de l’investigation scientifique (pour utiliser une comparaison quelque peu triviale, ce sont les joueurs qui établissent les règles du jeu).
  186. Selon Karl Popper, aucune théorie scientifique ne peut être considérée comme vraie, car une telle théorie n’est pas vérifiable mais peut seulement être corroborée par des faits (« Theories are not verifiable, but they can be ‘corroborated’ » ; The logic of scientific discovery, p. 248).
  187. Dossier thématique On pense tous quantique (Science & Vie n° 1177).
  188. Ibid. (p. 58).
  189. Ibid. (pp. 58-60).
  190. Ibid. (p. 64).
  191. La quantique est la science de la surface des choses, par Mathilde Fontez (Science & Vie n° 1177).
  192. Ibid. (p. 67).
  193. Ibid. (p. 67).
  194. Ibid. (p. 67).
  195. Ibid. (p. 68).
  196. Ibid. (p. 68).
  197. « In so far as a scientific statement speaks about reality, it must be falsifiable: and in so far as it is not falsifiable, it does not speak about reality » (Karl Popper, The logic of scientific discovery, p. 316).
  198. « According to this criterion, statements, or systems of statements, convey information about the empirical world only if they are capable of clashing with experience, or more precisely, only if they can be systematically tested, that is to say if they can be subjected […] to tests which might result in their refutation » (en italique dans le texte original ; ibid., p. 315).
  199. « […] our criterion of falsifiability distinguishes with sufficient precision the theoretical systems of the empirical sciences from those of metaphysics […] » (ibid., p. 315).
  200. « […] metaphysics […] from a historical point of view can be seen to be the source from which the theories of the empirical sciences spring » (ibid., pp. 315-316).
  201. N’oublions pas l’aphorisme de Lamarck : « […] [T]oute science doit avoir sa philosophie, et ce n’est que par cette voie qu’elle fait des progrès réels » (Philosophie zoologique, 1809 ; cité par Bertrand Louart dans Le vivant, la machine et l’homme, p. 20).
  202. Guide Critique de l’Évolution (op. cit., p. 31). Cette vision naïve de l’investigation scientifique ne tient absolument pas compte de toutes les influences et contraintes qui biaisent la recherche (considérations économiques, politiques, sociales, mais aussi militaires).
  203. Ibid., pp. 31-32.
  204. 25 mots clés de la philosophie (op. cit., p. 31).
  205. Ibid. (p. 31).
  206. Ibid. (p. 30).
  207. Ibid. (p. 32).
  208. Ibid. (p. 33 ; en italique dans le texte original).
  209. Ibid. (p. 39).
  210. Qui détient la clé de l’Univers ?, op. cit., pp. 312-313 (« […] German philosopher Immanuel Kant postulated that the reality we experience is one that has been constructed and shaped by our minds, minds limited by our beliefs, feelings, experiences, and desires » ; War of the worldviews, p. 280).
  211. Ibid., p. 313 (« But are we reading the grand book of the universe, or are we writing one? » ; War of the worldviews, p. 281).
  212. Selon l’expression de Daniel C. Dennett (Darwin’s Dangerous Idea, Chapitre 3).
  213. A ce sujet, le relativisme philosophique affirme que toute connaissance est relative, notamment parce que la connaissance dépend du sujet qui l’étudie : il en découle qu’il n’existe pas de vérité absolue ou objective. Cette position prône l’idée que tous les discours se valent. On peut la critiquer comme étant une stratégie d’évitement, menant immédiatement à l’impossibilité de toute réflexion approfondie sur quelque sujet que ce soit, et l’inutilité de toute argumentation, de tout débat. Dans ce cadre, « [l]es assertions scientifiques auraient le même statut que les assertions mythologiques, religieuses ou artistiques », mais ce serait oublier que « les modalités de production des affirmations sur le monde sont extrêmement diverses : elles ne répondent pas aux mêmes objectifs ; elles ne reposent ni sur les mêmes codes, ni les mêmes méthodes » (Guide critique de l’Évolution, p. 156 ; reste à savoir si ces différences sont véritablement significatives). Pourtant, rappelons la fameuse citation : « The full mind is alone the clear ».
  214. Sans compter tous les problèmes de comportement des élèves soulevés par la mise en œuvre de telles manipulations.
  215. Ces problèmes sont encore renforcés par l’emploi abusif de l’expression « intelligence artificielle » (exemple typique d’oxymore imposé de façon dogmatique).
  216. Il faut toutefois reconnaître que certaines simulations se sont révélées particulièrement puissantes, comme le fait de pouvoir tester un pont virtuel avant même d’en envisager la construction.
  217. The Blind Watchmaker (Chapitre 3).
  218. « […] if you never take a wrong turning […] » (The Blind Watchmaker, p. 71 ; en italique dans le texte original).
  219. « […] if […] you know exactly what genetic formula you are heading towards, and how to steer towards it » (ibid.)
  220. « This is a task that is better done by the human eye, together with […] the 10-giganeurone computer inside the skull » (ibid., p. 61).
  221. Voir toutefois la notion d’« Univers information », présentée par Igor et Grichka Bogdanov.
  222. « The fact that species have managed to survive this long is a testimony to the genius of the Creator, who designed living things with an amazing robustness and resistance to injury » (Price, Carter & Sanford, 2020).
  223. Guillaume Suing et Damien Aubert (Evolution : vers une approche dialectique).
  224. Voir Evolution: still a theory in crisis.
  225. Adaptive masks (Evolution: still a theory in crisis, ibid., pp. 17 & 264).
  226. Voir The Types: A Persistent Structuralist Challenge to Darwinian Pan-Selectionism, par Michael Denton.
  227. « According to the structuralist paradigm, a significant fraction of the order of life and of every organism is the result of basic internal constraints of causal factors that arise out of the fundamental physical properties of biological systems and biomatter. […] These internal constraints, or « laws of biological form », […] [are] believed […] to limit the way organisms are built […]. This view implies that many of life’s basic forms arise in the same way as do other natural forms–ultimately from the self-organization of matter–and are genuine universals » (Evolution: still a theory in crisis, op. cit., p. 14).
  228. « […] a considerable amount of higher order in biological systems is […] arising as a result of complex self-organizing mechanisms. Such emergent order is invisible from below and by definition beyond genetic specification » (ibid., p. 255).
  229. « […] [The self-organizing processes] are dependent on higher-level natural laws that determine the properties of matter in the first place » (ibid., p. 256).
  230. La musique de la vie (p. 32).
  231. Ibid. (p. 14).
  232. Ibid. (pp. 14-15).
  233. Ibid. (p. 26).
  234. Ibid. (p. 29).
  235. Ibid. (p. 40).
  236. Ibid. (p. 41).
  237. « […] the built-in processes of self-modification […] » (Evolution: A View from the 21st Century, p. 132).
  238. « […] the genome as a read-write (RW) memory system subject to non-random change by dedicated cell functions » (ibid., p. 28).
  239. « […] the many ways cells inscribe information into their genomes […] » (ibid., p. xv).« […] these diverse inscriptions constitute of form of writing that modifies the cell’s genomic memory » (ibid., p. xv).
  240. « […] natural genetic engineering represents the ability of living cells to manipulate and restructure the DNA molecules that make up their genomes » (ibid., p. 2).
  241. . « […] reorganization events have comprised whole genomes » (ibid., p. 5).
  242. . Partie de la phrase originale : « […] the life sciences have converged with other disciplines to focus on questions of acquiring, processing, and transmitting information to ensure the correct operation of complex vital systems » (ibid., p. 4).
  243. . « […] the evolutionary process has clearly been one of combinatorial innovation to produce functional systems […] » (ibid., p. 5).
  244. . « […] this combinatorial process has a far greater probability of success than trying to modify each element in the genome one nucleotide at a time » (ibid., p. 130).
  245. . « […] evolution by amplification and reorganization of genome segments » (ibid., p. 131).
  246. . « […] generating redundancy [… is] a key aspect of the evolutionary process » (ibid., p. 131).
  247. « […] generating redundancy [… is] a key aspect of the evolutionary process » (ibid., p. 131).
  248. « Thinking about genomes from an informatic perspective, it is apparent that systems engineering is a better metaphor for    the evolutionary process than the conventional view of evolution as selection-biaised random walk […] » (ibid., p. 6).
  249. « […] genome change resulting from a constellation of regulated cell functions (natural genetic engineering) […] » (ibid.,         p. 123).
  250. « Evolutionary novelty arises from the production of new cell and multicellular structures as a result of cellular self-    modification functions […] » (ibid., p. 143).
  251. « […] episodic and abrupt changes […] » (ibid., p. 144).
  252. Voir Punctuated Equilibria: an Alternative to Phyletic Gradualism et Punctuated equilibria: the tempo and mode of        evolution reconsidered.
  253. « […] cell sensing, information transfer, and decision-making processes » (Evolution: A View from the 21st Century, op.        cit., p. 24).
  254. Phrase originale complète : « Our view of genome change has become one that describes active cell processes rather than          a series of random accidents » (ibid., p. 129).
  255. « […] living cells do not act blindly […] » (ibid., p. 137).
  256. « […] cells are now reasonably seen to operate teleologically: their goals are survival, growth, and reproduction » (ibid.,         p. 137).
  257. « […] entirely new and rigorously scientific ways to think about cognition, decision-making, and goal-oriented function »   (ibid., p. 139).
  258. Littéralement, Un ordinateur dans chaque cellule vivante.
  259. Littéralement, Des cellules intelligentes.
  260. « […] single cells are aware of their surroundings. They detect chemical flavors, mechanical vibrations, visual stimuli,   electric fields, and gravity. They respond by moving or by changing their shape or internal state, selectively, in a discerning manner » (p. 18).
  261. « Most microorganisms display what in higher animals is termed attention » (ibid., p. 18).
  262. « […] knowledge of the world is such a fundamental part of life […] » (ibid., p. 142).
  263. « A primitive awareness of the environment was an essential ingredient in the origins of life : it was preserved and expanded in increasingly elaborate and prolific forms in the subsequent explosion of living organisms during evolution. This intrinsic capacity has been amplified and ramified in a thousand different ways » (ibid., pp. 142-143).
  264. « […] the world is made of events and relationships rather than things. […] Living organisms […] are made not of atoms and molecules but rather of cycles of cause and effect. […] Life […] lies in the property of catalytic closure among a          collection of molecular species. […] [O]nce catalytic closure among them is achieved, the collective system of molecules isalive » (ibid., p. 198).
  265. « […] [T]wo features of cells might be relevant. One is a sense of time, or causation–knowledge of the way that things in      the real world follow in a certain sequence. The other is integrity, which enables the cell to distingish between what           belongs to itself and what belongs to the outside world » (ibid., p. 233).
  266. « […] [A]s the cell feeds, grows, responds, and moves, this static chemistry becomes refined and modified. […] The             reversible nature of these modifications […] ensures that they are dynamic and responsive. They represent the cell’s most recent experiences » (ibid., p. 233).
  267. « […] the cell can use the past to read the future–to gain even the slightest inkling of what will happen next– […] simply to help it predict the future » (ibid., p. 233).
  268. The Music of Life (op. cit., p. 29).
  269. Repeated evolution and the impact of evolutionary history on adaptation.
  270. « Convergent evolution. The independent evolution of a similar phenotype. […] Ideally convergent evolution (adaptive or otherwise) is distinct from parallel evolution in that phenotypes have been generated from different genetic processes. However, this distinction cannot be made for most cases of reported convergence because the genetics that underlie characteristics have yet to be investigated. Convergent adaptations should also be distinct from those that are functional redundant, but in some cases it can be difficult to determine whether phenotypic characteristics are in fact similar or   different among taxa » (ibid.).
  271. « Repeated evolution. The independent evolution of a similar functional outcome in different taxa, either through the          evolution of similar phenotypes (parallel and convergent evolution) or different phenotypes that achieve the same functional outcome (functional redundancy) » (ibid.).
  272. « […] everywhere you look evolution is hedged in by convergence » (The Runes of Evolution, p. 10).
  273. « […] when one looks at either the functionality of biological solutions or the roads taken, then the choices are restricted,   if not inevitable » (ibid., p. 31).
  274. « […] at whatever level of biology one considers there will be loci of persistent biological stability that will act as       irresistible attractors » (ibid., p. 33).
  275. « […] recurrent anatomical configurations that answer the call of particular ecological needs » (ibid., p. 33).
  276. « […] if evolution is a deterministic process, then each solution has a high probability of evolving several times » (ibid., p.   34).
  277. Ibid., p. 43.
  278. « […] the roads of evolution are indeed narrow and inevitable […] » (ibid., p. 10).
  279. Les contraintes, par Alibert et. coll.
  280. Ibid., p. 246.
  281. Ibid., p. 263.
  282. Ibid., p. 264.
  283. Evolutionary contingency.
  284. « […] a limited range of solutions to a particular problem […] » (ibid.).
  285. « […] the limited range of viable solutions constrained the evolutionary history of different groups […] » (ibid.).
  286. « Constraints come in many forms, from those that limit the range of variation available for natural selection to act upon […] to the physical forces of fluid dynamics, gravity and the like » (ibid.).
  287. « For one class, the constraint operates because organisms simply are unable to produce new variants […] » (ibid.).
  288. « The second class of constraint is one where there is abundant variation, but various forces act through natural selection to limit the range of solutions » (ibid.).
  289. The predictability of evolution: glimpses into a post-Darwinian world.
  290. « […] evolution is much more predictable than generally assumed […] » (ibid.).
  291. « […] it is possible to identify a predictability to the process and outcomes of evolution » (ibid.).
  292. « […] the evolutionary destinations […] are very far from being fortuitous […] » (ibid.).
  293. « […] in reality rather than being an open-ended process evolution is deeply constrained » (ibid.).
  294. « […] the uncanny capacity of organisms to navigate to particular solutions » (ibid.).
  295. « […] perhaps it is time we addressed biological properties per se if we want to bring some order to evolution rather than reiterate for the umpteenth time the dry bones of the Darwinian formulation » (ibid.).
  296. « […] a biology that will move far beyond the Darwinian formulation […] » (ibid.).
  297. « […] evolution has an inevitable geometry […] » (ibid.).
  1. Expression introduite par Stephen Jay Gould dans Wonderful Life (p. 14).
  2. Convergent evolution as natural experiment: the tape of life reconsidered.
  3. « […] convergent evolution can constitute valid natural experiments that support inferences regarding the deep counterfactual stability of macroevolutionary outcomes » (ibid.).
  4. « […] iterated evolutionary outcomes that are probably common among alternative evolutionary histories and subject to law-like generalizations » (ibid.).
  5. « […] certain design problems are pervasive in the history of life » ; « […] the set of evolutionary solutions to pervasive design problems is highly circumscribed […] » (ibid.).
  6. « Why should universal biochemical constraints on the evolution of form not be as interesting to biologists as the quirky, more detailed outcomes of evolution ? » (ibid.).
  7. Evolutionary contingency (op. cit.).
  8. « Is a new theory of evolution in the offing? » (ibid.).
  9. « […] an expansion that will include a more prominent role for the developmental genetics of evo-devo […]. It will also include a greater appreciation for interesting biases in the generation of variation and possibly a role for a more hierarchical view of evolution […] » (ibid.).
  10. Notons ici l’une des prétendues grandes forces du darwinisme : la capacité à tout ramener à la sélection naturelle.
  11. Ni Dieu, Ni Darwin, l’écologie évolutive (2020 ; en italique dans le texte original).
  12. Ibid. (en italique dans le texte original).
  13. Lodé parle de succès « reproductif », ce qui me semble limitatif par rapport à un succès évolutif, plus général.
  14. Ce paragraphe est entièrement construit à partir de citations de l’article de T. Lodé cité en référence (en italique dans le texte original).
  15. « Homeostasis as the Mechanism of Evolution », titre de l’article de référence par John S. Torday.
  16. « Homeostasis is the natural phenomenon wherein all living things self-regulate themselves as circumstances change » (p. 57 ; en italique dans le texte original et dans la traduction française).
  17. « Such homeostasis further neutralizes the effect of most mutations, making even more mutations invisible to selection » (p. 57).
  18. « […] homeostasis operates at every level of biological organization […] » (p. 58).
  19. « The tendency of a population to equilibrate its genetic composition and to resist sudden changes » (Oxford Reference).
  20. « The limit to the amount of genetic variability available in a species, Mayr termed « genetic homeostasis. » » (Richard Milton, Shattering the myths of Darwinism, op. cit., p. 135).
  21. « « Obviously, » says Mayr, « any drastic improvement under selection must seriously deplete the store of genetic variability. » » (ibid.).
  22. P. 77 (« […] life’s self-correcting mechanism (called homeostasis) operates on every biological level, effectively silencing most nucleotide effects […] ; p. 73).
  23. « Homeostasis is defined as the property of a system in which variables are regulated so that internal conditions remain stable and relatively constant. […] It is a process that maintains the stability of the organism’s internal environment in response to fluctuations in external environmental conditions. […] Homeostasis requires a sensor to detect changes in the condition to be regulated, an effector mechanism that can vary that condition, and a negative feedback connection between the two. […] Homeostatic processes act at the level of the cell, the tissue, and the organ, as well as at the level of the organism as a whole, referred to as allostasis » (Torday, 2015).
  24. Molecular Cell Biology (pp. 551-555).
  25. « Homeostasis is a robust, dynamic, intergenerational, diachronic (across-time) mechanism for the maintenance, perpetuation and modification of physiologic structure and function » (ibid.).
  26. « […] homeostasis is the mechanistic fundament of biology […] » (ibid.).
  27. « […] the scale-free universality of the homeostatic principle […] » (ibid.).
  28. « […] homeostasis can act simultaneously as both a stabilizing agent and as the determining mechanism for evolutionary change » (ibid.).
  29. « It has been suggested that reduced entropy is the driving force behind evolution, a property of life that requires homeostatic control to be sustained and perpetrated. Reducing evolution to homeostasis offers a fundamental mechanistic insight to the origin and causal nature of this process. It is no longer random mutation and Natural Sélection, but adaptation of the internal environment of the organism to the external environment of the physical world in service to homeostasis » (ibid.).
  30. Grâce à l’homéostasie, ce n’est pas la mutation qui est invisible, c’est la sélection naturelle qui est myope (ou aveugle).
  31. Cette vision des choses me semble cohérente car si l’entropie est synonyme de désordre, au contraire, l’homéostasie, étant stabilisatrice, peut être vue comme synonyme de « maintien de l’ordre ».
  32. L’évolution a-t-elle un sens ? (p. 460).
  33. Voir note n°64.
  34. L’évolution a-t-elle un sens ? (op. cit., p. 461).
  35. Ibid..
  36. Ibid. (p. 462).
  37. Ibid. (p. 464).
  38. Ibid. (pp. 464-465).
  39. Le texte français présente ici une faute de grammaire (« garantissent ») qui mène à une contradiction, voire à un contre-sens (c’est le « système de protection » – au singulier – qui garantit le risque presque nul d’échec, et non les « erreurs » – au pluriel). J’ai donc pris la liberté de corriger cette faute.
  40. Ibid. (pp. 465-466).
  41. Ibid. (p. 466).
  42. The Logic of Chance (Chapitre 8, pp. 232-251).
  43. Ibid. (p. 232).
  44. « […] the original entropic push is a maladaptation that the population initially is not equipped to overcome » (ibid., p. 251).
  45. « […] the subsequent functional adaptation of the originally neutral sequences offsets the burden of the increased genomic entropy—in other words, it allows organisms to survive the expansion of their own genomes » (ibid., pp. 251-252).
  46. « […] numerous evolving lineages followed the path of genome streamlining, in which the genome entropy and overall biological complexity of the genome drop, often substantially […] » (ibid., p. 252 ; en italique dans le texte original).
  47. « Evolutionary entropy makes perfect biological sense: Low-entropy sites are most conserved and, by inference, most functionally important » (ibid., p. 228).
  48. « […] organisms that are habitually perceived as the most complex (for example, humans) turn out to possess « entropic » genomes with low or even extremely low information density, whereas organisms that we traditionally think of as primitive, such as bacteria, have « informational » genomes in which information is tightly packed and information density is high » (ibid., p. 229 ; en italique dans le texte original).
  49. En italique dans le texte original.
  50. En italique dans le texte original.
  51. En italique dans le texte original.
  52. En italique dans le texte original.
  53. « […] l’environnement qui est lui-même une source de désordres que l’on connaît sous le nom d’entropie […] ».
  1. Le terme « complexifier » me semble plus adéquat.
  2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Téléologie.
  3. Réenchanter la Science (op. cit., p. 153 ; « Purposes relate to ends or goals or intentions, conscious or unconscious. They link organisms to their potential futures. […] Purposes exist in a virtual realm, rather than a physical reality. They connect organisms to ends or goals that have not yet happened; they are attractors […]. Purposes or motives are causes, but they work by pulling towards a virtual future rather than pushing from an actual past » ; The Science Delusion, op. cit., p. 79 ; en italique dans le texte original).
  4. Alister McGrath, Les énigmes de la biologie de l’évolution.
  5. Ibid.
  6. Explications mécanistes et téléologiques de l’évolution de la forme (op. cit., p. 31).
  7. Ibid. (p. 94).
  8. Qui détient la clé de l’Univers ? (op. cit., p. 137 ; « Loosely speaking, entropy is a measure of the disorder in a system. The more disordered, usually, the higher the entropy. Entropy is the enemy of life, and of any concept of “design” » ; War of the worldviews, op. cit., p. 121).
  9. Ibid. (p. 137 ; « […] with time, things tend to become more disordered—that is, the entropy increases. In a way this is a reflection of the lack of purpose or guidance in physical law » ; ibid., p. 121).
  10. « […] biological organisation can be […] conceived of as an intrisically teleological causal regime » (What makes biological organisation teleological?, 2017).
  11. « […] a characterisation of teleology that specifically applies to the biological domain, and therefore captures some distinctive feature of the living organisation » (ibid.).
  12. « The core argument consists in establishing a connection between organisation and teleology through the concept of self- determination: biological organisation determines itself in the sense that the effets of its activity contribute to determine its own conditions of existence » (ibid.).
  13. « […] the conditions of existence on which the organisation exerts a causal influence can be interpreted as the goal […] of biological organisation […] » (ibid.).
  14. « […] in the case of biological systems their goal and their own existence are one and the same thing […] » (ibid.).
  15. « […] self-determination […] should be specifically understood as self-constraint […] [which] takes the form of closure, i.e. a network of mutually dependent constitutive constraints » (ibid.).
  16. « […] the circularity of organisational closure rehabilitates the notion of final cause, and grounds teleology […] » (ibid.).
  17. La circularité biologique : concepts et modèles (Mossio & Bich, 2014).
  18. « […] living systems are teleologically organised entities whose components produce and maintain each others as well as the whole » (What makes biological organisation teleological?, op. cit.).
  19. « […] the whole organisation can be said to […] self-constrain, and therefore to self-determine […] » (ibid.).
  20. « […] closure of constraints constitutes the causal regime that is distinctively at work in biological systems » (ibid.).
  21. « […] supra-organismal biological systems (as symbioses or ecosystems) could realise closure, and hence be teleological » (ibid.).
  22. « […] constraints subject to closure correspond to biological functions » (ibid.).
  23. « […] the ‘goal-directed’ character of organic systems » (The concept of function in modern physiology, 2014).
  24. « This is a major limitation to the aetiological selectionist theories of function, which defines current function from past selection » (ibid.).
  25. « […] the selectionist theories define what a function is in exclusive reference to external causation (selective process) with no attention paid to internal causation in relation with organizational properties » (ibid.).
  26. « […] the poverty of functionalism as an explicative doctrine […] » (ibid.).
  27. « […] there is no conflict between the teleological dimension of the system studied and the mechanistic explanation of its functioning » (ibid.).
  28. « […] postulating a teleological dimension of biological systems […] is scientifically acceptable and fruitful » (ibid.).
  29. « Unlike the evolutionary approach, the organisational one puts more emphasis on the internal dimension of living systems rather than on external influences, by focusing mainly on physiology » (What makes biological organisation teleological?, op. cit.).
  30. « […] the temporal scale of the evolutionary approach […] has no explanatory significance in analysing individual organisms » (ibid.).
  31. The theory of increasing autonomy in evolution: a proposal for understanding macroevolutionary innovations (2009).
  32. « Nonrandom Distribution of Evolutionarily Relevant Mutations » (Is Genetic Evolution Predictable?, 2009).
  33. « Evolutionarily relevant mutations tend to accumulate in hotspot genes and at specific positions within genes » (ibid.).
  34. « Gene function, gene structure, and the roles of genes and gene products in genetic networks all influence whether particular mutations will contribute to phenotypic evolution » (ibid.).
  35. « […] all genes are not equal in the eyes of evolution » (ibid.).
  36. « Genetic evolution is contrained by gene function, the structure of genetic networks and population biology » (ibid.).
  37. « The genetic basis of phenotypic evolution thus appears to be somewhat predictable » (ibid.).
  38. « […] the discovery of several universal regularities connecting genomic and molecular phenomic variables » (Are There Laws of Genomic Evolution?, 2011).
  39. « […] the observed universal regularities do not appear to be shaped by selection but rather are emergent properties of gene ensembles » (ibid.).
  40. « Compelling evidence of the non-adaptive origin of global architectural features of networks was obtained […] » (ibid.).
  41. « […] despite major biological differences between organisms, these quantitative regularities hold, often to a high precision » (ibid.).
  42. « […] the universals of genome evolution might qualify as « laws of evolutionary genomics » […] » (ibid.).
  43. « […] « laws of evolutionary biology » comparable in status to laws of physics might be attainable » (ibid.).
  44. Igor et Grichka Bogdanov, Au Commencement du Temps (2009, p. 296).
  45. Ibid. (p. 13).
  46. Ibid. (p. 25).
  47. Ibid. (p. 37) ; voir aussi, par les mêmes auteurs, Le Code Secret de l’Univers (2015), en particulier les chapitres 25 à 28.
  48. Ibid. (p. 39). Comme le précise Jean-Pierre Changeux, rappelons que « [l]’idée platonicienne de « réalités invariantes », d’ »essences » issues des mathématiques, qui composent un ordre universel, […] représente pour l’évolutionniste Ernst Mayr un « véritable désastre » de la pensée occidentale » (Du Vrai, du Beau, du Bien, op. cit., p. 331). De façon plus modérée, Guillaume Lecointre et ses collaborateurs considèrent que « [l]a pensée essentialiste est […] incompatible avec tout transformisme et toute évolution » (Guide Critique de l’Évolution, op. cit., p. 27). Toutefois, au lieu de chercher à « dépasser la pensée essentialiste », il est bien plus intéressant de remarquer qu’il existe en fait deux types d’essentialisme, souvent confondus : l’un typologique (en relation avec le concept d’espèce) et l’autre explicatif (en relation avec le concept de forme). L’essentialisme explicatif implique des essences en tant que structures causales qui expliquent les faits qui se répètent (notamment des caractères ou attributs) chez les espèces vivantes. Ainsi, en donnant la priorité à l’explication fonctionnelle d’un trait (et non à son appartenance à tel ou tel groupe taxonomique), ce type d’essentialisme est tout-à-fait compatible avec les notions de mode de vie, d’adaptation et d’évolution (voir Explications mécanistes et téléologiques de l’évolution de la forme, par Anda Anciu, 2019, pp. 88-90).
  49. Au Commencement du Temps (op. cit., p. 43).
  50. Ibid. (p. 49).
  51. Ibid. (p. 50).
  52. Ibid. (pp. 47-48).
  53. Ibid. (p. 284).
  54. Ibid. (p. 291).
  55. Ibid. (p. 312-313).
  56. Ibid. (p. 313).
  57. Ibid. (p. 315).
  58. Ibid. (p. 316).
  59. Un tel mécanisme ne pourrait toujours compenser l’importance du bruit génétique : dans ce cas, c’est la dégénérescence qui l’emporterait – menant à l’extinction.
  60. Deepak Chopra cite Aham Brahmasmi : « […] la conscience existe partout dans la nature. Si l’on rejette cette notion, le monde devient absurde parce que la conscience est alors transformée en hasard […] » (Qui détient la clé de l’Univers ?, op. cit., p. 60).


A propos de l’auteur

B&SD : David ESPESSET est titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire de l’université Aix-Marseille (1992-1995), a réalisé deux post-doctorats, le premier à l’Institut suisse de recherches expérimentales sur le cancer (1996-1997) et le second à l’INSERM (1998), et a été enseignant de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) en collège et lycée. Nous laissons l’auteur se présenter lui-même de manière plus détaillée ci-dessous.

Par David ESPESSET

L’Univers au sens large, et plus précisément la Nature, sont des sujets d’investigation fascinants. Dès mon plus jeune âge, j’ai développé un goût prononcé pour l’étude des êtres vivants. Au cours de mes années de formation scientifique, avide de connaissances toujours plus poussées, j’ai toutefois rapidement développé un regard critique concernant certaines affirmations de mes professeurs. Puis, une réflexion plus extensive, assortie de lectures diverses et variées, m’ont mené à l’élaboration de points de vue plus personnels, basés sur des théories “différentes”, et à une volonté de lutter contre l’orthodoxie, le conformisme et les conventions, voire l’enfermement de nos institutions, en particulier une forme d’aveuglement intellectuel qui se manifeste assez souvent au sein de la communauté scientifique. Me considérant comme un authentique libre penseur, j’ai mis en place un projet de recherche théorique et bibliographique concernant la philosophie des sciences, notamment l’épistémologie, ainsi que l’évolution non darwinienne. En effet, un nombre sans cesse grandissant d’auteurs sont à l’origine de productions sur ces sujets passionnants, remettant en cause un certain nombre de “dogmes” qui plombent l’investigation scientifique classique, incitant les chercheurs à reconsidérer certaines interprétations intellectuellement orientées dans le cadre de théories devenues rigides et quasiment intouchables.

La Science et la Philosophie (mais aussi la Spiritualité) proposent chacune leur façon d’approcher les mystères du Cosmos et du Vivant. Souvent considérées comme incompatibles et irréconciliables, ces disciplines ne pourraient-elles être, au contraire, complémentaires, indispensables pour une appréhension globale de l’Univers ? Des réflexions et des concepts qui ne sont pas tous forcément nouveaux, mais se veulent délibérément sortir des sentiers battus et permettre une vision plus large, plus complète, plus lucide du monde qui nous entoure. Ainsi, la représentation scientifique du monde est-elle la seule qui soit valable ? Si on peut la considérer comme nécessaire, est-elle pour autant suffisante ? Que penser du rôle du hasard dans l’évolution cosmique et biologique ? Quels influences jouent nos conceptions mentales, nos héritages familiaux et culturels dans nos représentations du monde ? Autant de domaines captivants parmi d’autres que je développe dans mon programme de recherche personnel.

« The Full Mind is alone the Clear. »