Une solution postdiluvienne au problème de la craie
Par le Dr David J. Tyler
CEN Technical Journal, vol. 10, n° 1, 1996
Résumé
Le mode de formation des épaisses formations de craie de la période du Crétacé de l’histoire terrestre a présenté de nombreux défis pour la géologie tant uniformitariste que catastrophiste. Les faits de terrain constituent des problèmes particulièrement aigus pour les diluvialistes, qui au fil des ans ont fait très peu de progrès dans la compréhension de ces roches. Bien que la craie fournisse des preuves puissantes en faveur des conditions catastrophiques présentes au cours de sa formation, les interprétations diluvialistes ont été entravées par la conviction préalable qu’elle a été déposée au cours de la seule année du Déluge lui-même. Une telle interprétation n’est pas soutenable, parce que des preuves internes sont en faveur d’une échelle de temps significativement plus longue que des jours, des semaines, voire des mois. En revanche, si la craie est comprise comme ayant été déposée durant la période postdiluvienne caractérisée par les conditions d’instabilité qui ont persisté après le Déluge, alors que la Terre se remettait de ce cataclysme, il devient possible d’interpréter les indices de dépôt catastrophique sans contraindre les faits.
Introduction
Les formations de craie sont une séquence caractéristique de roches sédimentaires située dans la partie supérieure de l’ère du Mésozoïque. Elles sont d’une telle importance mondiale que ce type de roches a donné son nom à la période du Crétacé (du grec creta, qui signifie craie). Ces formations sont d’un intérêt particulier pour les géologues diluvialistes, du fait que beaucoup placent le Mésozoïque à l’intérieur de l’année du Déluge et considèrent la craie comme ayant été formée en quelques jours ou quelques semaines. Dans cet article, je présente des arguments qui suggèrent que toute la craie du Crétacé supérieur est postdiluvienne, et s’est formée sur une durée qui se mesure en décennies.
La craie est un type de roche calcaire tendre, friable et à fins grains. Des analyses au microscope électronique montrent qu’elle est composée en grande partie de coccolithes et de fragments de coccolithes1 provenant de certains types d’algues brunes planctoniques (la plupart des espèces représentées dans la craie ont aujourd’hui disparu). D’autres constituants au carbonate proviennent de coquilles de mollusques et de foraminifères. Tandis qu’avant l’émergence de la microscopie électronique, le processus de formation de la craie n’était pas du tout clair, les géologues contemporains font désormais face à un casse-tête différent.
Le problème de la craie d’aujourd’hui n’est pas tant la provenance du matériau que la mise à l’écart d’autres matériaux. La craie organique remarquablement pure est presque complètement dénuée de toutes traces de sédiments d’origine terrestre2.
Bien que Derek Ager réfère au «problème» de la pureté de la craie, ces roches présentent une grande diversité de problèmes d’interprétation complexes pour les géologues tant uniformitaristes que catastrophistes. En compensation, la craie fournit également une très riche source de données – assez, en tout cas, d’après l’expérience de nombreux géologues, pour satisfaire leur intérêt sur toute une vie.
Formations de craie anglaises et américaines
Les lieux d’exposition classiques de la craie anglaise se trouvent dans le district du Wealden au Sud-Est de l’Angleterre3,4. Trois principales sous-divisions stratigraphiques ont été identifiées : la Craie Inférieure (Lower Chalk) (76 m), la Craie Intermédiaire (Middle Chalk) (70 m), et la Craie Supérieure (Higher Chalk) (210 m). La Craie Inférieure comprend un mélange relativement élevé de matières argileuses et arénacées, et un nombre important de fossiles. La Craie Intermédiaire possède des formations plus massives, est plus pure, et a relativement peu de fossiles. La Craie Supérieure possède une faune diversifiée, de nombreuses formations nodulaires, et se distingue nettement par ses horizons de silex.
Des horizons connus sous le nom de « surfaces d’arrêt de la sédimentation » (n.d.t. : hardgrounds, en anglais, c’est-à-dire, dans les sédiments marins, des surfaces encroûtées d’oxydes de fer et de manganèse, traduisant un arrêt dans la continuité de la sédimentation ; également appelés « surfaces indurées » ou encore « surfaces durcies ») ont été identifiés dans la craie, et Hancock5 les décrit comme étant courants. Ils se reconnaissent par leur texture nodulaire, et semblent être intimement associés aux trous creusés dans le sol par les Thalassinidés, et à d’autres traces laissées par des organismes terriers et encroûtants6-8. Ils ont une faune particulière, et l’on pense que la surface ferme pour la fixation a permis à l’assemblage de s’établir et de se stabiliser. Par la suite, le dépôt de sédiments tendres s’est poursuivi à nouveau9. L’importance de ces faits de terrain pour les catastrophistes, c’est qu’ils suggèrent une sédimentation intermittente, avec des temps de colonisation et d’érosion pendant les périodes d’absence de dépôt.
Aux États-Unis, le lieu classique où apparaît la craie du Crétacé est le Smoky Hill Chalk Member de la Formation de Niobrara, qui s’expose dans le bassin versant de la rivière Smoky Hill du Kansas. Le Niobrara varie en épaisseur à travers son affleurement, mais 200 m seraient une moyenne raisonnable. On a décrit le Smoky Hill Chalk Member comme variant entre 122 m et plus de 198 m, avec un chiffre représentatif d’environ 180 m. Bien que les vastes surfaces d’arrêt de la sédimentation semblent être un phénomène européen, la craie des États-Unis a ses propres caractères distinctifs. La section composite publiée par Hattin10 possède plus de 100 couches de bentonite, dont l’épaisseur varie d’un horizon mince comme une feuille de papier à 113 mm.
Ces résultats sont interprétés comme le reste altéré de dépôts issus de retombées de cendres volcaniques (dont on croit qu’elles proviennent de la Ceinture Orogénique du Sevier (Sevier Orogenic Belt) dans l’Ouest). Le Smoky Hill Chalk Member est d’une grande importance pour la paléontologie des vertébrés du Crétacé, exhibant des spécimens spectaculaires de téléostéens, de requins, de mosasaures, de plésiosaures, de tortues, de ptérosaures, d’oiseaux et de dinosaures. Il a également été une source importante de fossiles d’invertébrés, tels que les rudistes, les crinoïdes, les huîtres, les cirripèdes, les céphalopodes et les palourdes géantes.
Des organismes spécialisés et les profils de comportement donnent un éclairage supplémentaire sur l’environnement de Chalk Sea. Plusieurs de ces éléments sont discutés plus loin, mais un exemple énigmatique est à noter ici. Les paléontologues aux États-Unis ont depuis longtemps constaté une association entre plusieurs espèces de petits poissons et des coquilles d’inocérames géants.
Dunkle11 a proposé l’hypothèse que cette association n’est pas fortuite : les poissons n’ont pas été accidentellement préservés sur la surface des coquilles, mais ont été préservés du fait qu’ils se trouvaient à intérieur des coquilles. Bardack12 a suggéré que les poissons sont morts dans un épisode de mortalité de masse et se sont installés sur les valves ouvertes des inocérames morts.
Stewart13 a suggéré que cette association était beaucoup plus forte que cela, du fait que la concentration de fossiles de poissons à l’intérieur des coquilles est très élevée : jusqu’à 100 poissons ont été trouvés dans un inocérame individuel. Stewart a estimé qu’une relation symbiotique existait entre les poissons et les lamellibranches, et que « ces poissons sont entrés dans des inocérames vivants et sont morts essentiellement au même moment que leurs hôtes ».
Le problème avec ce point de vue est que les poissons vivant à l’intérieur des coquilles auraient réduit la quantité d’oxygène disponible pour leurs hôtes. Toutefois, il est concevable que les poissons aient passé la majeure partie de leur temps en dehors de leurs hôtes et ne sont entrés dans ces derniers que pour chercher protection. Même si la compréhension de ces observations est encore imparfaite, le fait que des inocérames et des poissons soient trouvés ensemble suggère ainsi une mort subite des deux, suivie par une fossilisation rapide. Cela laisse penser que les sédiments de craie se sont déposés si rapidement que les poissons ont dû se replier sur leurs hôtes, ne pouvant s’échapper à cause de l’accumulation des sédiments, et que la mort a été suivie par une fossilisation rapide. Du moins, ces faits exigent des conditions non uniformitaristes.
Les séquences de craie tant en Europe qu’aux États-Unis suivent peu de temps après une transgression érosive marine majeure qui est bien documentée dans de nombreuses régions du monde. Ager fait le commentaire suivant :
Pour une raison quelconque que le géologue ne peut pas encore expliquer, les mers du monde semblent avoir débordé et inondé d’immenses terres à peu près au même moment, au début des époques du Crétacé supérieur14.
Au Royaume-Uni, la discordance est marquée par un horizon érosif frappant15 (voir Figure 1). Au-dessus d’elle, se trouvent la couche d’argile de Gault Clay, la formation de terre verte de l’Upper Greensand puis la couche de craie. Ainsi, la craie repose sur des sables qui sont normalement considérés comme représentant un environnement de relativement haute énergie. La base de la craie est signalée comme étant diachrone16. Aux États-Unis, la formation de craie du Chalk Niobrara repose en discordance sur la couche Codell Sandstone Member de la formation de grès du Carlile Shale (voir Figure 2)17.
La signification de ces observations est que le caractère de la sédimentation change brusquement : après l’événement érosif (présumé être en eaux peu profondes), la sédimentation de la craie relativement pure débute soit directement, soit après le dépôt de certains autres sédiments arénacés d’eaux peu profondes. L’absence de preuves d’une séquence sédimentaire en eaux profondes est une indication supplémentaire de ce que les modèles uniformitaristes de dépôt sont insuffisants. Elle est cependant compatible avec le modèle proposé par Tyler18.
Le problème des environnements de dépôt
Aujourd’hui, l’on trouve des boues de coccolithes foraminifères dans les sédiments du fond des océans. Les taux de formation les plus élevés estimés sont de l’ordre de 10 à 30 mm tous les 1000 ans. Roth19 a souligné qu’il existe un décalage important entre les épaisseurs limitées des sédiments océaniques profonds et les séquences importantes de craie dans les roches continentales. En outre, il est reconnu que les sédiments de craie se sont accumulés dans des mers épicontinentales relativement peu profondes plutôt que dans les océans profonds, de sorte que les géologues n’affirment plus que les boues actuelles en mer profonde constituent une analogie suffisante pour la formation de la craie.
Par conséquent, Hancock20 a reconnu qu’ « aucune analogie exacte pour la craie du Crétacé ne peut encore être citée ». Hallam21 a également commenté l’inadéquation des analogies en eaux profondes, mais cite cependant des estimations des vitesses de formation « aussi élevées que 150 mm tous les 1000 ans » pour le Crétacé. Malgré des lacunes, le modèle qui est dans la pratique adopté pour la production de la craie du Crétacé semble dépendre de ces analogies. Les mers épicontinentales du Crétacé sont considérées comme ayant généré la vase de craie avec seulement un accroissement d’ordre de grandeur des vitesses de dépôt. Par exemple, Hattin22 a conclu que la formation du Niobrara Chalk a été déposée à un taux d’environ 36 mm tous les 1000 ans. Il s’agit ici d’uniformitarisme dans la pratique – un exemple qui illustre comment la philosophie régit les jugements scientifiques, au lieu qu’un processus d’induction conduise à tester des hypothèses.
Le problème demeure : quelles analogies modernes sont-elles pertinentes ? Les coccolithes planctoniques sont évidemment la source des sédiments de craie ; mais les sédiments provenant de la terre font défaut. Est-il possible de postuler des inondations « placides » (c’est-à-dire sans de fortes vagues perturbatrices) des continents (avec une érosion hyper faible) sur d’aussi grandes surfaces durant d’aussi longues périodes de temps ? Ager23 est d’une rafraîchissante honnêteté lorsqu’il oppose l’apparition abondante des carbonates dans l’histoire géologique et le faible niveau de productivité des carbonates d’aujourd’hui. Il réfère aux Berges du Bahamas (Bahamas Banks), à la Baie des Requins (Shark Bay), à la Côte de l’Afrique de l’Est, et au côté Ouest du Golfe Persique, en soulignant qu’ils sont excessivement traités dans la littérature, mais qu’ils ne sont rien par rapport à la vaste étendue de carbonates des eaux peu profondes du passé. Le champ d’application de l’exploration d’alternatives catastrophistes aux modèles uniformitaristes semble être d’envergure.
Une approche catastrophiste de la production de la craie
Dans son analyse des processus par lesquels les sédiments océaniques se forment, Roth24 fait remarquer que la productivité biologique ne semble pas être un facteur limitant sur les échelles de temps des dépôts. Les coccolithophores et les foraminifères se reproduisent rapidement, les premiers auraient un taux de division de 2,25 par jour. Paasche25 décrit ces organismes comme étant « parmi les algues planctoniques dont la croissance est des plus rapides ».
Le potentiel de reproduction de ces organismes n’est pas atteint dans les conditions normales en raison d’une ou plusieurs limitations de l’environnement : l’apport de nutriments, de minéraux, d’oxygène, et la température de l’eau. Quelquefois, même aujourd’hui, les contraintes environnementales sont assouplies et des explosions localisées de populations se produisent. On les appelle les « bourgeonnements » planctoniques. Une possibilité pour un modèle catastrophiste de production de la craie est de postuler des conditions qui permettent des «bourgeonnements » à l’échelle régionale. En utilisant ce modèle, Roth26 estime un taux de production de carbonates de 540 mm par an à partir de 1000 mètres en-dessous de la surface de l’océan, soit un taux environ 104 fois plus rapide que les taux contemporains.
Johns27 a critiqué l’approche de Roth, lui reprochant d’avoir négligé le facteur de longévité. Peu de carbonate est produit (voire rien du tout) pendant les 12 premières heures d’existence de l’organisme, et la maturité n’est atteinte qu’après environ 50 jours. Cela réduit la productivité des bourgeonnements telle que calculée par Roth. Cependant, l’ampleur de la réduction est discutable car il y a beaucoup d’inconnues. Par exemple, les espèces de coccolithophores impliquées dans les craies du Crétacé peuvent avoir une dynamique de leur cycle de vie différente de celle de l’espèce moderne étudiée. En outre, les conditions physiques et chimiques qui affectent la production de carbonates dans un scénario catastrophiste peuvent n’être que partiellement représentées par comparaison avec les facteurs affectant la prolifération d’algues modernes.
Pour résumer, alors qu’aujourd’hui des taux élevés de dépôt sont observés localement, sous réserve de conditions appropriées, des taux comparables pourraient avoir été possibles sur de grandes superficies au cours d’épisodes catastrophiques de l’histoire de la Terre. Pendant ces périodes, il est possible que non seulement des éléments nutritifs abondants aient été disponibles (à partir de matière organique en décomposition), mais aussi des minéraux (carbonates introduits à partir de l’érosion des dépôts continentaux), des températures élevées (à partir du refroidissement des matériaux ignés) et de l’oxygène en abondance (à partir de l’eau turbulente, des précipitations et des ruissellements).
Modèles catastrophistes alternatifs de formation de la craie
Il a été remarqué que la craie du Lower Chalk du Sud de l’Angleterre est très fossilifère, en particulier près de sa base28, que le Middle Chalk est généralement moins fossilifère, et que la craie de la couche Upper Chalk contient une grande diversité de fossiles. Dans le cadre du catastrophisme, cette distribution suggère trois grandes phases de dépôt. L’explication de la distribution n’est pas abordée ici, mais plusieurs possibilités peuvent être explorées : par exemple, il se peut que de nombreux organismes n’aient pas été capables de survivre à la crise environnementale provoquée par la prolifération généralisée d’algues et ils ont donc péri rapidement, et comme les conditions persistaient, les organismes adaptés aux conditions inhabituelles en sont venus à prévaloir.
Une étude sédimentologique détaillée a montré que les couches ne présentent pas une image de sédimentation calme et uniforme, car la craie exhibe des plans horizontaux de faiblesse (bedding planes) séparés par des intervalles allant de 0,5 à 2,0 m, et était quelquefois empilée en tas ou talus avant la lithification. Des phases érosives sont représentées, et certains sédiments sont identifiés avec des stratifications entrecroisées (ce qui signifie l’action d’un fort courant). Un affaissement des sédiments mous a également été observé29, 30.
Snelling31 rejette l’idée que les sédiments de craie ont été produits à partir de retouches de dépôts antédiluviens, faisant remarquer que si c’était le cas, « les dépôts de craie devraient être trouvés plus tôt plutôt que plus tard durant l’événement du Déluge ». Il vaut la peine de souligner ceci, parce que certains diluvialistes ont avancé l’argument selon lequel la craie est un sédiment antédiluvien qui a été redéposé. Si c’était le cas, l’on pourrait faire la prédiction que ces dépôts marins devraient être trouvés à de nombreux niveaux de la colonne géologique. Néanmoins, la craie apparaît la toute première fois dans les roches du Crétacé. Ceci constitue une véritable énigme dans le cadre d’un modèle diluvial qui postule d’importants volumes de production de coccolithes dans les époques antédiluviennes.
Les diluvialistes ont eu tendance à proposer des phénomènes de transport et de redépôt à large échelle des sédiments de craie. Cela crée de nombreux problèmes pour les modèles diluviens qui ne sont généralement ni identifiés ni discutés par ceux-là mêmes qui font ces propositions. Tandis que des indices d’activités significatives liées aux courants ne sont pas absents (du moins en Europe), leur importance ne doit pas être surestimée. Les caractéristiques de stratification de la craie indiquent des environnements de relativement basse énergie, et cet indice est particulièrement convaincant lorsque l’on considère les données benthiques aux États-Unis. Des environnements de haute énergie et des transports majeurs créeraient des courants de turbidité, et l’on pourrait s’attendre à voir l’introduction d’une composante clastique importante provenant d’autres régions. La pureté de la majeure partie des séquences de craie est un fort argument en faveur du fait que la craie a été déposée à l’endroit où elle a été formée.
Snelling32 a affirmé que les séquences de craie devraient être interprétées comme des dépôts survenus à un stage tardif du Déluge. Bien que Froede33 ne traite pas les problèmes spécifiques relatifs à la formation de craie du Niobrara Chalk, il n’identifie pas la fin du Crétacé d’Amérique du Nord à une phase tardive de l’année du Déluge, la liant plutôt au retrait des eaux du Déluge. Cependant, comme cela a été souligné plus haut, la craie est associée tant en Europe qu’aux États-Unis à une transgression marine, et non au retrait des eaux du Déluge. Les indices géologiques dans le monde entier représentent également une sérieuse objection à la localisation par Snelling et Froede de la craie dans des étapes tardives du Déluge : comme indiqué plus haut, la fin du Crétacé est considérée comme une époque de transgression marine.
Snelling suggère qu’une succession de trois événements de prolifération d’algues aurait pu produire « les trois principales couches de craie » de l’Angleterre du Sud en un intervalle de temps aussi court que six jours. Un des objectifs de cet article est d’anéantir la notion qu’il existe trois « couches » principales. Il y a trois divisions de la Craie Anglaise, mais chaque division est composée d’un grand nombre de couches, comme signalé précédemment. Ces couches possèdent une grande diversité de caractéristiques qui doivent être abordées dans toute discussion sur les environnements et les échelles de temps des dépôts : horizons de marne et marques de cyclicité des dépôts, bioturbation, surfaces d’arrêt de la sédimentation, strates avec marquage distinct, et ainsi de suite. Réduire le problème du dépôt de craie à une seule productivité explosive est susceptible d’induire en erreur. En ce qui concerne les échelles de temps mesurées en jours, les commentaires pertinents de Johns34 sur la longévité et la maturation des bourgeonnements servent à transformer un argument hautement spéculatif en un argument indéfendable.
Mon objectif n’est pas de contester l’affirmation de Roth selon laquelle il n’y a pas de facteur biologique qui puisse empêcher la formation rapide des couches de craie, mais d’attirer l’attention sur le fait que même avec les bourgeonnements des algues, des facteurs environnementaux posent des limites sur la production de carbonates. Par ailleurs, ce n’est pas suffisant d’affirmer de façon théorique que la production de la craie est peu contrainte par des considérations biologiques. Il est nécessaire d’examiner les preuves de terrain spécifiques qui sont susceptibles de déterminer si cette « possibilité » constitue une « explication » étayée.
La craie n’est pas une séquence uniforme de couches sédimentaires. Par conséquent, ces roches ne peuvent pas être expliquées en utilisant des mécanismes sédimentaires seuls. En particulier, des caractéristiques comme les surfaces d’arrêt de la sédimentation, les fentes et les trous creusés par les animaux, et les horizons benthiques sont incompatibles avec le modèle de dépôt défendu par Berthault35.
Des preuves de terrain suggèrent que la craie a été formée sur une période de temps plus longue de plusieurs ordres de grandeur que six jours. Ces preuves sont liées à des données lithologiques et paléontologiques et sont discutées plus en détail plus bas. Elles sont cohérentes avec un modèle postdiluvien de formation de la craie, bien que ce soit un modèle qui n’a rien en commun avec le scénario postdiluvien hypothétique de Johns36.
Contraintes sur les échelles de temps catastrophistes pour la formation de la craie
Surfaces d’arrêt de la sédimentation
Cette première série d’indices est mentionnée par Snelling37 dans une annexe : il souligne à juste titre que les perforations et les trous dans le sol creusés par des animaux terriers, ainsi que d’autres caractéristiques de la colonisation ne nécessitent pas des milliers d’années pour se former. Toutefois, Snelling ne rend pas justice aux preuves, quand il écrit :
À n’importe quel moment possible avant leur expiration, il n’est pas inconcevable de penser que certaines de ces créatures puissent chercher à rétablir leurs lieux de vie sur n’importe quelle surface provisoire dans laquelle elles se trouveraient piégées.
Ces surfaces d’arrêt de la sédimentation ne sont pas suffisamment décrites comme des «surfaces provisoires », car les indices de terrain indiquent des perforations des sédiments mous suivies d’un durcissement, d’une érosion et d’une encrustation38. Les échelles de temps de ces processus sont correctement mesurées en semaines et mois, voire en années, plutôt qu’en quelques minutes et heures.
L’analyse de Scheven39, que cite Snelling, souligne que les surfaces d’arrêt de la sédimentation caractérisent les strates du Mésozoïque et du Cénozoïque et sont extrêmement rares dans les strates du Paléozoïque. Les surfaces rubéfiées de craie ne sont pas qualitativement différentes de beaucoup d’autres surfaces rubéfiées du Mésozoïque et doivent être comprises, chronologiquement, par rapport à ce modèle directeur global des données du Phanérozoïque – modèle qui donne à penser que la limite Déluge / post-Déluge doit être placée avant l’ère du Mésozoïque.
Preuves macrofaunales
La deuxième série de preuves est fournie par des macrofossiles européens spécialisés, dont il existe deux groupes caractérisés par des associations distinctes. Un des groupes semble être adapté à la vie dans les sédiments mous. Le bivalve Spondylus, par exemple, possède des épines spéciales lui évitant de se noyer dans de la boue molle. Une espèce de bivalves inocérames utilise une technique différente : elle possède une grande surface permettant de supporter son poids et de lui éviter de se noyer (voir Figure 3). L’échinidé irrégulier Micraster a une morphologie qui a été interprétée comme favorisant un mode de vie fouisseur (voir Figure 3). D’autres exemples d’habitants spécialisés de sédiments de craie tendres se trouvent à McKerrow40, où l’on peut distinguer la craie argileuse du Cénomanien moyen et la craie à Micraster du Santonien.
En revanche, un groupe distinct d’organismes se trouve associé aux surfaces d’arrêt de la sédimentation. Ces organismes sont des colonisateurs qui se fixent à un substrat dur, ou creusent des trous dans les sédiments lithifiés41. Le caractère distinctif de ces colonisateurs épifaunaux suggère qu’il y avait suffisamment de temps pour que les organismes se déplacent, se nourrissent et croissent dans un environnement favorable à leur existence. Encore une fois, d’autres exemples d’habitants spécialisés de surfaces d’arrêt de la sédimentationsont à McKerrow42, comme l’écosystème des surfaces d’arrêt de la sédimentation de la fin du Turanien.
Ce type de preuves fossiles, en corrélation avec des écosystèmes reconnaissables et avec le caractère des substrats, exige de reconnaître une histoire géologique cyclique comportant de nombreuses surfaces stationnaires.
Données sur la spéciation
Les fossiles de Micraster dans la craie ont longtemps été considérés comme un bon exemple de lignée de spéciation. Les détails de l’interprétation ont changé au fil du temps et, bien sûr, des scientifiques ont allégué que les données fournissent un bon exemple de changement évolutif. Cependant, les créationnistes ont depuis longtemps fait remarquer que la spéciation en soi fait partie intégrante d’un modèle créationniste d’interprétation de la diversité de la vie, et que seuls les changements qui relient les types de base constituent des preuves de la théorie de l’évolution. Les données relatives au Micraster ont été examinées par Ward43 qui les interprète comme une variation à l’intérieur des limites d’un genre créé.
L’importance de ces données pour la présente discussion, c’est que la séquence ordonnée de fossiles dans la craie exige une échelle de temps pour le dépôt qui permette aux évènements de spéciation de se produire. Étant donné que ces organismes vivaient et se reproduisaient dans la craie, une période de dépôt de six jours est tout à fait irréaliste. Cela ne veut pas dire que de longues périodes de temps soient nécessaires : de nombreux exemples de spéciation rapide au cours de périodes mesurées en années ont été observés dans les époques historiques44.
Horizons de bentonites
Bien que les bentonites soient absentes des formations de craies européennes, elles sont un élément caractéristique de la craie du Chalk Niobrara (voir Figure 4). Sur le terrain, elles ont généralement une couleur orange et brun à la suite de la formation d’oxydes de fer. Plus de 100 lignes de jonction peuvent être identifiées, beaucoup d’entre elles étant d’une importance majeure pour la compréhension de la stratigraphie du Smoky Hill Member. La plupart des unités de marquage identifiées par Hattin45 comprennent des bentonites. Comme cela a été confirmé par des observations personnelles et des discussions avec un paléontologue qui travaille sur ces roches, les séquences de bentonites constituent des marqueurs fiables et sont utiles pour les études de terrain.
Comme les surfaces d’arrêt de la sédimentation dans les craies européennes, les bentonites de la craie du Chalk Niobrara permettent d’identifier des surfaces fixes. La longueur de temps représentée par chaque bentonite ne peut pas être déterminée par l’observation. Comme ces strates n’ont pas été détruites par des terriers ou par des courants de fond ayant pour effet de remanier les sédiments, de longs délais sont improbables. Cependant, cette contrainte sur les intervalles de temps n’est pas resserrée car la bioturbation n’est pas un phénomène courant, bien qu’elle soit évidente sur certains horizons. L’explication généralement donnée pour cette absence de bioturbation, c’est que ces craies ont été déposées à des profondeurs plus importantes, et que l’environnement a été moins favorable à la faune benthique.
De nombreux géologues ont conclu qu’une grande partie du dépôt de craie du Chalk Niobrara se trouvait à des profondeurs plus importantes que celle caractérisant la craie d’Europe. Les courants sont plus faibles et le fond du bassin avait moins d’oxygène et de nutriments pour soutenir la vie. Si cette conclusion est acceptée, les bentonites offrent une preuve de plus de 100 surfaces stationnaires au sein de la craie du Chalk Niobara, ce qui, à son tour, constitue une preuve contre des scénarios catastrophiques faisant intervenir des eaux turbulentes et un faible nombre de cycles de dépôt sédimentaire. Si le modèle de formation de la craie en six jours de Snelling46 pour les trois unités de la Craie Européenne est indéfendable en Europe, il est tout aussi déficient aux États-Unis. Les faits, cependant, sont compatibles avec une formation catastrophiste postdiluvienne de la craie sur une période qui se mesure en décennies.
Conclusion
Malgré l’absence de toute analogie moderne appropriée, la plupart des géologues ne sont pas disposés à s’éloigner des principes uniformitaristes lorsqu’ils cherchent à comprendre la formation de la craie du Crétacé. Les principales caractéristiques de la craie (pureté, épaisseur, large occurrence géographique, preuves évidentes de dépôt en couches épaisses plutôt qu’en lamines, horizons érosifs, structures sédimentaires en forme d’élévations et d’affaissements, répartition inégale des fossiles) ne sont pas suffisamment expliquées par les modèles uniformitaristes. Le catastrophisme associé à la prolifération d’algues et à des chronologies courtes offre une explication beaucoup plus satisfaisante de ces divers phénomènes. Il est suggéré ici que les indices sur le terrain que sont les surfaces d’arrêt de la sédimentation, les variations de la macrofaune, les tendances de spéciation et les bentonites limitent le degré de raccourcissement possible des délais. Des périodes de temps se mesurant en décennies sont proposées comme une alternative réaliste, plutôt que des périodes se mesurant en jours. Cette conclusion a une incidence sur l’emplacement de la limite Déluge / post-Déluge, car les échelles de temps suggérées requièrent que la craie soit interprétée comme un phénomène postdiluvien.
REMERCIEMENTS
Je suis reconnaissant à Steven Robinson pour ses suggestions et commentaires constructifs à propos d’une version antérieure de cet article, et également à Paul Garner pour sa lecture et ses observations sur l’ébauche de cet article.
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Source: CEN Tech. J., vol. 10, n° 1, 1996
A propos de l’auteur
Le Dr David Tyler est titulaire d’une licence (Bachelor of Science) de physique de l’Université de Southampton, d’un Master (Master of Science) de physique (par la recherche) de l’Université de Loughborough, et d’un doctorat de Science de Gestion de l’Université de Manchester. Il est maître de conférences dans une université britannique et secrétaire de la Société Biblique de la Création (Biblical Creation Society), en Angleterre. Il est également membre de l’Institut du textile et membre de l’Institut de physique. Il a écrit de nombreux articles visant à développer une perspective chrétienne sur les origines et est l’auteur de The Guide: Creation – Chance or Design? publié par Evangelical Press en 2003. Son épouse et lui sont membres de l’église évangélique de Mottram, dans le Cheshire, aux Etats-Unis.
Le Dr David Tyler croit à la vérité littérale de la Genèse.
Il est maître de conférences (professeur en Amérique du Nord) en technologies de la mode au département de conception et de technologie de l’habillement de la faculté Hollings de gestion de l’alimentation, de l’habillement et de l’hôtellerie de l’Université métropolitaine de Manchester. Il est titulaire d’un doctorat en sciences physiques et s’intéresse actuellement à l’industrie textile.
Après avoir rejoint le département de conception et de technologie de l’habillement de l’Université métropolitaine de Manchester, il a poursuivi un certain nombre de recherches liées à la fabrication réactive et à la modélisation des systèmes. Ses travaux antérieurs portaient sur les systèmes de lignes d’écoulement et les stratégies de gestion visant à optimiser les performances. Au cours de la dernière décennie, il s’est intéressé au travail d’équipe dans le développement de nouveaux produits et à sa relation avec les pratiques opérationnelles, ainsi qu’à l’optimisation des performances des chaînes d’approvisionnement du textile et de l’habillement. Depuis mars 2000, il dirige le North West Advanced Apparel Systems Centre, une initiative financée par l’Europe pour soutenir les entreprises de l’habillement et du textile dans le Nord-Ouest de l’Angleterre.