La France sous pilule, origine et perspective du mal démographique

B&SD : Dans le livre de la Genèse, tout de suite après la création de l’homme et de la femme au sixième jour de la semaine de création, nous trouvons ce commandement connu sous l’expression de « mandat créationnel » : « Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre » (Genèse 1:27‭-‬28.) D’aucuns, prompts à ravaler la Genèse à un simple texte poétique contenant des concepts théologiques, certes, mais sans aucune réalité historique, n’hésiteraient pas, sur un air de supériorité due à une mentalité sublimant la sexualité uniquement comme mode de jouissance individuelle libre de toute entrave, à rattacher le commandement divin à procréer, à un concept désuet appartenant à une époque dépassée. Mais ce commandement porte toute une métaphysique et sa transgression a des conséquences désastreuses profondes non seulement pour la femme, mais encore pour toute une civilisation. Toute transgression des lois créationnelles entraîne, à terme, le déclin inexorable de l’espèce humaine. Jacques Duverger explore ici les conséquences et les enjeux d’une telle transgression, en montrant les liens entre contraception, avortement, déclin démographique et effondrement de la société.


Par Jacques Duverger

Considérez les perspectives différentes sur la vie et le monde que nous donnent les expressions descriptives du processus d’engendrement de la vie. L’Israël antique accentuant l’idée de la transmission de la vie du père au fils, utilisait le verbe « engendrer ». Les Grecs, accentuant le surgissement de la vie nouvelle dans un processus cyclique de génération et d’extinction, parlaient de genesis, d’une racine signifiant « venir à l’existence ». Le monde chrétien prémoderne parlait de pro-création, mettant l’accent sur un Dieu créateur du monde. Notre société parle de « re-production », une métaphore de l’ère industrielle tirée de l’usine.

Leon R. Kass. Toward a More Natural Science, p. 48.

Sommaire

  1. La pilule contraceptive
  2. L’usage de la pilule en France
  3. Evaluations statistiques de l’effet abortif de la pilule
  4. Norme contraceptive, interceptive, contragestive
  5. Le regard de la démographie historique
  6. Une génération de survivants
  7. Jusqu’à la troisième et la quatrième générations
    Conclusion

1. La pilule contraceptive

La contraception orale se présente sous la forme de comprimés à prise quotidienne communément appelés « pilules contraceptives », ou plus simplement « pilules ». Il existe deux types de pilules contraceptives, la pilule combinée, qui contient de l’œstrogène et de la progestérone, et la pilule progestative, qui ne contient que le progestatif.

Au début des années 2020, environ 60 % des femmes françaises âgées de 20 à 44 ans utilisent cette forme de contraception. Cette place prédominante occupée en France par la contraception orale n’a pas d’équivalent à l’étranger, le stérilet étant le premier choix contraceptif au niveau mondial et notamment en Chine.

La pilule agit à différents niveaux. Elle cherche à bloquer l’ovulation en trompant les mécanismes de rétro-contrôle exercés par le cerveau entre les hormones de l’axe hypothalamo-hypophysaire FSH, LH et les hormones des organes cibles, l’œstrogène et la progestérone.
Elle épaissit la glaire cervicale sécrétée par le col de l’utérus, rendant très difficile le passage des spermatozoïdes.
Elle empêche le développement du tissu endométrial, rendant la muqueuse utérine atrophiée impropre à la nidation.
Elle diminue le péristaltisme des trompes utérines, retardant l’arrivée de l’enfant embryonnaire éventuel dans l’utérus.
Enfin, elle perturbe chez la jeune fille le fonctionnement du cycle menstruel et le développement de ses cryptes cervicales, favorisant une hypofertilité en raison de la mauvaise qualité de glaire qu’elle produira même si les cycles sont ovulatoires.

La progestérone épaissit le mucus cervical et forme une certaine barrière à l’ascension des spermatozoïdes. A côté du frein à l’ovulation, certains auteurs considèrent cet effet comme « l’effet contraceptif principal » (Lauritzen [1], 1989).
Mais les expériences de Chang et Hunt [2] avec des lapins parlent contre un tel « deuxième effet principal ». Les autopsies ont montré qu’on trouvait chez les lapins traités avec des hormones gestagènes artificiels – des progestatifs comme le norgestrel ou le norethynodrel – des milliers de spermatozoïdes dans les trompes chez les femelles traitées. Ceci prouve que – au moins lors des essais avec animaux – le mucus cervical épaissi ne représente pas de barrière absolue.
Et le professeur Rudolph Ehmann de rappeler :

« D’autre part, dans ces réflexions il n’a pas été pris en considération que lors de ces ovulations d’échappement les œstrogènes formés dans les follicules qui se développent peuvent influencer le mucus dans le sens d’une fluidification, de sorte que le cervix devient perméable pour le spermatozoïde. Ceci est prouvé par les grossesses survenues sous pilule, qui ont augmenté en nombre les dernières années à cause du dosage progressivement abaissé des préparations, car sans ascension de sperme, pas de fécondation. »

Rudolph Ehmann.

Il apparaît que si la pilule a un effet contraceptif, elle n’a pas que cet effet. Elle peut également avoir un effet contragestif en cas d’ovulation d’échappement fécondée.

2. L’usage de la pilule en France

Le rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) de 2009 intitulé La prévention des grossesses non désirées : contraception et contraception d’urgence [3] publie les statistiques suivantes (p. 87) : « parmi les Françaises entre 15 et 49 ans (14 410 079), 71 % utilisent une méthode contraceptive (10 231 156), et 57,4 % d’entre elles prennent la pilule (soit 5 872 684). »
On y apprend également (p. 88) que la fréquence des oublis de pilules est de 21 % au moins une fois par mois, 21 % au moins une fois tous les trois mois, 11 % une fois tous les 6 mois et 11 % une fois par an.
On y apprend (p. 8) que sur 100 couples utilisant la contraception, 47 % sont sous pilule en France, contre 27 % au Brésil, 20 % aux Etats-Unis, 19 % au Canada, 4 % au Japon et 2 % en Chine. Les autres pays ayant massivement recours à la stérilisation (Canada, Brésil, Etats-Unis, Chine) ou au stérilet (Chine).
Ce rapport présente la contraception comme « une norme de fait » (p. 9), tout en soulignant le décalage entre l’efficacité théorique de la pilule (0,1 % de grossesse sur 12 mois) et la réalité (6 à 8 % de grossesses en pratique courante, données source OMS). Ces grossesses sous pilule s’expliquent par les ovulations d’échappement qui peuvent conduire à une fécondation.

Selon les pilules et le métabolisme des femmes qui la prennent, cet effet d’échappement peut être plus ou moins grand. Il peut être renforcé par les oublis de pilules. L’indice de Pearl [4], du nom du médecin américain qui l’a proposé, calcule le nombre de grossesses observées pour cent femmes sous contraception pendant une année. Les laboratoires indiquent pour chaque type de pilule l’indice de Pearl théorique et l’indice de Pearl pratique (intégrant les oublis de pilule et la prise en condition de vie réelle). Prenons deux exemples :

  • la pilule combinée Yaz (Ethynylestradiol 0,02 mg, Drospirénone). Elle indique un indice de Pearl théorique de 0,41 et de 0,80 si on y inclut l’échec de la patiente ;
  • la pilule progestative Cerazette (Désogestrel 0,075 mg). La fréquence d’ovulation d’échappement observée est de 1 % (1/103).

Ces statistiques peuvent ne pas sembler significatives dans l’esprit du lecteur. Mais il convient de les mettre en perspective avec les données de l’OMS qui annonce 6 à 8 grossesses sous pilule. Le rapport IGAS (p. 12) déclare que

« les données de l’enquête COCON permettent d’éclairer le paradoxe contraceptif français, à savoir la relative stabilité du recours à l’IVG dans un contexte de diffusion massive des méthodes médicalisées de contraception, dont l’efficacité est très élevée (…) On a ainsi montré que les échecs de contraception restent fréquents : aujourd’hui encore une grossesse sur trois est qualifiée de « non prévue » (contre près d’une sur deux en 1975), qui donnera lieu, dans 60 % des cas, à une IVG. Deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez des femmes qui déclarent utiliser une contraception au moment de la survenue de ladite grossesse. Cette couverture contraceptive reposait dans près de la moitié des cas sur une méthode de contraception médicalisée présentant une efficacité théorique très élevée (pilule ou stérilet), ce qui ne manque pas d’interroger. »

Rapport IGAS (p. 12).

Le Dr Christian Jamin, gynécologue-endocrinologue, déclarait en 2012 :

« Aucune personne, si elle est amenée à prendre 8000 comprimés (nombre moyen de pilules contraceptives pris par une femme au cours de sa vie), ne peut dire qu’elle n’oubliera jamais une seule fois ! Le hiatus contraceptif est inéluctable au cours de la vie ! »

Dr Christian Jamin.

L’oubli de pilule fait partie de la pilule, et renforce mécaniquement le nombre d’ovulations d’échappement. La clef chimique de la pilule qui cherche à tromper les mécanismes hormonaux du cerveau ne fonctionne pas à 100 %, cet effet étant variable selon le type de pilule, son dosage (microdosée ou non, progestative ou combinée) et le métabolisme de la femme qui la prend. Chaque cas reste particulier.

3. Evaluations statistiques de l’effet abortif de la pilule

Au regard de ces chiffres, nous pouvons donner des statistiques d’encadrement de l’effet abortif de la pilule contraceptive en France, effet ignoré de la grande majorité des Français.
Il y a plusieurs raisons à cette ignorance, à commencer par des changements de définition. L’effet abortif est masqué par l’expression : « modification de l’endomètre [5] ».
La pilule empêche l’implantation du blastocyste (embryon de 5/6 jours). Mais dans le contexte positiviste dans lequel nous sommes plongés où toute pensée métaphysique est niée, cette vie humaine est invisibilisée. On ne peut prouver son existence juridique que si l’on peut prouver son existence biologique. Or cette implantation de l’embryon dans l’endomètre ne s’observe chimiquement qu’au moment des premiers échanges de beta-HCG. Il a donc été défini que le début de la grossesse – ce qui n’est pas le début de la vie humaine – commence avec l’implantation. Avec cette définition, les techniques qui empêchent l’implantation échappent à la qualification de technique abortive, interceptive ou contragestive, et sont qualifiées abusivement – mensongèrement – de techniques contraceptives.

Mais ce n’est pas tant la réalité de l’effet abortif de la pilule qui est nié que son occurrence.

Posons quelques calculs. Nous savons que 5 872 684 femmes prennent la pilule en France.
Nous savons qu’une année compte 13 cycles menstruels.
Nous savons que la pilule indique un chiffre théorique de 1 % d’ovulations d’échappement, lequel chiffre observé en condition de protocole de laboratoire est irréaliste, en contradiction avec le nombre de grossesses sous pilule observées par l’OMS – 6 à 8 % – et en décalage avec la fréquence réelle d’oubli de pilules (au moins 1 fois par mois pour 21 % des femmes).

Posons plusieurs hypothèses.
Hypothèse 1 : un taux de 5 % d’ovulations d’échappement
Dans ce cas, nous avons :

  • 365 / 28 j = 13,03 cycles en moyenne par an.
  • Pour 100 femmes sur une année (100 A-F), nous avons 100 x 13,03 x 5 % = 65 ovulations d’échappement.
  • Si nous supposons que 25 % de ses ovulations sont fécondées, nous obtenons : 65 x 0,25 = 16,25 fécondations.

L’OMS nous déclare un IP (Indice de Pearl) compris entre 6 et 8. Ceci signifie que nous aurions entre 8 et 10 destructions d’embryons en phase très précoce pour 100 femmes sous pilule sur un an, donc un IDE (Indice de Destruction Embryonnaire) de 8 à 10 (16,25 – 6 à 8).
Plaçons-nous dans l’hypothèse d’un IDE de 8. Qu’est-ce que cela signifie à l’échelle de la France ?
Pour 5 872 684 de femmes, cela signifie 469 815 avortements par an.
Si à l’échelle individuelle, l’Indice de Pearl nous semble anecdotique, nous comprenons immédiatement qu’à l’échelle macro-statistique, ce chiffre est tout sauf insignifiant.

Mais ce chiffre est-il aussi insignifiant qu’il y paraît au plan individuel ? Plaçons-nous dans la perspective d’une femme qui prend la pilule pendant 20 ans. En maintenant notre hypothèse d’un taux d’ovulations d’échappement de 5 %, nous obtenons les résultats suivants :

  • Hypothèse 1 : 5 % d’ovulations d’échappement.
  • 365 / 28 j = 13,03 cycles par an.
  • 13,03 x 0,05 = 0,65 ovulation d’échappement par an.
  • 20 x 0,65 = 13 ovulations d’échappement en 20 ans.
  • Si 25 % sont fécondés : 13 x 0,25 = 3,25 fécondations.

La fécondité moyenne des femmes étant de 1,8 enfant [6], on en déduit que cette femme aura vécu entre 1 et 2 avortements très précoces – sans nécessairement le comprendre ni le réaliser – durant sa vie féconde.

A ce stade, est-il utile de parler des nouvelles pilules microdosées progestatives de plus en plus répandues ? La combinaison du faible dosage avec une charge uniquement progestative maintient la dégradation de la muqueuse utérine tout en favorisant les ovulations d’échappement.
Si nous nous plaçons dans l’hypothèse d’un taux d’ovulation d’échappement de 20 %, nous obtenons sur une durée de 20 ans de prise de pilules les résultats suivants :

  • Hypothèse 2 : 20 % d’ovulations d’échappement.
  • 13,03 (nb de cycles) x 0,2 (20 % d’échappement) = 2,6 ovulations par an.
  • 20 x 2,6 = 52 ovulations d’échappement sur 20 ans.
  • Si 25 % sont fécondées : 52 x 0,25 = 13 fécondations.

On se rapproche d’un avortement tous les deux ans en moyenne. Ceci reste une statistique d’approximation, mais elle donne une indication. Ces pilules ont un effet premièrement contraceptif, mais dans un nombre significatif de cycles elles ont aussi un effet abortif.

Ces chiffres, aussi effrayants que surprenants, ne sont pourtant pas totalement nouveaux.
Dans une étude publiée en 1994 dans la revue Contraception, fertilité sexualité intitulée « L’activité antinidatoire des contraceptifs oraux », le Docteur Benoît Bayle avait posé un modèle statistique en partant d’un autre mode de calcul. La difficulté de ce type d’évaluation statistique est que l’on ne peut pas faire d’étude épidémiologique pilule par pilule ni femme par femme. On est obligé de faire des macrostatistiques.

Son modèle construisait un ratio entre le nombre d’embryons qui s’implantent sous pilule par rapport au nombre d’embryons dont la nidation échoue en raison de la dégradation de l’endomètre sous progestérone. Il établit ainsi un IDE, Indice de Destruction Embryonnaire, de la même façon qu’il existe un Indice de Pearl.
Son calcul était le suivant : l’Indice de Pearl (IP) réel est de 1 à 2 grossesses. Pour 1 embryon qui s’implante sous pilule, de 4 à 6 embryons seraient statistiquement nécessaires. Par conséquent, de 4 à 12 embryons sont conçus pour 1 à 2 grossesses observées. Dans ce cas de figure, de 3 à 10 embryons sont éliminés. Son IDE est donc compris entre 3 et 10 embryons pour 100 A-F (Année-Femme).

En 1994 il y avait 4,3 millions d’utilisatrices de la pilule en France. En adoptant un IDE à 4, il obtenait 4 300 000 x 4/100 (IDE) = 172 000 échecs de nidation par année.
Ce chiffre situe le nombre d’avortements très précoces par la pilule dans le même ordre de grandeur que l’IVG. La destruction d’embryons oscille autour du nombre annuel d’avortements provoqués déclarés officiellement.

On obtient par deux méthodes statistiques différentes des modèles d’approximation du nombre d’avortements par la pilule contraceptive qui s’inscrivent dans la même échelle de grandeur, celle du nombre d’IVG annuel.

4. Norme contraceptive, interceptive, contragestive

Il nous faut ici bien différencier la pilule contraceptive des autres pilules dites « du lendemain » ou « du surlendemain ». Si elle se veut « une norme de fait », la contraception doit assumer « une solution de rattrapage face aux échecs de contraception » (rapport IGAS, p. 37) :

« Oubli de pilule, rupture de préservatif, rapport imprévu non protégé… diverses circonstances exposent au risque d’une grossesse non désirée. Dans ces cas, où la prévention primaire que constitue la prise d’une contraception régulière a été mise en échec, la contraception dite d’urgence constitue une solution de rattrapage qui s’apparente à une forme de prévention secondaire, et permet d’éviter le recours éventuel à l’interruption volontaire de grossesse. La forme la plus connue de la contraception d’urgence est la « pilule du lendemain ».

Actuellement, seules deux spécialités contenant du lévonorgestrel dosé à 1,5 mg sont commercialisées (le Norlevo et, depuis 2007, le Lévonorgestrel-Biogaran). Conditionné et administré sous forme d’un comprimé en prise unique, le lévonorgestrel empêche la nidification de l’embryon dans la paroi utérine quand le rapport a été fécond. Il doit être pris dans les 72 heures qui suivent un rapport non ou mal protégé. Son efficacité est d’autant meilleure qu’il est pris précocement après le rapport. »

Rapport IGAS, p. 37.

Le laboratoire HRA Pharma [7] (passé sous le contrôle du fond d’investissement Astorg Partner en 2016 [8]) qui fabrique le Norlevo déclarait en commercialiser plus de 1 200 000 boîtes en 2006 (rapport IGAS, p. 43).

Le fonctionnement de la pilule du lendemain est différent de celui de la pilule. Le principe actif du lévonorgestrel est de créer une tempête chimique qui perturbe les communications chimiques entre l’embryon qui veut s’implanter et le tissu endométrial de la mère. Cette perturbation des intégrines, ces hormones de communication, brouille le dialogue chimique embryon-mère et provoque un avortement en phase pré-implantatoire. Elle perturbe les communications par les intégrines qui permettent à l’embryon de se nider dans la muqueuse de l’endomètre.
La pilule du lendemain fait appel à une technique interceptive. On n’observe pas de modification de l’endomètre si la femme n’est pas déjà sous pilule. Le temps est trop court pour faire cette observation.

Dans une publication [9] de juillet 2013, les docteurs Justo Aznar et Julio Tuleda de l’observatoire bioéthique de l’Université catholique de Valence font une synthèse des études s’intéressant à l’action du lévonorgestrel, plus communément appelé contraception d’urgence, contraception postcoïtale ou pilule du lendemain. Son nom commercial est le Norlevo ; son nom scientifique ou le principe actif est le lévonorgestrel, nom utilisé en mode générique.
En passant en revue une soixantaine de publications internationales sur le sujet, ils mettent en évidence le mécanisme abortif de l’action du lévonorgestrel dans un certain nombre de prises possibles. En fonction du jour de prise par rapport à l’ovulation, l’effet peut être anovulatoire ou interceptif, c’est-à-dire abortif d’un embryon en phase préimplantatoire.

La Haute Autorité de Santé dans son rapport Contraception d’urgence : Prescription et délivrance à l’avance [10] d’avril 2013 confirme (p. 25) que le nombre de pilules du lendemain vendues a plus que doublé en 10 ans, passant de 570 000 en 2000 à 1 200 000 en 2010. L’augmentation semble cependant avoir atteint un plateau depuis 2009.
En posant l’hypothèse d’un effet abortif dans 20 % des prises de pilules du lendemain, on approche un nombre d’avortements en phase préimplantatoire de 240 000. La mentalité contraceptive et la contraception de masse provoquent des avortements de masse.

Pour donner une autre échelle de grandeur, il est utile de souligner que le Norlevo [11] (1500 μg de lévonorgestrel) contient 50 fois la dose de lévonorgestrel contenue dans la pilule Microval [12] (30 μg).

Pour terminer sur la misère contraceptive française, il nous faut parler du dernier filet/verrou de la norme contraceptive, les pilules du surlendemain EllaOne (Acétate d’ulipristal, 30 mg) et RU486 (mifépristone, 600 mg). L’effet abortif de ces pilules est mieux connu. Il s’agit d’antiprogestatifs qui bloquent les communications hormonales entre l’embryon déjà nidé et le tissu endométrial, provoquant la mort de l’embryon qui ne peut plus se développer.

5. Le regard de la démographie historique

L’étude de démographie historique The Decline of Fertility in Europe since the Eighteenth Century d’Ansley Coale (Princeton, 1986) s’intéresse à la fécondité des Françaises comparée à celle des autres populations d’Europe à partir des années 1750. Elle nous rappelle un enseignement bien connu des démographes et historiens des XVIIIe et XIXe siècles. La fécondité des Françaises chute dès la Révolution. Cette révolution démographique, qualifiée de « transition » démographique, se produit près d’un siècle avant les autres pays européens.

[13]

Cette comparaison met en évidence une mentalité et une pratique contraceptives qui se répandent massivement en France dès la fin du XVIIIe siècle. Vers la fin de l’Ancien Régime, la fécondité des Françaises se rapproche encore de la fécondité des Huttérites, population de référence pour l’indice de fécondité naturelle maximale. Si les Anglais ont théorisé la mentalité et la pratique contraceptives avec le malthusianisme, c’est bien la France révolutionnaire qui a été la grande praticienne de la contraception [14].

Vers 1750 les taux de fécondité des femmes françaises et allemandes [15] sont voisins. Elles ont entre 5 et 6 enfants en moyenne. Mais dès la fin du XVIIIe, la limitation des naissances se répand en France et la fécondité recule de 5,4 enfants par femme dans la décennie 1750 à 4,4 dans la décennie 1800, avant de descendre à 3,4 dans la décennie 1850. L’Allemagne, elle, maintient son taux de natalité jusqu’à la fin du XIXe (Source INED, Population & Société, mars 2012, France-Allemagne : histoire d’un chassé-croisé démographique).
On comprend mieux le lien entre le phénomène révolutionnaire et le développement de la mentalité contraceptive :

« La révolution est l’application politique de l’incroyance. »

Groen Van Prinsterer.

Cette mentalité contraceptive trouvera une traduction politique lorsque la pilule sera mise au point.
De Gaulle, pourtant réticent au départ, en sera le promulgateur. S’il déclarait en 1965 à Alain Peyrefitte :

« La pilule ? Jamais ! (…) On ne peut pas réduire la femme à une machine à faire l’amour ! (…) Si on tolère la pilule, on ne tiendra plus rien ! Le sexe va tout envahir ! (…) C’est bien joli de favoriser l’émancipation des femmes, mais il ne faut pas pousser à leur dissipation (…) Introduire la pilule, c’est préférer quelques satisfactions immédiates à des bienfaits à long terme ! Nous n’allons pas sacrifier la France à la bagatelle ! »,

Charles de Gaulle, déclaration à Alain Peyrefitte en 1965

il finira par l’autoriser en 1967 sous l’influence de sa femme et de Lucien Neuwirth.

Évelyne Sullerot, cofondatrice du Planning familial en France, résume l’enjeu :

« la véritable révolution de mai 68 est la dissociation de la sexualité et de la procréation. »

La Croix, 3 mai 2008.

Pierre Simon, ancien président de la Grande Loge de France, le disait à sa façon dans son maître ouvrage de 1979, De la vie avant toute chose :

« Pour inverser une formule célèbre : nous avions gagné la guerre (sur la contraception), il ne nous restait qu’à livrer une bataille (sur l’avortement) ».

Pierre Simon. De la vie avant toute choseDe la vie avant toute chose

6. Une génération de survivants

Le chercheur et psychiatre Philip G. Ney, fin analyste du syndrome des survivants dans les sociétés pratiquant l’avortement, écrivait dans un article publié en 1998, A Consideration of Abortion Survivors [17] :

« Depuis des temps immémoriaux, il était tabou de s’attaquer à une personne sans défense, blessée ou à celle qui porte la vie. Même en temps de terrible agression déchaînée ou de guerre, attaquer des enfants était une atrocité. Aujourd’hui, la société sanctionne légalement et paie pour la destruction, à grande échelle, de la vie sans défense. Ce tabou a été brisé par tant de personnes qu’elles ont une réaction réprimée pour protéger les enfants à naître et les nouveau-nés. La rupture de ce tabou ne suscite plus de protestation sociale. Face à une menace qui peut mettre en danger l’espèce, la société est devenue de plus en plus passive et inefficacement permissive.
Il est prouvé que dans les pays où les avortements sont libres depuis longtemps, la croissance négative de la population n’est pas arrêtée par une restriction des lois sur l’avortement. (…) Même lorsque des incitations financières ont été utilisées dans les pays communistes, le désir d’avoir des enfants diminue. La survie de notre espèce pourrait être menacée car l’avortement interrompt la mutualité parent-enfant et dévalorise les enfants.
Avec la mise au point de prostaglandines, le souhait de certaines féministes s’est réalisé. Chaque femme peut désormais pratiquer son propre avortement à domicile et le tenter à n’importe quel stade de la grossesse. Il y aura de nombreuses complications médicales, mais plus encore de troubles psychiatriques découlant du conflit impossible d’une femme essayant de décider si elle doit jeter le nourrisson vivant qui se débat dans les toilettes ou se précipiter à l’hôpital pour le réanimer. Si environ 50 % des femmes en âge de procréer se procurent des avortements, cela signifie probablement que 50 % des hommes fertiles contraignent les femmes ou sont de connivence avec l’avortement. Lorsque les avortements sont pratiqués sous les draps chirurgicaux par un professionnel, la plupart des gens peuvent croire qu’il ne s’agit que d’un « tissu ». Lorsque les gens subiront des avortements à la prostaglandine chez eux, ils verront que ce qu’ils viennent d’achever a vraiment l’air humain. Les conflits intenses, l’ambivalence et le chagrin peuvent affecter la santé des parents et influencer la façon dont ils interagissent avec leurs enfants survivants. »

Philip G. Ney, A Consideration of Abortion Survivors, 1998.

7. Jusqu’à la troisième et la quatrième générations

La reconstitution transgénérationnelle des conflits non résolus résultant d’un traumatisme est un mécanisme d’adaptation par lequel l’esprit force l’individu à affronter le problème subconscient. Or la mentalité contraceptive et sa logique abortive ont construit un subconscient de survie et de sacrifices humains profondément incrusté dans le psychisme des nouvelles générations. Le nombre d’avortements dans le monde est en constante augmentation, et il y a maintenant des millions d’enfants qui ont survécu à l’avortement d’un frère ou d’une sœur. Il est de plus en plus évident que même les très jeunes enfants peuvent être au courant des avortements maternels, malgré les tentatives de la famille de maintenir le secret [18]. Les faits sont d’une telle ampleur qu’on parle d’aborted sibling factor, de facteur de la fratrie avortée.

Philip G. Ney rappelait qu’

« il existe une corrélation significative entre la femme (ou son partenaire) ayant avorté sa première grossesse et sa mère (ou celle de son partenaire) ayant avorté sa première grossesse. Il existe des corrélations significatives entre le sujet (ou le partenaire du sujet) qui a interrompu sa première et sa deuxième grossesse et sa mère (ou celle de son partenaire) qui a interrompu sa première et sa deuxième grossesses. Nous avons constaté que les femmes dont la mère a avorté ont tendance à avorter elles-mêmes. Le nombre total d’avortements pour le sujet ou le partenaire du sujet présente la meilleure corrélation avec la négligence pendant l’enfance et les avortements de leurs mères. Kent, Greenwood et Nicholls [19] ont constaté que les femmes qui avortaient réalisaient souvent le souhait inconscient de leurs parents de les faire avorter. »

Philip G. Ney.

Conclusion

Cette intense guerre chimique, guerre hormonale, livrée aux femmes et à leurs corps se double d’un autre bombardement, celui-ci mental et culturel au travers des programmes de l’Éducation nationale qui dès la puberté superposent les méthodes contraceptives à la présentation du cycle sexuel féminin.
Ce conditionnement n’est pas que théorique puisque depuis décembre 2000 la loi sur les modalités de la délivrance de la contraception d’urgence par les infirmeries scolaires aux élèves mineures et majeures – œuvre législative personnelle de Ségolène Royal – stipule que la pilule du lendemain n’est plus soumise à prescription médicale. Lorsque la jeune femme est mineure, le consentement parental est supprimé. Les infirmières scolaires acquièrent le droit de l’administrer. Lorsque les établissements scolaires sont fermés, les pharmaciens sont obligés de la délivrer gratuitement aux mineures. Dans ce contexte, le nombre de boîtes délivrées aux mineures est en constante augmentation (en 2009, plus de 305 000).
On constate en parallèle une augmentation du nombre d’IVG chez les mineures. Le Rapport d’information sur l’application de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’IVG et à la contraception [20] de la députée UMP Bérengère Poletti publié en 2008 déclare (p. 9) :

« Le développement de la contraception d’urgence n’a donc pas eu d’impact significatif sur le recours à l’IVG. En effet, chez les mineures de 15 à 17 ans le recours à l’IVG croît régulièrement : + 8,9 % par rapport à 2005. »

Bérengère Poletti.

Ce lavage de cerveau sera consolidé auprès des étudiants par la mise en place en 2009 du Pass contraception par la même Ségolène Royal.

Nous récoltons ainsi les fruits d’une longue déconstruction de la métaphysique et de son inséparable morale biblique. L’abolition de la pensée complexe et téléologique a favorisé le développement d’une vision tronquée du corps, incapable d’articuler sexualité et procréation sur le même plan. La réduction du corps et de sa biologie, lieu de la procréation, à une topologie infrahumaine, offre un champ d’expérimentation à la technologie. La technique intervient alors comme un moyen de libération de la chair, la sexualité étant vue principalement comme un simple espace de jouissance. Dans ce contexte, les méthodes de régulation naturelle des naissances, non pas méthodes biologiques, mais méthodes naturelles au sens d’être ordonnées à la nature de l’homme, deviennent non seulement inaudibles, mais répulsives – infrahumaines. La maîtrise de son corps par la technique remplace la maîtrise de soi par l’éducation.
La mentalité contraceptive devient ainsi le verrou fondamental de la pensée antigénéalogique.

En étudiant la naissance et la mort de quatre-vingt-six civilisations dans son étude magistrale de 1934, Sex and Culture [21], l’anthropologue social Joseph D. Unwin (1895-1936) nous permet de construire une perspective sur l’onde de choc transgénérationnelle de cet embryocide chimique.
Les relâchements de la morale sexuelle déploient l’intégralité de leurs effets décadents au bout de trois ou quatre générations. La première génération amorce les premiers changements, mais ils sont ralentis par l’inertie culturelle de la génération précédente qui continue d’exercer son influence morale et traditionnelle. Les changements s’accentuent, se confirment et se renforcent à la deuxième génération, mais c’est à partir de la troisième génération que les freins moraux sont vraiment affaiblis. Les changements de morale sexuelle réalisent leur pleine potentialité à la troisième et quatrième générations et aboutissent à un effondrement social, cet effondrement intérieur laissant place à une autre société conquérante plus disciplinée.
Si nous situons la première génération à celle des années 1965-1970, nous avons la deuxième génération autour de 1990-1995, la troisième en 2015-2020 et la quatrième à horizon 2040-2045. Ce que nous vivons est donc bien une crise historique majeure, celle de notre société qui s’effondre.

Notes

  1. Lauritzen, C., Fragen aus der Praxis, Die Pille : (auch) ein Abortivum ? Deutsche Medizinische Wochenschrift (1989) 114, 14, 567.
  2. Chang, M. C., Hunt, D. M., Effects of various progestins and oestrogen on the gamete transport and fertilization in the rabbit, in : Fertiliy and Sterility (1970) 21, 683–686.
  3. https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/104000049.pdf.
  4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_Pearl.
  5. https://www.vidal.fr/infos-pratiques/id12992-id12992.html.
  6. https://www.insee.fr/fr/statistiques/5012724.
  7. https://www.hra-pharma.com/about-us/leadership.
  8. https://capitalfinance.lesechos.fr/deals/lbo/hra-pharma-sallie-a-astorg-partners-et-a-goldman-sachs-111780.
  9. https://www.researchgate.net/publication/256706596_Comment_on_the_decision_of_the_german_bishops_regarding_the_use_of_emergency_contraception_in_rape_victims.
  10. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2013-04/contraception_durgence_-_argumentaire_2013-04-30_14-24-25_321.pdf.
  11. https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/norlevo-12745.html.
  12. https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/microval-6137.html.
  13. New Estimates of Nuptiality and Marital Fertility in France, 1740-1911, David R. Weir, Population Studies, Vol. 48, No. 2 (juillet 1994), pp. 307-331 (25 pages).
  14. https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/18719/pop_et_soc_francais_346.fr.pdf.
  15. https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19155/487.fr.pdf.
  16. https://www.heartbeatservices.org/pdf/Post-Abortion_Survivor_Syndrome.pdf.
  17. http://www.mattes.de/buecher/praenatale_psychologie/PP_PDF/PP_10_1_Ney.pdf.
  18. Anita H. Weiner et Eugene C. Weiner, The aborted sibling factor: A case study, Clinical Social Work Journal, volume 12, pp. 209–215 (1984).
  19. Kent, I., Greenwood, R. D., Nicholls, W., Emotional sequelae of elective abortion. BC Med. J. 1978.
  20. https://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i1206.pdf.
  21. https://archive.org/details/b20442580.

Article paru dans le numéro 88 de la revue Liberté politique, reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteur.


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