Description
Le mérite de ce livre n’est pas seulement de diagnostiquer avec lucidité les maux qui nous menacent. C’est aussi de proposer des solutions concrètes et d’apporter des remèdes. Bergson disait déjà que ce qui est condamnable dans le progrès technique, ce n’est pas tant la technique en elle-même que le déséquilibre qui risque toujours de s’instaurer entre la puissance matérielle dont l’homme dispose (le corps) et sa croissance morale et spirituelle (l’âme). Tout se passe comme si l’âme de l’homme était devenue trop petite dans un corps démesurément trop grand pour elle. Ce à quoi nous invitait Bergson, c’était dès lors à donner au progrès technique un « supplément d’âme » qui puisse permettre à l’homme de reprendre le contrôle de ses instruments.
Il faut, disait-il dans Les deux sources de la morale et de la religion, que « la mécanique soit animée par une mystique ». Mais quelle « mystique » pourrait-elle enrayer ce désir de toute-puissance qui est au cœur de la technique et qui nous amène à craindre que tout ce qui est techniquement faisable soit un jour réalisé, comme l’affirme la règle de Gabor ? Éric Lemaître puise dans sa foi chrétienne, qui anime et vitalise toute sa pensée, le remède à cette volonté de puissance : seule une « éthique de la non puissance » (pour reprendre une expression de Jacques Ellul) peut mettre fin à ce fantasme de toute puissance…
Charles-Éric de Saint Germain, philosophe et auteur de La défaite de la raison.
Recension de l’ouvrage par Etienne Omnès
Notre époque est déterminée par un objet philosophique que l’on appelle la technique. La technique (décrite par Jacques Ellul dans son livre La Technique ou l’enjeu du siècle, écrit dans les années 1950) est cette démarche de rationalisation et de mathématisation du monde au profit d’une plus grande efficacité et d’une plus grande force pour l’être humain. Le sommet de cette technique est le transhumanisme, une démarche qui vise à améliorer l’être humain par la technologie, quitte à en transgresser toutes les limites comme la mort. Voilà le principal objet du livre d’Éric Lemaître : cette technique omniprésente, qui sert aujourd’hui de dieu et sauveur à notre civilisation.
Il procède donc en deux parties : 1. Les fondements philosophiques de la déconstruction : il s’agit d’une présentation plutôt complète du « système technicien » au travers du phénomène transhumaniste. 2. Les révolutions de la déconstruction : Éric Lemaître décrit aspect par aspect chaque domaine atteint par la technique, comment il est redéfini par celle-ci, et comment y répondre.
Globalement, le livre peut être défini comme une suite d’essais indépendants, qui explorent méthodiquement l’empreinte de la technique et des idéologies progressistes sur notre monde et à tous les étages de la vie et sur toutes les dimensions anthropologiques, culturelles, sociales, économiques… Je conseille d’ailleurs de le lire lentement, pour bien s’imprégner de ce qui est écrit. Le livre n’est pas fait pour le gobage.
La critique de l’idéologie transhumaniste, progressiste et du système technicien
L’essai La déconstruction de l’homme énonce une analyse critique des mythes qu’entretiennent ces nouvelles idéologies touchant à ce prétendu « nouveau monde » !
Les critiques ainsi déclinées tout au long de l’ouvrage s’adressent à ces nouvelles croyances et démarches normatives qui impactent toutes les sphères de la vie sociale :
- le transhumanisme en tant que système scientiste qui vise à modifier le réel ;
- le progressisme en tant que système culturel et politique qui vise à réformer les esprits pour les préparer au nouveau monde et à une nouvelle conception anthropologique concernant l’homme ;
- le technicisme qui vise à faire rentrer la vie sociale dans un monde de normes, normes consommées par l’intelligence artificielle, ce nouveau despote prétendant être au service de l’humain.
Cette critique peut étonner, parfois agacer le lecteur, mais n’a pas d’autres objectifs que d’enfoncer en quelque sorte le clou. La révolution est à la fois culturelle (idéologie du progrès) et technique (les objets qui nous divertissent et nous détournent du sens de l’autre).
Cette révolution, comme nous le rappelions précédemment, qui est à la fois idéologique et techniciste, est en effet, à notre sens, totale, elle vient comme absorber, consommer, l’identité de l’homme dans l’ensemble des composantes liées à son humanité, sa vie sociale et culturelle.
Éric Lemaître racontait à ses amis qu’il rentrait d’un enterrement – ce sont des moments qui, paradoxalement, vous ramènent souvent à la vie, à la vraie vie – et sur le trottoir étroit qu’il empruntait, une jeune femme avait ses yeux rivés sur l’écran et avançait d’un pas rapide mais sans prendre garde à son environnement. Il a dû s’écarter du trottoir face à l’indifférence d’une jeune fille, tant cette dernière semblait absorbée, sans doute, par les textos lus, et Éric lui fit remarquer avec humour que la vraie vie était ailleurs, mais ni dans les écrans ni dans son monde virtuel, car elle a bien failli bousculer le réel …
L’homme est ainsi comme environné, ingéré puis envoûté par la technique… N’est-ce pas Jacques Ellul qui partageait son scepticisme vis-à-vis de la technique en déclarant ceci : « Je me méfie totalement de tout le mouvement utopiste, car il n’évitera pas le piège de la reconstruction de la cité rationnelle et parfaite, c’est-à-dire où la Technique sera Tout et en Tous. »
« La cité rationnelle », comme l’écrit Jacques Ellul, a une forme utopique, le meilleur des mondes, celle de l’égrégore. L’égrégore est une collectivité universelle bienveillante pour tous ; la bienveillance, elle, s’est exprimée au travers du communisme numérique qui, en quelque sorte, vous happe, puis vous enveloppe avec ses promesses de facilité et de vie sans effort, parfois de gratuité, mais vous rend dépendant de son objet.
Dans cette cité numérique, qui est en réalité dystopique, le pire des mondes, nous devenons les objets d’un système technicien nous liant tous aux projets d’une société virtuelle et finalement déshumanisante. Cet égrégore ne fait plus de l’homme un être incarné dont il conviendrait de prendre soin, un être d’abord de relations, mais fait de chacun, une matière connectée à d’autres matières : smartphones, tablettes, montres digitales et sans doute demain biopuces…
Éric Lemaître, dans son livre La déconstruction de l’homme, ose le proclamer : l’humanité qui a voulu l’égalité avec Dieu est en passe de vivre « la honte prométhéenne », en ce sens qu’après avoir créé son Golem, fasciné par sa créature, il lui cède en quelque sorte son âme en nous partageant une perplexité : il a été capable d’être l’auteur de quelque chose qui le dépasse désormais, sans comprendre que lui-même a été aussi « créé de peu inférieur aux anges ».
L’homme démiurgique finit, en fin de compte, par adorer sa propre créature.
Il finit ainsi par gommer Dieu, déclarant même sa mort. L’humanité a pris sa revanche, elle a enfin chassé Dieu de sa cité, le même homme qui fut au commencement de son existence chassé du jardin. Cette humanité iconoclaste est en passe d’adorer une nouvelle idole, produit de sa création, de reconstruire un monde idéalisé, un nouvel Éden, un nouveau monde célébrant le progrès, signant, en quelque sorte, la fin d’une partie de son identité… Voilà ce que nous pouvons appeler « la honte prométhéenne » que décrivit fort bien le philosophe Allemand Günther Anders.
Ainsi, comme l’écrit Bernard Charbonneau dans un texte que nous avons récemment publié sur le blogue accompagnant la promotion du livre, https://deconstructionhomme.com/ : « Il nous faut le temps d’oublier l’ancien Dieu pour nous en fabriquer un nouveau et recréer totalement l’univers à son image. La Totalité sur terre : depuis l’alpha du réel jusqu’à l’oméga du vrai ? Nous n’aurons de cesse que nous ne l’ayons atteinte. Voilà l’entreprise raisonnable dans laquelle l’âge de raison a engagé l’humanité. »
En définitive la révolution numérique, ce phénomène brutal et massif, se déploie aujourd’hui sous nos yeux comme une véritable déferlante, phénomène qui est sur le point de remodeler la société de demain. Sa dynamique propre et la vitesse à laquelle elle s’étend sont de nature à rebattre toutes les cartes de la vie et de l’organisation sociale.
Chaque révolution industrielle s’est, en fin de compte, accompagnée autrefois d’une restructuration de la vie sociale, chaque révolution industrielle a imposé une forme de réadaptation de la vie et des rapports aux autres. La rapidité avec laquelle les innovations du monde numérique s’étalent aujourd’hui ne laissera dès lors aucun répit, d’où une désorientation sociale et psychologique qui sera sans précédent dans l’histoire. Le monde numérique est en train de casser les repères culturels qui avaient été à présent les nôtres ; le nouveau monde qui se déploie sous nos yeux est sur le point d’être recomposé avec de nouvelles règles, de nouveaux codes, une nouvelle normalisation, de nouvelles oligarchies (les scientistes) dont les projets autour de la technicité sont de nature à fragiliser, à déconstruire l’homme, à renverser les valeurs, les tables de l’ancien monde, leurs hiérarchies, leurs institutions.
Enfin, pour conclure, une grande partie du livre La déconstruction de l’homme est consacrée à cette dimension anthropologique : « Qu’est-ce que l’homme ? ». Le livre, toutefois, ne s’enferme pas dans un tableau noir, le livre offre une feuille de route préconisant un autre chemin à emprunter et les moyens d’une résilience face aux mutations promises par le nouveau monde. Le livre nous propose ainsi de revenir aux sources bibliques, de découvrir avec étonnement des préconisations parfaitement applicables au sein même de notre modernité…
Merci de nous avoir lus et surtout de lire ce livre La déconstruction de l’homme ! N’hésitez pas en parler autour de vous et à inviter vos amis à se le procurer.
A propos d’Eric Lemaître
Père de famille, marié avec Sabine, Éric Lemaître est rémois, socio-économiste de profession, enseignant à l’ESI Reims, chrétien de confession.
Éric Lemaître a également contribué à lancer le courant pour une écologie humaine au sein de sa propre région. Il est également le coauteur avec Alain Ledain et d’autres auteurs de deux ouvrages, l’un sur le concept de genre, Masculin et/ou féminin : peut-on choisir ? aux éditions Farel, et l’autre intitulé Vers une société de l’uniformisation. Les défis de la Nouvelle Babylone, aux éditions Ethique Chrétienne.
Pour plus de détails, cf. https://deconstructionhomme.com/.