Covid-19 : une église chrétienne sert de bouc-émissaire.

Par Eric Lemaître

Publié le 8 mai 2020

Le bouc émissaire nous renvoie forcément à l’histoire même de notre humanité, où il fallait tuer l’animal, pour expier la faute du peuple. C’est dans l’Ancien Testament, au chapitre 16 du Lévitique, dans les versets 20, 21, 22 [1] que nous est décrit le rituel d’expiation qui symbolise toute la dimension sacrificielle qui représente l’acte d’ôter la faute, cette faute qui plonge le peuple dans une forme de châtiment collectif, mais dont le peuple est épargné, s’il consent à présenter un sacrifice. La symbolique du bouc émissaire est donc celle du transfert : transférer la faute sur autrui, lui faire endosser la faute afin que le reste n’ait pas à payer collectivement la faute. Aujourd’hui le rôle du bouc émissaire est celui que l’on entend désigner pour stigmatiser, pour conjurer les maux éprouvés par la collectivité. Le bouc émissaire devient aussi l’exutoire d’un ressentiment que l’on projette sur autrui. Le bouc émissaire est toujours exhumé quand il s’agit de partager sa haine dans les situations les plus tragiques où coûte que coûte il faut rechercher le responsable coupable. Pour expier, certaines sociétés n’ont pas hésité au cours de l’histoire à exclure, à châtier, à condamner, à cracher sa haine, à déverser sa malveillance, et à propager des rumeurs comme pour incendier de prétendus coupables.

Or l’évocation de notre histoire contemporaine démontre que nos civilisations prétendument évoluées sont susceptibles de sombrer dans des heures peu glorieuses qui ont parsemé les siècles passés. Nous avons oublié socialement à quel point la violence peut surgir et naître d’événements tragiques, cette violence peut émaner de la calomnie comme de la dénonciation, comme d’une volonté de trouver un médiateur qui deviendra le souffre-douleur d’une peine collective vécue par une cité, une communauté, des hommes ou des femmes, confrontés à l’épreuve.

Aussi faut-il rechercher à tout prix le coupable, le bouc émissaire, cette figure emblématique, symbolique et victimaire qui doit endosser la faute, la responsabilité, la seule responsabilité de nos maux. Mécanisme qui expurge notre propre affliction ou calvaire dont il faut bien faire émerger une cause pour la dénoncer ensuite. Il faut ainsi dévoiler le responsable de tous nos malheurs. Ce mécanisme d’attaque contre une communauté ou un groupe ou une personne plus faible permet à certains individus qui l’utilisent de maintenir un sentiment de moralité intact puis de dissimuler ses propres responsabilités ou détourner l’attention sur l’origine du problème. Comme vous le savez et je l’ai souvent cité dans mes chroniques, rien de nouveau ne naît sous le soleil ; d’ailleurs, il nous suffit de redécouvrir une des fables de La Fontaine, un des grands classiques de la littérature française, pour comprendre le déroulement de ce processus collectif où l’on en vient à s’entêter contre celui qui est devenu le souffre-douleur de toute la communauté. Ainsi, dans « Les animaux malades de la peste », il fallait s’acharner contre l’âne, devenu le souffre-douleur de la communauté, il fallait, quel qu’en soit le prix, le pendre et en finir avec lui, comme si avec la disparition du baudet, nous mettions fin à l’épreuve. Ce texte, il convient de le relire pour comprendre la dimension que revêtent parfois les mécanismes de diffamation, d’accusation de violence, de calomnie, de soupçon haineux, dirigés contre des groupes, contre des communautés. « L’Âne vint à son tour et dit : J’ai souvenance. Qu’en un pré de Moines passant, la faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense quelque diable aussi me poussant, je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net. À ces mots on cria haro sur le baudet. Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue, qu’il fallait dévouer ce maudit animal, ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable ! Rien que la mort n’était capable d’expier son forfait : on le lui fit bien voir ». Comme dans la fable de La Fontaine, « Les animaux malades de la peste », la logique du bouc émissaire s’inscrit parfois contre celui qui est différent, « le baudet galeux et pelé », sur le refus de la différence et ce fait s’est souvent avéré juste tout au long de l’histoire et notamment au cours des différents épisodes qui ont marqué les troubles de l’infection pestilentielle au sein de notre nation comme en Europe. Le coupable de cette tragédie, c’était forcément le Juif ; par la force des choses, ce métèque a été le bouc émissaire de la communauté, sûrement il est coupable d’être différent, lui le « baudet galeux et pelé », l’âne qui est différent des autres. Comme dans cette fable, il faut juguler, circonscrire le mal, les esprits s’échauffent, il faut un coupable, le coupable ce n’est pas la pandémie virale, mais c’est forcément un semblable autant victime que nous, mais qui fera l’affaire pour expier notre faute.

Il y a là incontestablement une logique sacrificielle, parfaitement explorée par le philosophe René Girard : « Les persécuteurs finissent toujours par se convaincre qu’un petit nombre d’individus, ou même un seul peut se rendre extrêmement nuisible à la société tout entière, en dépit de sa faiblesse relative ». J’aurais ajouté le mot « utile » au lieu de nuisible, dans un sens plutôt ironique. En écrivant ces lignes, je pense à l’affaire Alfred Dreyfus qui est l’archétype du bouc émissaire dans la mémoire collective de notre nation. Le coupable idéal, le coupable utile, ajouterais-je à nouveau, le coupable sur lequel on fait retomber tout le ressentiment, l’animosité, les rancœurs, dont a été victime le peuple juif à la fin du XIXe siècle. Le capitaine Dreyfus était un homme innocent, une forme de martyre, de bouc émissaire de l’acharnement collectif d’une entité sociale pour s’exonérer, s’exempter de sa propre faute, de sa propre culpabilité. L’acharnement d’ailleurs peut être savamment entretenu par les corps institutionnels d’une nation, les représentants de l’État, comme nous le verrons, dans cette nouvelle chronique.

J’écoutais également sur France Culture l’intervention de Patrick Zylberman [2], professeur émérite d’histoire de la santé à l’École des Hautes Études en Santé Publique qui s’empressait de souligner le mal endémique qui traverse l’histoire humaine et pointant l’absolue naïveté de quelques-uns à imaginer le progrès moral chez l’homme dans les périodes de propagation d’épidémie virulente. Concernant le progrès moral, il n’en est rien en fait : « C’est un comportement millénaire. Ceux qui croient que nous ferions des progrès sur le plan moral sont des naïfs et des gens dangereux. En réalité les comportements sont toujours les mêmes, et les comportements de discrimination et de stigmatisation apparaissent dès qu’effectivement le bruit d’une épidémie de ce type se répand« . Puis Patrick Zylberman enchaîne : « On a toujours exactement la même chose, c’est-à-dire qu’on s’en prend d’abord à des boucs émissaires. Ce sont des choses profondément ancrées dans nos têtes, dans nos esprits. Ce sont des choses de l’ordre de la peur, des passions, etc. Et c’est absolument ingouvernable. Tout ce qu’on peut espérer c’est que ça passe le plus vite possible. » Comment de fait ne pas se souvenir de la peste noire au cours du XIVe siècle, avec ses rumeurs nauséabondes, répandant le bruit que les Juifs étaient les émissaires de Satan pour expier la faute de pseudo-chrétiens, cette rumeur nauséabonde conduisit les mêmes «religieux», ces pseudo-chrétiens à les expulser. Ils décidèrent parfois de les massacrer, de les exterminer par milliers, persuadés que ces derniers avaient contaminé les lieux de leur vie sociale. Les flambées de violence, ces flambées qui étaient appelées pogroms caractérisent systématiquement les civilisations qui se sentent menacées, soumises aux pires épreuves, aux pires crises sociales. Et ce fut typiquement le cas lors de la pandémie, de l’infection calamiteuse, surnommée la Peste noire, un fléau qui allait décimer une grande partie de la population, et ce dans un intervalle de quelques années. Les Juifs seront mis à l’index, accusés de tous les maux dont celui de la peste noire, des pogroms expiatoires seront organisés qui frapperont les Juifs dans la plupart des régions et notamment dans l’Est de la France où la peste s’étendit. Le pogrom le plus sanglant a lieu donc à Strasbourg, le carnage criminel est connu comme le massacre de la Saint-Valentin puisqu’il advient le 14 février 1349 [3]. A cette occasion, près de 2000 Juifs seront assassinés [brûlés vifs.] La même population strasbourgeoise s’était également révoltée contre le pouvoir local jugé trop favorable à l’endroit des Juifs. À tort nous avons pensé que les phénomènes de violences, de stigmatisation ne concernaient que les sociétés archaïques, primitives, mais il n’en est rien comme le mentionnait précédemment Patrick Zylberman. Il y a comme une forme de perpétuation de ce rituel dans toute crise et en l’occurrence dans cette grave crise pandémique, comme la manifestation, comme le rejet de la singularité de « l’autre », le désir de maintenir un sentiment de dégoût en discriminant notamment ceux qui croient aujourd’hui au ciel et qui n’ont finalement pas empêché la propagation du mal. Le bouc émissaire est en réalité pluriel, protéiforme. Le bouc émissaire est aujourd’hui une église évangélique d’où est partie la foudroyante pandémie qui a contaminé toute la région Est. Beaucoup incriminent un rassemblement qui n’avait jamais été interdit et dans un contexte où plusieurs reprochaient à certains d’exagérer l’ampleur de l’épidémie, où l’État n’avait à l’époque pris aucune mesure, aucune précaution, aucune prudence pour prévenir un risque épidémique. Rappelons les faits et seulement les faits. La pandémie du Covid-19 en Italie se diffuse à partir du 31 janvier 2020, lorsque deux touristes chinois sont testés positifs pour le SARS-CoV-2. La détection du Covid-19 chez ces touristes chinois se fait alors dans la capitale italienne, Rome. Un autre groupe de cas de Covid-19 est ensuite signalé en Lombardie, à commencer par 16 cas confirmés le 21 février, 60 autres cas le 22 février et les premiers décès en Italie sont signalés le même jour. Le 28 février, il y avait 21 décès et 888 cas confirmés dans le pays. Alors que l’État français avait eu connaissance de ce début de pandémie, aucune décision en Europe et pas plus qu’en France n’avait interdit d’éventuels rassemblements, aucune interdiction de vie collective n’avait alors été prise. Pourtant, les autorités sanitaires semblaient être parfaitement informées de la dangerosité du virus. En pleine épidémie de Covid-19 en Italie, le match entre l’Olympique lyonnais et la Juventus Turin est maintenu le mercredi 26 février. L’église évangélique de Mulhouse organise entre le 17 et le 24 février un rassemblement avec plus de 2000 fidèles. Dans le contexte de ce mois de février, il n’y avait aucune indication de prudence qui ait été donnée à quelque rassemblement que ce soit et pas même au Groupama Stadium qui accueillait en son sein des milliers de supporters, [la capacité du stade est de 59 186 places] et n’avait nullement fermé ses portes aux supporters en provenance de Turin [4]. Il y avait là un brassage de populations. Il est curieux qu’il ne soit venu à quiconque de stigmatiser l’Olympique Lyonnais. Alors que le journal Le Point [5] titrait la « bombe atomique » du rassemblement évangélique de Mulhouse, mettant ainsi sur le devant de la scène une église évangélique « coupable d’avoir organisé un rassemblement d’où est partie la contagion foudroyante. Nous avons là des éléments de stigmatisation portant les germes d’une haine sans pareille qui a été vécue par les responsables de la Porte Ouverte. Plusieurs journaux, quelques quotidiens de la presse nationale, ont alors blâmé un rassemblement évangélique qui n’avait jamais été interdit. Les chrétiens devaient endosser la responsabilité, des torrents de haine ont été également répandus, y compris dans les réseaux sociaux, véritables caisses de résonnance pour propager la haine de l’autre, révélant ainsi et à grande échelle la noirceur des attitudes capables de victimiser des personnes elles-mêmes endeuillées par le covid-19. Il s’ensuivit même des menaces de mort et une certaine forme de lâcheté au sein de certaines églises traditionnelles et autorités administratives qui tentèrent de se disculper et de n’endosser aucune forme de responsabilité aux yeux de la population locale et de la région Est.

Le pire pour renforcer cette stigmatisation, les modèles mathématiques ont été convoqués pour expliquer que l’église évangélique a été forcément à l’origine de l’explosion du covid-19, et si Rome brûle, c’est indubitablement la faute de ce rassemblement chrétien. C’est ce point-là qui m’a profondément alerté, non seulement comme chrétien moi-même, mais cette dimension très imprudente qui consiste à apporter une démonstration à un événement dramatique en se fondant implicitement sur une modélisation statistique. Reprenons donc cet élément que j’entends ici discuter et tentons d’entrevoir le «formidable» argument et d’en extraire dans le propos la dimension de bouc émissaire qui résulterait d’un tel commentaire. Citons de fait ce texte paru dans la presse dans les Dernières Nouvelles d’Alsace le 13 avril 2020 [6] :

« Une modélisation statistique et sanitaire transmise au conseil scientifique mis en place par le gouvernement sur la propagation du coronavirus en France a abouti à un résultat sans équivoque : sans le rassemblement évangélique de la Porte Ouverte Chrétienne, qui s’est tenu du 17 au 24 février à Mulhouse, la France serait au même niveau que l’Allemagne en termes de contamination. Autrement dit, avec quatre fois moins de personnes hospitalisées. »

Il convient, selon moi, d’être alerté par la dimension à la fois insidieuse du propos et par le titre très imprudent de la presse. Cela a même quelque chose de sournois [« Épidémie : le rassemblement évangélique de Mulhouse a tout fait basculer ».] Le rassemblement évangélique a tout fait basculer, voilà, en quelque sorte en filigrane dans l’écriture très stylisée afin que chacun comprenne, que les responsables de l’incendie que nous vivons sont explicitement désignés. Le rassemblement n’est pas coupable, d’aucune sorte, puisque ce rassemblement n’a enfreint aucune interdiction administrative. Ou alors le préfet a totalement omis de s’informer de l’éventuelle dangerosité d’un virus qui pouvait amener d’un rassemblement qui concerne aussi les frontaliers suisses, luxembourgeois, allemands.

Le titre est finalement particulièrement évocateur, il rend responsable une communauté chrétienne d’avoir formé le début d’un cluster épidémique. C’est la construction même de l’argument qui est habilement formulé sous-entendant que si de tels rassemblements n’avaient pas eu lieu, nous n’en serions pas à l’émergence d’un premier foyer contagieux. L’argument rationnel sans précaution aucune est facile, il commence par la modélisation statistique. Le paradigme mathématique est ainsi convoqué, ce qui suppose en conséquence une démonstration sans équivoque : il n’y a pas de discussions possibles, vous êtes prié de circuler, la démonstration est apportée puis étayée par le modèle. Mais reconnaissons que ce même modèle devra être appliqué au porte-avions Charles de Gaulle qui a fait escale à Toulon le dimanche 12 avril 2020, et dont la première escale date du 15 mars à Brest, alors que la France est en pleine crise épidémique. Le porte-avions Charles de Gaulle rassemble à son bord plus de 600 personnes infectées par le covid-19, mais là il s’agit de la défense nationale, de la responsabilité de l’État. L’incriminerons-nous comme nous le faisons pour l’église évangélique ? La question est posée et mérite sans aucun doute de l’être ! Il est assez pernicieux de mentionner le rassemblement évangélique, cela aurait pu être en effet n’importe quel autre rassemblement, mais il y a là une dimension stigmatisante, une manière de pointer du doigt l’aspect irresponsable de communautés chrétiennes qui expriment la joie de célébrer ensemble un événement habituel. Et en regard de l’événement vécu à Mulhouse, les autorités seraient en peine d’examiner cette parole extraite de la lecture d’un évangile : « Ôte premièrement ta poutre avant d’y extraire la paille dans l’œil de ton prochain. » Notons en outre que ce rassemblement avait lieu chaque année et ne faisait jusqu’à présent aucun écho dans la presse, semble-t-il, ou en tout cas il n’y a pas eu de propos malveillants ?

Mais pour revenir à l’énoncé des modèles mathématiques pour expliquer la propagation de la pandémie, il existe bien d’autres conditions pour faire jaillir des clusters au-delà d’un rassemblement religieux, la région du Haut-Rhin qui après Strasbourg est la deuxième ville d’Alsace est une région relativement urbanisée avec de nombreux échanges frontaliers avec la Suisse et l’Allemagne. Or à titre de comparaison, la Lombardie est une région dense d’un point de vue urbain, une région qui elle-même comme chacun maintenant le sait a été violemment frappée par le covid-19. Le territoire compte sans doute davantage d’habitants comparativement à l’Alsace (la région Lombardie avoisine 10 millions d’habitants), mais elle est aussi une région de brassages où les échanges commerciaux sont les plus développés. Ce mouvement perpétuel d’habitants, ce brassage des populations aurait favorisé la diffusion de la pandémie. Donc le rassemblement religieux qui est ici utilisé pour expliquer la propagation du virus à des fins de démonstration semble abusif, puisque sociologiquement l’instinct grégaire des êtres humains nous pousse tout simplement à nous retrouver, à nous rassembler et vivre des communions intenses, des moments de convivialité. Il semble que la mémoire ait été courte pour beaucoup d’entre nous : comment peut-on omettre, comme je le rappelais, que les derniers événements sportifs autorisés à Lyon par exemple avec des Turinois n’étaient pas si éloignés du foyer pandémique et que l’on apprenait également des cas de covid-19 dans le Piémont ? Bien entendu, il faut le reconnaître et ne pas l’ignorer, le début d’un foyer est bien né à Mulhouse, mais il aurait pu naître au cours d’une rencontre sportive ou bien émerger comme en Lombardie à partir d’un seul individu qui rencontre trois individus et trois individus qui croisent le même nombre, et puis connaître un développement exponentiel par un effet de démultiplication, qui résulte de la rencontre d’un seul malade atteint par le covid-19. Donc il est indispensable d’être prudent avec ce type de modèle, alors qu’il suffit en effet d’une seule personne pour faire émerger un foyer épidémique [1=>3=>9=>81, etc.] L’usage d’un modèle statistique à partir d’un événement est juste une extrapolation infondée, et que démontre a fortiori l’expansion du virus en Grande-Bretagne ou dans bien d’autres régions dans le monde. La Chine, pays militant de l’athéisme, n’a pas empêché la propagation mondiale d’un virus terrifiant. Les crises réveillent parfois l’irrationalité, alors que l’on veut asseoir une démonstration sur un modèle statistique équivoque, mais qui ne prouve rien ! Le constat factuel suffit en soi : instrumentaliser pour légitimer une conséquence et pointer l’origine religieuse comme étant l’effet atomique de la propagation du virus relève d’une forme de sophisme scientifique, une argumentation à la logique fallacieuse. C’est utiliser un argument d’autorité. Or il convenait dans cet article de démasquer la rhétorique qui contrevient à la vérité en faussant l’argument. L’église évangélique de Mulhouse ne doit nullement devenir le bouc émissaire de sa ville, de sa région et de notre nation. Pleurons plutôt avec elle les familles endeuillées et apprenons de ce terrible fléau des leçons à en tirer pour orienter différemment notre vie.

Notes :

[1] Texte du Lévitique 16:20-22 :

« Lorsqu’il aura achevé de faire l’expiation pour le sanctuaire, pour la tente d’assignation et pour l’autel, il fera approcher le bouc vivant. 21 Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d’Israël et toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché ; il les mettra sur la tête du bouc, puis il le chassera dans le désert, à l’aide d’un homme qui aura cette charge. 22 Le bouc emportera sur lui toutes leurs iniquités dans une terre désolée ; il sera chassé dans le désert. »

[2] Darwell Queffelec. « Épidémie : la fabrique des boucs émissaires ». 3 février 2020. https://www.franceculture.fr/histoire/epidemies-la-fabrique-des-boucs-emissaires.

[3] Le 14 février, jour de la Saint-Valentin, le quartier juif est cerné et ses habitants conduits au cimetière de la communauté. Là, l’on bâtit un immense bûcher où ils sont brûlés vifs. Certains autres sont enfermés dans une maison en bois à laquelle l’on met le feu. Celui-ci se prolongea pendant six jours.

[4] Trois députés de La République en Marche avaient écrit au nouveau ministre de la santé, Olivier Véran, pour lui demander d’interdire, en raison de l’épidémie de coronavirus, la venue de 3 000 supporters italiens au Groupama Stadium pour le match de Ligue des champions entre l’Olympique Lyonnais et la Juventus de Turin, le mercredi 26 février. Rappelons que la direction générale de la santé justifiait ce choix de déplacement des supporters par le fait que, à la différence de la Lombardie ou la Vénétie, la région piémontaise n’est pour l’heure pas considérée comme un foyer de l’épidémie.

[5] « Coronavirus : la « bombe atomique » du rassemblement de Mulhouse ». Lepoint.fr. 28-29 mars 2020. https://www.lepoint.fr/sante/coronavirus-la-bombe-atomique-du-rassemblement-evangelique-de-mulhouse-28-03-2020-2369173_40.php.

[6] « Épidémie : le rassemblement évangélique de Mulhouse a tout fait basculer ». Dernières Nouvelles d’Alsace. 13 avril 2020. https://www.dna.fr/fil-info/2020/04/13/epidemie-le-rassemblement-evangeliste-de-mulhouse-a-tout-fait-basculer.

Note de B&SD :

Le titre original de l’article est « Le bouc émissaire« . Cet article a été publié par l’auteur sur son blogue le 21 avril 2020.


A propos de l’auteur

Eric Lemaître

Eric Lemaître est socio-économiste et a été professeur associé de 1998 à 2009 à l’Ecole Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Reims. Il s’est spécialisé sur les questions éthique, s’est employé depuis bientôt quatre ans à nous sensibiliser sur les questions touchant au transhumanisme et à l’économie numérique. Il critique la prétention de la technoscience à satisfaire les besoins de l’homme aspirant à être l’égal de Dieu. Avec lui nous découvrirons la résonance que prend la lecture de la Genèse à l’aune des prochaines mutations engagées au sein de notre notre humanité visant à détruire l’homme fait à l’image de Dieu. Il est l’auteur et co-auteur de plusieurs essais, dont La déconstruction de l’homme : Critique du Système technicien, Masculin et Féminin peut-on choisir ?, Vers une société de l’uniformisation et Transhumanisme, la conscience mécanisée. Il tient le blogue La déconstruction de l’homme sur lequel les chapitres de son livre portant le même titre peuvent être trouvés, et qu’il met à jour régulièrement par de nouvelles réflexions.

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