L’argument profondément personnel de Ronald Reagan en faveur du dessein intelligent

L’argument profondément personnel de Ronald Reagan en faveur du dessein intelligent

Par John G. West

Source de la photo : Adobe Stock.
Le président Ronald Reagan plaide en faveur d’une conception intelligente de l’univers. Ces commentaires provenaient de son allocution au Petit-Déjeuner National de Prière du 4 février 1988.

Nous approchons du 113e anniversaire du président Ronald Reagan, qui tombe la semaine prochaine, le 6 février. Deux jours avant son anniversaire en 1988, M. Reagan a prononcé un discours lors du National Prayer Breakfast [n.d.t. : Déjeuner national de prière] à Washington, DC.

Il a déclaré aux participants qu’il avait « longtemps été incapable de comprendre l’athée dans ce monde si beau ». Avec une pointe de malice dans la voix, il a ajouté : « J’ai eu le désir impie d’inviter des athées à un dîner, de leur servir le plus fabuleux repas gastronomique jamais concocté et, après le dîner, de leur demander s’ils croient qu’il y a eu un cuisinier. »

Le public a réagi par des rires et des applaudissements appuyés.

Il s’agissait d’une réplique de M. Reagan à l’argument séculaire du dessein intelligent, l’idée que l’ordre et la finalité de la nature indiquent un concepteur. Tout comme une sculpture implique un sculpteur – ou, selon Reagan, qu’un repas gastronomique implique un maître cuisinier – les caractéristiques élégantes et fonctionnelles de la nature impliquent un créateur.

L’argument de base remonte à des millénaires et se retrouve chez les Grecs, les Romains, les Juifs et les chrétiens de l’Antiquité. Mais l’argument a gagné en puissance ces dernières années grâce aux découvertes contemporaines en physique, cosmologie, chimie et biologie.

Ce qui est intéressant, c’est que l’argument de Reagan en faveur d’un dessein intelligent ne faisait pas partie du texte préparé pour ses remarques ce matin-là. Il ne figurait pas non plus dans les premières versions de son discours, y compris celles qu’il a annotées. En d’autres termes, l’histoire n’a pas été écrite pour lui par les personnes chargées de rédiger ses discours. Il semble qu’il s’agisse d’une contribution spontanée de M. Reagan lui-même.

Ce n’était pas la première fois que M. Reagan présentait un argument en faveur d’un dessein intelligent.

« Ces oreilles complexes et parfaites »

L’un de ses passages préférés du livre autobiographique de Whittaker Chambers, Witness, présentait un argument similaire qu’il aimait citer. Dans ce passage, Chambers date sa rupture d’avec le communisme au matin où il a observé sa jeune fille en train de manger du porridge :

« Mon regard s’est arrêté sur les délicates circonvolutions de son oreille – ces oreilles complexes et parfaites. Cette pensée m’a traversé l’esprit : ‘Non, ces oreilles n’ont pas été créées par le hasard d’un assemblage d’atomes dans la nature… Elles n’ont pu être créées que par un immense dessein’. » (« Foreword in the Form of a Letter to My Children », Witness).

Dans sa propre autobiographie, M. Reagan a fait part de sa fascination précoce pour le fait que la nature pointe vers une réalité au-delà d’elle-même. À l’âge de cinq ans, sa famille louait une maison à Galesburg, dans l’Illinois, et le grenier contenait « une énorme collection d’œufs d’oiseaux et de papillons enfermés dans des vitrines ». M. Reagan se souvient qu’il « s’échappait pendant des heures dans le grenier, s’émerveillant des riches couleurs des œufs et des ailes complexes et fragiles des papillons ». Il a ajouté que « cette expérience m’a laissé un respect pour l’œuvre de Dieu qui ne m’a jamais quitté » (Reagan, An American Life, chapitre 1).

La source ultime de l’argument du banquet de M. Reagan en faveur d’un dessein intelligent n’est pas claire. Le Petit-déjeuner de prière de 1988 semble être la première fois où Reagan a cité cette histoire lors de l’exercice d’une fonction publique en tant que président. Une recherche dans les documents officiels de la présidence n’a pas permis de trouver d’autres exemples.

Pourtant, les racines de l’histoire du banquet de M. Reagan remontent peut-être à une source lointaine.

Pendant des décennies, M. Reagan a recueilli et conservé ses commentaires, histoires et plaisanteries préférés sur des cartes de notes, dont il s’inspirait lors de ses discours publics. Des années après la mort de M. Reagan, ces cartes ont été redécouvertes dans une boîte anodine conservée à la bibliothèque présidentielle Reagan. À l’intérieur de la boîte se trouvait une pile spéciale de cartes attachées par un élastique, qui contenait sa collection de répliques (Douglas Brinkley, éditeur, The Notes: Ronald Reagan’s Private Collection of Stories and Wisdom, Introduction).

L’une de ces cartes contenait le cœur de son histoire de banquet gastronomique :

« Demande à un athée qui vient de déguster un excellent repas s’il croit à l’existence d’un cuisinier. »

The Notes, 202.

Les cartes originales n’étant pas accessibles aux chercheurs, il est difficile de savoir quand la carte contenant ce commentaire a été créée. Elle a pu être créée à n’importe quel moment, depuis l’époque où il travaillait pour General Electric jusqu’à ses années à la Maison-Blanche. Cependant, elle a certainement été créée avant le Petit-déjeuner de prière de 1988 – très probablement, de nombreuses années auparavant.

Ainsi, bien que le Petit-déjeuner de prière ait été la première fois que M. Reagan, en tant que président, a utilisé publiquement cette histoire de dessein intelligent, ce n’était probablement pas la première fois qu’il l’utilisait au cours de sa vie d’orateur.

Et ce ne serait pas non plus la dernière. Pour une raison ou une autre, au cours de la dernière année de son mandat, M. Reagan a semblé retrouver l’enthousiasme pour son vieil argument en faveur du dessein intelligent tiré de de sa carte de notes, et il l’a invoqué à maintes reprises.

Il a partagé cet argument deux fois lors de son sommet à Moscou avec le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, une fois avec le personnel de l’ambassade américaine à Londres, et enfin, au cours de l’été 1988, lors d’un discours public prononcé devant des milliers de jeunes réunis à Washington, DC, pour un congrès estudiantin sur l’évangélisation.

Mais ce n’est que lors de son entretien privé avec M. Gorbatchev à Moscou que M. Reagan a révélé une raison profondément personnelle pour laquelle il gardait un intérêt aussi fort pour l’argument.

La foi d’un président

Aujourd’hui, on se souvient souvent du sommet de Moscou comme de l’endroit où le président Reagan a finalement reconnu que la guerre froide était terminée.

Après s’être promené sur la place Rouge avec M. Gorbatchev, M. Reagan s’est vu demander s’il considérait toujours l’Union soviétique comme un « empire du mal », ce à quoi il a répondu : « Non… Je parlais d’un autre temps, d’une autre époque. »

Bien que la guerre froide fût terminée, M. Reagan avait encore une dernière mission à accomplir à Moscou. Il ne s’agissait pas seulement de renforcer le contrôle des armements, de promouvoir le capitalisme ni même de plaider en faveur d’une plus grande liberté politique.

Il s’agissait d’amener l’Union soviétique à ouvrir la porte à la croyance en Dieu.

Le samedi 28 mai 1988, la veille de son arrivée au sommet, M. Reagan écrivit dans son journal :

« Nous avons discuté de la première réunion de demain, qui sera un tête-à-tête entre Gorby et moi : je vais lui parler de la liberté religieuse. »

The Reagan Diaries, 612.

Au fil des années, de nombreux experts se sont montrés dédaigneux à l’égard de la foi religieuse de M. Reagan, la comparant, sur un ton défavorable, à la foi plus publique du président Jimmy Carter, « né de nouveau ». Mais grâce aux travaux du politologue Paul Kengor et d’autres, nous savons aujourd’hui que M. Reagan n’exhibait pas des sentiments religieux seulement par convention. Il était pieux, et sa croyance en Dieu était l’une des principales raisons pour lesquelles il s’opposait à l’Union soviétique. M. Reagan pensait que le système athée imposé par l’État empêchait les gens d’accéder au bonheur éternel.

Dans son célèbre discours de 1983 sur « l’empire du mal », M. Reagan déclara ce qui suit :

« Prions pour le salut de tous ceux qui vivent dans ces ténèbres totalitaires – prions pour qu’ils découvrent la joie de connaître Dieu. »

L’intérêt de M. Reagan pour la condition spirituelle des gens ne se limitait pas au niveau de la nation.

Le 19 mai 1982, alors que la santé de son beau-père, Loyal Davis, était chancelante, M. Reagan écrivit dans son journal :

« J’ai tellement envie de lui parler de la foi. Il a toujours été agnostique – maintenant je pense qu’il connaît la peur pour la première fois de sa vie. Je crois que c’est le moment où il devrait se tourner vers Dieu et je veux tellement l’aider à le faire. »

The Reagan Diaries, 85.

Plus tard, M. Reagan écrivit à son beau-père une longue lettre sincère citant Jean 3:16 et l’exhortant à accepter Christ. Le texte de la lettre n’a été révélé qu’en 2018, lorsqu’il a été publié pour la première fois dans le Washington Post. Nancy Reagan semble penser que l’intervention de son mari a joué un rôle dans le fait que son père a cherché à rencontrer un aumônier d’hôpital peu avant sa mort.

En 1988, M. Reagan porta une fois de plus le fardeau de la condition spirituelle d’une personne encore plus proche de lui : son fils cadet et homonyme, Ron.

Aujourd’hui, l’athéisme du jeune Reagan est bien connu. Il aime se vanter d’être un « athée de toujours, qui n’a pas peur de brûler en enfer« . Mais l’athéisme de Ron Reagan n’était pas connu du public lorsque son père était président. Il s’agissait d’un sujet qui causait une profonde douleur au cœur de M. Reagan, et il avait été bouleversé lorsque son fils avait annoncé, à l’âge de 12 ans, qu’il n’irait pas à l’église parce qu’il était athée. Au fil des ans, le président Reagan eut de nombreuses conversations avec son fils dans l’espoir qu’il reviendrait à la foi.

« Il craignait que ma vie soit diminuée si je n’acceptais pas Christ comme mon sauveur », raconte Ron. « Nous nous disputions tout le temps à table. » Ron ajoute : « Je ne pense pas qu’il en perdait le sommeil. »

Il se pourrait qu’il se soit trompé sur ce point.

Lors de la réunion de la famille Reagan pour la fête d’Action de grâce (Thanksgiving) en 1985, après que Ron eut commencé à défendre son athéisme, M. Reagan se tourna vers son fils aîné, Michael, et lui dit en privé :

« Michael, j’ai prié pour que Ron accepte Christ comme toi et moi l’avons fait. »

Michael Reagan, Lessons My Father Taught Me, chapitre 12.

Trois ans plus tard, lors du sommet de Moscou, il s’avérerait que le destin éternel de Ron était toujours dans les préoccupations de son père.

Mission à Moscou

M. Reagan arriva à Moscou le dimanche 29 mai  1988 et tint sa première réunion en tête-à-tête avec M. Gorbatchev dans l’après-midi. Les deux hommes se rencontrèrent dans la salle Sainte-Catherine, à l’intérieur du Kremlin.

Bien que nous ne disposions pas d’une transcription textuelle de la conversation, nous possédons les notes confidentielles prises par le preneur de notes américain, et je citerai ces notes pour décrire ce qui s’est passé.

Selon le preneur de notes, M. Reagan a dit à M. Gorbatchev « qu’il souhaitait aborder un autre sujet qui avait été une sorte de rêve personnel pour lui. Il avait hésité à l’aborder avec M. Gorbatchev, mais il allait quand même le faire maintenant ».

M. Reagan était sur le point de se lancer dans ce qu’il appela dans son journal cette nuit-là « mon discours préféré – pourquoi il devrait donner à son peuple la liberté de religion » (The Reagan Diaries, 613).

Au fil de la conversation, M. Reagan exhorta M. Gorbatchev à accorder la liberté religieuse à tous les citoyens de l’Union soviétique, non seulement aux membres de l’Église orthodoxe russe, mais également aux musulmans, aux Juifs, aux protestants et aux catholiques ukrainiens.

M. Gorbatchev fut déstabilisé par la discussion. Insistant d’abord sur le fait que l’Union soviétique garantissait déjà la liberté religieuse, il tenta de retourner la situation contre M. Reagan en demandant au président « pourquoi les non-croyants aux États-Unis se sentaient parfois opprimés ». Il demanda pourquoi les non-croyants n’avaient pas les mêmes droits que les croyants.

M. Reagan répondit que les non-croyants avaient les mêmes droits et révéla à M. Gorbatchev sa propre douleur : il avait un fils athée, même si ce dernier se disait agnostique.

M. Gorbatchev concéda finalement à M. Reagan que l’Union soviétique avait peut-être commis « certains excès » dans son traitement de la religion par le passé.

Mais aujourd’hui, les choses s’améliorent, dit-il, et il s’engage à ce que lorsque les Soviétiques comme lui « parlent de perestroïka, cela signifie un changement, une expansion démocratique des procédures démocratiques, des droits, pour les rendre réels ; et cela concerne aussi la religion ».

M. Reagan aurait pu considérer qu’il s’agissait d’une victoire et s’arrêter là. Mais il continua à insister. Il « invita M. Gorbatchev à examiner les droits religieux prévus par notre Constitution », qui incluait même le droit de ne pas combattre dans les forces armées si l’on était objecteur de conscience. M. Reagan dit à M. Gorbatchev que s’il faisait ce qu’il demandait, il « serait un héros et… une grande partie des sentiments contre son pays disparaîtraient comme l’eau sous un soleil brûlant ».

M. Reagan raconta ensuite à Gorbatchev une histoire émouvante qu’il avait racontée dans son discours du Déjeuner de prière en février précédent. Cette histoire démontrait l’aspiration de l’homme à Dieu et évoquait même les preuves d’un dessein intelligent dans la nature.

M. Reagan « dit qu’il avait reçu une lettre de la veuve d’un jeune soldat de la Seconde Guerre mondiale. Il était allongé dans un trou d’obus à minuit, attendant l’ordre d’attaquer. Il n’avait jamais été croyant, car on lui avait dit que Dieu n’existait pas ». Mais lorsque le jeune soldat leva les yeux vers les étoiles, il sut qu’il s’était trompé.

Comme nous ne disposons que de notes résumant ce que M. Reagan a dit à M. Gorbatchev, nous ne savons pas dans quelle mesure M. Reagan a expliqué au secrétaire général du parti communiste les raisons pour lesquelles le soldat a changé d’avis. Mais lorsqu’il a raconté l’histoire au Petit-déjeuner de prière, il a cité directement la lettre du jeune soldat, ce qui a rendu les choses très claires.

« Je n’ai jamais contemplé ta création »,

écrit le soldat,

« et pourtant, ce soir, en regardant mon trou d’obus, je me suis émerveillé devant les étoiles scintillantes au-dessus de moi et j’ai soudain compris la cruauté du mensonge [de l’athéisme]. »

M. Reagan dit à Gorbatchev que le soldat « avait fait une prière en espérant que, s’il mourait au combat, Dieu l’accepterait ». M. Reagan garda la surprise pour la fin : le soldat qui avait écrit la lettre n’était pas américain. Il était russe.

M. Gorbatchev sembla ne pas savoir quoi répondre à ce moment-là et, après quelques commentaires pro forma, il tenta de changer de sujet et d’évoquer la possibilité d’une mission conjointe soviéto-américaine sur Mars. M. Gorbatchev tenta alors de conclure en déclarant à M. Reagan « qu’il était très satisfait de cette première discussion. Cela confirmait que les deux dirigeants étaient toujours en bons termes ».

De son côté, M. Reagan n’était pas tout à fait prêt à lâcher prise.

Plutôt que de conclure par des plaisanteries inoffensives, il décida de relancer son histoire de dîner gastronomique !

Mais cette fois-ci, il la raconta avec une légère, mais importante, entorse à la règle.

À toutes les autres occasions où M. Reagan avait partagé publiquement son histoire en 1988, il l’avait toujours présentée comme mettant en scène des athées génériques et sans nom.

Pourtant, lors d’une réunion privée avec le communiste le plus puissant du monde, M. Reagan révéla qu’il y avait en fait un athée particulier qu’il voulait atteindre.

Son fils.

Selon le preneur de notes, M. Reagan « conclut qu’il y avait une chose qu’il désirait depuis longtemps faire pour son fils athée. Il voulait servir à son fils un dîner gastronomique parfait, le laisser apprécier le repas, puis lui demander s’il croyait en l’existence d’un cuisinier ». M. Reagan ajouta qu’il « se demandait comment son fils répondrait ».

Je ne sais pas si M. Reagan a jamais proposé ce scénario à son fils. S’il l’a fait, Ron l’a probablement rejeté. Mais l’expérience de pensée sincère de M. Reagan a eu un impact sur un autre athée.

Selon le preneur de notes, « à la fin de la réunion, M. Gorbatchev déclara que la seule réponse possible était ‘oui' ».

Remerciements

Je suis reconnaissant à Otangelo Grasso de m’avoir fait connaître l’argument de M. Reagan en faveur du dessein intelligent. Je tiens également à remercier le personnel de la Reagan Presidential Library and Museum de m’avoir donné accès aux dossiers des archives Reagan relatifs à son discours du Déjeuner national de prière de 1988.

Source : https://evolutionnews.org/2024/01/ronald-reagans-deeply-personal-argument-for-intelligent-design/

Article original en anglais publié le 29 janvier 2024, et traduit de l’anglais et reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’Institut Discovery.


A propos de Ronald Reagan

Ronald Reagan et l’évolution

Ronald Reagan, alors candidat à la présidence, déclara devant une foule enthousiaste composée de plus de 10 000 chrétiens à Dallas que l’absence de « cette religion d’antan » dans les écoles publiques avait conduit à une augmentation des souffrances humaines. Il s’adressait à un rassemblement de prédicateurs et de politiciens de la Nouvelle Droite de plus de 41 États, réunis le 22 août 1980 pour participer à une « table ronde d’information sur les affaires nationales ». En référence à la théorie de l’évolution, M. Reagan déclara :

J’ai beaucoup de questions à ce sujet. Je pense que les découvertes récentes au fil des années ont mis en évidence de grandes failles [dans la théorie de l’évolution]. (….)

C’est uniquement une théorie. Et ces dernières années, elle a été contestée dans le monde scientifique, et elle n’est pas encore considérée par la communauté scientifique comme étant aussi infaillible qu’elle l’était autrefois [1].

Il ajouta ensuite que si la théorie de l’évolution devait être enseignée dans les écoles publiques, la version biblique de l’origine de la vie humaine devrait également l’être [1].

Ronald Reagan sur la divinité de Christ

Dans une lettre de mars 1978 adressée à un pasteur méthodiste libéral qui exprimait des doutes sur la divinité de Christ – et accusait celui qui allait devenir à l’époque le futur président des États-Unis Ronald Reagan de prôner une « théologie limitée du niveau de l’école du dimanche » –, M. Reagan répondit comme suit [2] :

Il est peut-être vrai que Jésus n’a jamais utilisé le mot « Messie » à propos de Lui-même (même si je ne suis pas sûr qu’Il ne l’ait pas fait), mais dans Jean 1, 10 et 14, Il s’identifie assez clairement et plus d’une fois. Y a-t-il vraiment une ambiguïté dans Ses paroles : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi » ?… Dans Jean 10, Il dit : « Je suis dans le Père et le Père en moi. » Et Il fait référence au fait d’être avec Dieu, « avant que le monde existe », et d’être assis à « la droite de Dieu ».

Ces déclarations et d’autres qu’Il a faites sur Lui-même excluent, à mon avis, toute remise en cause de Sa divinité. Il ne me semble pas qu’Il nous ait laissé le choix ; soit Il était ce qu’Il prétendait être, soit Il était le plus grand menteur du monde. Il m’est impossible de croire qu’un menteur ou un charlatan ait pu avoir sur l’humanité l’effet qu’Il a eu depuis 2000 ans. On pourrait se demander si même le plus grand des menteurs maintiendrait son mensonge jusqu’à la crucifixion, alors qu’une simple confession l’aurait sauvé … Nous a-t-Il permis le choix que vous et d’autres avez fait, selon vous, de croire en Ses enseignements, mais de rejeter Ses déclarations sur Sa propre identité ? [Notez que M. Reagan utilise le célèbre argument du trilemme « menteur, fou ou Seigneur » de C. S. Lewis.]

Je ne peux toujours pas m’empêcher de me demander comment expliquer ce qui est pour moi le plus grand miracle de tous et qui est rapporté par l’histoire. Personne ne nie qu’un tel homme ait existé, qu’il ait vécu et qu’il ait été mis à mort par crucifixion. Où… est le miracle dont j’ai parlé ? Eh bien, réfléchissez à cela et laissez votre imagination traduire l’histoire à notre époque, peut-être dans votre propre ville natale. Un jeune homme dont le père est menuisier grandit en travaillant dans l’atelier de son père. Un jour, il dépose ses outils et sort de l’atelier de son père. Il commence à prêcher au coin des rues et dans la campagne environnante, marchant d’un endroit à l’autre, prêchant tout le temps, même s’il n’est pas un ministre ordonné. Il ne dépasse jamais une zone d’environ 160 kilomètres de large au maximum. Il fait cela pendant trois ans. Il est ensuite arrêté, jugé et condamné. Il n’y a pas de cour d’appel, il est donc exécuté à l’âge de 33 ans avec deux brigands ordinaires. Ceux qui sont chargés de son exécution lancent des dés pour voir qui obtiendra ses vêtements, les seuls biens qu’il possède. Comme sa famille n’a pas les moyens de lui offrir un lieu de sépulture, il est enterré dans un tombeau emprunté. Est-ce la fin de l’histoire ? Non, ce jeune homme sans instruction et sans propriété a eu, depuis 2 000 ans, un plus grand effet sur le monde que tous les dirigeants, rois, empereurs ; tous les conquérants, généraux et amiraux, tous les érudits, scientifiques et philosophes qui ont jamais vécu, tous réunis. Comment expliquer cela – à moins qu’Il ne soit vraiment ce qu’Il prétend être [3] ?

Les origines intellectuelles de la foi de Ronald Reagan

(B&SD) : Nous reproduisons ci-dessous l’article intégral de Paul Kengor, « The Intellectual Origins of Ronald Reagan’s Faith » [4].

Un certain nombre de personnes ont cru en ce livre, God and Ronald Reagan, dès le début [5]. Beaucoup de personnes présentes dans cette salle font partie de cette catégorie, mais deux ne sont pas là. L’une d’entre elles, qui a joué un rôle absolument crucial, est un éditeur de New York nommé Cal Morgan. Le plus gros problème que j’ai rencontré avec ce livre a été de trouver un éditeur. Cal Morgan a vu le livre et a tout de suite compris son potentiel.

Une autre personne qui a défendu le projet dès le début est le regretté B. Kenneth Simon, qui aurait vraiment voulu être ici aujourd’hui. Ken Simon a été le premier à soutenir le projet. Ken a été profondément impressionné par le fait que le livre, en se concentrant clairement sur la foi de M. Reagan et en respectant la foi de M. Reagan, montrait un côté intellectuel de M. Reagan qui a été grandement sous-estimé. En fait, je voudrais dédier à Ken Simon cette intervention à la Foundation Heritage, un lieu que Ken aimait tant.

Vingt-trois ans se sont écoulés depuis l’investiture de Ronald Wilson Reagan en tant que quarantième président des États-Unis. Durant cette période, d’innombrables livres ont été écrits sur divers aspects de M. Reagan – sa philosophie politique, son programme économique, sa politique commerciale, sa politique au Moyen-Orient, son attaque contre le communisme soviétique, et même ses lettres d’amour à son épouse. Pourtant, la force la plus importante dans la vie de Ronald Reagan a été tristement négligée : sa foi en Dieu.

L’histoire a reconnu à juste titre le légendaire sens des convictions de M. Reagan. Les Américains n’ont jamais eu à se demander quelle était la position de cet homme sur telle ou telle question. Pourtant, si les principales convictions politiques de M. Reagan sont restées constantes à partir de la fin des années 1940, ses convictions religieuses l’ont été encore plus longtemps. L’histoire montre abondamment que M. Reagan était animé par ces convictions politiques fondamentales. Ce que l’histoire a oublié, c’est que ses convictions religieuses fondamentales l’ont porté encore plus longtemps.

D’où lui viennent ses valeurs spirituelles ? Il y a eu un certain nombre d’influences. Tout d’abord, sa mère, Nelle Reagan. Je suis persuadé que si Nelle Reagan était morte durant l’hiver 1918-1919, presque victime de l’épidémie de grippe dévastatrice qui a tué des millions de mères en bonne santé et d’âge moyen dans le monde entier, Ronald Reagan ne serait probablement pas devenu président. C’est Nelle qui insistait pour que son fils aille à l’église, ce qu’il a fait avec plaisir, et c’est à l’église que M. Reagan a acquis non seulement ces croyances et valeurs fondamentales, mais aussi les éléments intangibles si essentiels à son succès : sa confiance, son optimisme éternel (qu’il appelait un « optimisme donné par Dieu »), et même ses capacités oratoires. En effet, l’histoire a également négligé le fait que ce grand communicateur a trouvé ses premiers publics dans une église. C’est dans une église qu’il a appris à parler.

Outre Nelle, d’autres ont marqué les esprits : Ben Cleaver, Lloyd Emmert et les Waggoners. Certains personnages sont entrés dans l’histoire momentanément, ont joué un rôle crucial dans la vie et la carrière de M. Reagan – et donc dans l’histoire – puis ont quitté la scène pour toujours. Certains étaient des hommes comme le révérend Cleveland Kleihauer, dont l’influence assez extraordinaire (dans une église d’Hollywood dans les années 1940) est évoquée dans le livre.

Mon livre, God and Ronald Reagan, traite de toutes ces influences. Aujourd’hui, cependant, j’aimerais aborder brièvement le rôle de deux livres dans la formation de la foi de M. Reagan.

Influences intellectuelles

Il est intéressant de constater que pour un homme qui n’était pas considéré comme un intellectuel, deux auteurs ont joué un rôle fondamental dans les pensées les plus intimes de Ronald Reagan. Les deux livres préférés de Ronald Reagan – et ce n’est pas une coïncidence – ont tous deux eu un effet profond sur sa vie spirituelle. L’un était un livre de 1903 intitulé That Printer of Udell’s, écrit par un pasteur-romancier nommé Harold Bell Wright. L’autre était de Whittaker Chambers, qui, en 1952, a écrit son livre Witness. (En fait, M. Reagan a également cité la Bible comme l’un de ses livres préférés. Il a déclaré qu’elle était « le plus grand message jamais écrit ». C’est parce que – au moins en partie – il croyait que ses mots étaient « d’inspiration divine ». Il n’en a « jamais douté [6] » .

Bien entendu, Wright et Chambers n’ont pas été les seules influences intellectuelles de M. Reagan. Il lisait C. S. Lewis, à qui il a même emprunté  l’apologétique. Il était particulièrement attiré par les intellectuels conservateurs qui s’étaient convertis de l’athéisme ou de l’agnosticisme à un christianisme anticommuniste – des figures qui faisaient remarquer la relation (ou l’absence de relation) entre Dieu, la liberté et le communisme. Il s’agit de penseurs tels que Malcolm Muggeridge, Wilhelm Roepke et Frank Meyer. M. Reagan a également dévoré l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne, et il respectait beaucoup les écrits moins connus d’un avocat nommé Laurence W. Beilenson [7] (Beilenson et M. Reagan ont entretenu une relation de longue date, échangeant des idées dans de nombreuses lettres [8]).

Aujourd’hui, j’aimerais me pencher brièvement sur l’influence de Wright et de Chambers.

Cet imprimeur d’Udell

Quand il a eu l’âge adulte, on a demandé à Ronald Reagan quel était son livre préféré lorsqu’il habitait à Dixon, dans l’Illinois, dans les années 1920. Il a répondu que le livre qui « a fait une impression durable sur moi à l’âge de 11 ou 12 ans, principalement en raison de la bonté du personnage principal » était un livre dont « je suis sûr que vous n’avez jamais entendu parler » [9]. Il s’agit de That Printer of Udell’s: A Story of the Middle West, écrit par Harold Bell Wright en 1903 [10].

Il a également mentionné cet ouvrage dans ses mémoires lorsqu’il a parlé de ses « héros ». Il qualifie That Printer of Udell’s de « merveilleux livre sur un chrétien itinérant pieux », qui « a eu un tel impact sur moi que j’ai décidé de rejoindre l’église de ma mère [11] ». Dans une lettre qu’il écrit de la Maison Blanche à la belle-fille d’Harold Bell Wright, il ajoute :

Il est vrai que le livre de votre beau-père a joué un rôle important dans mon enfance. Alors que je n’avais que dix ou onze ans, j’ai pris le livre de Harold Bell Wright, That Printer of Udell’s [souligné par Reagan]… et je l’ai lu de la première à la dernière page….
Ce livre … a eu un impact dont je me souviendrai toujours. Après l’avoir lu et y avoir réfléchi pendant quelques jours, je suis allé voir ma mère et lui ai dit que je voulais déclarer ma foi et être baptisé. Nous fréquentions l’église chrétienne de Dixon et j’ai été baptisé quelques jours après avoir terminé ce livre.

Le terme « modèle » n’était pas familier à cette époque et dans ce lieu. Mais je me rends compte que j’ai trouvé un modèle dans cet imprimeur ambulant auquel Harold Bell Wright avait donné vie. Il m’a mis sur la voie que j’ai essayé de suivre jusqu’à ce jour. Je lui en serai toujours reconnaissant [12].

Les premiers mots d’Udell sont : « O Dieu, prends soin de Dick ! » C’est la dernière supplique de la mère mourante au cœur brisé du protagoniste du roman, Dick Walker. La mère du petit Dickie était une chrétienne convaincue qui a souffert aux mains d’une horrible créature, un conjoint alcoolique et violent. Dans la scène d’ouverture, la mère de Dick succombe tandis que son père gît sur le sol dans une stupeur éthylique.

Le jeune Dick s’échappe. Il s’enfuit immédiatement de chez lui et finit par devenir un clochard à Boyd City. Personne ne veut l’embaucher, y compris les chrétiens auxquels il fait appel dans un moment courageux et émouvant où il entre dans une église, attiré par la musique, les mots et la chaleur que lui avait décrits sa défunte mère. Le jeune vagabond entre dans l’église pour y trouver inspiration et conseils. Il sait, grâce à ce que sa mère lui a appris, que c’est un bon endroit, un lieu de refuge et de stabilité sur lequel il peut compter. Comme M. Reagan, la mère de Dick l’a conditionné à trouver du réconfort en Dieu. À l’église, avec Dieu, il a trouvé un point d’ancrage.

La scène de l’église est un élément central du livre. C’est là qu’il apprend ce qu’est l’église, ce qu’est sa propre personne et ce qu’est le « faux » christianisme par rapport au « vrai » christianisme ou au christianisme « pratique ». Un chrétien pratique est celui qui donnerait du travail à Dick [13]. Et c’est ce que fait un tel chrétien : un homme du nom de George Udell l’engage comme imprimeur, ce qui ouvre à Dick une sorte de voie d’Horatio Alger [*] vers l’amélioration et l’épanouissement personnel et spirituel. Dick devient un acteur important de l’église et de la communauté, un homme d’action.

Cet imprimeur d’Udell est un roman évangélique. Aujourd’hui, il ne trouverait sa place que dans les rayons fiction des librairies chrétiennes. Il comporte des chapitres avec des titres tels que « Philippiens 4:8 ». Cette section du Nouveau Testament souligne l’importance de la prière pour « tout » et, avec les mots de Christ, exhorte les chrétiens : « Tout ce que vous avez appris, reçu ou entendu de moi, ou vu en moi, mettez-le en pratique [14] ». M. Reagan lui-même dira plus tard que ce roman a fait de lui « un chrétien pratique [15] ».

Les lignes de démarcation claires entre le bien et le mal du roman ont marqué Dutch Reagan. Plus de cinquante ans après avoir lu Udell’s, il se souvient que ce roman, ainsi que d’autres livres de sa jeunesse, lui ont laissé « une croyance inébranlable dans le triomphe du bien sur le mal ». Ces livres, dit-il, mettaient en scène « des héros qui vivaient selon des normes de moralité et de justice [16] ». Il n’y avait pas de doute sur les bons et les méchants, ni d’équivalence morale.

La morale de l’histoire prend forme lorsque le nouveau Dick, amélioré, devenu imprimeur chez Udell et en passe de devenir un chrétien « pratique », conçoit un plan pour contribuer à sauver la ville misérable. Tout comme M. Reagan en est venu à croire que Dieu avait un plan pour lui, Dick Walker se croyait poussé par Dieu – même parfois sans le vouloir – dans le cadre d’un plan plus vaste. Dans le cas de Dick, il s’agissait d’un plan visant à faire « le travail de Christ dans la ville » – Boyd City, avec son « faible niveau de moralité [17] » (Comme M. Reagan, Dick a également appris à parler dans une chapelle. Le rhétoricien en herbe a été découvert alors qu’il perfectionnait son art, dans une église.)

Le plan de Dick fait une réelle différence. Les clochards, les cambrioleurs et les prostituées de la ville trouvent un bon travail ; les bars sont supplantés par des entreprises réputées, les concerts remplacent les spectacles burlesques. Les églises, naturellement, se développent, tout comme la fréquentation des collèges et des lycées. Boyd City devient un modèle, une sorte de ville brillante, qui montre comment le christianisme appliqué et les solutions de bon sens peuvent faire la différence. À un moment donné, un voyageur de commerce qui regarde par la fenêtre d’un train qui passe est frappé par l’amélioration de la situation : « Je suis sûr d’une chose, murmure-t-il, c’est qu’ils ont été frappés par un bon christianisme commercial de bon sens. »

Finalement, Dick, chrétien engagé, épouse une jeune fille aux yeux bruns nommée Amy Goodrich, dont il est instantanément épris. Elle devient sa compagne. Il est envoyé à Washington, D.C., en tant que représentant élu de Boyd City. La dernière image que nous avons de Dick est une image qui aurait humidifié les yeux de M. Reagan : il s’agenouille dans la prière avant de se rendre à Washington pour changer le monde, avec Amy admirative à ses côtés. Dick est une telle réussite qu’il ne peut rester confiné dans la petite ville de Boyd City. Il doit faire la différence dans l’ensemble de son pays.

En terminant la dernière page d’Udell, M. Reagan a fermé le livre et s’est approché de sa mère. « Je veux être comme cet homme », s’exclame-t-il en parlant de Dick, « et je veux être baptisé ». Ce livre a changé sa vie.

Witness

Des décennies plus tard, Ronald Reagan a lu un autre livre qui a ébranlé ses fondations. Publié par Random House en 1952, Witness de Whittaker Chambers a été, pour M. Reagan, une source d’informations et d’affirmations hypnotique [18]. Toutes les personnes interrogées dans le cadre de mon livre ont raconté que M. Reagan pouvait réciter mot pour mot des passages de Witness. Il existe des copies de discours de M. Reagan dans lesquelles il a barré des lignes et inséré des sections entières de Witness. Ces insertions mot à mot ont été faites à partir de sa mémoire exceptionnelle [19].

Le public d’aujourd’hui connaît bien l’histoire de Chambers : il n’est pas nécessaire de la rappeler ici. Pour ceux qui l’ignorent, je rappellerai brièvement que Chambers, autrefois athée et communiste, a accusé Alger Hiss, un haut fonctionnaire du département d’État, d’être un espion soviétique.

Le titre succinct du livre de Chambers, Witness, est astucieux. Oui, Chambers est devenu célèbre en tant que témoin dans le procès d’Alger Hiss. Mais il a été le témoin de bien d’autres choses encore. Un professeur d’histoire pourrait enseigner une grande partie de l’histoire du XXe siècle à travers la vie de Chambers. Pourtant, Chambers, dans son autobiographie, a servi de témoin d’un autre genre : témoin de la foi, de Dieu, de Christ, au sens où les chrétiens entendent le mot « témoin ». En fin de compte, il se considérait comme un témoin à la manière des personnes religieuses. Le pèlerinage de Chambers vers le christianisme est un fil conducteur tout au long de son autobiographie.

Dans mon livre, je consacre un chapitre entier aux nombreux liens entre Chambers et M. Reagan. Je ne citerai ici que quelques exemples.

Dans l’avant-propos de Witness, Chambers déclare franchement :

Je vois dans le communisme le foyer du mal concentré de notre époque [20].

Cela ressemble étrangement au discours de M. Reagan sur l’ « Empire du mal », prononcé quelque trente ans plus tard, dans lequel M. Reagan avait qualifié l’URSS de « foyer du mal dans le monde moderne ». Chambers employait fréquemment le mot « mal » pour décrire le communisme soviétique [21]. « Le communisme est absolument maléfique », déclarait-il dans Witness [22].

À la page 9 de Witness, l’on trouve un passage qui figurera plus tard dans le discours sur « l’empire du mal », ainsi que dans un discours moins connu de M. Reagan, prononcé en mars 1981 devant des croyants lors du dîner de la Conférence d’action politique conservatrice (CPAC). Parlant du communisme, Chambers écrit :

Ce n’est pas nouveau. C’est, en fait, la deuxième foi la plus ancienne de l’homme. Sa promesse a été murmurée aux premiers jours de la création sous l’arbre de la connaissance du bien et du mal : « Vous serez comme des dieux. »

Il poursuit comme suit :

Elles [les autres époques passées] ont toujours été des versions différentes de la même vision : la vision de Dieu et la relation de l’homme à Dieu. La vision communiste est la vision de l’homme sans Dieu. C’est la vision de l’homme qui supplante Dieu en tant qu’intelligence créatrice du monde [23].

De même, Ronald Reagan aimait à noter que :

Deux visions du monde restent opposées. La première croit que tous les hommes sont créés égaux par un Dieu aimant qui nous a donné la liberté. Abraham Lincoln a parlé en notre nom…. La seconde vision estime que la religion est l’opium des masses. Elle pense que les principes éternels tels que la vérité, la liberté et la démocratie n’ont pas de sens en dehors des caprices de l’État. Et Lénine a été leur porte-parole [24].

Les travaux de Chambers ont en effet eu un impact sur M. Reagan à bien des égards. Par exemple, quand et comment Chambers est-il passé d’athée communiste à chrétien conservateur ? M. Reagan pourrait répondre à cette question en un clin d’œil. Un passage de Witness qu’il pouvait citer sans hésiter était celui dans lequel Chambers expliquait son changement céleste [25]. Ce passage émouvait M. Reagan, reflétant sa perception du gouffre séparant le christianisme du communisme. Voici le passage raconté avec les mots de M. Reagan :

Chambers a marqué le début de son voyage personnel loin du communisme le jour où il a été soudainement frappé par la vue de l’oreille de sa fille en bas âge alors qu’elle était assise en train de prendre son petit déjeuner. C’est alors, dit-il, qu’il a réalisé qu’une telle complexité, une telle précision ne pouvaient être le fruit d’un accident, d’une bizarrerie de la nature. Il a dit que, bien qu’il ne l’ait pas su à ce moment-là, Dieu – le doigt de Dieu – avait touché son front [26].

M. Reagan se délectait de cette anecdote sur l’oreille. Dans le Dossier des écrits manuscrits présidentiels de la Bibliothèque Reagan, j’ai trouvé un brouillon, conservé au Département des discours, d’un discours qu’il avait prononcé à la CPAC en février 1982. M. Reagan avait supprimé une phrase et une citation de Chambers (placées par un rédacteur de discours qui savait que M. Reagan appréciait Chambers) en faveur du passage sur l’oreille [27].

Tout au long de sa vie, Chambers a eu un certain nombre de rencontres significatives avec la nature, qui l’ont à chaque fois incité à penser momentanément à Dieu. L’un de ces incidents s’est produit dans son enfance : il rappelle quelque peu une expérience profonde que le jeune Reagan a eue avec une collection de papillons dans le grenier de la maison louée par sa famille à Galesburg, dans l’Illinois. Chambers a relaté cet événement dans Witness :

Un jour [dans ma petite enfance], je me suis promené seul et je me suis retrouvé devant une haute haie que je n’avais jamais vue auparavant. Elle était si haute que je ne pouvais pas voir par-dessus et si épaisse que je ne pouvais pas voir à travers. Mais en m’allongeant contre le sol, je me suis faufilé entre les tiges de troènes.
De l’autre côté, je me suis retrouvé dans un champ couvert de bout en bout, aussi haut que ma tête, de chardons en pleine floraison. Des dizaines de chardonnerets s’accrochaient aux fleurs pourpres, planaient au-dessus d’elles ou gazouillaient et plongeaient en vol, de petits oiseaux jaune d’or avec des ailes et des capuchons noirs contrastés. Ils ne me prêtaient pas la moindre attention, comme s’ils n’avaient jamais vu un garçon auparavant.
Le spectacle était si inattendu, la beauté si absolue que j’ai cru ne pas pouvoir le supporter et je me suis accroché à la haie pour me soutenir. À voix haute, j’ai dit : « Dieu. » Il s’agissait d’une simple déclaration, et non d’une exclamation, dont j’aurais été incapable à l’époque. À cet instant, dont je me suis souvenu pendant toutes les années de ma vie comme l’un de mes moments les plus forts, j’étais plus proche que je ne le serais à nouveau, pendant près de quarante ans, de l’intuition qui seule pouvait donner un sens à ma vie – l’intuition selon laquelle Dieu et la beauté ne font qu’un [28].

Pourquoi alors Chambers n’est-il pas devenu croyant plus tôt ? Les raisons ne sont pas tout à fait claires. Mais une chose est sûre : à l’époque où le jeune Reagan a vécu de telles expériences et entretenait de telles notions, elles étaient réaffirmées par une mère qui nourrissait sa foi, la sainte Nelle. La mère de Chambers, profondément troublée, n’a rien fait de tel. Elle était une athée orgueilleuse qui, quand l’occasion se présentait, s’en prenait à toute idée de Dieu chez son petit garçon.

Ma mère, écrit Chambers, appartenait à une génération d’intellectuels pour qui le mot Dieu était déjà un peu embarrassant. ‘Dieu n’a pas créé le monde’, disait-elle à son enfant, ‘le monde a été formé par des gaz qui se sont refroidis dans l’espace’ [29]

Alors que Nelle encourageait la croyance religieuse, la mère de Chambers la rejetait sur le champ.

Leurs différences

Hélas ! Parmi toutes les similitudes, il existe une différence monumentale entre Whittaker Chambers et Ronald Reagan. Cette différence a eu des répercussions sur tout ce qu’ils ont dit et fait. Chambers était un pessimiste, tandis que M. Reagan était l’optimiste par excellence. Chacun a pleinement intégré cet état d’esprit dans sa réflexion sur la guerre froide. Alors que la pensée de guerre froide de chacun des deux hommes était ancrée dans leur vision de Dieu, l’optimisme de M. Reagan, fondé sur la foi, le rendait optimiste quant à la fin de la guerre froide. Chambers, quant à lui, craignait sobrement que, tout en rejoignant le bon camp en rejetant le communisme, il ne quittât « le camp des vainqueurs pour celui des perdants [30] ».

Mais M. Reagan n’était pas de cet avis. Il pensait que les États-Unis gagneraient la bataille contre le communisme. Il s’est engagé à ce que son pays puisse vaincre l’URSS et gagner la guerre froide. Il était convaincu que le communisme n’était pas l’avenir. Il en était tellement certain qu’un jour, en tant que président, il suivrait une ligne de conduite délibérée pour atteindre cet objectif, c’est-à-dire pour assurer la victoire.

Si Chambers a influencé ou confirmé la pensée de M. Reagan sur le communisme, il n’a pas influencé la pensée de M. Reagan sur le destin final du communisme, ni sur le rôle de Dieu. M. Reagan prédisait que le destin du marxisme ne serait rien de mieux qu’un tas de cendres dans l’histoire. Bien que les deux hommes fussent d’accord sur de nombreux points, ils divergeaient dans leurs projections de l’issue finale. Cette divergence mineure entre deux simples hommes  allait marquer une différence majeure dans le monde. Et si les influences intellectuelles sur la foi et la vision du monde de M. Reagan étaient nombreuses, cette cause et cette confiance uniques étaient les siennes, et il ne s’en laisserait pas détourner.

Notes

(*) (B&SD) :  Le mythe de Horatio Alger (The Horatio Alger myth) représente la réussite américaine classique que l’on retrouve dans la littérature et les œuvres cinématographiques avec une trajectoire d’un entrepreneur qui passe assez linéairement d’un statut de quasi mendicité à la réussite glorieuse. Ce mythe provient d’un romancier du nom de Horatio Alger, Jr, qui a écrit plus de 120 livres très populaires après la guerre civile des États-Unis. Les romans de Horatio Alger furent principalement lus par des jeunes hommes, employés ou ouvriers cherchant une confirmation de leur rêve intérieur dans des histoires d’entrepreneurs modestes qui ont réussi malgré leurs ressources en capital financier et social très minces au départ (source : Wikiberal).

  1. Science, 1980, p. 1214. Cité dans Bergman, Jerry (2006). Presidential Support for Creationism. Acts & Facts 35 (10). https://www.icr.org/article/presidential-support-for-creationism/. Consulté le 28 juin 2024
  2. Creation Ministries International (CMI). « Ronald Reagan on the Divinity of Christ ». https://creation.com/ronald-reagan-on-the-divinity-of-christ. Consulté le 28 juin 2024.
  3. Ronald Reagan, cité dans Kengor, Paul. God and Ronald Reagan: A Spiritual Life, pp. 127-128. (New York : ReganBooks, HarperCollins, 2004).
  4. Kengor, Paul. « The Intellectual Origins of Ronald Reagan’s Faith ». The Heritage Fondation, 30 avril 2004. https://www.heritage.org/political-process/report/the-intellectual-origins-ronald-reagans-faith. Consulté le 28 juin 2024.
  5. Kengor, Paul. God and Ronald Reagan: A Spiritual Life (New York : ReganBooks, HarperCollins, 2004).
  6. Jerry Griswold, « I’m a sucker for hero worship », The New York Times Book Review, 30 août 1981, p. 11. Voir aussi Ronald Reagan, « Remarks at the Annual National Prayer Breakfast », 3 février 1983 ; et une lettre de 1967 de M. Reagan publiée dans Kiron Skinner, Martin Anderson, et Annelise Anderson, Reagan: A Life in Letters (New York : The Free Press, 2003), p. 276.
  7. Laurence W. Beilenson, The Treaty Trap: A History of the Performance of Political Treaties by the United States & European Nations (Washington, D.C. : Public Affairs Press, 1969).
  8. Cela a duré tout au long des années passées à la Maison Blanche. Parmi les nombreuses personnes avec lesquelles Reagan a échangé des lettres en tant que président, Beilenson était l’une des plus fréquentes.
  9. C’est ce qu’a déclaré Reagan en 1977. Griswold, « I’m a sucker for hero worship », p. 11.
  10. Harold Bell Wright, That Printer of Udell’s (New York : A. L. Burt Company Publishers, 1903).
  11. Ronald Reagan, An American Life (New York: Simon and Schuster, 1990), p. 32.
  12. Une copie de la lettre du 13 mars 1984 est conservée à la bibliothèque municipale de Dixon.
  13. Wright, That Printer of Udell’s, pp. 29-33.
  14. Version New International Version (NIV) du Nouveau Testament.
  15. Edmund Morris, Dutch (New York : Random House, 1999), p. 40.
  16. Griswold, I’m a sucker for hero worship' », p. 11.
  17. See Wright, That Printer of Udell’s, pp. 118-119 et 206.
  18. Whittaker Chambers, Witness (New York : Random House, 1952).
  19. J’ai personnellement observé ces copies de discours de la présidence. Le frère de M. Reagan, Neil, a fait remarquer à plusieurs reprises la mémoire de Reagan. Michael Deaver, Ed Meese, Bill Clark, Martin Anderson et d’autres ont noté son apparente mémoire photographique. Le personnel de M. Reagan était confronté à un problème inhabituel : sa mémoire était si bonne que si le personnel lui fournissait des statistiques ou des informations incorrectes, il avait beaucoup de mal à les effacer de sa banque de mémoire. Ed Meese affirme que Reagan avait « à peu près » une mémoire photographique « pour les choses qu’il lisait, mais pas pour les visages ». Entretien avec Ed Meese, 23 novembre 2001. Voir aussi : Edwin Meese, With Reagan (Washington, D.C. : Regnery, 1992), p. 26.
  20. Chambers, Witness, p. 8.
  21. Nous voyons ce mot utilisé tout au long de Witness. Voir notamment les pages 81-85 et la page 461.
  22. Chambers, Witness, p. 79.
  23. Ibid., p. 9.
  24. Reagan, « Remarks at a Ceremony Marking the Annual Observation of Captive Nations Week », 19 juillet 1983.
  25. Parmi d’autres exemples, voir : Reagan, « Remarks at the Annual Convention of the National Association of Evangelicals », Columbus, Ohio, 6 mars 1984.
  26. Reagan, « Remarks at Eureka College », Eureka, Illinois, 6 février 1984.
  27. Voir la page 17 du projet situé dans PHF, PS, RRL, Box 3, Folder 57. La copie du texte final, qui correspond aux modifications manuscrites de M. Reagan, est la suivante : Reagan, « Remarks at a Conservative Political Action Conference Dinner », 26 février 1982.
  28. Chambers, Witness, p. 117.
  29. Ibid., pp. 91 et 117.
  30. Chambers, Witness, p. 25.

A propos des auteurs

Dr John G. West, membre principal, vice-président et directeur exécutif du Discovery Institute

Le Dr John G. West est vice-président de l’Institut Discovery, situé à Seattle, et directeur général du Centre pour la Science et la Culture de l’Institut. Ancien président du département de sciences politiques et de géographie de l’Université Seattle Pacific, M. West est un auteur qui a obtenu plusieurs prix, et un réalisateur de documentaires qui a écrit ou édité 12 livres, dont Darwin Day in America: How Our Politics and Culture Have Been Dehumanized in the Name of Science, The Magician’s Twin: C. S. Lewis on Science, Scientism, and Society, et Walt Disney and Live Action: The Disney Studio’s Live-Action Features of the 1950s and 60s. Ses films documentaires comprennent Fire-Maker, Revolutionary, The War on Humans et (plus récemment) Human Zoos. M. West est titulaire d’un doctorat en administration publique de la Claremont Graduate University et a été interviewé par des médias tels que CNN, Fox News, Reuters, Time magazine, The New York Times, USA Today et The Washington Post.

Paul Kengor

Paul Kengor, titulaire d’un doctorat, est directeur principal et chercheur universitaire en chef de l’Institut pour la foi et la liberté ; il est également professeur de sciences politiques au Grove City College, à Grove City, en Pennsylvanie.