Les chronologies chrétiennes primitives et les origines de la date de Noël – Défense de la « théorie des calculs » – Par Phillip Nothaft

Les chronologies chrétiennes primitives et les origines de la date de Noël – Défense de la « théorie des calculs » – Par Phillip Nothaft

QL 94 (2013) 247-265                                            

Doi : 10.2143/QL.94.3.3007366 

© 2013, tous droits réservés 

Article traduit de l’anglais et reproduit ici avec l’aimable autorisation du Dr Phillip Nothaft.
Par C. Philipp E. Nothaft  

1.    L’assaut récent contre la « théorie des calculs »

Noël, la fête commémorant la naissance de Jésus-Christ, est célébrée le 25 décembre dans les églises occidentales et orientales (à l’exception de l’Arménie). Cette même date était autrefois le siège du solstice d’hiver dans le calendrier julien et, selon certains, le jour où la fête de la naissance du dieu solaire romain Sol Invictus était célébrée après son institution en 274 de notre ère par l’empereur Aurélien. Aux yeux de nombreux observateurs, une telle coïncidence impose de considérer Noël comme un exemple d’« inculturation » de rituels païens dans l’année liturgique en cours de développement de l’Église1. Telle est, en résumé, l’idée de base qui sous-tend l’explication la plus influente et la plus répandue de l’origine de Noël, qui, faute de mieux, sera appelée la « théorie de l’histoire des religions » (ci-après : THR)2.

Bien que la THR soit aujourd’hui utilisée comme l’explication par défaut du choix du 25 décembre comme date d’anniversaire du Christ, peu de défenseurs de cette théorie semblent être conscients de la faiblesse des preuves disponibles. Notre source la plus ancienne mentionnant le Natalis Invicti en relation avec le 25 décembre se situe huit décennies après Aurélien, avec le célèbre calendrier romain qui a été préservé comme partie de ce qui est appelé Chronographe de 354. Ce même Chronographe contient également un registre des martyrs chrétiens, classés en fonction de la date de leur enterrement, qui est précédé par la naissance du Christ à Bethléem le 25 décembre. Comme cette « depositio martirum » est jointe à une liste similaire d’évêques romains (depositio episcoporum), dont la version originale date de 336, cette année est souvent citée comme le terminus ad quem [n.d.t. : limite temporelle finale]de l’institution de Noël3. Si cette constellation de faits peut accréditer l’idée que l’anniversaire de Sol Invictus, le 25 décembre, a précédé la localisation de la naissance de Jésus à cette date, la raison pour laquelle l’Église du IVe siècle aurait adopté une fête païenne aussi récente n’est pas claire, malgré le mépris fréquemment exprimé par les patristiques pour le paganisme et ses incursions dans les pratiques chrétiennes. Il n’est donc pas surprenant qu’une minorité relative d’érudits continue à se demander si une explication différente, et peut-être plus convaincante, de la datation liturgique de la naissance du Christ ne pourrait pas être trouvée. Dès 1856, l’historien allemand de l’Église Ferdinand Piper a suggéré que le 25 décembre était un simple corollaire du 25 mars, la date de l’équinoxe de printemps qui avait été attribuée très tôt à la crucifixion. Partant du principe que l’existence terrestre du Christ, depuis sa conception dans le ventre de sa mère jusqu’à sa mort, comprenait un nombre parfait d’années, les premiers chrétiens ont fixé l’incarnation du Christ au 25 mars et, en comptant neuf mois en avant, sont parvenus au 25 décembre comme date de sa naissance. C’est là l’idée de base de la « théorie des calculs » (TC) à propos de Noël, qui, bien qu’elle n’ait jamais été majoritaire, a joué un rôle important dans les discussions sur le sujet4.

Le papyrologue autrichien Hans Förster, qui a publié en 2007 une monographie bien accueillie sur les origines de Noël et de l’Épiphanie, a récemment mis en lumière les problèmes qui affectent à la fois la THR et la TC. Dans son livre, Förster souligne à juste titre l’absence de preuves irréfutables en faveur de la THR, ce qui soulève la question de savoir si les célébrations de Natalis Invicti du 25 décembre étaient vraiment à ce point aussi anciennes, répandues et importantes qu’elles exerçaient une forte influence sur les communautés chrétiennes, à Rome et ailleurs5. En même temps, il est très critique à l’égard de la TC qui, selon lui, présente des incohérences logiques et attribue aux premiers pères de l’Église une part excessive d’ingéniosité spéculative6. Ce rejet de la Berechnungshypothese a certainement touché une corde sensible chez certains de ses critiques, l’un d’entre eux notant que ses arguments réfutaient la TC « de manière concluante car cela ne tient pas la route mathématiquement7 ». Pour remplacer la THR et la TC, Förster nous fournit une nouvelle explication, qui soutient essentiellement que Noël est le résultat du tourisme en Terre Sainte au IVe siècle : tandis que les pèlerins affluaient à Bethléem pour visiter le site original de la Nativité, ils commencèrent à célébrer une fête annuelle correspondante au milieu de l’hiver, qu’ils exportèrent ensuite dans leurs communautés d’origine. Alors que cette célébration semble avoir eu lieu à l’origine le 6 janvier (Épiphanie), l’Église romaine opta ensuite pour le solstice du 25 décembre, une date choisie en raison de son affinité avec le symbolisme solaire chrétien populaire8.

La théorie de Förster (TF) fournit un scénario bien étoffé et à première vue convaincant sur l’origine de Noël, bien qu’elle ressemble à ses concurrentes THR et TC en ce qu’elle repose sur une couche remarquablement mince de documents sources corroborants. Le présent essai ne se veut cependant pas une critique de la TF, mais plutôt une défense de la TC, dont les mérites sont à mon avis plus importants que ce que Förster et d’autres critiques de cette théorie sont prêts à admettre et qui mérite donc d’être réexaminée. L’un des problèmes que pose le rejet énergique de la TC par Förster est qu’il n’affronte pas cette théorie sous sa forme la plus forte, telle qu’elle a été exposée par Thomas J. Talley depuis les années 19809. Au lieu d’informer ses lecteurs sur les arguments existants, il préfère polémiquer avec Josef Ratzinger, dont les brèves remarques dans Der Geist der Liturgie peuvent difficilement être qualifiées de pierre de touche en faveur ou en défaveur de la TC (voir ci-dessous). Cette orientation polémique est également perceptible dans l’explication qu’il donne des raisons pour lesquelles les chercheurs du monde anglophone continueraient à avoir un tel faible pour cette théorie apparemment absurde. Il situe les racines de l’enthousiasme anglo-saxon pour la TC dans l’histoire de l’Angleterre moderne, plus précisément dans la « guerre » puritaine contre Noël, qui a abouti à son interdiction officielle en 164710. Selon Förster, les chercheurs anglais et américains favorables à cette théorie tentent en réalité de réhabiliter Noël de l’accusation d’être une fête païenne, qui avait rendu la fête inacceptable aux yeux des premiers réformateurs religieux modernes, avec lesquels ils sont censés continuer à sympathiser pour purger la liturgie chrétienne de ses intrus pagano-papistes11. Pourtant, cette théorie est historiquement inadéquate, dans la mesure où elle implique que les puritains auraient été mieux disposés à l’égard de Noël s’ils avaient découvert que sa date était fixée de la manière suggérée par la TC. Contrairement à ce que Förster insinue, la possibilité que le 25 décembre ait été choisi à l’origine sur la base de spéculations chronologiques douteuses (plutôt que sur la base de la tradition apostolique) était l’un des principaux arguments que les érudits protestants des XVIe et XVIIe siècles pouvaient invoquer contre l’institution de Noël12.

Dans ce qui suit, je ne vais pas répéter tous les arguments individuels avancés par Talley et d’autres en faveur de la TC, mais plutôt me concentrer sur certains points que je considère comme les plus pertinents pour défendre une version actualisée de cette théorie. Comme j’ai l’intention de le montrer, la TC n’est pas seulement convaincante sur le plan interne, mais elle peut être étayée par un bon nombre de sources, dont plusieurs remontent au début du IIIe siècle. Dans ma version de l’argument, la TC n’est pas considérée comme une alternative à toutes les autres théories qui posent des questions sur les origines de Noël en tant que pratique liturgique, mais plutôt comme une explication supplémentaire, qui est censée nous aider à mieux comprendre pourquoi les chrétiens de l’Antiquité tardive étaient prêts à considérer le jour du solstice d’hiver comme une date possible de célébration de la naissance du Sauveur. Puisque, comme je tenterai de le montrer, les origines du 25 décembre comme date de la nativité sont probablement antérieures à l’institution présumée de Noël au IVe siècle, il semble raisonnable d’essayer de faire coexister la TC avec la THR et/ou la TF dans le cadre d’une théorie plus complète, et peut-être plus précise, rendant compte de la plus populaire des fêtes chrétiennes a vu le jour. 

2.    Les calculs de la date de naissance de Jésus avec la chronologie chrétienne au IIIe siècle 

Les chercheurs hostiles à la TC ont souvent du mal à imaginer que les premiers chrétiens aient pu se livrer à des « calculs » chronologiques qu’ils jugent eux-mêmes abscons, voire compliqués. Förster ne fait pas exception à la règle lorsqu’il évoque avec désapprobation les « acrobaties mentales époustouflantes » (atemberaubende Geistesakrobatik) que la TC est censée imputer à l’esprit chrétien13. Compte tenu de ces doutes, il est préférable de commencer par poser la question suivante : existe-t-il la moindre preuve de ce que – avant que Noël ne commence à être célébrée au IVe siècle – les chrétiens ont essayé de déterminer la date de naissance du Sauveur par des moyens chronologiques ? La réponse est sans équivoque : « oui ».  

Grâce aux recherches minutieuses de Venance Grumel, d’August Strobel et d’autres, il apparaît de plus en plus clairement que les spéculations chronologiques et computationnelles (compustatistiques comme dans computus, la science médiévale du calcul de Pâques) ont joué un rôle central dans la pensée chrétienne dès le début. Les chronographes et les computistes ont tenté à plusieurs reprises de construire des systèmes chronologiques globaux en accord avec les données fournies par les cycles du calendrier luni-solaire (utilisés pour calculer la date de Pâques), tout en convenant à leurs propres hypothèses sur les dimensions temporelles de l’histoire du salut. Cette dernière s’articulait, bien sûr, autour de l’avènement de Jésus-Christ, dont l’incarnation, la naissance, la mort et la résurrection revêtaient une importance particulière aux yeux de ceux qui spéculaient sur ces questions14. Rien ne doit nous empêcher de prendre au sérieux cette façon de penser en l’appliquant aux questions historiques auxquelles nous sommes confrontés, y compris la date de Noël. Deux sources anciennes bien connues peuvent servir à souligner ce point : l’une est la « table pascale » grecque d’Hippolyte, conservée de manière épigraphique et construite vers 222, l’autre est le traité latin De pascha computus, écrit en 243 par un auteur nord-africain anonyme. Les deux ouvrages utilisent (dans des versions différentes) un cycle pascal archaïque de 112 ans, sur la base duquel ils calculent les dates du calendrier julien des Pâques historiques relatées dans la Bible, en commençant par l’Exode et en terminant par la Passion du Christ. Pour que les dates de la Passion concordent avec le récit des quatre Évangiles, ils ont pris soin d’attribuer la crucifixion à une année qui (a) n’était pas beaucoup plus tardive que la 15e année de Tibère mentionnée par Luc (3:1) et (b) où la pleine lune de la Pâque (ou 14 Nisan dans le calendrier juif) tombait un vendredi15.

Pour l’auteur de la table pascale hippolytaine, ces critères imposent que la Passion soit tombée le 25 mars 29 de notre ère, une date qui, à la fin de l’Antiquité tardive, aurait acquis pratiquement un statut canonique dans l’Occident latin16.  L’auteur de De pascha computus, en raison des données lunaires différentes fournies par son cycle pascal, ne pouvait pas maintenir cette date et a déplacé la Passion au 9 avril, 28 CE. L’auteur du De pascha computus, en raison des données lunaires différentes fournies par son cycle pascal, n’a pas pu maintenir cette date et a déplacé la Passion au 9 avril 28 de notre ère. Le fait que les deux auteurs aient néanmoins pensé de la même manière peut être constaté par la façon dont ils ont utilisé leurs dates de crucifixion calculées pour obtenir la date de naissance de Jésus. La table d’Hippolyte indique que la genèse de Christ a eu lieu exactement 30 ans avant la crucifixion, lors de la pleine lune de la Pâque de l’an 2 avant notre ère, ce qui correspond au mercredi 2 avril17. Si les 30 ans sont manifestement tirés de Luc 3:23, l’assignation de la naissance et de la mort de Jésus à la Pâque est probablement enracinée dans la tradition juive. La Pâque, période d’attente messianique accrue, était communément considérée comme le moment de la naissance d’Isaac, le fils d’Abraham, qui était un précurseur typologique de Jésus. En outre, les patriarches étaient souvent supposés avoir vécu un nombre « parfait » d’années, ce qui signifie qu’ils étaient nés et morts aux mêmes dates18. Dans le De pascha computus, la situation ne diffère que légèrement, dans la mesure où son auteur a reculé à partir de l’an 28 de notre ère) non pas de 30, mais de 31 ans, pour marquer l’an 4 avant notre ère comme l’année de la nativitas. La justification de cette démarche n’est pas difficile à trouver : en l’an 4 avant notre ère, la pleine lune de la Pâque, selon sa table, est tombée le mercredi 28 mars, date identique à celle, précédemment établie, du quatrième jour de la création, au cours duquel le soleil a été créé selon Genèse 1:14. La congruence typologique entre le quatrième jour de l’Hexaméron et le jour où Jésus, en tant que « soleil de justice » (Malachie 4,2), « a brillé », c’est-à-dire est né, était trop bonne pour être laissée de côté19.

En l’an 243, nous trouvons donc déjà au moins deux exemples convaincants d’érudits chrétiens essayant de calculer les dates de la vie de Jésus-Christ par des moyens chronologiques. Leur témoignage constitue un excellent point de départ pour toute version de la TC selon laquelle le 25 décembre a été calculé de la même manière que le 2 avril et le 28 mars. Ce dernier point de vue bénéficie d’un traitement de faveur de la part de Josef Ratzinger qui soupçonne que, dès le IIIe siècle, l’approche du De pascha computus a été modifiée de manière à faire de la conception (au lieu de la naissance) de Jésus l’équivalent calendaire de Sa Passion, le 25 mars20. Förster conteste les affirmations de Ratzinger et se demande pourquoi les « quartodécimains » ont été condamnés lors du premier concile œcuménique (Nicée, 325 de notre ère), étant donné que la convergence de la conception et de la crucifixion à la même date du calendrier aurait fait de la Pâque « quartodécimaine » le jour commémoratif idéal. Il poursuit en soulignant que nous ne connaissons aucune célébration de la conception ou de l’Annonciation le 25 mars au IIIe siècle, ce qui, selon lui, rend peu probable le fait que ce jour ait déjà acquis une telle signification21.

Cette objection peut sembler sérieuse, mais les deux attaques de Förster sont en fait dirigées contre des hommes de paille. Nous ne connaissons aucune célébration ni commémoration spécifique de la naissance du Christ, que ce soit le 2 avril ou le 28 mars, et il est néanmoins clair que la nativité a été attribuée à ces deux dates au IIIe siècle par les érudits chrétiens pour des raisons purement chronologiques. L’une des particularités de la TC est qu’elle ne s’intéresse pas tant aux origines d’une fête qu’à la fixation d’une date historique. Dans le contexte du IIIe siècle, ces spéculations chronologiques peuvent conduire à diverses conclusions concernant les jours de la conception, de la naissance, de la crucifixion, etc. de Jésus, mais ces conclusions ne présupposent pas à leur tour l’existence de célébrations communautaires spécifiques aux dates en question. Cela semble très clair dans le cas du 2 avril et du 28 mars, et il n’y a aucune raison de supposer que le 25 mars ait été différent à l’époque où il est entré pour la première fois dans le débat comme date probable de la conception de Jésus, peut-être dès 221 de notre ère (voir ci-dessous). En fait, il est loin d’être évident que l’une ou l’autre de ces dates ait pu donner lieu à une véritable fête de la nativité dès le IIIe siècle, étant donné qu’elles étaient toutes censées être des dates de la Pâque. Le souvenir de la mort et de la résurrection à cette époque de l’année aurait complètement éclipsé celui de la naissance ou de la conception. Si l’on garde cela à l’esprit, l’assignation finale d’une date de la naissance de Jésus en hiver peut en fait être appréciée comme une condition préalable nécessaire pour que la nativité devienne l’objet d’une célébration spécifique dans le courant du IVe siècle22.

Comme nous l’avons mentionné, la critique de Förster fait appel à ce que l’on appelle les « quartodécimains », nom donné aux premières communautés chrétiennes qui célébraient la Pâque le 14 Nisan, quel que soit le jour de la semaine, raison pour laquelle elles ont fait l’objet d’une controverse au IIe siècle. Malheureusement, Förster semble confondre ces quartodécimains « lunaires », qui suivaient le calendrier juif, avec un autre groupe de quartodécimains « solaires » de Cappadoce qui, selon Épiphane de Salamine, observaient une Pâque fixe le 25 mars, date de la crucifixion selon Hippolyte. Cette tradition s’explique pleinement par le fait que le groupe en question a abandonné le calendrier lunaire juif pour utiliser le calendrier solaire local, dont le premier mois de printemps (Teireix) commençait le 12 mars, faisant correspondre le 14e jour, c’est-à-dire le 14 Nisan « solaire », au 25 mars23. Mais que certains chrétiens aient célébré Pâques le 25 mars ou le 14 Nisan, il est loin d’être évident que l’assignation de la conception au même jour ait pu rendre cette date « idéale » d’un point de vue orthodoxe, d’autant plus que ces coutumes ignoraient toutes le rôle crucial du jour de semaine (le dimanche) dans la fixation de Pâques. Förster n’élucide pas la question, mais commet une autre petite erreur en liant la condamnation du quartodécimanisme aux décrets du concile de Nicée. De la lettre de Constantin aux églises de son empire, citée par Eusèbe, il ressort simplement que les évêques de Nicée se sont élevés contre certaines églises orientales qui utilisaient encore le calendrier juif comme base de calcul de la pleine lune de Pâques. Comme l’avait déjà montré Louis Duchesne en 1880, cette dispute était totalement distincte des controverses sur le quartodécimanisme qui avaient fait rage au IIe siècle24. Un autre argument qui ne doit pas nous empêcher de prendre la TC au sérieux est la mise en garde de Förster concernant les divergences de vues sur la période de gestation humaine qui prévalaient dans l’Antiquité. L’une des raisons pour lesquelles il estime improbable que la date de la naissance de Jésus ait pu être déduite de celle de Sa conception est que les érudits chrétiens étaient incapables de « prédire une date de conception, ne serait-ce qu’approximativement25 ». Il devrait être clair, cependant, qu’une connaissance avancée de l’embryologie n’a rien à voir avec le type de spéculation chronologique dont il est question ici, dont les partisans auraient simplement supposé une durée parfaite (et donc divine) et schématique de neuf mois pour la grossesse de Marie, c’est-à-dire les neuf mois s’étendant du 25 mars (équinoxe de printemps) au 25 décembre (solstice d’hiver)26.

3.    Du printemps à l’hiver 

En fin de compte, la seule objection contre la TC qui ait un poids considérable concerne le déplacement calendaire de la naissance à la conception qui est présupposé par l’argument. Comme nous l’avons déjà mentionné, un parallélisme chronologique entre les dates de la Passion et de la naissance du Christ pourrait être justifié par le recours à la tradition haggadique juive, où d’importantes figures bibliques étaient considérées comme étant nées et mortes à la même date, en particulier au moment de la Pâque. La TC doit supposer que les chrétiens du IIIe siècle aient développé une version modifiée de ce point de vue, où le moment de la naissance a été remplacé par le moment de la conception dans le ventre de la mère. Förster est très critique à l’égard de cette hypothèse et soutient que les sources anciennes attestent plutôt d’une tendance à attribuer la naissance – et non la conception – de Jésus au printemps. Selon lui, il est peu probable que cette tendance se soit soudainement inversée pour des raisons purement chronologiques27.

Mais cette objection est loin d’être décisive : pourquoi les hypothèses chronologiques sur la vie du Christ seraient-elles restées statiques tout au long du IIe et du IIIe siècles ? Qui peut exclure qu’un tel changement d’opinion se soit produit ? Mais il faut admettre que l’argument soulève de sérieux doutes pour la TC, si aucune autre preuve ne peut être apportée. Comme l’indique la clause conditionnelle, c’est ici que Förster ignore certaines données cruciales. La situation commence à changer lorsque nous considérons les traditions anciennes existantes qui attribuent à Jésus une naissance au milieu de l’hiver. Des exemples d’une telle tradition, même antérieure à la table pascale d’Hippolyte, peuvent être cités : Clément d’Alexandrie (mort vers 215), dans ses Stromates, écrit que 194 ans, un mois et treize jours se sont écoulés entre l’assassinat de l’empereur Commode (31 décembre 192 de notre ère) et la naissance du Christ28. Selon que les années en question étaient censées être de la variante julienne (365,25 j) ou égyptienne (365 j), cela conduit respectivement à des dates de naissance du Christ le 18 novembre 3 avant notre ère ou le 6 janvier 2 avant notre ère, tandis que les dates d’incarnation correspondantes seraient tombées le 18 février et le 6 avril, ou à une date proche. Cette dernière date est citée par Sozomen comme la Pâque « solaire quartodécimaine » observée chaque année par les montanistes. S’il s’agit d’une tradition ancienne, elle peut avoir précédé l’attribution de la naissance au 6 janvier et même avoir donné lieu à cette dernière, comme l’ont suggéré Duchesne et Talley29.

Le fait que la date du 6 janvier, connue plus tard sous le nom d’Épiphanie, remonte au IIe siècle est confirmé par les remarques de Clément dans le même passage concernant les disciples de Basilide, qui célébraient le baptême de Jésus le 15 ou le 11 Tybi, ce qui, dans le calendrier alexandrin, correspondrait au 10 ou au 6 janvier30. À l’époque de Jean Cassien (mort en 435), les Égyptiens utilisaient la date de l’Épiphanie, le 6 janvier, pour commémorer la naissance du Christ en même temps que le baptême, ce qui permet de supposer qu’elle possédait déjà cette double signification au IIe siècle, bien que cela soit loin d’être certain31. Le fait que les deux événements se retrouvent à la même date n’est toutefois pas surprenant, étant donné que Luc (3:23) déclare que Jésus a été baptisé alors qu’Il était « âgé d’environ 30 ans ». Les premiers chrétiens auraient été tentés d’ignorer le mot « environ » (ὡσεί) et de supposer un nombre parfait d’années – une perfection qui aurait fait coïncider l’anniversaire et le baptême du Christ32.

Une autre coïncidence calendaire fascinante peut être obtenue si les dates basilidiennes sont interprétées comme des jours du calendrier égyptien, dans lequel chaque année avait une durée uniforme de 365 jours. Dans ce cas, le 11 Tybi aurait correspondu aux 24/25 décembre pour les années 29/30 après J.-C., c’est-à-dire pour la période au cours de laquelle la Passion aurait eu lieu comme on le considère souvent33. Comme l’a souligné Roger Beckwith, une naissance ou un baptême au milieu de l’hiver peut également être présent dans les traités de Tertullien Contre les Juifs et Contre Marcion. Le premier texte mentionne un intervalle calendaire de six mois entre la naissance du Christ et la destruction de Jérusalem. Cette dernière étant traditionnellement fixée au 9e jour du mois d’été juif d’Av (juillet/août), cela indique une naissance en janvier. Dans Contre Marcion, l’intervalle calendaire entre la « venue » du Christ (entendue ici comme le moment de Son baptême) et la venue de Marcion est mentionné comme étant de 6 mois et demi. Beckwith souligne que Tertullien a lié la venue de Marcion au lever de l’étoile du chien (c’est-à-dire au lever héliaque de Sirius les 19/20 juillet), ce qui signifierait à son tour que les marcionites ont fixé la venue de Jésus à la première semaine de janvier34.

De ce qui précède, il devrait être clair qu’une tradition hivernale pour la naissance de Jésus a probablement circulé au IIIe siècle, comme en témoignent Clément et Tertullien, et peut-être aussi Julius Africanus (voir ci-dessous). Un chronologiste chrétien qui aurait suivi cette tradition tout en voulant maintenir le parallélisme calendaire susmentionné avec la Passion du Christ aurait été naturellement enclin à réinterpréter ce qui était autrefois la naissance au printemps comme la date de l’incarnation, neuf mois plus tôt. Qu’une telle tradition soit apparue très tôt est d’autant plus probable qu’elle pourrait même provenir de moyens exégétiques. Je fais ici référence à l’argument bien connu basé sur le récit de Luc de l’annonce de la naissance de Jean-Baptiste au sacrificateur Zacharie (1:5-25), que l’on retrouve entre autres dans l’homélie de Jean Chrysostome Sur la nativité, prononcée à Antioche en 386 de notre ère. Pour prouver à son auditoire que le 25 décembre était l’anniversaire historique de Jésus, Chrysostome suppose à tort que Zacharie était le Grand sacrificateur et que, par conséquent, la scène de l’annonciation décrite par Luc a eu lieu dans le Saint des saints le jour de Yom Kippour (cf. Lévitique 16:29-33 ; Hébreux 9:7). Ce dernier jour est le 10 Tishri dans le calendrier juif, ce qui placerait la conception de Jean en automne, près du moment de l’équinoxe. Puisque Jésus a été conçu environ six mois plus tard (Luc 1:24, 26), une  naissance tombant au milieu de l’hiver découle logiquement de ces données35.

Selon Förster, le seul but de cet argument était de justifier a posteriori l’introduction à Antioche de la fête de Noël, relativement nouvelle, contre ses détracteurs36. Le fait que des versions de cet argument aient pu circuler avant 386, indépendamment de la célébration effective de Noël, n’est pas une idée qu’il juge digne d’être prise au sérieux. C’est pourquoi il nie également que le traité latin Sur les solstices et les équinoxes de la conception et de la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ et de Jean-Baptiste, qui circulait sous le nom de Chrysostome, ait pu être écrit avant le Ve siècle37. L’auteur de ce texte, un certain Pontius Maximus selon un manuscrit du XIIe siècle, ne mentionne aucune célébration de la nativité le 25 décembre, mais il situe néanmoins la naissance historique de Jésus à cette date, en s’appuyant sur le symbolisme solaire. Il commence sa démonstration chronologique en citant Zacharie 8:19, où les jeûnes des quatrième, septième et dixième mois (et aussi du cinquième mois, que notre auteur choisit d’ignorer) sont désignés comme des occasions de grande joie pour la maison de Juda. Dans l’homélie Sur les solstices, ceux-ci sont identifiés comme des mois du calendrier juif, comptés à partir de Nisan (cf. Exode 12:2), mais en même temps ils sont assimilés à des mois du calendrier solaire julien, à partir de mars. Le quatrième mois devient ainsi juin, tandis que les septième et dixième mois sont identifiés à septembre et décembre. Comme le note notre auteur, c’est à ces mois de l’année que sont traditionnellement attribués les débuts des saisons (été, automne, hiver)38.

Pour montrer que la naissance et la conception de Jésus et de son précurseur Jean-Baptiste ont eu lieu au cours de ces mois et aux tournants respectifs des saisons, l’auteur utilise la même tactique exégétique que Chrysostome en 386, en supposant que Jean avait été conçu peu après Yom Kippour (qui, ici comme dans le sermon de Chrysostome, est confondu avec Sukkot), jour où son père Zacharie était entré dans le temple pour brûler de l’encens. Dans sa version de l’argument, la conception de Jean a eu lieu le 11e jour du mois lunaire (Tishri), c’est-à-dire un jour après Yom Kippour, qui à son tour correspondrait au 24 septembre, date romaine de l’équinoxe d’automne. La naissance de Jean ainsi que la conception et la naissance de Jésus sont donc attribuées aux autres points cardinaux de l’année solaire, à savoir le solstice d’été (24 juin), l’équinoxe de printemps (25 mars) et le solstice d’hiver (25 décembre)39. Il justifie cette corrélation en citant l’Évangile de Jean (3:30), où Jean-Baptiste est cité comme ayant dit : « il [Jésus] doit croître, mais moi je dois décroître ». Le texte de l’Évangile est ici considéré comme impliquant que la naissance de Jean-Baptiste devait être assignée au jour du solstice d’été, qui marque le début de la diminution de la longueur du jour, alors que Jésus est né au solstice d’hiver, à partir duquel les jours redeviennent plus longs40.

Förster rejette fortement cet argument et insinue même que Jean Chrysostome a présenté à son auditoire antiochien un long exposé chronologique de Luc 1 tout en sachant que sa prémisse centrale – le statut de Zacharie en tant que Grand sacrificateur – était fausse41. Ce faisant, il néglige le fait que cette notion revient non seulement dans Sur les solstices et dans plusieurs textes ultérieurs utilisant des versions du même argument42, mais aussi dans le commentaire de l’Évangile de saint Ambroise43, dans les œuvres d’Ephrem et de son disciple Aba44, dans un commentaire sur Luc attribué à Epiphane45, et – le plus important – dans le Protoévangile de Jacques. Dans cet évangile de l’enfance du milieu du IIe siècle, Zacharie apparaît comme le Grand sacrificateur qui entre dans le Saint des saints pour demander conseil à Dieu après que la vierge Marie, qui avait été confiée au temple par ses parents, a atteint sa maturité46. Daniel Stökl Ben Ezra confirme que l’embellissement chronologique du récit de Luc par Chrysostome a des racines antérieures au IVe siècle. Il note que cette lecture du récit de l’Évangile aurait été une conséquence naturelle de l’imaginaire juif ancien et chrétien primitif entourant le Yom Kippour en tant que jour d’une signification théologique et eschatologique particulière47. Le manuscrit S de l’ancien syriaque fournit un autre indice possible de son origine ancienne : Zacharie « apporte » (Luc 1:9) l’encens, ce qui implique un déplacement, peut-être dans le Saint des saints (cf. Lévitique 16:12)48. Le fait que cette interprétation du récit de l’Annonciation ait des racines levantines (et probablement judéo-chrétiennes) est également indiqué par la provenance de certains des auteurs du IVe siècle qui y font référence (Ephrem et Chrysostome), ainsi que par le traité Sur les solstices, dont le latin présente des traces occasionnelles d’un substrat syriaque49. Les preuves suggèrent donc que, loin d’être une invention de la part de Chrysostome, les outils conceptuels de base pour déduire une naissance de Jésus au milieu de l’hiver à partir des données trouvées dans l’Évangile de Luc existaient déjà deux siècles avant le sermon de 386. Au lieu d’accuser Chrysostome de malhonnêteté, comme le fait Förster, il semble plus raisonnable de supposer qu’il a simplement répété un argument qui était déjà bien établi au moment où la nouvelle fête de la nativité du 25 décembre est parvenue à sa congrégation à Antioche.  

Cela dit, l’attribution de la conception de Jean-Baptiste à (peu après) Yom Kippour n’indique que la période approximative de l’année, c’est-à-dire fin septembre/début octobre, et d’autres hypothèses de base sont nécessaires pour fixer la nativité de Jésus précisément au 25 décembre. Dans ces conditions, il est difficile d’ignorer le rôle favorable que joue le 25 mars, jour de l’équinoxe de printemps, en tant que moyen d’étalonnage chronologique. Grâce à la table pascale d’Hippolyte, nous pouvons être sûrs que le 25 mars a joué un rôle important dans la chronologie chrétienne en tant que date de la crucifixion depuis au moins le début du IIIe siècle, jetant ainsi les bases d’une tradition calendaire influente dans l’Église occidentale50. Puisqu’il a été établi très tôt que Jésus est mort le 25 mars et qu’il était également supposé, sur la base du récit de l’Annonciation de Luc, qu’il était né en hiver, les premiers chrétiens auraient été tentés de réinterpréter le 25 mars comme le jour de la conception, ce qui leur aurait permis d’arriver au 25 décembre comme date de la nativité. L’attrait des 25 mars et 25 décembre –l’équinoxe de printemps et le solstice d’hiver – en tant que points cardinaux de la vie du Sauveur a naturellement été renforcé par un symbolisme solaire très répandu, qui considérait le Christ comme le « soleil de la justice » et qui est clairement présent dans des textes chronologiques tels que De pascha computus et l’ouvrage susmentionné Sur les solstices. Au solstice d’hiver, le soleil inverse sa tendance à briller de moins en moins longtemps chaque jour et la durée de la lumière du jour recommence à augmenter. À l’équinoxe de printemps, la durée du jour et de la nuit s’équilibrent et, peu après, la lumière du jour dépasse pour la première fois l’obscurité de la nuit. Ces deux dates expriment donc bien la victoire de la lumière sur les ténèbres51

4.    Julius Africanus et le 25 mars 

Alors que la tradition de l’Église occidentale associait le 25 mars à la crucifixion de Jésus, les sources orientales le considéraient plus communément comme la date de la résurrection en conjonction avec l’année 31 de notre ère52. Le premier témoin connu de cette affirmation, proposée avec force par Venance Grumel et récemment confirmée par Alden Mosshammer, sont les Chronographiae de Julius Africanus (vers 221), un ouvrage influent, mais malheureusement perdu, qui n’est pas mentionné dans les études de Förster53. Les chercheurs ont travaillé dur pour reconstituer le contenu des Chronographiae à partir des fragments restants, dont beaucoup sont conservés dans les œuvres d’Eusèbe de Césarée et dans la chronique byzantine du IXe siècle de Georgius Syncellus54.

Grâce à ces fragments, nous savons qu’Africanus a compté cinq millénaires et demi entre la création d’Adam et l’incarnation de Jésus-Christ, ce qui signifie qu’il a daté ces derniers événements de l’annus mundi ou AM 550155. De plus, la date de la résurrection du Christ coïncidait avec le début d’une nouvelle année mondiale, comme le montre le fait qu’Africanus a placé la crucifixion en 5531 AM, alors que la résurrection, deux jours plus tard, appartient déjà à l’année 5532 AM. En même temps, il a daté ces deux événements de la deuxième année de la 202e olympiade, ce qui correspond au printemps de l’an 31 de notre ère. Cette année-là, le 25 mars tombait un dimanche, le jour de la semaine de la résurrection56. Mosshammer a fait l’observation importante que la chronique d’Africanus était structurée par des intervalles de multiples de 19, ce qui conforte l’hypothèse de Grumel selon laquelle il aurait utilisé un cycle de calendrier lunisolaire de 19 ans pour calculer l’âge de la lune à certaines dates. En 31 de notre ère, le 25 mars aurait été proche de la pleine lune, conformément à la chronologie de la Passion57.

Le fait qu’Africanus ait commencé une nouvelle année cosmique à partir de la résurrection indique donc qu’il comptait les années du monde à partir du 25 mars, qui était un mercredi de l’année 5501 avant notre ère, l’année de la création selon Africanus. Il semblerait donc qu’il ait structuré sa chronique autour de la date du 25 mars, parce qu’il était satisfait de la correspondance entre la résurrection et le quatrième jour de la création, où le soleil et la lune ont commencé leur course (ce qui fait de ce jour le début du temps calendaire)58. S’il a compté exactement 5500 ans entre la création et l’incarnation divine, cela signifie que le 25 mars était aussi la date exacte de ce dernier événement, appelé sarkosis dans le texte, c’est-à-dire vraisemblablement la conception du Christ dans le ventre de la mère. Si tel est le cas, alors Africanus a au moins implicitement placé la naissance de Jésus à l’hiver suivant, peut-être même au 25 décembre59.

Si les spécificités de la chronologie d’Africanus restent un sujet de spéculation, nous pouvons nous engager sur un terrain plus ferme en ce qui concerne la réception et la modification de son travail par les écrivains orientaux ultérieurs. La date de la résurrection, le 25 mars, a continué à jouer un rôle crucial dans le système chronologique sous-jacent à la chronique perdue du moine alexandrin Annianus (vers 400), qui a ensuite servi de modèle au travail de Georgius Syncellus, lesuel a écrit sa chronique vers 810. Selon Annianus/Syncellus, le monde a été créé le dimanche 25 mars, tandis que Jésus s’est incarné dans le ventre de sa mère 5500 ans plus tard, le lundi 25 mars 5501 AM, et est ressuscité des morts le dimanche 25 mars 5534 AM. Comme on l’a supposé pour la chronique d’Africanus, le système d’Annianus utilisait donc le 25 mars comme date de référence pour compter les années du monde60. Bien entendu, il attribue également la nativité au 25 décembre61. Un autre point de correspondance notable entre les deux sources chronographiques réside dans le fait qu’elles datent l’incarnation et la naissance du Christ à l’an 5501. Cependant, alors qu’Africanus avait attribué à Jésus une durée de vie de 31 ans seulement, Annianus a ajouté deux années supplémentaires, datant la crucifixion à l’an 5533 AM et la résurrection au début de 5534 AM. Syncellus, paraphrasant probablement Annianus, reproche expressément à Africanus son « erreur » de deux ans62, mais il ne mentionne jamais aucune divergence entre lui et son prédécesseur en ce qui concerne les dates calendaires de la conception et de la résurrection du Christ. Il n’est pas possible de démontrer avec certitude qu’Africanus est à l’origine d’une nativité au 25 décembre, mais les preuves sont telles que cette possibilité doit être prise très au sérieux. Dans ce cas, la date de Noël remonterait en fin de compte aux mêmes racines que celles qui ont donné naissance aux diverses dates de crucifixion courantes dans l’Antiquité tardive : des conjectures savantes, fondées sur des calculs calendaires et des raisonnements chronologiques. 

5.    Conclusion 

Comme l’ont montré les réflexions qui précèdent, il existe une quantité substantielle de preuves chronologiques qui doivent être prises en considération lors de l’étude des origines de la date de Noël, mais qui sont trop souvent ignorées ou rejetées par les partisans de théories alternatives. Il est indéniable qu’il existait au sein de la chrétienté du IIIe siècle une tradition vivante d’érudition et de spéculation chronologiques, qui contenait tous les outils à partir desquels – en principe – une commémoration de la naissance du Christ le 25 décembre aurait pu être construite. Comme cela devrait être clair, ce type de raisonnement n’était pas un exemple d’ « acrobatie mentale à couper le souffle », mais un simple mélange de raisonnement typologique et chronologique, qui est caractéristique de la littérature chrétienne primitive. Pace Förster, rien ne nous empêche de prendre en considération le fait que les érudits chrétiens ont pu appliquer ce type de raisonnement pour placer la naissance du Christ au 25 décembre, une date attrayante en raison de son symbolisme solaire, bien avant que Noël ne soit effectivement institué comme fête au IVe siècle. Qu’il en soit ainsi ou qu’au contraire l’influence païenne ait joué un rôle plus que secondaire, il est impossible de le dire avec le recul, à moins que d’autres preuves ne viennent s’y ajouter. Cette conclusion est d’autant plus désolante que certaines versions simplifiées de la THR sont aujourd’hui diffusées avec une grande confiance, tant dans les universités que dans le discours public63. L’une des plus grandes vertus de la recherche historique est sa capacité à remettre en question nos certitudes, trop souvent fondées sur le folklore. Si cet essai a pu ébranler ces certitudes dans le cadre du débat sur les origines de Noël, il aura rempli sa mission. 

Notes 

  1. La littérature sur les origines de Noël est très abondante. Pour des introductions utiles, voir Hermann Usener, Das Weihnachtsfest (Bonn : Bouvier3, 1969 [11889]) ; Heinrich Kellner, Heortologie (Fribourg-en-Brisgau : Herder3, 1911) 96-118 ; Bernard Botte, Les origines de la Noël et de l’Épiphanie : Étude historique (Louvain : Abbaye du Mont César, 1932) ; Anselm Strittmatter, « Christmas and the Epiphany : Origins and Antecedents », Thought 17 (1942) 600626 ; Hieronymus Frank, « Frühgeschichte und Ursprung des römischen Weihnachtsfestes im Lichte neuerer Forschung », Archiv für Liturgiewissenschaft 2 (1952), p. 1-24 ; Leonard Fendt, « Der heutige Stand der Forschung über das Geburtsfest Jesu am 25. XII und über Epiphanias », Theologische Literaturzeitung 78 (1953), p. 1-10 ; Susan K. Roll, Toward the Origins of Christmas, Liturgia Condenda, p. 5 (Leuven : Peeters, 1995) ; Ead, « The Debate on the Origins of Christmas », Archiv für Liturgiewissenschaft 40 (1998), p. 1-16 ; Hans Förster, Die Feier der Geburt Christi in der Alten Kirche : Beiträge zur Erforschung der Anfänge des Epiphanie- und Weihnachtsfestes (Tübingen : Mohr Siebeck, 2000) ; Ronald Hutton, The Stations of the Sun : A History of the Ritual Year in Britain (Oxford : Oxford University Press, 1996), p. 1-8 ; Martin Wallraff, Christus Verus Sol : Sonnenverehrung und Christentum in der Spätantike (Münster: Aschendorff, 2001), p. 174-195. Les abréviations suivantes sont utilisées tout au long de l’article : CCSL = Corpus Christianorum. Series Latina ; CSCO = Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium ; CSEL = Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum ; GCS = Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte ; GCS-NF = Die griechischen … Jahrhunderte, Neue Folge ; PG = Patrologiae cursus completus. Série grecque ; PL = Patrologiae… Série latine ; SC = Sources chrétiennes. Les recherches pour cet article ont été rendues possibles par le projet de recherche financé par le Leverhulme Trust « Textes médiévaux du calendrier chrétien et juif », hébergé par l’University College London sous la supervision du professeur Sacha Stern. ↩︎
  2. Le mot « théorie » semble mieux rendre compte de la fonction explicative de ce point de vue que l’hypothèse de l' »histoire des religions » (ou « hypothèse de calcul »), souvent utilisée, qui met trop l’accent sur l’incertitude inhérente à la quasi-totalité des jugements historiques. ↩︎
  3. Pour les éditions des passages pertinents, voir Theodor Mommsen (ed.), Chronica minora saec. IV. V. VI. VII, vol. 1 (Berlin : Weidmann, 1892) 71-72, et id. (éd.), Inscriptiones Latinae Antiquissimae, vol. 1 (Berlin : de Gruyter2, 1893) 278. L’authenticité des entrées du chronographe pour « Noël » a été contestée. Voir plus récemment Hans Förster, « Die beiden angeblich ‘ältesten Zeugen’ des Weihnachtsfestes », Archiv für Liturgiewissenschaft 42 (2000), p. 29-40 ; Förster, Die Feier, p. 95-103 ; Wolfgang Wischmeyer, « Die christlichen Texte im sogenannten Filocalus-Kalender », Textsorten und Textkritik, ed. Adolf Primmer, Kurt Smolak et Dorothea Weber (Vienne : Österr. Akad. d. Wiss., 2002) 45-57 ; Claudio Gianotto, « L’origine de la fête de Noël au IVe siècle », La Nativité et le temps de Noël : Antiquité et Moyen Âge, éd. Jean-Paul Boyer et Gilles Dorival (Aix-en-Provence : Publications de l’Université de Provence, 2003) 6579, p. 67-68. Des arguments en faveur de l’authenticité sont avancés par Józef Naumowicz, « La Calendrier de 354 et la fête de Noël », Palamedes 2 (2007), p. 173-188 ; Alexander Zerfass, Mysterium mirabile : Poesie, Theologie und Liturgie in den Hymnen des Ambrosius von Mailand zu den Christusfesten des Kirchenjahres (Tübingen : Franke, 2008), p. 62-63, n. 286. A propos du contexte, voir Richard W. Burgess, « The Chronograph of 354: Its Manuscripts, Contents, and History », Journal of Late Antiquity 5 (2012), p. 345-396. ↩︎
  4. Ferdinand Piper, « Der Ursprung des Weihnachtsfestes und das Datum der Geburt Christi », Evangelischer Kalender : Siebenter Jahrgang (Berlin : Wiegandt und Grieben, 1856), p. 41-56. La contribution de Piper n’est, pour une raison quelconque, jamais citée dans la littérature, où l’invention de la CT est généralement attribuée à Louis Duchesne, Origines du culte chrétien : Étude sur la liturgie latine avant Charlemagne (Paris : Thorin, 1889), p. 247-254. Voir également Hieronymus Engberding, « Der 25. Dezember als Tag der Feier der Geburt des Herrn », Archiv für Liturgiewissenschaft 2 (1952), p. 25-43 ; Wilhelm Hartke, Über Jahrespunkte und Feste, insbesondere das Weihnachtsfest (Berlin : Akademie Verlag, 1956) ; August Strobel, « JahrpunktSpekulation und frühchristliches Festjahr : Ein kritischer Bericht zur Frage des Ursprungs des Weihnachtsfestes », Theologische Literaturzeitung 87 (1962), p. 183-194 ; James F. Coakley, « Typology and the Birthday of Christ on 6 January », V Symposium Syriacum, éd. René Lavenant (Rome : Pontificium Institutum Studiorum Orientalium, 1990), p. 247-256 ; Paul F. Bradshaw, The Search for the Origins of Christian Worship : Sources and Methods for the Study of Early Liturgy (Oxford : Oxford University Press, 2002), p. 187-189 ; Joseph F. Kelly, The Origins of Christmas (Collegeville, MN : Liturgical Press, 2004), p. 58-63 ; Frank C. Senn, The People’s Work : A Social History of the Liturgy (Minneapolis, MN : Fortress, 2006), p. 71-73. ↩︎
  5. Hans Förster, Die Anfänge von Weihnachten und Epiphanias : Eine Anfrage an die  Entstehungshypothesen (Tübingen : Mohr Siebeck, 2007). L’affirmation selon laquelle Natalis Invicti, le 25 décembre, était le jour de fête institué à l’origine par Aurélien en 274 est démolie avec succès par Steven Ernst Hijmans, « Sol Invictus, the Winter Solstice, and the Origins of Christmas », Mouseion, 3e série, 3 (2003), p. 377-398. Voir aussi idem, Sol : The Sun in the Art and Religions of Rome (thèse de doctorat, Université de Groningue, 2009), p. 583-595, http://dissertations.ub.rug.nl/faculties/arts/2009/s.e.hijmans. Pour un résumé de ses arguments, voir C. P. E. Nothaft, « The Origins of the Christmas Date: Some Recent Trends in Historical Research », Church History 81 (2012), p. 903-911.    ↩︎
  6. Förster, Die Anfänge, 4-7, 25-39. Voir déjà Förster, Die Feier, p. 4-88.  ↩︎
  7. Lionel Wickham, critique de Förster, Die Anfänge, dans Journal of Ecclesiastical History 60 (2009), 754-755. Parmi les autres critiques dignes d’intérêt, citons Jürgen Kaube, dans Frankfurter Allgemeine Zeitung, 24.12.2007, p. 33 ; Alexander Demandt, dans Süddeutsche Zeitung – Literatur, 24.12.2007, p. 14 ; Wolfram Kinzig, dans Theologische Literaturzeitung 134 (2009), p. 708-711 ; Katharina Heyden, dans Zeitschrift für antikes Christentum 13 (2009), p. 159-163 ; Martin Wallraff, dans Gnomon 82 (2010), p. 339-344.   ↩︎
  8. Förster, Die Anfänge, p. 306-309.  ↩︎
  9. Thomas J. Talley, The Origins of the Liturgical Year (Collegeville, MN : Liturgical Press, 1991), p. 79-155 ; idem, « Further Light on the Quartodeciman Pascha and the Date of the Annunciation », Studia Liturgica 33 (2003), p. 151-158. Förster est aussi étonnamment silencieux sur les travaux de Roger Beckwith, « St. Luke, the Date of Christmas and the Priestly Courses at Qumran », Revue de Qumran 9 (1977), p. 73-94 ; idem, Calendar and Chronology, Jewish and Christian (Leiden : Brill, 1996), p. 71-92. ↩︎
  10. Christopher Durston, « Lords of Misrule: The Puritan War on Christmas 1642-60 », History Today 35, n° 12 (1985), p. 7-14 ; Ronald Hutton, The Rise and Fall of Merry England : The Ritual Year 1400-1700 (Oxford : Oxford University Press, 1994), p. 206-217 ; Hutton, The Stations, p. 25-33. ↩︎
  11. Förster, Die Anfänge, p. 6. ↩︎
  12. Voir C. P. E. Nothaft, « From Sukkot to Saturnalia: The Attack on Christmas in Sixteenth-Century Chronological Scholarship », Journal of the History of Ideas 72 (2011), p. 503-522. ↩︎
  13. Förster, Die Anfänge, p. 6.   ↩︎
  14. Venance Grumel, La chronologie (Paris : Presses universitaires de France, 1958) ; August Strobel, Ursprung und Geschichte des frühchristlichen Osterkalenders (Berlin : Akademie Verlag, 1977) ; idem, Texte zur Geschichte des frühchristlichen Osterkalenders (Münster : Aschendorff, 1984). Voir également Philipp Harnoncourt, « Osterkomputation – Geschichtstheologie – Theologiegeschichte : Kalendarische Fragen und ihre theologische Bedeutung nach den Studien von August Strobel », Archiv für Liturgiewissenschaft 27 (1985), p. 263-272. Une importante mise à jour récente sur ces sujets est Alden A. Mosshammer, The Easter Computus and the Origins of the Christian Era (Oxford : Oxford University Press, 2008).   ↩︎
  15. Pour une discussion chronologique de ces sources, voir maintenant C. P. E. Nothaft, Dating the Passion: The Life of Jesus and the Emergence of Scientific Chronology (200-1600) (Leiden : Brill, 2012), p. 35-56. Voir aussi Marcel Richard, « Comput et chronographie chez saint Hippolyte », points 1 et 2, Mélanges de science religieuse 7 (1950), p. 237-268 ; 8 (1951), p. 19-50 ; George Ogg, The Pseudo-Cyprianic De Pascha Computus (Londres : SPCK, 1955).   ↩︎
  16. Voir Vincenzo Loi, « Il 25 Marzo data pasquale e la cronologia giovannea della passione in età patristica », Ephemerides Liturgicae 85 (1971), p. 48-69. ↩︎
  17. On a parfois supposé que genesis désignait ici la conception. Voir, par exemple, Eduard Bratke, « Die Lebenszeit Christi im Daniel-Commentar des Hippolyte », Eduard Bratke,  » Die Lebenszeit Christi im Daniel-Commentar des Hippolyte « , Zeitschrift für wissenschaftliche Theologie 35 (1892) p. 129-176, p. 146-148 ; George Salmon, « The Commentary of Hippolyte on Daniel », Hermathena 8 (1893), p. 161-190, p. 176 ; Jean Michel Hanssens, La liturgie d’Hippolyte (Rome : Pontificium Institutum Orientalium Studiorum, 1959), p. 270-279 ; Hartke, Über Jahrespunkte, p. 63-64. Bien que cela ne puisse être totalement exclu (et donnerait encore plus de poids à la TC), « naissance » semble être la traduction la plus naturelle, d’autant plus que De pascha computus, une source clairement liée à la table d’Hippolyte, parle de nativitas. Pour plus de détails, voir Förster, Die Feier, p. 25-30, 52.   ↩︎
  18. Strobel, Ursprung, p. 128-133 ; Talley, The Origins, p. 81-83. L’idée que Jésus a vécu exactement 30 ans se trouve également chez Clément d’Alexandrie, Stromata 1.145.3-4 (GCS 52, p. 90). Sur le fond, voir George Ogg, The Chronology of the Public Ministry of Jesus (Cambridge : Cambridge University Press, 1940), p. 61-149. ↩︎
  19. De pascha computus 19 (CSEL 3.3, p. 266).   ↩︎
  20. Josef Ratzinger, Der Geist der Liturgie : Eine Einführung (Fribourg-en-Brisgau : Herder3, 2000), p. 92-95. ↩︎
  21. Förster, Die Anfänge, p. 26, n. 2, se demande « pourquoi les Quartodezimaner, alors que la liaison entre Empfängnis et Kreuzigung dans une perspective terminale était si importante, sur le premier congrès ökumenischen vérifié, ont été. Il était donc important de savoir que, si l’hypothèse de Ratzinger est confirmée, les Quartodezimaner sont devenus l’organe idéal de l’Église. De même, un événement majeur de l’inauguration du 25 mars n’est pas encore intervenu. März lässt sich in keiner Weise für das 3. Jahrhundert belegen. Auch dies wäre zu erwarten, falls der Empfängnistermin wichtig geworden wäre ».   ↩︎
  22. Sur ce point, à mon avis crucial, voir aussi Strobel, « Jahrpunkt-Spekulation », p. 192-193. ↩︎
  23. Épiphane, Panarion 50.1.6-8 (GCS 31, p. 245-46) ; Talley, « Further Ligh  » ; Strobel, Ursprung, p. 370-372 ; Jill Burnett Comings, Aspects of the Liturgical Year in Cappadocia (325-430) (New York : Lang, 2005), p. 22-25. ↩︎
  24. Louis Duchesne, « La question de la Pâque au Concile de Nicée », Revue des questions historiques 28 (1880), p. 5-42 ; Avril Cameron et Stuart G. Hall (trans.), Eusebius: Life of Constantine (Oxford : Clarendon, 1999), p. 259-261. Voir également Venance Grumel, « Le problème de la date pascale aux IIIe et IVe siècles », Revue des Études Byzantines 18 (1960), p. 163-178 ; Karl Gerlach, The Antenicene Pascha: A Rhetorical History (Louvain : Peeters, 1998).   ↩︎
  25. Förster, Die Anfänge, p. 7 : « Gerade die unterschiedlichen Ansichten über die Länge einer Schwangerschaft und die in der Antike fehlende Möglichkeit, einen Empfängnistermin auch nur näherungsweise zu bestimmen, lassen wohl doch begründete Zweifel an … einer altkirchlichen Berechnung aufkommen », soit en français : « Ce sont justement les différentes opinions sur la durée d’une grossesse et l’impossibilité dans l’Antiquité de déterminer même approximativement la date de conception qui laissent planer des doutes fondés sur… un calcul de l’Église ancienne. » ↩︎
  26. Selon Duchesne, Origines, p. 252 : « [L]es fractions sont des imperfections qui ne cadrent pas avec le symbolisme des nombres ; on est toujours porté à les éliminer le plus possible. » ↩︎
  27. Voir Förster, Die Anfänge, p. 5, pour sa plainte « daß angeblich ohne erkennbaren Grund ab dem vierten Jahrhundert nur für diese eine Person [i.e. Jesus] die volle Zahl von Jahren nicht   mehr von seinem Geburtstag – wie noch im zweiten und dritten Jahrhundert  -, sondern von seiner Empfängnis an gerechnet worden sei » (n.d.t. : « qu’à partir du IVe siècle, sans raison apparente, on a commencé à compter le nombre d’années non plus à partir de la date de naissance – comme c’était encore le cas aux IIe et IIIe siècles -, mais à partir de la date de conception, et ce pour une seule personne [Jésus] »). Talley, The Origins, p. 130, concède qu’il est « difficile de savoir ce qui a incité à comprendre l’incarnation comme la conception, plutôt que la naissance, et à projeter la nativité à un point situé neuf mois plus tard ». Le parallélisme chronologique entre la conception et la Passion (toutes deux en Nisan) est déjà présupposé dans les hymnes d’Ephrem (vers p. 306-373). Voir Coakley, « Typology », p. 247-249.    ↩︎

A propos de l’auteur

Le Dr Phillip Nothaft est chercheur au collège All Souls College de l’université d’Oxford, en Angleterre. All Souls College est l’un des collèges de l’Université d’Oxford, fondé en 1438 par Henry Chichele, alors archevêque de Canterbury. Il se distingue des autres collèges d’Oxford par le fait qu’il n’accueille pas d’étudiants de premier cycle : il est entièrement dédié à la recherche et aux études avancées.

La plupart de ses recherches portent sur les discours du temps, l’astronomie/astrologie et les calendriers dans l’Europe médiévale et au début de l’ère moderne, avec un accent particulier sur les sources inédites des manuscrits latins médiévaux. Outre une série d’éditions critiques de textes datant du XIIe au XVe siècles, son projet principal actuel consiste en une histoire à grande échelle de l’amélioration du calendrier et de l’astronomie luni-solaires au Moyen Âge latin. Il espère également étendre ces recherches à la production de monographies de suivi sur l’astronomie d’observation médiévale et l’histoire de la chronologie historique.

Il peut être contacté à l’adresse courriel suivante : philipp.nothaft@all-souls.ox.ac.uk.

Parcours académique

  • Chercheur, Université d’Oslo (à partir de 2023)
  • Chercheur associé, Trinity College Dublin (de 2021 à 2023)
  • Fellow de cinquante livres, All Souls College (à partir de 2021)
  • Chercheur postdoctoral, All Souls College (de 2015 à 2020)
  • Chercheur associé à long terme, The Warburg Institute, Londres (de 2013 à 2015)
  • Chercheur associé, University College London (de 2011 à 2013)
  • Boursière Buber, Société des boursiers en sciences humaines Martin Buber, Université hébraïque de Jérusalem (de 2010 à 2011)
  • Études de premier et deuxième cycles, Université de Munich (de 2003 à 2011)

Thématiques de recherche

  • Histoire intellectuelle européenne et histoire des sciences (moyen-âge / début des temps modernes)
  • Histoire de l’astronomie / de l’astrologie
  • Chronologie, calendriers et systèmes de datation

Publications sélectionnées

  • Graeco-Arabic Astronomy for Twelfth-Century Latin Readers (Leyde : Brill, 2023).
  • The Cistercian Hermann Zoest’s Treatise on Leavened and Unleavened Bread (De fermento et azimo) : Oecumenism, Exegesis, and Science at the Council of Basel. Publié sous la direction de C. Philipp E. Nothaft et Christopher D. Schabel (Louvain : Peeters, 2022).
  • Un chronologiste et critique d’astrologie du XIVe siècle : le Traité sur le temps de l’Annonciation, de la Nativité et de la Passion du Seigneur d’Heinrich Selder (Oxford : Oxford University Press, 2022).
  • Peter de Rivo : On Chronology and the Calendar. Édité et présenté par Matthew S. Champion, Serena Masolini et C. Philipp E. Nothaft (Louvain : Leuven University Press, 2020).
  • Robert Grosseteste’s Compotus. Édité et traduit par Alfred Lohr et C. Philipp E. Nothaft (Oxford : Oxford University Press, 2019).
  • Scandalous Error: Calendar Reform and Calendrical Astronomy in Medieval Europe (Oxford : Oxford University Press, 2018).
  • Walcher of Malvern: « De lunationibus » et « De Dracone » ; étude, édition, traduction et commentaire (Turnhout : Brepols, 2017).
  • Medieval Latin Christian Texts on the Jewish Calendar: A Study with Five Editions and Translations (Leyde : Brill, 2014).
  • Dating the Passion: the Life of Jesus and the Emergence of Scientific Chronology (200–1600) (Leyde : Brill, 2012).

Source : Dr Philipp Nothaft | All Souls College