Problème n° 4 pour l’évolution : la sélection naturelle peine à fixer des caractéristiques avantageuses dans les populations.
Par Casey Luskin
23 juillet 2020
Bienvenue dans le Top 10 des problèmes scientifiques liés à l’évolution biologique et chimique.
Note de l’éditeur : Il s’agit de la quatrième partie d’une série de dix articles basés sur le chapitre de Casey Luskin, « Les dix principaux problèmes scientifiques liés à l’évolution biologique et chimique« , du livre More than Myth, édité par Paul Brown et Robert Stackpole (Chartwell Press, 2014.) Le chapitre complet peut être consulté en ligne ici. Les autres chapitres individuels peuvent être consultés ici : Problème 1, Problème 2, Problème 3, Problème 4, Problème 5, Problème 6, Problème 7, Problème 8, Problème 9, Problème 10, Problème supplémentaire.
En 2008, seize biologistes du monde entier se sont réunis à Altenberg, en Autriche, pour discuter des problèmes liés au modèle néodarwinien moderne de l’évolution. La revue Nature a fait un compte rendu de cette conférence « Altenberg 16 », en citant des scientifiques de premier plan qui ont dit des choses telles que :
- « [L]’origine des ailes et la conquête de la terre ferme … sont des choses dont la théorie de l’évolution nous a peu parlé49. »
- « L’on ne peut pas nier la force de la sélection dans l’évolution génétique… mais à mon avis, elle stabilise et affine les formes qui proviennent d’autres processus. »
- « La synthèse moderne est remarquablement bonne pour modéliser la survie du plus apte, mais pas pour modéliser l’arrivée du plus apte. »
Dans l’article traitant du problème n° 3 de l’évolution, nous avons appris que les mutations ne peuvent pas générer de nombreuses caractéristiques complexes dans les organismes vivants sur des échelles de temps évolutives raisonnables. Mais les mutations ne sont qu’une partie du mécanisme évolutif conventionnel – il y a aussi la sélection naturelle. Et non seulement l’évolution darwinienne ne parvient pas à expliquer l' »arrivée du plus fort » par des mutations, mais de plus elle a souvent du mal à expliquer la « survie du plus fort » par la sélection naturelle.
Les biologistes évolutionnistes supposent souvent qu’une fois que les mutations produisent un caractère fonctionnellement avantageux, celui-ci se diffusera facilement (deviendra « fixe ») au sein de toute une population par la sélection naturelle. Par exemple, imaginez une population de renards à poil brun qui vit dans une région enneigée. Un renard naît avec une mutation qui rend son pelage blanc plutôt que brun. Ce renard a désormais un avantage lui permettant de chasser ses proies et d’échapper aux prédateurs, car sa fourrure blanche lui permet de se camoufler dans l’environnement neigeux. Le renard blanc survit et transmet ses gènes à sa progéniture, qui est également capable de survivre et de se reproduire. Au fil du temps, la caractéristique du poil blanc se diffuse dans toute la population.
C’est ainsi que cela est censé fonctionner – en théorie. Dans le monde réel, cependant, le simple fait de générer un caractère fonctionnellement avantageux ne garantit pas qu’il persistera, ni qu’il se fixera. Par exemple, que se passerait-il si par hasard le renard blanc trébuchait, se cassait une patte et se faisait dévorer par un prédateur – sans jamais transmettre ses gènes ? Des forces ou des événements aléatoires peuvent empêcher un caractère de se propager au sein d’une population, même s’il procure un avantage. Ces forces aléatoires sont regroupées sous le nom de « dérive génétique ». Lorsque les biologistes effectuent des calculs mathématiques sur la sélection naturelle, ils constatent qu’à moins qu’un caractère ne procure un avantage sélectif extrêmement fort, la dérive génétique aura tendance à supplanter la force de la sélection et à empêcher les adaptations de se fixer au sein d’une population.
Ce problème sous-estimé a été reconnu par certains scientifiques évolutionnistes qui sont sceptiques quant à la faculté de la sélection naturelle d’être le moteur du processus évolutif. L’un de ces scientifiques est Michael Lynch, biologiste évolutionniste de l’université de l’Indiana, qui écrit que « la dérive génétique aléatoire peut constituer un obstacle important à l’avancement d’affinements moléculaires par des processus adaptatifs50. » Il note que l’effet de la dérive « renforce la fixation de mutations légèrement délétères et affaiblit la promotion de mutations bénéfiques51. » De même, Eugene Koonin, un scientifique de premier plan des National Institutes of Health, explique que la dérive génétique conduit à « la fixation aléatoire de changements neutres ou même délétères52. »
Redondance complexe
Selon Lynch, il existe de nombreux systèmes cellulaires qui favorisent la survie, mais qui sont redondants. Par conséquent, ils servent de mécanismes de secours qui ne sont utilisés que lorsqu’un système primaire hautement efficace est défaillant. Comme ils ne sont que rarement utilisés, ces systèmes ne sont qu’occasionnellement exposés au filtre de la sélection. Pourtant, ces systèmes peuvent être extrêmement complexes et efficaces. Comment un système qui n’est que rarement utilisé ou dont on n’a besoin qu’occasionnellement peut-il évoluer vers un niveau de complexité aussi élevé et efficace ? Après avoir observé les nombreuses « couches » de mécanismes cellulaires complexes qui interviennent dans des processus comme la réplication de l’ADN, Lynch pose une question cruciale :
« Bien que ces lignes de défense organisées en couches soient clairement avantageuses et dans de nombreux cas essentielles à la santé des cellules, parce que l’émergence simultanée de tous les constituants d’un système n’est pas plausible, plusieurs questions se posent immédiatement. Comment la sélection peut-elle favoriser l’établissement de couches supplémentaires de mécanismes améliorant la valeur sélective si les lignes de défense primaires établies sont déjà très élaborées ?53«
Selon Lynch, la sélection naturelle n’est pas à la hauteur de la tâche. Dans un article publié en 2007 dans les Proceedings of the U.S. National Academy of Sciences et intitulé « The fragilty of adaptive hypotheses for the origins of organismal complexity », il explique que parmi les biologistes évolutionnistes, « ce qui pose question est de savoir si la sélection naturelle est une force nécessaire ou suffisante pour expliquer l’émergence des caractéristiques génomiques et cellulaires essentielles à la construction d’organismes complexes54. » Dans un langage similaire, un article de la revue Theoretical Biology and Medical Modelling conclut qu’
« il est important pour les biologistes d’évaluer de manière réaliste ce que la sélection peut et ne peut pas faire dans diverses circonstances. La sélection peut ne pas être nécessaire ni suffisante pour expliquer de nombreuses caractéristiques génomiques ou cellulaires d’organismes complexes55. »
Lynch énonce clairement son point de vue :
« il n’y a pas de preuves empiriques ni théoriques convaincantes de ce que la complexité, la modularité, la redondance ou d’autres caractéristiques des voies génétiques sont favorisées par la sélection naturelle56. »
Damné si vous faites appel à la sélection, damné si vous ne le faites pas
Cependant, à la place de la sélection naturelle, les biologistes évolutionnistes comme Lynch proposent une dérive génétique aléatoire comme explication de l’origine des caractéristiques biologiques complexes. Selon Lynch, « de nombreux aspects de la complexité aux niveaux génomique, moléculaire et cellulaire chez les espèces multicellulaires sont susceptibles d’avoir leur origine dans ces forces non adaptatives, qui ne représentent guère plus que des résultats passifs5… » Mais il reconnaît que ces « forces non adaptatives de l’évolution sont de nature stochastique58. »
Stochastique, bien sûr, signifie aléatoire. Une force strictement aléatoire – qui n’a aucune raison de préserver les caractéristiques qui pourraient présenter un certain avantage – peut-elle expliquer les caractéristiques biologiques très complexes – comme la réplication de l’ADN ou la bioluminescence – qui semblent être finement réglées pour remplir des fonctions biologiques utiles ? La biologiste Ann Gauger est sceptique quant à l’explication de Lynch, car elle observe qu’il « n’explique pas comment des forces non adaptatives peuvent produire la complexité génomique et organisationnelle fonctionnelle que nous observons chez les espèces modernes59. » Jerry Coyne souligne également la grande faiblesse des recours à la dérive génétique :
« La dérive et la sélection naturelle produisent toutes deux des changements génétiques que nous reconnaissons comme une évolution. Mais il y a une différence importante. La dérive est un processus aléatoire, tandis que la sélection est l’antithèse du hasard… En tant que processus purement aléatoire, la dérive génétique ne peut pas provoquer l’évolution des adaptations. Elle ne pourrait jamais construire une aile ni un œil. Il faut pour cela une sélection naturelle non aléatoire. Ce que la dérive peut faire, c’est provoquer l’évolution de caractéristiques qui ne sont ni utiles ni nuisibles à l’organisme60. »
Coyne poursuit son observation :
« L’influence de ce processus sur un changement évolutif important est cependant probablement mineure, car il n’a pas le pouvoir de modelage de la sélection naturelle. La sélection naturelle reste le seul processus capable de produire une adaptation61. »
Mais, dans un sens, Lynch reconnaît lui-même que « la dérive génétique non seulement n’a pas la puissance de créer des adaptations, mais peut en fait dominer la sélection naturelle62. »
Le débat sur la question de savoir si c’est si la sélection naturelle ou la dérive génétique qui a le plus d’influence dans l’évolution va sans aucun doute se poursuivre. Mais il y a peu de raisons de croire, quel que soit le camp qui l’emportera dans ce débat, qu’une solution matérialiste viable soit proposée. La biologie évolutive se trouve aujourd’hui dans une impasse :
- La sélection naturelle est un mécanisme trop inefficace pour surmonter les forces aléatoires et fixer le type d’adaptations complexes que nous observons au sein des populations, car elle est facilement dominée par des forces aléatoires comme la dérive génétique.
- La vie est pleine d’adaptations très complexes et efficaces, mais la dérive génétique aléatoire n’offre aucune raison valable de croire que de telles caractéristiques auront une raison de se produire.
En substance, la dérive génétique revient à invoquer le mécanisme de « mutations-sélection », mais sans tenir compte de l’ensemble de la sélection. Cela assujettit la dérive à toutes les difficultés que nous avons vues dans le problème n° 3, où les mutations aléatoires étaient incapables de construire des caractéristiques biochimiques comme des protéines fonctionnelles, ou de simples interactions protéine-protéine, parce que de multiples mutations coordonnées étaient nécessaires pour produire ces caractéristiques. En l’absence de sélection, il n’y a aucune raison que les mutations aléatoires seules – c’est-à-dire la dérive génétique – produisent quoi que ce soit d’utile.
Malheureusement, le public est rarement sensibilisé à ces problèmes ou à ce débat. Selon Lynch, la sélection naturelle est généralement présentée comme un mécanisme « tout puissant (sans aucune preuve directe)63 » qui peut créer des caractéristiques biologiques complexes. Il avertit que « le mythe selon lequel toute l’évolution peut être expliquée par l’adaptation continue à être perpétué par notre hommage continuel rendu au traité de Darwin dans la littérature de vulgarisation64. » La réalité est que ni les forces non aléatoires comme la sélection naturelle ni les forces aléatoires comme la dérive génétique ne peuvent expliquer l’origine de nombreuses caractéristiques biologiques complexes.
Source : https://www.discovery.org/a/24041/#problem3
L’article original en anglais a été publié sur Evolution News à l’adresse https://www.discovery.org/a/24041/#fn142 le 20 février 2015 et a été traduit en français et republié sur Bible & Science Diffusion avec autorisation.
Références :
49 Scott Gilbert, Stuart Newman et Graham Budd cités dans John Whitfield, « Biological theory : L’évolution postmoderne ? » Nature, 455:281-284 (17 septembre 2008.)
50 Michael Lynch, « Evolutionary layering and the limits to cellular perfection », Proceedings of the U.S. National Academy of Sciences, www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1216130109 (2012.)
51 Michael Lynch, « The frailty of adaptive hypotheses for the origins of organismal complexity », Proceedings of the U.S. National Academy of Sciences, 104:8597-8604 (15 mai 2007.)
52 Eugene V. Koonin, « Darwinian evolution in the light of genomics », Nucleic Acids Research (2009):1-24, doi:10.1093/nar/gkp089
53 Ibid.
54 Michael Lynch, « The frailty of adaptive hypotheses for the origins of organismal complexity », Proceedings of the U.S. National Academy of Sciences, 104:8597-8604 (15 mai 2007.)
55 Chase W. Nelson et John C. Sanford, « The effects of low-impact mutations in digital organisms », Theoretical Biology and Medical Modelling, 8:9 (2011.)
56 Michael Lynch, « The evolution of genetic networks by non-adaptive processes », Nature Reviews Genetics, 8:803-813 (octobre 2007.)
57 Ibid.
58 Michael Lynch, « The frailty of adaptive hypotheses for the origins of organismal complexity », Proceedings of the U.S. National Academy of Sciences, 104:8597-8604 (15 mai 2007.)
59 Ann Gauger, « The Frailty of the Darwinian Hypothesis, Part 2 », Evolution News & Views (14 juillet 2009), sur http://www.evolutionnews.org/2009/07/the_frailty_of_the_darwinian_h_1022911.html.
60 Jerry A. Coyne, Why Evolution is True, p. 123 (Viking, 2009.)
61 Ibid, p. 13.
62 Ibid, p. 124.
63 Michael Lynch, « The frailty of adaptive hypotheses for the origins of organismal complexity », Proceedings of the U.S. National Academy of Sciences, 104 : 8597-8604 (15 mai 2007.)
64 Ibid.
A propos de Casey Luskin
Casey Luskin est scientifique et avocat, et titulaire de diplômes d’études supérieures en sciences et en droit. Il a obtenu une licence et une maîtrise en sciences de la terre à l’université de Californie à San Diego, où il a beaucoup étudié la géologie et l’évolution, tant au niveau du premier que du deuxième cycles. Sa thèse de maîtrise portait sur le paléomagnétisme de la plaine de la rivière Snake dans le Sud de l’Idaho.
Depuis 2005, il est avocat agréé en Californie, après avoir obtenu un diplôme de droit à la faculté de droit de l’université de San Diego, où ses études ont porté sur le droit du Premier amendement de la Constitution, le droit de l’éducation et le droit de l’environnement. Il a également mené des recherches géologiques à la Scripps Institution for Oceanography.
En 2001, il a cofondé le centre IDEA (Intelligent Design and Evolution Awareness), une organisation à but non lucratif qui aide les étudiants dans leurs recherches sur le dessein intelligent (ID) en créant des « clubs IDEA » sur les campus des universités et des lycées du monde entier.
De 2005 à 2015, il a travaillé pour le Centre pour la science et la culture du Discovery Institute, d’abord comme responsable de programme en politique publique et affaires juridiques (2005-2010), puis comme coordinateur de recherche (2011-2015.) Dans ces fonctions, il a aidé et défendu des scientifiques, des éducateurs et des étudiants qui cherchaient à étudier, effectuer des recherches et enseigner librement sur le débat scientifique concernant l’évolution et l’identité néodarwiniennes. Comme expliqué sur son site personnel, au 31 décembre 2015, il ne travaille plus comme membre du personnel du Discovery Institute car il a pour objectif de poursuivre ses études.
Certaines de ses publications sont parues dans des revues techniques de droit et de sciences et dans d’autres revues spécialisées, notamment le Journal of Church and State ; la Montana Law Review ; la Hamline Law Review ; la Liberty University Law Review ; la University of St. Thomas Journal of Law & Public Policy ; et Geochemistry, Geophysics, and Geosystems (G3.) Il a également coécrit ou contribué à de nombreux ouvrages.
Il s’intéresse tout particulièrement à la géologie, à l’enseignement des sciences, aux origines biologiques et à la protection de l’environnement.
Formation :
- Doctorat en droit, Université de San Diego.
- Maîtrise en sciences de la terre, Université de Californie, San Diego.
- Licence en sciences de la terre, université de Californie, San Diego.
Affiliations professionnelles passées et/ou présentes :
- Barreau de Californie.
- Association américaine pour l’avancement de la science.
- Association du barreau américain.
- Union géophysique américaine.
- Société scientifique chrétienne.
- Société juridique chrétienne.
- American Scientific Affiliation.